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14/06/2023 | FRANCE | N°21PA00637

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 14 juin 2023, 21PA00637


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision, révélée par le courrier de la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) du 15 décembre 2017, par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'accès aux données susceptibles de le concerner et figurant ou ayant figuré dans le traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " système d'information Schengen " (N-SIS II), et la décision implicite de rejet de sa

demande de rectification reçue le 25 avril 2018.

Par un jugement n° 1802734 du 13 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision, révélée par le courrier de la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) du 15 décembre 2017, par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'accès aux données susceptibles de le concerner et figurant ou ayant figuré dans le traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " système d'information Schengen " (N-SIS II), et la décision implicite de rejet de sa demande de rectification reçue le 25 avril 2018.

Par un jugement n° 1802734 du 13 décembre 2019, le Tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de lui communiquer les informations le concernant enregistrées sur le fondement du 3° de l'article R. 231-8 du code de la sécurité intérieure et intéressant la sureté de l'Etat et a ordonné, avant dire droit, la production par ce ministre au tribunal des informations concernant M. A... et figurant dans le fichier du N-SIS II.

Par un jugement n° 1802734 du 10 juillet 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 8 février 2021 et le 25 avril 2022, M. A..., représenté par Me Boukara, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 juillet 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'accès aux données susceptibles de le concerner et figurant ou ayant figuré dans le fichier N-SIS II ;

3°) d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de procéder à l'effacement des données susceptibles de le concerner et figurant ou ayant figuré dans le fichier N-SIS II ;

4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui communiquer les données le concernant et figurant ou ayant figuré dans le fichier N-SIS II, dans un délai de 10 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, et de procéder à l'effacement des données le concernant et figurant illégalement dans ce fichier, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son profit de la part des frais exposés par lui et non compris dans les dépens laissée à sa charge par la décision l'admettant à l'aide juridictionnelle partielle et à Me Boukara de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé, faute de préciser les raisons pour lesquelles les éléments transmis par le ministre de l'intérieur ne lui ont pas été communiqués ;

- le tribunal a méconnu le principe du contradictoire, le droit à un procès équitable et le droit à un recours effectif, garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 111 de la convention d'application des accords de Schengen, l'article 59 de la décision 2007/533/JAI et l'article 54 de la directive 2016-680 du 27 avril 2016, en ne lui communiquant pas les éléments produits par le ministre de l'intérieur en réponse à sa mesure d'instruction ;

- le tribunal a statué sur le fondement d'éléments produits postérieurement à la clôture de l'instruction ;

- le refus de lui communiquer les données le concernant méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en portant atteinte à sa vie privée ;

- la présence de données le concernant dans le fichier N-SIS II est illégale dès lors que les conditions posées par les articles R. 231-6 et R. 231-7 du code de la sécurité intérieure ne sont pas remplies et que l'absence de durée maximale de conservation avant l'intervention du décret du 28 décembre 2016 est illégale.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 décembre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- aucune donnée concernant M. A... ne figure dans le fichier N-SIS II au titre des 2°, 3° et 5° de l'article R. 231-6 du code de la sécurité intérieure ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 26 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 et la décision 2007/533/JAI du Conseil du 12 juin 2007 ;

- la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 ;

- les règlements (UE) 2018/1861 et (UE) 2018/1862 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2018 ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hamon,

- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a saisi la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) d'une demande d'exercice du droit d'accès indirect aux données susceptibles de le concerner contenues dans le traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " Système d'information Schengen " (N-SIS II), géré par le ministre de l'intérieur. Par courrier du 15 décembre 2017, la présidente de la CNIL a informé M. A... que les vérifications avaient été effectuées, mais que l'opposition de l'administration gestionnaire du fichier faisait obstacle à la communication des informations demandées. Par un courrier reçu le 25 avril 2018, M. A... a demandé à la CNIL de procéder à l'effacement des données le concernant contenues dans ce fichier N-SIS II. Il fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris, après avoir ordonné avant dire droit au ministre de l'intérieur de lui communiquer, dans un délai d'un mois, les informations concernant le requérant et figurant dans le fichier N-SIS II sans qu'ils soient versés au contradictoire, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur, révélée par le courrier du 15 décembre 2017, ainsi que de la décision implicite de rejet opposée à sa demande d'effacement des données le concernant.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, en énonçant que si le caractère contradictoire de la procédure exige la communication à chacune des parties de toutes les pièces produites au cours de l'instance, cette exigence est nécessairement exclue en ce qui concerne les documents ou données dont le refus de communication constitue l'objet même du litige, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement en ce qui concerne le caractère contradictoire de la procédure mise en œuvre.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. / Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter. (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt de Grande chambre du 18 juillet 2013, C-584/10 P, C-593/10 P et C-595/10 P, que des considérations impérieuses, touchant notamment à la sûreté des Etats membres de l'Union, peuvent s'opposer à la communication de certaines informations à la personne concernée. En pareil cas, il incombe toutefois au juge de mettre en œuvre, dans le cadre du contrôle juridictionnel qu'il exerce, des techniques permettant de concilier, d'une part, les considérations légitimes de sécurité quant à la nature et aux sources de renseignements ayant été pris en considération et, d'autre part, la nécessité de garantir suffisamment au justiciable le respect de ses droits procéduraux et, en procédant à un examen de l'ensemble des éléments de droit et de fait fournis par l'autorité compétente, de vérifier le bien-fondé des raisons que celle-ci invoque pour s'opposer à une telle communication.

4. De même, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) ". Aux termes de l'article 13 de cette convention : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ". Pour l'application de ces stipulations, le droit à un procès pleinement contradictoire peut être restreint dans la mesure strictement nécessaire à la sauvegarde d'un intérêt public important tel que la sécurité nationale, la nécessité de garder secrètes certaines méthodes policières de recherche des infractions ou la protection des droits fondamentaux d'autrui. Toutefois, afin de garantir un procès équitable au justiciable, la limitation de ses droits doit être suffisamment compensée par la procédure suivie devant les autorités juridictionnelles.

5. Par ailleurs, aux termes de l'article 58 de la décision 2007/533/JAI du Conseil du 12 juin 2007 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II), applicable à la date du jugement attaqué : " 1. Le droit de toute personne d'accéder aux données la concernant qui sont introduites dans le SIS II conformément à la présente décision s'exerce dans le respect du droit de l'État membre auprès duquel elle le fait valoir. / 2. Si le droit national le prévoit, l'autorité de contrôle nationale décide si des informations doivent être communiquées et selon quelles modalités. / (...) / 4. La communication des informations à la personne concernée est refusée si elle peut nuire à l'exécution d'une tâche légale en liaison avec le signalement ou à la protection des droits et libertés d'autrui. / 5. Toute personne a le droit de faire rectifier des données la concernant inexactes dans les faits ou de faire effacer des données la concernant stockées illégalement. (...) ". Aux termes de l'article 59 de la même décision : " 1. Toute personne peut intenter une action devant les juridictions ou l'autorité compétentes en vertu du droit national de tout État membre, pour accéder, faire rectifier ou effacer des données ou pour obtenir des informations ou une indemnisation en raison d'un signalement la concernant. (...) ".

6. Enfin, l'article L. 5 du code de justice administrative dispose que : " L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes ".

7. Si le caractère contradictoire de la procédure fait en principe obstacle à ce qu'une décision juridictionnelle puisse être rendue sur la base de pièces dont une des parties n'aurait pu prendre connaissance, il en va nécessairement autrement en ce qui concerne les informations susceptibles d'être contenues dans un fichier intéressant la sécurité publique, dont le refus de communication constitue l'objet même du litige. Il suit de là que, lorsque, dans le cadre de l'instruction d'un recours dirigé contre le refus de communiquer des informations relatives à une personne susceptible d'être mentionnée dans un tel fichier, l'autorité gestionnaire refuse la communication de ces informations au motif que celle-ci porterait atteinte aux finalités du fichier, afin d'assurer l'effectivité du droit au recours, il lui appartient néanmoins, non seulement, de verser au dossier de l'instruction écrite contradictoire tous éléments appropriés sur leur nature et les motifs fondant le refus de les communiquer mais aussi, à la demande du juge, de verser l'intégralité de ces informations au dossier de l'instruction écrite, sans qu'elles soient communiquées aux autres parties, de façon à permettre à la juridiction de se prononcer en connaissance de cause sur la légalité de la décision de refus.

8. Si de tels litiges peuvent porter sur des décisions refusant de communiquer des informations susceptibles de porter atteinte au droit à la vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 7 et 8 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'examen de la légalité de ces décisions par une juridiction indépendante, ayant accès à l'intégralité des informations pour exercer pleinement son office, ainsi que l'absence de restriction dans l'accès à cette juridiction, permettent d'assurer une conciliation appropriée du droit au procès équitable et de la protection de la sécurité publique.

9. En l'espèce, il ressort du dossier de la procédure devant les premiers juges que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le Tribunal aurait porté une atteinte irrégulière au principe du contradictoire et l'aurait ainsi privé d'un procès équitable et d'un recours effectif en méconnaissance des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en ne lui communiquant pas les éléments produits par le ministre à la suite de son jugement avant dire droit.

10. En troisième lieu, si le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci, et s'il lui appartient alors, lorsqu'il décide d'en tenir compte, de rouvrir l'instruction pour soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production, il résulte de ce qui précède que les éléments produits dans le mémoire du 23 juin 2020 étaient régulièrement soustraits au contradictoire. En outre, il ne ressort pas des pièces de la procédure de première instance et M. A... n'allègue d'ailleurs pas qu'il aurait été privé, par l'intervention de la clôture trois jours francs avant l'audience, de la possibilité de déposer un nouveau mémoire. Dans ces conditions, la circonstance que les premiers juges n'ont pas formellement pris une décision de réouverture de l'instruction à la suite du mémoire du 23 juin 2020 est restée sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

Sur la légalité des décisions du ministre de l'intérieur :

11. L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus de l'autorité compétente de communiquer des informations figurant dans un traitement de données ou de procéder à la suppression d'une mention figurant dans un tel traitement réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour cette autorité d'y procéder. Il en résulte que, lorsqu'il est saisi de conclusions aux fins d'annulation d'un tel refus, le juge de l'excès de pouvoir est conduit à apprécier sa légalité au regard des règles applicables et des circonstances prévalant à la date de sa décision.

12. Aux termes de l'article 105 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés dans sa version en vigueur à la date du présent arrêt, pris pour la transposition de la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 et applicable aux fichiers intéressant la sécurité publique en vertu de l'article 87 de la même loi : " La personne concernée a le droit d'obtenir du responsable de traitement la confirmation que des données à caractère personnel la concernant sont ou ne sont pas traitées et, lorsqu'elles le sont, le droit d'accéder auxdites données ainsi qu'aux informations suivantes : / 1° Les finalités du traitement ainsi que sa base juridique ; / 2° Les catégories de données à caractère personnel concernées ; / 3° Les destinataires ou catégories de destinataires auxquels les données à caractère personnel ont été communiquées, en particulier les destinataires qui sont établis dans des Etats n'appartenant pas à l'Union européenne ou au sein d'organisations internationales ; / 4° Lorsque cela est possible, la durée de conservation des données à caractère personnel envisagée ou, à défaut lorsque ce n'est pas possible, les critères utilisés pour déterminer cette durée ; / 5° L'existence du droit de demander au responsable de traitement la rectification ou l'effacement des données à caractère personnel, et l'existence du droit de demander une limitation du traitement de ces données ; / 6° Le droit d'introduire une réclamation auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et les coordonnées de la commission ; / 7° La communication des données à caractère personnel en cours de traitement ainsi que toute information disponible quant à leur source ". L'article 106 de la même loi dispose que : " I.- La personne concernée a le droit d'obtenir du responsable de traitement : / 1° Que soient rectifiées dans les meilleurs délais des données à caractère personnel la concernant qui sont inexactes ; / 2° Que soient complétées des données à caractère personnel la concernant incomplètes, y compris en fournissant à cet effet une déclaration complémentaire ; / 3° Que soient effacées dans les meilleurs délais des données à caractère personnel la concernant lorsque le traitement est réalisé en violation des dispositions de la présente loi ou lorsque ces données doivent être effacées pour respecter une obligation légale à laquelle est soumis le responsable de traitement ; (...) ". Aux termes de l'article 107 de la même loi : " I.- Les droits de la personne physique concernée peuvent faire l'objet de restrictions selon les modalités prévues au II du présent article dès lors et aussi longtemps qu'une telle restriction constitue une mesure nécessaire et proportionnée dans une société démocratique en tenant compte des droits fondamentaux et des intérêts légitimes de la personne pour : / 1° Eviter de gêner des enquêtes, des recherches ou des procédures administratives ou judiciaires ; / 2° Eviter de nuire à la prévention ou à la détection d'infractions pénales, aux enquêtes ou aux poursuites en la matière ou à l'exécution de sanctions pénales ; / 3° Protéger la sécurité publique ; / 4° Protéger la sécurité nationale ; / 5° Protéger les droits et libertés d'autrui. / Ces restrictions sont prévues par l'acte instaurant le traitement. / II.- Lorsque les conditions prévues au I sont remplies, le responsable de traitement peut : / 1° Retarder ou limiter la communication à la personne concernée des informations mentionnées au II de l'article 104 ou ne pas communiquer ces informations ; / 2° Refuser ou limiter le droit d'accès de la personne concernée prévu à l'article 105 ; / 3° Ne pas informer la personne du refus de rectifier ou d'effacer des données à caractère personnel ou de limiter le traitement de ces données, ni des motifs de cette décision, par dérogation au IV de l'article 106. / III.- Dans les cas mentionnés au 2° du II du présent article, le responsable de traitement informe la personne concernée, dans les meilleurs délais, de tout refus ou de toute limitation d'accès ainsi que des motifs du refus ou de la limitation. Ces informations peuvent ne pas être fournies lorsque leur communication risque de compromettre l'un des objectifs énoncés au I. Le responsable de traitement consigne les motifs de fait ou de droit sur lesquels se fonde la décision et met ces informations à la disposition de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. / IV.- En cas de restriction des droits de la personne concernée intervenue en application des II ou III, le responsable de traitement informe la personne concernée de la possibilité, prévue à l'article 108, d'exercer ses droits par l'intermédiaire de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. Hors le cas prévu au 1° du II, il l'informe également de la possibilité de former un recours juridictionnel ".

13. Par ailleurs, l'article R. 231-1 du code de la sécurité intérieure dispose que : " Le système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II) a pour objet d'assurer un niveau élevé de sécurité dans l'espace de liberté, de sécurité et de justice de l'Union européenne, notamment la préservation de la sécurité et de l'ordre publics sur les territoires des États membres de l'espace Schengen. / Il contribue à l'application des dispositions du chapitre 3 du titre IV du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatives à la libre circulation des personnes sur les territoires des Etats membres. / Le système d'information Schengen est composé d'une partie centrale dite " de support technique " placée sous la responsabilité de l'Agence pour la gestion opérationnelle des systèmes d'information à grande échelle dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice (EU-LISA) et d'une partie nationale dans chaque Etat membre ". L'article R. 231-3 du même code précise que : " La partie nationale du système d'information Schengen est placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur. Elle se compose : / 1° Du système informatique national dénommé N-SIS II, créé en application des articles 4 du règlement du Parlement européen et du Conseil (CE) n° 1987/2006 et de la décision du Conseil 2007/533/ JAI (...) ". Aux termes de l'article R. 231-6 de ce code : " Peuvent être enregistrées dans le traitement N-SIS II les données à caractère personnel relatives aux personnes suivantes : / 1° Les personnes signalées en vue d'une arrestation aux fins de remise sur la base d'un mandat d'arrêt européen ou aux fins d'extradition ; / 2° Les personnes signalées aux fins de non-admission ou d'interdiction de séjour à la suite d'une décision administrative ou judiciaire ; / 3° Les personnes disparues, devant être le cas échéant placées sous protection dans l'intérêt de leur propre sécurité ou pour la prévention de menaces ; / 4° Les personnes signalées aux fins de contrôle discret ou de contrôle spécifique dans le cadre de la répression d'infractions pénales, pour la prévention de menaces pour la sécurité publique ou de menaces graves pour la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat ; / 5° Les personnes signalées par l'autorité judiciaire dans le cadre d'une procédure pénale ou pour la notification ou l'exécution d'une décision pénale ". Aux termes de l'article R. 231-8 de ce code : " Peuvent être enregistrées dans le traitement N-SIS II, aux seules fins de contrôle discret ou de contrôle spécifique, les données relatives aux personnes (...) : / 1° Lorsque des indices réels laissent supposer que la personne concernée commet ou a l'intention de commettre une des infractions mentionnées à l'article 694-32 du code de procédure pénale ; / 2° Lorsque l'appréciation globale portée sur la personne, en particulier au regard des infractions pénales commises jusqu'alors, laisse supposer qu'elle commettra également à l'avenir une des infractions mentionnées au 1° (...) ". L'article R. 231-12 du même code dispose que : " I.- Les droits d'accès et de rectification relatifs aux données enregistrées dans le traitement N-SIS II s'exercent auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, dans les conditions prévues à l'article 41 [devenu l'article 105] de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. / II.- Par exception au I, les droits d'accès et de rectification s'exercent directement auprès du ministère de l'intérieur (direction centrale de la police judiciaire) : / 1° Lorsqu'ils concernent des données relatives à l'état civil, au sexe, à la nationalité, aux signes physiques particuliers, aux photographies et au motif de signalement, s'agissant des personnes mentionnées à l'article 9 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées ; / 2° Lorsqu'ils concernent des données relatives aux objets volés, perdus, invalidés ou détournés. / III.- Le demandeur est informé de la suite donnée à sa demande d'accès ou de rectification dans les meilleurs délais et au plus tard deux mois après la date de sa demande ".

14. D'une part, il ressort des pièces du dossier qu'aucune donnée relative à M. A... n'est enregistrée dans le traitement N-SIS II au titre des 2°, 3° et 5° de l'article R. 231-6 du code de la sécurité intérieure.

15. D'autre part, s'agissant des données susceptibles d'être enregistrées au titre des 1° et 4° du même article R. 231-6, autres que celles susceptibles d'être enregistrées sur le fondement de l'article R. 231-8 et intéressant la sûreté de l'Etat, l'examen des éléments produits par le ministre de l'intérieur et non versés au contradictoire n'a révélé aucune illégalité à la date du présent arrêt, notamment aucune méconnaissance de la loi du 6 janvier 1978 ni aucune atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 7 et 8 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. En outre, la nature des données susceptibles d'être enregistrées à ce titre, au regard notamment de la gravité des infractions mentionnées par l'article 694-32 du code de procédure pénale, justifie que les éléments produits pour permettre au juge d'opérer son contrôle ne soient pas versés au contradictoire, sans qu'il en résulte une méconnaissance de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

17. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être également rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Fombeur, présidente de la Cour

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 juin 2023.

La rapporteure,

P. HAMON

La présidente,

P. FOMBEUR

La greffière,

C. BUOTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA00637


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00637
Date de la décision : 14/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - TRAITEMENT INTÉRESSANT LA SÉCURITÉ PUBLIQUE - RECOURS CONTRE LE REFUS DE COMMUNIQUER DES INFORMATIONS RELATIVES À UNE PERSONNE MENTIONNÉE DANS CE TRAITEMENT - POSSIBILITÉ DU JUGE DE DEMANDER - HORS CONTRADICTOIRE - LA PRODUCTION DES INFORMATIONS OBJET DU LITIGE - EXISTENCE [RJ1].

26-07-06 Si le caractère contradictoire de la procédure fait en principe obstacle à ce qu'une décision juridictionnelle puisse être rendue sur la base de pièces dont une des parties n'aurait pu prendre connaissance, il en va nécessairement autrement en ce qui concerne les informations susceptibles d'être contenues dans un fichier intéressant la sécurité publique, dont le refus de communication constitue l'objet même du litige. Il suit de là que, lorsque, dans le cadre de l'instruction d'un recours dirigé contre le refus de communiquer des informations relatives à une personne susceptible d'être mentionnée dans un tel fichier, l'autorité gestionnaire refuse la communication de ces informations au motif que celle-ci porterait atteinte aux finalités du fichier, afin d'assurer l'effectivité du droit au recours, il lui appartient néanmoins, non seulement, de verser au dossier de l'instruction écrite contradictoire tous éléments appropriés sur leur nature et les motifs fondant le refus de les communiquer mais aussi, à la demande du juge, de verser l'intégralité de ces informations au dossier de l'instruction écrite, sans qu'elles soient communiquées aux autres parties, de façon à permettre à la juridiction de se prononcer en connaissance de cause sur la légalité de la décision de refus.

PROCÉDURE - INSTRUCTION - CARACTÈRE CONTRADICTOIRE DE LA PROCÉDURE - TRAITEMENT INTÉRESSANT LA SÉCURITÉ PUBLIQUE - RECOURS CONTRE LE REFUS DE COMMUNIQUER DES INFORMATIONS RELATIVES À UNE PERSONNE MENTIONNÉE DANS CE TRAITEMENT - POSSIBILITÉ DU JUGE DE DEMANDER - HORS CONTRADICTOIRE - LA PRODUCTION DES INFORMATIONS OBJET DU LITIGE - EXISTENCE [RJ1].

54-04-03 Si le caractère contradictoire de la procédure fait en principe obstacle à ce qu'une décision juridictionnelle puisse être rendue sur la base de pièces dont une des parties n'aurait pu prendre connaissance, il en va nécessairement autrement en ce qui concerne les informations susceptibles d'être contenues dans un fichier intéressant la sécurité publique, dont le refus de communication constitue l'objet même du litige. Il suit de là que, lorsque, dans le cadre de l'instruction d'un recours dirigé contre le refus de communiquer des informations relatives à une personne susceptible d'être mentionnée dans un tel fichier, l'autorité gestionnaire refuse la communication de ces informations au motif que celle-ci porterait atteinte aux finalités du fichier, afin d'assurer l'effectivité du droit au recours, il lui appartient néanmoins, non seulement, de verser au dossier de l'instruction écrite contradictoire tous éléments appropriés sur leur nature et les motifs fondant le refus de les communiquer mais aussi, à la demande du juge, de verser l'intégralité de ces informations au dossier de l'instruction écrite, sans qu'elles soient communiquées aux autres parties, de façon à permettre à la juridiction de se prononcer en connaissance de cause sur la légalité de la décision de refus.


Références :

[RJ1]

Rappr. CE, 11 juillet 2016, Ministre de l'intérieur et ministre de la défense c/ M. Cagnolari, n°s 375977, 376457, p. 336 ;

CE Section, 23 décembre 1988, Banque de France c/ Huberschwiller, p. 464. Comp. CE, Assemblée, 6 novembre 2002, M. Moon Sun Myung, n°s 194295 219587, p. 380.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : BOUKARA

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-14;21pa00637 ?
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