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02/06/2023 | FRANCE | N°22PA01777

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 02 juin 2023, 22PA01777


Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 18 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'impossibilité de bénéficier d'un congé bonifié. Par un jugement n° 2018376 du 15 février 2022 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 19 avril 2022 Mme B..., représentée par Me de Froment, demande à la Cour : 1°)

d'annuler le jugement n° 2018376 du 15 février 2022 par lequel le tr...

Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 18 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'impossibilité de bénéficier d'un congé bonifié. Par un jugement n° 2018376 du 15 février 2022 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 19 avril 2022 Mme B..., représentée par Me de Froment, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2018376 du 15 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 18 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de l'impossibilité de bénéficier d'un congé bonifié ; 2°) de faire droit à sa demande ; 3°)de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est insuffisamment motivé dès lors que le tribunal n'a pas précisé les raisons pour lesquelles elle était tenue de connaître sa situation juridique ; - il est entaché d'une irrégularité matérielle ; - il est entaché d'erreur d'appréciation ; - l'administration a commis une faute en lui communiquant des informations erronées ou contradictoires à propos des congés bonifiés et a omis de lui en donner lors de la proposition de détachement ; - elle-même a subi une perte de chance de bénéficier de ses droits à congés bonifiés, pour un montant de 2 695 euros correspondant à deux billets d'avion aller et retour et 2 211 euros correspondant aux 35 % de la rémunération accordée pour la vie chère, soit une somme totale de 4 906 euros ; - elle a subi un préjudice financier en raison des frais à engager pour un second voyage en 2021 s'élevant à 4 976 euros ; - elle a subi un préjudice moral en raison de l'impossibilité de rendre visite à sa famille et de l'éventualité d'un nouveau report du voyage en raison de la situation sanitaire, d'un montant de 5 000 euros. Par un mémoire en défense enregistré le 14 février 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 84-53 de la loi du 26 janvier 1984 ; - la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 ; - le décret n° 78-399 du 20 mars 1978 ; - le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boizot ; - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ; - et les observations de Me de Froment représentant Mme B....

Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., attachée principale de l'administration de l'Etat, occupait l'emploi d'adjointe au chef de bureau de la sûreté maritime portuaire au sein du département sûreté dans les transports de la direction générale des infrastructures transports et mer au ministère de la transition écologique, depuis le 1er mai 2015. A sa demande, elle a été placée en détachement par un arrêté du 26 novembre 2018 pour exercer les fonctions de chargée de mission " coordination de la réglementation " au sein de l'agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), pour une durée de trois ans, à partir du 1er décembre 2018. Par un jugement n° 2018376 du 15 février 2022 dont elle interjette régulièrement appel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer ses préjudices en raison des fautes qu'il a commises du fait de l'impossibilité pour elle de bénéficier de congés bonifiés dans le cadre de son détachement auprès de l'ANRU. Sur la régularité du jugement : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative " Les jugements sont motivés ". Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué qu'en relevant au point 5 du jugement qu'il appartenait à Mme B... " de prendre les renseignements nécessaires, ce qu'elle n'établit pas par le simple fait d'avoir déposé une demande de congé bonifié le 19 septembre 2018 pour l'été 2019 auprès du ministère " et qu'elle " ne s'est informée de ses droits à congé bonifié auprès des services du ministère de la transition écologique que par un courriel du 28 novembre 2018, soit postérieurement à son arrêté de détachement du 26 novembre 2018 et deux jours avant de prendre ses fonctions à l'ANRU, le 1er décembre 2018 ", les premiers juges ont constaté que, la requérante ayant conclu un contrat de droit privé avec l'ANRU, elle ne pouvait ignorer que le contrat signé était régi par le code du travail comme il a été précisé au point 6 de leur jugement. Par suite, le jugement est suffisamment motivé et le moyen doit en conséquence être écarté. 3. En deuxième lieu, si le Tribunal a indiqué à tort dans l'article 1er du dispositif " la requête de la société Mme B... est rejetée au lieu de " la requête de Mme B... est rejetée ", cette mention constitue une simple erreur de plume sans incidence sur la régularité du jugement attaqué. 4. En dernier lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Mme B... ne peut donc utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision d'erreur d'appréciation pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement : 5. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret du 20 mars 1978 : " Les dispositions du présent décret s'appliquent aux magistrats et aux fonctionnaires relevant du statut général des fonctionnaires de l'Etat qui exercent leurs fonctions : a) dans un département d'outre-mer et dont le lieu de résidence habituelle, tel qu'il est défini à l'article 3 ci-dessous, est situé soit sur le territoire européen de la France, soit dans le même département d'outre-mer, soit dans un autre département d'outre-mer ; b) Sur le territoire européen de la France si leur lieu de résidence habituelle est situé dans un département d'outre-mer. ". Aux termes de l'article 4 de ce décret : " Les personnels mentionnés à l'article 1er peuvent bénéficier, dans les conditions déterminées par le présent décret, de la prise en charge par l'Etat des frais d'un voyage de congé, dit congé bonifié (...). ". 6. D'autre part, aux termes de l'article 45 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le détachement est la position du fonctionnaire placé hors de son corps d'origine mais continuant à bénéficier, dans ce corps, de ses droits à l'avancement et à la retraite. Il est prononcé sur la demande du fonctionnaire (...) Il est révocable (...) Le fonctionnaire détaché est soumis aux règles régissant la fonction qu'il exerce par l'effet de son détachement (...). ". Aux termes de l'article 14 du décret du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions : " Le détachement d'un fonctionnaire ne peut avoir lieu que dans l'un des cas suivants : (...) 4° a) Détachement auprès d'une administration de l'Etat ou d'un établissement public de l'Etat dans un emploi ne conduisant pas à pension du code des pensions civiles et militaires de retraite (...). ". 7. Enfin, aux termes de l'article 10 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine : " Il est créé un établissement public national à caractère industriel et commercial dénommé " Agence nationale pour la rénovation urbaine (...). ". 8. Il résulte de l'instruction que Mme B..., fonctionnaire relevant du statut de la fonction publique d'Etat, a été recrutée, par voie de détachement par l'ANRU à compter du 1er décembre 2018. Mme B... était liée à l'ANRU par un contrat de travail qui précisait en son article 9 que pour les dispositions relatives à la relation de travail non prévues par le contrat, les parties se référeront au règlement du personnel de l'ANRU et aux autres textes en vigueur au sein de l'agence. Or, les agents exerçant leurs fonctions au sein des établissements gérant un service industriel et commercial relèvent du droit privé à l'exception du directeur et de l'agent comptable ayant la qualité de comptable public. Le code du travail ne reconnaissant pas l'existence de congés bonifiés pour les personnes soumises à un contrat de droit privé, l'ANRU ne pouvait lui accorder de congés bonifiés au titre de son détachement. 9. Tout d'abord, la requérante soutient que l'administration ne l'a pas informée antérieurement à son détachement qu'elle ne pourrait plus bénéficier de ses droits à congés bonifiés au sein de l'ANRU. Elle fait valoir que si elle avait eu connaissance de cet élément, elle n'aurait mené à terme la procédure de détachement. Or, contrairement à ce que soutient la requérante, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe ne faisait obligation à l'administration de l'informer à l'occasion de sa demande de détachement de ce qu'elle perdrait son droit aux congés bonifiés si elle menait à terme sa demande. Il lui appartenait avant de mener à son terme la procédure de détachement auprès de l'ANRU de s'informer auprès de son futur employeur, notamment lors de la signature de son contrat de travail avec cette agence le 20 novembre 2018, de la possibilité de pouvoir continuer à bénéficier de tels congés au sein de l'agence, les stipulations de l'article 5 de son contrat de travail conclu avec l'ANRU, relatives au temps de travail et congés au sein de cette structure, ne comportant aucune mention sur l'existence d'une telle possibilité. Au regard des éléments précités et ainsi que le fait valoir le ministre, la décision de Mme B... de solliciter un détachement auprès de l'ANRU constitue un choix personnel et les conséquences qui en résultent ne sauraient être reprochées à l'administration. 10. Par ailleurs, Mme B... soutient que l'administration a commis une faute en lui communiquant des informations erronées ou contradictoires sur les congés bonifiés dans le cadre de sa mobilité au sein de l'ANRU. Comme il a été indiqué au point 9 du présent arrêt, c'est seulement le 28 novembre 2018, soit postérieurement à la signature de son arrêté de détachement, le 26 novembre précédent, que Mme B... a pris attache par courriel auprès de son administration d'origine pour solliciter des informations sur les modalités d'octroi des congés bonifiés au sein de sa future affectation. Si elle soutient que, par un courriel du 18 décembre 2018, porté à sa connaissance le 3 janvier 2019, son administration d'origine a confirmé la possibilité de bénéficier de ses droits à congés bonifiés au sein de sa structure d'accueil, il convient de relever que le courriel communiqué par la requérante, dont elle n'était au demeurant pas destinataire initialement, est incomplet et que si le rédacteur indique que " l'agent continue à acquérir des droits à congés bonifiés pendant le détachement puisque c'est une période d'activité ", confirmation est demandée au pôle organisation du travail du ministère de la transition écologique sur le bien-fondé de l'analyse faite. Au regard de ce qui précède, Mme B... ne peut prétendre que son administration d'origine lui a confirmé ses droits à congés bonifiés en dépit de son détachement. Une analyse similaire doit être faite s'agissant du courriel du 8 janvier 2019, dépourvu de tout contenu juridique, d'une personne chargée de la gestion des congés bonifiés au ministère du développement durable lui renvoyant son dossier de demande de congé bonifié et l'invitant à se rapprocher de l'ANRU pour refaire sa demande. Il en va de même d'un courriel du 4 janvier 2019 émanant de l'adjoint au chef d'un bureau gestionnaire du ministère du développement durable indiquant que si, durant son détachement, la gestion de sa carrière continue à relever de ce ministère, l'ANRU instruit les demandes de congés bonifiés, un tel courriel ne comportant aucun contenu juridique relatif aux droits à congés bonifiés de l'intéressée. En tout état de cause, le 27 février 2019, la requérante a été destinataire d'une copie d'un courriel de la direction générale de l'administration et de la fonction publique sollicité par les services du ministère de la transition écologique indiquant qu'elle ne peut bénéficier en 2019 des congés bonifiés au motif que la relation de travail entre Mme B... et la personne morale de droit privé qui l'accueille est régie par un contrat de travail de droit privé soumis aux règles du code du travail. Cette position a été confirmée, suite à une demande de réexamen de Mme B... en date du 14 mars 2019, par un courrier en date du 22 mai 2019 de la direction des ressources humaines du ministère de la transition écologique. Enfin, comme l'ont indiqué les premiers juges, le ministre de la transition écologique ne saurait être tenu pour responsable des informations données par l'ANRU par un courriel du 18 février 2019 qui, tout en indiquant à Mme B... que les fonctionnaires en détachement dans cette agence ne pouvaient bénéficier des congés bonifiés, a demandé au ministère dans quel cadre ces congés pouvaient être pris en charge. Au regard de ce qui précède, l'administration n'a commis aucune faute en informant de manière erronée ou contradictoire Mme B... sur ses droits à congés dans le cadre de son détachement. 11. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 8 à 10 du présent arrêt, l'administration n'a commis aucune faute. Mme B... n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de l'administration sur ce fondement. 12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'annulation et d'indemnisation et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Délibéré après l'audience du 12 mai 2023, à laquelle siégeaient :- M. Carrère, président,- M. Simon, premier conseiller, - Mme Boizot, première conseillère,Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 2 juin 2023. La rapporteure, S. BOIZOTLe président, S. CARRERELa greffière, C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.N° 22PA01777 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01777
Date de la décision : 02/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : DE FROMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-02;22pa01777 ?
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