Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1905725/2-1 du 15 juin 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 29 juillet 2021, le 13 janvier 2022 et le 20 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Dinh, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1905725/2-1 du 15 juin 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes ;
3°) à titre subsidiaire, de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondant à la déduction en base de l'impôt prélevé au Luxembourg, ainsi que des pénalités correspondantes ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé dans sa réponse au moyen tiré de l'opposabilité d'une prise de position formelle ;
- à titre principal, la position formelle prise par le service dans la proposition de rectification du 22 décembre 2008 adressée à la société CA Animation lui est opposable en application de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;
- cette violation de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales porte atteinte au principe de sécurité juridique et au devoir de loyauté de l'administration fiscale dans ses relations avec les contribuables ;
- à titre subsidiaire, la société CA Animation ne dispose pas d'un siège de direction constituant un établissement stable en France ;
- à titre infiniment subsidiaire, les dispositions de l'article 122 du code général des impôts permettent la déduction des retenues à la source opérées par la société CA Animation sur les dividendes qui lui ont été versés, dès lors que le siège social de CA Animation est situé hors de France.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 décembre 2021 et le 10 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention signée le 1er avril 1958 entre la République française et le Grand-duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hamon,
- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Dinh, avocat de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. La société CA Animation, qui est la société holding tête du groupe CA, a transféré son siège social au Luxembourg le 29 décembre 2005. A l'issue d'une vérification de sa comptabilité portant sur les exercices clos de 2006 à 2011, l'administration fiscale a considéré que son siège de direction effective était situé en France et, en conséquence, a estimé que la totalité des dividendes perçus par M. A..., qui détient 50 % du capital de la société CA Animation, était imposable en France, ainsi que les tantièmes perçus par ce dernier en sa qualité d'administrateur de la société. Le service a également remis en cause le bénéfice d'un crédit d'impôt initialement accordé à M. A..., d'un montant correspondant à la retenue à la source prélevée par l'administration fiscale luxembourgeoise sur les dividendes qui lui avaient été versés par la société CA Animation au titre des exercices clos en 2010 et 2011. M. A... fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des mentions du jugement que les premiers juges, qui ne sont pas tenus de répondre à tous les arguments invoqués au soutien d'un moyen, ont répondu de façon suffisamment précise et motivée aux moyens, soulevés devant eux par M. A..., tirés de la prise de position formelle opposable à l'administration et de l'absence de siège de direction de la société CA Animation en France. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement n'est pas suffisamment motivé.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions à fin de décharge :
3. Aux termes du b) du 3 de l'article 19 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise du 1er avril 1958, " La France accordera aux personnes qui ont leur domicile fiscal en France et qui bénéficient des revenus visés aux articles 8 et 9 ayant supporté l'impôt luxembourgeois dans les conditions prévues à ces articles, un crédit d'impôt correspondant au montant de l'impôt luxembourgeois, imputable sur les impôts français dans les bases desquels ces revenus se trouvent compris et dans la limite de ces impôts. ". L'article 8 de la même convention stipule que " 1. Les dividendes payés par une société qui a son domicile fiscal dans un Etat contractant à une personne qui a son domicile fiscal dans l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. 2. a) Toutefois, ces dividendes peuvent être imposés dans l'Etat contractant où la société qui paie les dividendes a son domicile fiscal, et selon la législation de cet Etat (...) ".
4. D'autre part, en application du 4 de l'article 2 de la même convention fiscale, " Le domicile fiscal (...) des personnes morales et des groupements de personnes physiques n'ayant pas la personnalité morale est au lieu de leur centre effectif de direction, ou si cette direction effective ne se trouve ni dans l'un ni dans l'autre des Etats contractants, au lieu de leur siège. (...) ".
5. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il résulte de l'instruction qu'au cours des années d'imposition en litige, la société CA Animation ne disposait au Luxembourg que d'un local de 13 m² mis à sa disposition par une société luxembourgeoise de domiciliation et qu'elle n'y employait qu'un salarié de la même société, exerçant pour elle une activité de comptable quelques heures par semaine. Par ailleurs, ses contrats ont continué à être signés et les décisions à être prises depuis le siège parisien d'autres sociétés du groupe par M. A... et son co-associé, tous deux domiciliés en France. Dans ces conditions, et alors même que la société CA Animation tenait ses assemblées générales et ses conseils d'administration au Luxembourg, le centre effectif de direction de cette société se situait en France. Par suite, faute pour la société CA Animation d'avoir son domicile fiscal au Luxembourg, M. A..., alors même que, comme il s'en prévaut, les dividendes qu'il a perçus de la société CA Animation ont été effectivement soumis à une retenue à la source au Luxembourg, ne pouvait bénéficier du crédit d'impôt prévu par les stipulations de l'article 19 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise, à hauteur du montant de cette retenue à la source.
6. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) ". L'article L. 80 B du même livre dispose : " 1° La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ".
7. Si M. A... soutient que l'administration s'est formellement prononcée sur l'absence d'établissement stable en France de la société CA Animation par la proposition de rectification du 22 décembre 2008 adressée à cette société, relative à l'exercice clos en 2005, et dans la réponse du 15 juin 2010 aux observations de cette société, il résulte toutefois de l'instruction que la position ainsi prise par l'administration était relative, d'une part, à la seule année 2005 et, d'autre part, à l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal, en l'espèce les articles 219-1 a et 221 bis du code général des impôts, distinct de celui sur lequel sont fondés les rehaussements d'impôt sur le revenu en litige, à savoir les articles 158-3 et 209-1 de ce même code. Dans ces conditions le requérant n'est pas fondé à se prévaloir de la garantie qu'instituent les dispositions précitées de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne les conclusions à fin de réduction :
8. Il résulte de l'instruction que M. A... est fondé à invoquer, à titre subsidiaire, le bénéfice des dispositions de l'article 122 du code général des impôts, relatif aux revenus des valeurs mobilières émises hors de France, qui prévoient que " 1. (...) le revenu est déterminé par la valeur brute en euros des produits encaissés d'après le cours du change au jour des paiements, sans autre déduction que celle des impôts établis dans le pays d'origine et dont le paiement incombe au bénéficiaire. (...) ", dès lors que les dividendes qui lui ont été versés par la société CA Animation, au titre des années 2010 et 2011, ont été soumis à une retenue à la source prélevée par cette même société au titre de l'impôt dû au Luxembourg et que la convention fiscale franco-luxembourgeoise ne comporte aucune stipulation excluant la possibilité de déduire l'impôt acquitté dans cet État d'un revenu imposable en France.
9. Il résulte de ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander la déduction des bases de son impôt sur le revenu du montant correspondant à la retenue à la source prélevée par l'administration fiscale luxembourgeoise sur les dividendes qui lui ont été versés par la société CA Animation au titre des exercices clos en 2010 et 2011, et à la décharge correspondante des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, ainsi que la décharge des pénalités correspondantes.
Sur les frais de l'instance :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : M. A... est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes, à hauteur de la déduction de la base de son impôt sur le revenu du montant de la retenue à la source prélevée par les autorités luxembourgeoises sur les dividendes qui lui ont été versés par la société CA Animation au titre des années 2010 et 2011.
Article 2 : Le jugement est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction des vérifications nationales et internationales.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2023.
La rapporteure,
P. HAMONLe président,
C. JARDIN
La greffière,
C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA04329