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14/06/2023 | FRANCE | N°21PA06650

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 14 juin 2023, 21PA06650


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA BNP Paribas a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge d'une somme totale, en droits et majorations de 246 160 121 euros dont 147 444 922 euros au titre de l'impôt sur les sociétés et de la contribution sociale à l'impôt sur les sociétés des exercices 2009 et 2010, 41 764 931 euros au titre de l'impôt sur les sociétés, la contribution sociale à l'impôt sur les sociétés et la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés de l'exercice 2011, 23 395 182

euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée des années 2008 à 2010, 1 907 843...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SA BNP Paribas a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge d'une somme totale, en droits et majorations de 246 160 121 euros dont 147 444 922 euros au titre de l'impôt sur les sociétés et de la contribution sociale à l'impôt sur les sociétés des exercices 2009 et 2010, 41 764 931 euros au titre de l'impôt sur les sociétés, la contribution sociale à l'impôt sur les sociétés et la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés de l'exercice 2011, 23 395 182 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée des années 2008 à 2010, 1 907 843 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée de l'année 2013, 1 046 676 euros au titre de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) des exercices 2009 et 2010, 26 006 986 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée et de la taxe sur les salaires de l'année 2011 et 4 593 581 euros au titre des mêmes taxes pour l'année 2012.

Par un jugement n° 1900130/1 du 28 octobre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir constaté un non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance, a déchargé la SA BNP Paribas, en droits et majorations, des cotisations d'impôt sur les sociétés, de contributions sociales et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises correspondant à la réintégration d'intérêts non versés par sa succursale italienne pour les années 2009, 2010 et 2011, ainsi que d'un montant de 24 175 326 euros de pénalités au titre des exercices 2009 et 2010, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 28 décembre 2021, 11 février 2022, 27 juillet 2022, et 28 septembre 2022, la SA BNP Paribas, représentée par Me Laurent Olléon, demande à la Cour, dans le dernier état de ses conclusions :

1°) d'annuler le jugement du 28 octobre 2021 du Tribunal administratif de Montreuil en ce qu'il lui est défavorable ;

2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2009 à 2013 et qui demeurent en litige, à l'exception des compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour un montant total de 311 371 euros en droits, ainsi que des intérêts de retard y afférents ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen selon lequel l'abus du régime des sociétés mères, s'il était caractérisé, ne pourrait avoir pour conséquence que la remise en cause de l'exonération des dividendes distribués, ni au moyen tiré de l'absence de variation de l'actif net du bilan du premier exercice non prescrit ;

- le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré du caractère d'opérations complexes uniques des prestations rendues par le département Corporate Finance ;

En ce qui concerne la prescription :

- les rehaussements au titre de l'exercice 2010 sont partiellement prescrits en application de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales, l'administration ne pouvant revoir à la hausse, dans la réponse aux observations du contribuable, le montant des rectifications en base qui avaient été initialement proposées au titre de l'exercice 2010 ;

En ce qui concerne la régularité de l'avis de mise en recouvrement :

- les avis de mise en recouvrement ne comportent ni référence au code général des impôts, ni indication de la base légale des rehaussements, méconnaissant les prévisions des doctrines référencées BOI-REC-PREA-10-10-20 du 12 septembre 2012 et du 17 juillet 2015 ;

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

- les opérations en cause ne sauraient être regardées comme constitutives d'un montage artificiel ;

- elles ne sauraient être regardées comme tendant à une application littérale du régime mère-fille à l'encontre des objectifs poursuivis ;

- elle n'a, à aucun moment au cours des exercices 2009 et 2010, fait application des dispositions du a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts déterminant le régime d'imposition à taux réduit des plus-values à long terme sur titres de participation ;

- dès lors qu'elle n'a pas, en 2010, perçu de dividendes à raison de sa participation au capital de BOW, elle n'a pu opter pour l'application du régime des sociétés mères ; un redressement relatif aux opérations litigieuses sur le terrain de l'abus de droit ne pourrait, en tout état de cause, concerner que l'application des articles 145 et 216 du code général des impôts au titre de l'exercice 2009 ;

- elle ne saurait se voir reprocher un abus de droit dès lors que sa charge fiscale n'a pas été réduite par les opérations liées à BWC ;

- dès lors qu'elle avait choisi la voie d'une opération en capital, elle aurait pu alternativement, à conditions financières prédéterminées, opter pour une augmentation de capital suivie neuf ans plus tard d'une réduction de capital, ou souscrire à des actions remboursables au bout de neuf ans, voies dans lesquelles le régime mère-fille aurait tout autant pu s'appliquer ;

- à les supposer érosives, ces opérations n'ont pour autant pas de motivation fiscale exclusive ;

- à supposer que les opérations litigieuses puissent être requalifiées, sur le terrain de l'abus de droit, en prêts accordés à la société BWC, celle-ci ayant remis à la société BNP Paribas des titres de la société BOW en garantie du remboursement de ces prêts, l'imposition en France n'en demeure pas moins exclue ;

- un abus du régime des sociétés mères ne peut aboutir qu'à une remise en cause de l'exonération des dividendes prévue par ce régime ; par conséquent, à supposer qu'un abus de droit soit caractérisé, le service pouvait seulement inclure l'intégralité des dividendes versés par la société BOW en lieu et place de la quote-part de frais et charges de 5 % dans le résultat taxable de BNP Paribas au titre de l'exercice 2009 ;

- il n'y a aucune variation positive d'actif net à constater ;

- les dispositions du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts seraient-elles applicables, elles supposent l'existence, non démontrée au cas particulier, d'une omission comptable qui aurait été commise par BNP Paribas ;

- le raisonnement du service implique nécessairement l'existence d'une prime de remboursement et une telle prime ne compte pas parmi les valeurs d'actifs ; le 4 bis de l'article 38 du code général des impôts ne pouvait pas trouver application ;

- les dispositions de l'article 238 septies E du code général des impôts sont applicables et font obstacle à la constatation d'intérêts linéaires au cours des exercices prescrits ;

- l'application, à l'exercice 2011, de la méthodologie appliquée par le service pour procéder aux rectifications des exercices 2009 et 2010 au titre du prétendu abus de droit, aurait dû conduire à un rehaussement inférieur, la différence s'établissant à un montant de 10 646 122 euros en base ;

- une réclamation a été déposée au titre de l'exercice 2011 ;

- l'administration s'est fondée à tort sur l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dès lors qu'elle n'a écarté aucun acte ;

- aucune règle ne s'opposait aux dispositifs hybrides à l'époque des faits ;

En ce qui concerne la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

- l'administration ne pouvait procéder à des rehaussements de base concernant la CVAE sur le seul fondement des rehaussements de base à l'impôt sur les sociétés ;

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

- les commissions de succès rémunèrent des opérations de négociation sur titres, exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en application du e du 1° de l'article 261 C du code général des impôts ;

- le département Corporate Finance de BNP Paribas rend des prestations distinctes répondant à la définition des opérations de négociation sur titres ;

- subsidiairement, il pourrait être considéré que BNP Paribas réalise des opérations complexes uniques au sein desquelles la prestation de conseil est accessoire à la prestation principale de négociation sur titres ;

- la commission de succès rémunère les opérations de négociation, s'agissant tant des contrats prévoyant une commission fixe et une commission de succès que des contrats prévoyant seulement une commission de succès.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 juin 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 5 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au

28 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code monétaire et financier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

- et les observations de Me Olléon, représentant la SA BNP Paribas.

Considérant ce qui suit :

1. La société BNP Paribas (BNPP) relève appel du jugement n° 1900130/1 du 28 octobre 2021 du Tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit, après avoir constaté un non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements prononcés en cours d'instance, à ses conclusions en réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contributions additionnelles à cet impôt et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge à la suite du contrôle dont elle a fait l'objet au titre des années 2009 à 2013.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments présentés par la société requérante, ont statué au point 28. du jugement attaqué sur le moyen tiré de ce que l'abus du régime des sociétés mères, s'il était caractérisé, ne pourrait avoir pour conséquence que la remise en cause de l'exonération des dividendes distribués, et au point 29. sur le moyen tiré de l'absence de variation de l'actif net du bilan du premier exercice non prescrit, en opposant à la société requérante, dans les deux cas, la véritable nature de l'opération en litige et les conséquences que l'administration fiscale était en droit de tirer de sa requalification sur le terrain de l'abus de droit. Enfin, les premiers juges ont qualifié au point 43. du jugement la nature des opérations au regard du régime de taxe sur la valeur ajoutée applicable. Ils ont par suite nécessairement statué sur le moyen tiré du caractère d'opérations complexes uniques des prestations rendues par le département Corporate Finance. Les erreurs de droit éventuellement commises par le tribunal administratif en statuant sur ces moyens sont sans influence sur la régularité du jugement.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 : "Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales". Sont opposables à l'administration, dans les conditions prévues par le second alinéa de ce texte, les instructions ou circulaires publiées relatives à l'assiette ou au recouvrement de l'impôt, ainsi que celles relatives au bien-fondé ou au recouvrement des pénalités fiscales, mais non celles relatives à la procédure d'établissement de l'impôt, ni celles relatives à la procédure d'établissement des pénalités fiscales. Dès lors que l'avis de mise en recouvrement est l'acte par lequel l'administration établit sa créance sur le contribuable et rend celle-ci exigible, sans pour autant constituer un acte de poursuite, une instruction portant sur les mentions devant figurer sur l'avis de mise en recouvrement est relative à la procédure d'établissement de l'impôt ou des pénalités fiscales, et non au recouvrement de l'impôt.

4. La société requérante soutient que les avis de mise en recouvrement qui lui ont été adressés, qui ne comportent ni référence au code général des impôts, ni indication de la base légale des rehaussements, méconnaissent le contenu des doctrines référencées BOI-REC-PREA 10-10-20 du 12 septembre 2012 et du 17 juillet 2015, lesquelles prévoient, respectivement en leur paragraphe 20 et 50 que " la nature exacte de l'imposition est donnée par la référence au Code Général des Impôts. En cas de rehaussements, la base légale de chacun d'eux doit figurer sur l'avis (...) ". Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que ces instructions sont relatives à la procédure d'établissement de l'impôt ou des pénalités fiscales, et non au recouvrement de l'impôt. Par suite, la société requérante ne peut les opposer à l'administration sur le fondement du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Sur la prescription partielle des impositions établies au titre de l'année 2010 :

5. Aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun. / (...) ".

6. A l'issue de la vérification de comptabilité, l'administration fiscale a adressé à la société requérante une proposition de rectification en date du 30 décembre 2013 qui fixe le montant total des rehaussements en base proposés en matière d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2010 à 258 669 343 euros. Les impositions ne pouvaient par suite être établies, après l'expiration du délai de reprise le 31 décembre 2013, sur une base supérieure à ce montant. Si par un courrier du 12 décembre 2014 les rehaussements ont été portés à 288 643 274 euros, il est constant qu'ils ont été ramenés depuis, en conséquence du jugement du tribunal, à 269 803 274 euros. Il y a par suite lieu de réduire la base imposable à l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2010 à hauteur de 11 133 931 euros.

Sur les opérations liées à la société Bancwest (BWC) :

7. D'une part, aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux exercices 2009 à 2010 : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use des pouvoirs que lui confère ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif, ou bien, à défaut, recherchent le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs et n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles. L'administration fiscale apporte cette preuve par la production de tous éléments suffisamment précis attestant du caractère fictif des actes en cause ou de l'intention du contribuable d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales. Dans l'hypothèse où l'administration s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au contribuable, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de la réalité des actes contestés ou de ce que l'opération litigieuse est justifiée par un motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales.

8. D'autre part, aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) / 4 bis. Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci. / Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit. / Elles ne sont pas non plus applicables aux omissions ou erreurs qui résultent de dotations aux amortissements excessives au regard des usages mentionnés au 2° du 1 de l'article 39 déduites sur des exercices prescrits ou de la déduction au cours d'exercices prescrits de charges qui auraient dû venir en augmentation de l'actif immobilisé. / Les corrections des omissions ou erreurs mentionnées aux deuxième et troisième alinéas restent sans influence sur le résultat imposable lorsqu'elles affectent l'actif du bilan. Toutefois, elles ne sont prises en compte ni pour le calcul des amortissements ou des provisions, ni pour la détermination du résultat de cession ". Les erreurs qui entachent un bilan et qui entraînent une sous-estimation ou une surestimation de l'actif net de l'entreprise peuvent, dans les conditions prévues par les dispositions précitées, à l'initiative du contribuable, lorsque ces erreurs ne sont pas délibérées, ou à celle de l'administration, être corrigées dans les bilans de clôture des exercices non couverts par la prescription et, par suite, dans les bilans d'ouverture de ces exercices à l'exception du premier. En vertu de ces dispositions, le principe d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, tel que défini au premier alinéa, est applicable pour le calcul du bénéfice imposable, sauf si le contribuable est en droit de se prévaloir de l'une des exceptions prévues par les deuxième et troisième alinéas du 4 bis de l'article 38.

9. Enfin, en vertu des dispositions combinées du 1 de l'article 38 et de l'article 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises. Aux termes du premier alinéa du I de l'article 216 du même code : " Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges ". Et en vertu du premier alinéa de l'article L. 432-12 du code monétaire et financier devenu, à compter du 10 janvier 2009, l'article L. 211-27 du même code, la pension de titres est définie comme l'opération par laquelle, d'une part, et moyennant un prix convenu, des titres financiers sont cédés en pleine propriété, d'autre part, le cédant et le cessionnaire s'engagent respectivement et irrévocablement, le premier à reprendre les titres, le second à les lui rétrocéder pour un prix et à une date convenus. Selon les dispositions des articles L. 432-18 et L. 432-19 du même code, reprises aux articles L. 211-32 et L. 211-33, la pension entraîne, chez le cédant, le maintien à l'actif de son bilan des titres financiers mis en pension et l'inscription au passif du bilan du montant de sa dette vis-à-vis du cessionnaire, tandis que les titres financiers reçus en pension ne sont pas inscrits au bilan du cessionnaire, qui enregistre à l'actif de son bilan le montant de sa créance sur le cédant. Aux termes de l'article L. 432-17, repris à l'article L. 211-31 : " La rémunération du cessionnaire, quelle qu'en soit la forme, constitue un revenu de créance. Elle est traitée sur le plan comptable comme des intérêts. / Lorsque la durée de la pension couvre la date de paiement des revenus attachés aux titres financiers donnés en pension, le cessionnaire les reverse au cédant qui les comptabilise parmi les produits de même nature ".

10. Il résulte de l'instruction que la société BancWestCorporation (BWC) est une société holding immatriculée dans l'Etat du Delaware aux Etats-Unis, et est, depuis l'année 2001, une filiale détenue à 100 % par la société requérante. La société Bank of the West (BOW) est une société immatriculée dans l'Etat fédéré de Californie, banque de détail particulièrement présente sur le marché ouest des Etats-Unis. La société BOW était initialement intégralement détenue par la société BWC, puis a fait l'objet de trois cessions, par la société BWC à la société BNPP, de blocs d'actions, en 2002, 2005 et 2007. A l'issue de ces cessions, le capital de la société BOW était détenu à hauteur de 80,5 % par la société BWC et de 19,5 % par la société requérante. Ces opérations ont consisté, d'une part, le 22 novembre 2002, en l'acquisition par la société requérante auprès de la société BWC de 485 413 actions de la société BOW pour un prix de 800 millions de dollars, intitulé " tranche minoritaire A ", encadrée par un pacte d'actionnaires, signé le 20 novembre 2002, le produit de la vente étant destiné au remboursement d'un emprunt à court terme contracté par la société BWC auprès de la succursale de New-York de la société requérante dans le cadre de l'acquisition de la société United California Bank. D'autre part, le 28 avril 2005, la société requérante a acquis 254 132 actions de la société BOW pour un prix de 590 millions de dollars, intitulé " tranche minoritaire B ", le pacte d'actionnaires du 20 novembre 2002 étant amendé le même jour pour étendre à cette deuxième tranche les dispositions applicables à la tranche A et le produit de la vente étant alors destiné au remboursement d'un emprunt à court terme de même montant contracté, une nouvelle fois, par la société BWC auprès de la succursale de New-York de la société requérante, à l'occasion notamment de l'acquisition de la société Community First Bankshares. Enfin, le 9 août 2007, la société requérante a acquis auprès de la société BWC 191 374 actions de la société BOW pour un prix de 501 798 000 euros, intitulé " tranche minoritaire C ", le pacte d'actionnaires du 20 novembre 2002 étant amendé le même jour pour étendre à cette troisième tranche les dispositions applicables aux tranches A et B. Le produit de la vente était destiné au remboursement d'un emprunt à court-terme de 845 millions d'euros contracté en 2005 par la société BWC auprès de la succursale de New York de la société requérante pour l'acquisition de la société Commercial Federal Corporation.

11. Le pacte d'actionnaires initial et amendé en cause prévoyait l'octroi par la société requérante à la société BWC d'une option d'achat et l'octroi par la société BWC à la société BNPP d'une option de vente portant sur tout ou partie des actions des tranches minoritaires, l'option d'achat pouvant être exercée par la société BWC pour chaque tranche, à la date anniversaire de cession de la tranche, du second au neuvième anniversaire. A la dernière date, si la société BWC n'exerçait pas son droit d'achat, la société BNPP pouvait alors exercer son droit de vente dans un délai de deux mois. Le prix d'exercice de l'option d'achat de la société BWC y était égal au prix d'acquisition par la société requérante de ces actions, majoré d'intérêts fixes capitalisés trimestriellement, d'une partie fixe de 5 millions de dollars, et diminué des dividendes versés par la société BOW, correspondant aux tranches minoritaires de la société requérante. Pour le calcul du prix d'exercice de l'option d'achat, le montant de chaque dividende versé était revalorisé en lui appliquant les taux d'intérêts fixes des différentes tranches. En cas d'exercice partiel, ces montants étaient déterminés pour les actions concernées par la levée d'option, et proratisés pour la partie fixe de 5 millions de dollars. Pour ce qui concerne le prix d'exercice de l'option de vente, il était égal à celui de l'option d'achat, mais majoré de 45 millions de dollars, cette option de vente portant sur l'ensemble des titres qui n'ont pas fait l'objet d'un exercice de l'option d'achat, et dans le cas où l'option d'achat a été partiellement exercée, le prix d'exercice était ajusté dans les mêmes conditions que le prix d'exercice de l'option d'achat. En outre ce pacte d'actionnaires prévoyait que la société requérante ne pouvait céder les actions de la société BOW qu'elle détenait, hors du groupe BNP Paribas dont elle est la société-mère.

12. Il résulte de l'instruction que la société requérante n'a pas vu son contrôle de la société BOW augmenter, la composition du conseil d'administration de la société BOW n'ayant pas évolué malgré ces trois vagues successives d'acquisition d'actions de cette société, le pacte d'actionnaires prévoyant en outre que la société requérante n'avait pas la libre disposition des actions de la société BOW, et ne pouvait ainsi les transférer sans le consentement préalable de la société BWC. Si la société requérante fait valoir que les acquisitions en litige sont intervenues dans un cadre global de croissance externe du groupe BNP Paribas aux Etats-Unis et que la structuration des opérations retenues lui a permis d'obtenir un regard direct sur la gestion de la société BOW, a contribué à un contrôle effectif sur cette société et a donné plus de poids à ses représentants, elle n'apporte pas d'éléments probants à l'appui de son argumentation, de nature à établir que la détention directe de titres par elle-même ait eu une influence effective sur la stratégie économique du groupe ou ait été décidée dans cette perspective. En outre, eu égard à la concomitance des actes juridiques conclus, à savoir le pacte d'actionnaires initial et amendé et l'acquisition de titres par la société requérante, ainsi qu'aux stipulations du pacte d'actionnaires, en particulier relatives aux prix des options d'achat et de vente qui garantissaient à la société requérante une rémunération déterminée à l'avance, indépendante des résultats de la société BOW, et correspondant aux intérêts dus dans le cadre d'une opération de portage, avec la garantie pour la société BWC de redevenir propriétaire des actions de la société BOW, les opérations en litige n'emportaient aucune prise de risque, ni de contrepartie substantielle pour la société BNP Paribas. De plus, si la société requérante soutient qu'elle supportait bien un risque d'actionnaire, à savoir un risque de disparition de sa participation dans la société BOW, elle ne conteste pas utilement que les stipulations du pacte d'actionnaires initial et amendé diminuaient substantiellement voire neutralisaient ce risque. D'ailleurs, il est constant que la société requérante a bien qualifié cette opération en tant que prêt auprès de la société BWC auprès des autorités des Etats-Unis, et non comme cession puis rétrocession de titres de la société BOW. Cette opération caractérise, dès lors, une prise de pension de titres au sens des dispositions citées au point 9.

13. Les opérations en litige, qui ont donné lieu à l'acquisition de titres de la société BOW auprès de la société BWC par la société requérante, ont été comptabilisées par la société BNPP comme titres de participation et ont conduit au versement de dividendes pour le seul exercice 2009, pour un montant de 3 856 696 euros, lesquels ont bénéficié du régime de faveur prévu aux articles 145 et 216 du code général des impôts, avec un produit déclaré de seulement 192 835 euros. Si la société, ainsi qu'elle le fait valoir, n'a pas, au cours des exercices 2009 et 2010, fait application des dispositions du a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts déterminant le régime d'imposition à taux réduit des plus-values à long terme sur titres de participation, dès lors qu'il n'y a pas eu d'exercice d'options de vente ou d'achat qui aurait donné lieu à l'imposition d'éventuelles plus-values réalisées par la société requérante sur les exercices 2009 et 2010 en cause, le montage artificiel décrit ci-dessus a précisément permis de transformer des produits de créances, taxables au titre desdites années, en plus-values réalisées au cours d'années ultérieures et bénéficiant d'un régime fiscal plus favorable. Les opérations en litige, effectuées par la société requérante sur cette période, ont ainsi permis d'éluder la taxation des produits de créance, pour des montants évalués par l'administration à 1 046 520 375 euros, générés par l'opération de " portage-sûreté " à laquelle elle s'est effectivement livrée. La circonstance que les dividendes distribués par la société BOW auraient été perçus par la société BWC et redistribués à la société requérante si l'opération d'acquisition des titres BOW par la société BNPP n'avait pas eu lieu ne saurait affecter le constat selon lequel la société requérante a éludé l'imposition sur les produits de créances. Si la société requérante fait valoir qu'elle aurait pu alternativement, à conditions financières prédéterminées, opter pour une augmentation de capital suivie neuf ans plus tard d'une réduction de capital ou souscrire à des actions remboursables au bout de neuf ans, voies dans lesquelles le régime mère-fille aurait tout autant pu s'appliquer, il ne résulte pas de l'instruction qu'un tel dispositif n'aurait pas pu être exposé à une requalification de même nature sur le terrain de l'abus de droit. La circonstance que, selon les règles administratives internes propres au groupe BNP Paribas, un prêt aurait été accordé par la filiale américaine, ne fait pas obstacle à la remise en cause, sur le terrain de l'abus de droit, dès lors que les conditions en sont remplies, de l'opération d'acquisition et de revente de titres effectuée par la société française.

14. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le montage réalisé par la société requérante présentait un caractère artificiel en ce que les investissements réalisés n'avaient pas les caractéristiques d'investissement en capital mais de prêts gagés par des titres, et que la rémunération de l'opération n'avait pas les caractéristiques d'un revenu du capital mais celles de produits de créances. D'ailleurs le traitement fiscal des opérations aux Etats-Unis traduit une opération de prêt et non un investissement en capital. Par un tel montage artificiel, la société requérante a nécessairement cherché le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs. Cette opération avait une motivation fiscale exclusive, à savoir de pouvoir diminuer l'impôt dont aurait été redevable la société BNPP en son absence, des intérêts imposables ayant été artificiellement remplacés par des dividendes ou des plus-values futures exonérées. Par suite, l'administration établit que le montage artificiel réalisé par la société requérante, qui ne saurait utilement se prévaloir de ce qu'aucun acte n'a été écarté, n'a pu être inspiré par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que la société aurait normalement supportées eu égard à sa situation et que les opérations en litige constituaient un abus de droit au sens des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales. La circonstance qu'à l'époque des faits, la législation européenne ne contenait aucune disposition de lutte contre les dispositifs hybrides impliquant un traitement fiscal différent d'un pays à un autre, ne fait pas obstacle à la constatation d'un abus de droit sur le fondement des dispositions de la loi fiscale française réprimant de tels abus.

15. Contrairement à ce qui est soutenu la requalification des opérations sur le terrain de l'abus de droit autorisait l'administration à soumettre à l'impôt la totalité des produits de créances que la société BNPP aurait dû constater en produits au compte de résultat au cours des années 2009 et 2010 en l'absence de montage artificiel, ainsi que les créances omises à l'actif du bilan de clôture de l'exercice 2009, procédant des intérêts courus jusqu'au 31 décembre 2008 que la société requérante n'avait pas perçus, et qui doivent être regardées, contrairement à ce qui est également soutenu, comme à l'origine d'une sous-évaluation de l'actif de ce bilan au sens de l'article 38.4 bis du code général des impôts.

16. Si la société requérante fait valoir que la sous-évaluation de l'actif du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, soit l'exercice 2009, à hauteur des intérêts réputés capitalisés en période prescrite, que l'administration a corrigée au bilan de clôture de cet exercice, le bilan d'ouverture étant intangible, implique nécessairement une sous-évaluation du passif de ces bilans à hauteur des réserves non comptabilisées, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que ces écritures de passif, dont la société BNPP doit être regardée comme demandant la correction par la voie de la compensation, procédaient d'opérations ayant le caractère d'un abus de droit et étaient par suite nécessairement volontaires. La société BNPP n'est par suite pas fondée à se prévaloir de la sous-évaluation de ses écritures de passif.

17. Il résulte de ce qui vient d'être dit que l'administration a soumis à l'impôt les intérêts de la créance que la société BNPP doit être regardée comme détenant sur la société BWC du fait des opérations constitutives d'abus de droit. Elle ne peut être regardée comme ayant taxé de ce fait des primes de remboursement. Il suit de là que la société requérante ne saurait utilement se prévaloir de ce qu'une telle prime ne comptant pas parmi les valeurs d'actifs, le 4 bis de l'article 38 du code général des impôts ne pouvait pas trouver application, ni de ce que les dispositions de l'article 238 septies E du code général des impôts, applicables aux primes de remboursement, conduiraient à exclure les intérêts du calcul de cette prime.

18. Toutefois, la société requérante fait valoir qu'il convient en tout état de cause de tirer les conséquences, au titre de l'exercice 2011, de l'abus de droit constaté au titre des exercices précédents, et de substituer à la plus-value initialement taxée, corrigée de la perte de change subie sur les dividendes perçus, les intérêts courus sur la somme représentative du prêt qui aurait été consenti à la société BWC. Il est constant que la société requérante justifie du montant de la plus-value initiale soumise à l'impôt au titre de l'exercice 2011, ainsi que des corrections opérées sur cette plus-value pour tenir compte des pertes de change. Si le ministre fait valoir que le montant des intérêts omis n'est pas justifié, il ne conteste pas sérieusement le calcul détaillé produit par la société requérante sur la base de la méthode adoptée par l'administration au titre des exercices précédents et procédant de la requalification en prêt des sommes mises à la disposition de la société BWC sous couvert de l'acquisition des titres de la société BOW. Il y a par suite lieu de réduire la base imposable de la société requérante à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2011 de la somme de 10 646 122 euros.

Sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) :

19. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations.

20. La proposition de rectification du 30 décembre 2013 adressée à la société requérante mentionne les années d'imposition, les impositions concernées, ainsi que la nature et le montant des rectifications envisagées. Elle identifie les rehaussements d'impôt sur les sociétés qui ont un impact sur la valeur ajoutée de la banque et sur la base imposable à la CVAE. Les erreurs de droit qui procéderaient éventuellement de la distinction à effectuer entre les critères de prise en compte des produits et des charges dans la base d'imposition à l'impôt sur les sociétés et leurs critères de prise en compte dans la base d'imposition à la CVAE sont sans influence sur la régularité de cette proposition de rectification.

21. Contrairement à ce qui est soutenu, la réintégration de produits ou de charges dans le résultat taxable à l'impôt sur les sociétés peut avoir un impact sur le chiffre d'affaires de l'entreprise et par suite sur sa valeur ajoutée. En se bornant à faire valoir de manière générale que les règles applicables en matière d'impôt sur les sociétés peuvent être différentes de celles régissant la CVAE, sans identifier les redressements de base d'impôt sur les sociétés qui, selon elle, aurait été à tort intégrées dans la base taxable de la CVAE, la société requérante ne met pas la Cour en mesure de constater les erreurs de droit que l'administration aurait pu commettre dans le calcul de cette dernière base. En se bornant à se prévaloir, également de manière générale, de ce que le calcul de la valeur ajoutée répond à des normes comptables, alors que la non comptabilisation de produits et la prise en compte de charges non déductibles sont de nature, dans la plupart des cas, à enfreindre les règles comptables, la société requérante ne met pas non plus la Cour en mesure d'identifier en quoi l'article 1586 sexies du code général des impôts, qui détermine les modalités de calcul de la base imposable à la CVAE, aurait été méconnu.

Sur la taxe sur la valeur ajoutée :

22. Aux termes de l'article 261 C du code général des impôts : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : / 1° Les opérations bancaires et financières suivantes : / (...) e. Les opérations, autres que celles de garde et de gestion portant sur les actions, les parts de sociétés ou d'associations, les obligations et les autres titres, à l'exclusion des titres représentatifs de marchandises et des parts d'intérêt dont la possession assure en droit ou en fait l'attribution en propriété ou en jouissance d'un bien immeuble ou d'une fraction d'un bien immeuble ; (...) ".

23. Il résulte des dispositions de la directive 2006/112/CE relative au système commun de TVA, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que, lorsqu'une opération économique soumise à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée par un faisceau d'éléments et d'actes, il y a lieu de prendre en compte toutes les circonstances dans lesquelles elle se déroule aux fins de déterminer si l'on se trouve en présence de plusieurs prestations ou livraisons distinctes ou d'une prestation ou d'une livraison complexe unique. Chaque prestation ou livraison doit en principe être regardée comme distincte et indépendante. Toutefois, l'opération constituée d'une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de la taxe sur la valeur ajoutée. De même, dans certaines circonstances, plusieurs opérations formellement distinctes, qui pourraient être fournies et taxées séparément, doivent être regardées comme une opération unique lorsqu'elles ne sont pas indépendantes. Tel est le cas lorsque, au sein des éléments caractéristiques de l'opération en cause, certains éléments constituent la prestation principale, tandis que les autres, dès lors qu'ils ne constituent pas pour les clients, compte-tenu notamment de la valeur respective de chacune des prestations composant l'opération, une fin en soi mais le moyen de bénéficier dans de meilleures conditions de la prestation principale, doivent être regardés comme des prestations accessoires partageant le sort fiscal de celle-ci. Tel est le cas, également, lorsque plusieurs éléments fournis par l'assujetti au consommateur, envisagé comme un consommateur moyen, sont si étroitement liés qu'ils forment, objectivement, une seule opération économique indissociable, le sort fiscal de celle-ci étant alors déterminé par celui de la prestation prédominante au sein de cette opération.

24. Il résulte de l'instruction que le département Finance d'Entreprise (" Corporate Finance ") de la société requérante fournit des prestations auprès de ses clients réalisant des opérations sur leur capital, au titre de son activité d'assistance et de conseil en fusion-acquisition. Il est prévu que le client de la société requérante verse une rémunération forfaitaire payable lors de l'annonce de l'opération et d'autre part une rémunération supplémentaire qui n'est versée qu'en cas de réalisation de l'acquisition. La société BNPP, si elle a collecté de la taxe sur la valeur ajoutée sur les rémunérations forfaitaires, a en revanche exonéré de taxe sur la valeur ajoutée les commissions perçues uniquement en cas de réalisation de l'opération d'acquisition ou de cession de titres. La société requérante fait valoir qu'elle rend des prestations de négociations distinctes, qui sont rémunérées distinctement par la commission de succès, et qui répondent à la définition des opérations de négociation sur titres exonérées, et que subsidiairement, il pourrait être considéré qu'elle réalise des opérations complexes uniques au sein desquelles la prestation de conseil est accessoire à la prestation principale de négociation sur titres.

25. Il résulte des contrats versés au dossier que la commission de succès rémunère, en cas de succès, l'ensemble des prestations fournies par la société requérante et non spécifiquement des prestations de négociation distinctes. Par ailleurs, les quelques contrats figurant au dossier font état d'assistance à la négociation, voire de participation à la négociation, mais ne permettent pas de regarder ces prestations comme des prestations distinctes rémunérées par la commission de succès, comme des prestations prépondérantes au sein de prestations indissociables de conseil et de négociation, ou comme des prestations principales au sein de prestations mixtes dans le cadre desquelles les prestations de conseil seraient accessoires. Il en est de même du tableau synthétique établi par les soins de la société requérante. La société requérante n'est dès lors pas fondée à se prévaloir de l'exonération prévue par les dispositions précitées de l'article 261 C du code général des impôts.

26. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante est seulement fondée à obtenir à ce que sa base imposable à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2010 et 2011 soit réduite respectivement des sommes de 11 133 931 euros et 10 646 122 euros, et la décharge en droits et pénalités des impositions contestées en conséquence de ces réductions de base imposable. Pour le surplus, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société requérante de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les bases imposables de la société BNP Paribas à l'impôt sur les sociétés au titre des années 2010 et 2011 sont réduites respectivement des sommes de 11 133 931 euros et 10 646 122 euros.

Article 2 : La société BNP Paribas est déchargée, en droits et pénalités, de l'impôt sur les sociétés et des autres impositions contestées mis à sa charge au titre des années 2010 et 2011 en conséquence de la réduction de base prononcée à l'article précédent.

Article 3 : Le jugement n° 1900130/1 du 28 octobre 2021 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la société BNP Paribas la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société BNP Paribas est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à société BNP Paribas et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur chargé de la direction des vérifications nationales et internationales.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, présidente assesseure,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2023.

Le rapporteur,

Signé

F. MAGNARDLe président,

Signé

I. BROTONS

Le greffier,

Signé

A. MOHAMAN YERO

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

2

N° 21PA06650


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06650
Date de la décision : 14/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : OLLEON

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-14;21pa06650 ?
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