Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée Alta Vai Holdco P a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et 2016.
Par un jugement n° 2000867 du 6 mai 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une ordonnance du 7 juillet 2021, le président de la 1ère chambre de la Cour administrative d'appel de Versailles a transmis à la Cour administrative d'appel de Paris le dossier de la requête présentée par la société Alta Vai Holdco P.
Par cette requête, enregistrée le 6 juillet 2021 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, et des mémoires, enregistrés les 27 septembre 2021 et 6 janvier 2022 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, la société Alta Vai Holdco P, représentée par Me Chauve, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2000867 du 6 mai 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, de ces impositions ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la preuve doit être rapportée conformément au principe de libre concurrence défini par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ; en application de l'article 212 du code général des impôts et en vertu des paragraphes 100 et 110 de l'instruction administrative référencée BOI-IS-BASE-35-20-10 du 15 avril 2014, l'entreprise emprunteuse doit seulement établir qu'elle aurait pu obtenir un prêt similaire dans le cadre d'une offre comportant des conditions analogues, l'administration ne pouvant légalement exiger qu'elle fournisse des offres de prêt émanant d'organismes financiers indépendants, ni des comparables présentant des caractéristiques identiques ;
- le taux d'intérêt appliqué au prêt qui lui a été consenti est justifié par les comparables qu'elle a produits, l'administration se bornant à les réfuter, sans apporter la preuve que les intérêts versés à la société Predica seraient d'un montant excessif.
Par des mémoires en défense, enregistré le 12 octobre 2021 et le 2 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,
- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bernard, substituant Me Chauve, avocate de la société Alta Vai Holdco P.
Considérant ce qui suit :
1. La société Alta Vai Holdco P, qui avait pour activité la location de terrains et autres biens immobiliers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016. A l'issue de cette procédure, l'administration, après avoir réintégré aux résultats de cette société la fraction des intérêts d'emprunt excédant les limites fixées par les dispositions du 3° du 1 de l'article 39 et du a du I de l'article 212 du code général des impôts, qu'elle a versés à la société Prédica, l'a assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2015 et 2016, d'un montant total de 312 438 euros, assorties d'intérêt de retard d'un montant total de 26 495 euros, et à une cotisation supplémentaire de contribution sociale à cet impôt, au titre de l'exercice clos en 2015, d'un montant de 9 194 euros, assortie d'intérêts de retard d'un montant de 827 euros. La société Alta Vai Holdco P fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et intérêts de retard, de ces impositions supplémentaires.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. D'une part, le I de l'article 212 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années 2015 et 2016 d'imposition en litige, dispose que : " Les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise liée, directement ou indirectement, au sens du 12 de l'article 39, sont déductibles : / a) Dans la limite de ceux calculés d'après le taux prévu au premier alinéa du 3° du 1 du même article 39 ou, s'ils sont supérieurs, d'après le taux que cette entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues / (...) ". D'autre part, aux termes de l'article 39 de ce code, rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code et dans sa rédaction applicable aux années 2015 et 2016 d'imposition en litige : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / (...) / 3° Les intérêts servis aux associés à raison des sommes qu'ils laissent ou mettent à la disposition de la société, en sus de leur part du capital, quelle que soit la forme de la société, dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit et les sociétés de financement pour des prêts à taux variable aux entreprises, d'une durée initiale supérieure à deux ans / (...) ". En vertu du 12 de l'article 39 du code précité, des liens de dépendance sont réputés exister entre deux entreprises lorsque l'une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l'autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision ou lorsqu'elles sont placées l'une et l'autre, dans les conditions définies précédemment, sous le contrôle d'une même tierce entreprise.
3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les intérêts afférents aux sommes laissées ou mises à disposition d'une entreprise par une entreprise qui en détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social ou y exerce en fait le pouvoir de décision, ou qui est placée sous le contrôle d'une même tierce entreprise que la première, sont déductibles dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises d'une durée initiale supérieure à deux ans ou, s'il est plus élevé, au taux que l'entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues. Le taux que l'entreprise emprunteuse aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues s'entend, pour l'application de ces dispositions, du taux que de tels établissements ou organismes auraient été susceptibles, compte tenu de ses caractéristiques propres, notamment de son profil de risque, de lui consentir pour un prêt présentant les mêmes caractéristiques dans des conditions de pleine concurrence. L'entreprise emprunteuse, à qui incombe la charge de justifier du taux qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants pour un prêt consenti dans des conditions analogues, a la faculté d'apporter cette preuve par tout moyen.
4. Il résulte de l'instruction que la société Alta Vai Holdco P a obtenu de la part de la société Prédica, qui détenait 99,99 % de son capital, un prêt d'un montant total de 68 763 905 euros utilisable durant la période du 30 juin 2014 au 15 novembre 2021, assorti d'un taux d'intérêt constitué du taux variable Euribor trois mois, augmenté de 353 points de base (3,53 %) au titre du risque lié au crédit et de 207 points de base (2,07 %) au titre d'une prime de subordination, afin de réaliser, par l'intermédiaire de ses filiales, des investissements immobiliers de bureaux à Paris et en Ile-de-France. L'administration fiscale a estimé que les intérêts versés à raison de cet emprunt étaient soumis au plafonnement prévu au 3° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, en application du I de l'article 212 du même code, dès lors qu'ils étaient afférents à des sommes mises à disposition de la société Alta Vai Holdco P par une entreprise liée au sens du 12 de l'article 39 dudit code. Constatant que le taux d'emprunt, qui a varié, selon les échéances, dans une fourchette comprise entre 5,699 % et 6,078 % au cours des exercices clos en 2015 et 2016, était supérieure à la limite prévue au 3° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, ressortant à 2,15 % en 2015 et 2,03 % en 2016, l'administration fiscale a réintégré aux résultats de la société Alta Vai Holdco P la fraction excédentaire des intérêts par rapport au taux de référence en procédant à des rehaussements de 835 000 euros au titre de l'exercice clos en 2015 et de 604 399 euros au titre de l'exercice clos en 2016.
5. En premier lieu, pour justifier que le taux rémunérant le prêt que lui a consenti la société Prédica était le même que celui qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues, la société Alta Vai Holdco P a produit une étude réalisée par le cabinet Embridge Economics qui s'est servi de la base de données LoanConnector DealScan de Thomson Reuters. Cette étude, qui se présente d'ailleurs comme un simple projet et n'est pas signée, a tout d'abord, pour évaluer le risque lié au prêt, retenu un taux de 3,53 % correspondant au taux médian résultant de la comparaison de quatorze prêts accordés à six entreprises installées en France entre le 30 juin 2009 et le 29 juin 2014 pour des montants compris entre 6 millions et 150 millions d'euros. Toutefois, alors qu'il résulte de l'instruction que six prêts seulement se rapportent à des opérations dans le secteur immobilier, aucune information n'est apportée sur la nature des actifs immobiliers ni sur la zone géographique concernés. En outre, les montants des prêts accordés sont inférieurs à 50 millions d'euros, pour six d'entre eux, dont trois n'atteignent d'ailleurs pas dix millions d'euros et ils varient de 112 à 150 millions d'euros pour trois d'entre eux. Par ailleurs, six de ces prêts ont débuté en 2011, dont deux étaient d'ailleurs arrivés à leur terme avant le 30 juin 2014. Si la société Alta Vai Holdco P se prévaut plus particulièrement de deux prêts accordés l'un, à la société ALDETA, à compter du 15 mai 2014 pour une durée de 5 ans à hauteur de 80 millions d'euros, l'autre, à la société TS Pont Cardinet Rezo SCI, à compter du 7 mars 2014 pour une durée de 3,75 ans à hauteur de 84 millions d'euros, seul l'un de ces prêts avait pour objet de financer l'acquisition d'immeubles de bureaux parisiens, alors qu'en outre il résulte de l'instruction que la majoration par rapport au taux de base n'était que de 190 points pour le premier et de 160 points pour le second, sans qu'une telle différence avec le prêt qui lui a été accordé par la société Prédica puisse se justifier uniquement par la durée du crédit. Par ailleurs, pour évaluer le taux correspondant à la prime de risque liée à la subordination du prêt, l'étude réalisée par le cabinet Embridge Economics a retenu un taux de 2,07 % correspondant au taux médian résultant de la comparaison de quatorze prêts, comportant une tranche de premier rang et une tranche subordonnée, contractés par des entreprises entre le 3 juillet 2007 et le 2 mai 2013. Toutefois, l'échantillon retenu par le cabinet Embridge Economics ne porte que sur des entreprises installées dans d'autres pays d'Europe que la France, dont six au Royaume-Uni et trois en Allemagne. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que les prêts en cause auraient le même objet que celui accordé à la société Alta Vai Holdco P, dès lors qu'ils ont pour objet de financer des projets d'investissement dans des secteurs tels que notamment le service aux entreprises, la marine marchande, les équipements de communication, la laine minérale, le cacao ou encore l'industrie du pétrole, du gaz naturel et de la chimie.
6. En deuxième lieu, la société Alta Vai Holdco P a également produit une étude établie le 25 septembre 2018 par le cabinet Nera Economic Consulting, qui selon elle conforterait l'étude du cabinet Embridge Economics. A supposer même que cette étude, qui présente également l'aspect d'un document de travail et n'est pas non plus signée, ait un caractère définitif, ses conclusions s'appuient sur des travaux universitaires britanniques qui portent sur les marges moyennes dans le secteur de l'immobilier de bureaux au Royaume-Uni en 2016 et à partir desquels ont été effectués des ajustements pour l'adapter au secteur parisien et à l'année 2014. Toutefois, si l'étude du cabinet Nera Economic Consulting conclut à la pertinence de la comparaison du marché parisien de l'immobilier de bureaux avec les données du marché du Royaume-Uni ou de Londres, en relevant que le risque encouru par la société Prédica est en " ligne " avec le marché, elle ne comporte aucune information précise sur les entreprises qui ont servi de référence, en se bornant à mentionner que les taux qu'elle prend en compte " sont basés sur des prêts largement comparables au prêt sous analyse ". En outre, le cabinet Nera Economic, qui confirme les résultats de l'étude du cabinet Embridge Economics, conclut que la prise en compte de la zone géographique, du secteur d'activité, de la concomitance des données par rapport à la date de transaction de la ligne de crédit, de la taille, de l'échéance des comparables, ainsi que de l'intégration du risque encouru par la société prêteuse n'implique aucun ajustement significatif pour apprécier si le taux retenu est pertinent, sans fournir aucune explication justifiant l'exclusion de ces paramètres qui sont pourtant déterminant pour apprécier les conditions de financement d'un prêt.
7. En troisième lieu, la société Alta Vai Holdco P soutient que le taux du prêt qui lui a été accordé par la société Prédica est en adéquation avec celui que l'établissement financier Macquarie Corporate et Asset Finance se proposait de lui accorder. Toutefois, les termes de la réponse du 5 février 2018, par laquelle un représentant de cet établissement se borne à indiquer au directeur général de la société Altarea Cogedim que " de mémoire [il lui avait] indiqué un taux (sous réserve de comité de crédit) entre 6 % et 8 % par an ", ne sont pas suffisants pour établir que le taux proposé en 2014 par cet établissement financier était pertinent dès lors que la réponse du 5 février 2018 ne comporte aucune précision sur les critères qui ont été retenus pour déterminer ce taux au regard des caractéristiques du prêt et des caractéristiques propres de la société requérante.
8. En quatrième lieu, la société Alta Vai Holdco P se prévaut d'un courriel du 5 septembre 2014 duquel il ressort que le Crédit Agricole a accordé à une entreprise du groupe auquel elle appartient, la société Acep Invest 2 CDG Neuilly, un prêt de 79 millions d'euros pour une durée de trois ans afin d'acquérir, en décembre 2013, un ensemble immobilier de bureaux à Neuilly-sur-Seine, en faisant valoir que ce prêt était assorti d'une marge liée au risque de crédit comprise entre 2,80 % et 3,40 % par an, mais ne comportait pas de prime de subordination dès lors qu'il reposait sur une garantie hypothécaire. Toutefois, cette circonstance n'est pas de nature à établir que la société requérante aurait été dans une situation analogue à celle de la société Acep Invest 2 CDG Neuilly dès lors que le taux d'intérêt auquel l'entreprise emprunteuse aurait pu s'endetter auprès d'un établissement financier indépendant doit être apprécié au regard, d'une part, des caractéristiques des prêts et, d'autre part, des caractéristiques propres de cette entreprise et non de celles du groupe auquel elle appartient. En tout état de cause, il résulte de l'instruction, et notamment du courriel du 5 septembre 2014, que l'acquisition projetée par la société Acep Invest 2 CDG Neuilly portait sur un actif immobilier vieillissant vacant devant faire l'objet d'une restructuration lourde, cet actif n'ayant ainsi pas vocation à être loué rapidement, et la société Alta Vai Holdco P n'établit pas que le risque lié à cette acquisition, supporté par le Crédit Agricole, est comparable à celui de ses investissements immobiliers, objets du prêt contracté auprès de la société Prédica. Enfin, le taux de marge retenu par le Crédit Agricole est inférieur à celui accordé par la société Prédica.
9. En dernier lieu, la société Alta Vai Holdco P produit, pour la première fois en appel, une étude réalisée en août 2021 par le cabinet DLA Piper France LLP qui a retenu la méthode du prix comparable sur le marché libre afin de définir un intervalle de taux d'intérêt de pleine concurrence applicable au prêt en litige. Après avoir évalué le risque de crédit (" scoring " ) de la société requérante au niveau CCC+ en se fondant sur ses comptes consolidés au 31 décembre 2014 et en utilisant le modèle " Credit Analytics Scoring Model " édité par Standard et Poor's Capital IQ, le cabinet DLA Piper France LLP a tout d'abord recherché, à titre principal, le taux d'intérêt pertinent au moyen de l'outil d'information financière " Corporate Yield Curve fourni par Standard et Poor's Capital IQ en retenant 21 prêts contractés entre le 1er juin 2014 et le 30 juin 2014, pour une durée comprise entre 7 et 8 ans, par des entreprises notées CCC+ et intervenant dans le secteur de l'immobilier, puis a identifié un taux médian de 6,51 % et retenu comme intervalle de pleine concurrence l'intervalle compris entre 6,44 %, 1er quartile, et 8,07 %, 3ème quartile. Afin de corroborer ce résultat, le cabinet DLA Piper France LLP a ensuite procédé à trois recherches supplémentaires au moyen de la base de données " DealScan " éditée par " Loan Pricing Corporation " et a apporté, à chacune de ces recherches, des ajustements tenant compte, d'une part, des écarts de maturité entre le prêt en litige et les prêts identifiés comme comparables dans le cadre de ces trois recherches et, d'autre part, des éventuelles différences de " scoring ". La première recherche, qui a consisté à identifier des transactions comparables conclues par des emprunteurs situés en Europe occidentale, a permis d'obtenir un panel de 16 prêts comparables, d'identifier un taux médian de 6,1 % et de retenir comme intervalle de pleine concurrence l'intervalle compris entre 5,31 %, 1er quartile, et 7,94 %, 3ème quartile. La deuxième recherche, qui a eu pour objet d'identifier des transactions comparables conclues par des emprunteurs situés en France, a permis d'obtenir un panel de 4 prêts comparables, d'identifier un taux médian de 7,86 % et de retenir comme intervalle de pleine concurrence l'intervalle compris entre 5,23 %, 1er quartile, et 8,44 %, 3ème quartile. La troisième et dernière recherche, qui a visé à identifier des transactions comparables conclues par des emprunteurs intervenant uniquement dans le secteur immobilier, a permis d'obtenir un panel de 12 prêts comparables, d'identifier un taux médian de 6,89 % et de retenir comme intervalle de pleine concurrence l'intervalle compris entre 3,53 %, 1er quartile, et 8,1 %, 3ème quartile. Au vu de l'ensemble de ces résultats, le cabinet DLA Piper France LLP a conclu que le taux de marge appliqué au prêt consenti à la société Alta Vai Holdco P était raisonnable au regard du principe de pleine concurrence. Toutefois, s'agissant de la détermination du " scoring " de la société requérante, celui-ci a été réalisé à partir des données financières d'une seule liasse fiscale, et l'étude du cabinet DLA Piper France LLP ne comporte aucune indication relative à la valeur des actifs de la société Alta Vai Holdco P et n'apporte aucun élément concret concernant les caractéristiques propres à la société requérante et aux opérations que cette dernière entend financer. S'agissant de l'analyse principale des comparables, il ne résulte pas de l'instruction que l'étude ait pris en compte, pour identifier les comparables, le montant du prêt, l'appartenance du comparable à un groupe, la situation financière propre du comparable, la nature des actifs immobiliers ainsi que l'existence d'une éventuelle garantie sur le prêt. Enfin, s'agissant des analyses corroboratives, les dates d'émission des prêts sont comprises entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2016, soit sur une période très étendue. Le secteur d'activité des sociétés retenues dans le panel ne correspond pas à celui de l'immobilier dans deux des trois analyses corroboratives. Des ajustements de comparabilité ont dû être effectués dans deux analyses pour corriger la différence en matière de maturité des prêts. La première analyse corroborative ne fait état, parmi les entreprises emprunteuses retenues dans la région de l'Europe occidentale, que d'une société située en France. Quant à la deuxième analyse corroborative, elle ne porte que sur un panel de quatre prêts dont deux concernent une même opération.
10. La société Alta Vai Holdco P ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement implicite de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations des paragraphes 100 et 110 de l'instruction administrative référencée BOI-IS-BASE-35-20-10 du 15 avril 2014, qui ne comportent pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application ci-dessus.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Alta Vai Holdco P n'apporte pas la preuve que le taux d'intérêt du prêt qu'elle a souscrit auprès de sa mère, la société Prédica, serait celui qu'elle aurait pu obtenir d'établissements ou d'organismes financiers indépendants dans des conditions analogues, et que c'est à bon droit que l'administration fiscale a limité la déduction des intérêts à hauteur du taux prévu par les dispositions précitées du 3° du 1 de l'article 39 du code général des impôts. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Alta Vai Holdco P demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Alta Vai Holdco P est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Alta Vai Holdco P et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au directeur chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 juin 2023.
Le rapporteur,
M. DESVIGNE-REPUSSEAU Le président,
C. JARDIN
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA03938