Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2022 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités roumaines.
Par un jugement n° 2224007 du 9 décembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 11 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Sangue, demande à la Cour :
1°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du 9 décembre 2022 du tribunal administratif de Paris ;
3°) d'annuler l'arrêté du 7 novembre 2022 du préfet de police ;
4°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale dans les plus brefs délais ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou à lui verser s'il n'était pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le préfet de police n'a pas procédé à un examen complet de sa situation administrative ;
- il a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 21 décembre 2022, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entré et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative, notamment son article R. 611-8.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Fombeur.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant bangladais né le 10 septembre 1989, a sollicité son admission au séjour en France au titre de l'asile. La consultation du fichier Eurodac ayant montré qu'il avait antérieurement introduit une demande d'asile en Roumanie, le préfet de police a saisi les autorités de cet Etat d'une demande de reprise en charge, qu'elles ont acceptée le 4 octobre 2022. Par un arrêté du 7 novembre 2022, le préfet de police a décidé son transfert aux autorités roumaines. M. B... fait appel du jugement du 9 décembre 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par une décision du 21 décembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Ses conclusions tendant à ce que la Cour lui accorde le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont ainsi devenues sans objet.
Sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 9 du règlement (UR) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " Si un membre de la famille du demandeur, que la famille ait été ou non préalablement formée dans le pays d'origine, a été admis à résider en tant que bénéficiaire d'une protection internationale dans un État membre, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit ". L'article 2 de ce règlement précise que pour son application, on entend, sous réserve de la situation particulière des mineurs, par " membres de la famille ", " dans la mesure où la famille existait déjà dans le pays d'origine, les membres suivants de la famille du demandeur présents sur le territoire des États membres : / - le conjoint du demandeur, ou son ou sa partenaire non marié(e) engagé(e) dans une relation stable, lorsque le droit ou la pratique de l'État membre concerné réserve aux couples non mariés un traitement comparable à celui réservé aux couples mariés, en vertu de sa législation relative aux ressortissants de pays tiers, / - les enfants mineurs des couples visés au premier tiret ou du demandeur, à condition qu'ils soient non mariés et qu'ils soient nés du mariage, hors mariage ou qu'ils aient été adoptés au sens du droit national (...) ".
4. M. B... fait valoir que, pour prendre l'arrêté décidant son transfert, le préfet de police n'a pas pris en compte la présence sur le territoire français de son frère, bénéficiaire d'une protection internationale, dont il avait fait mention lors de l'entretien individuel conduit le 7 septembre 2022 par un agent qualifié de la préfecture de police. Toutefois, d'une part, il résulte des dispositions citées ci-dessus de l'article 2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 que les frères et sœurs du bénéficiaire d'une protection internationale ne sont pas regardés comme " membres de la famille " au sens et pour l'application de l'article 9 du même règlement. D'autre part, si l'arrêté attaqué mentionne que les éléments caractérisant la situation de M. B... ne relèvent pas de la dérogation prévue par l'article 17 de ce règlement et que l'intéressé ne peut se prévaloir d'une vie familiale stable en France, sans faire mention de la présence de son frère, il n'en résulte pas que le préfet de police se serait dispensé de procéder à un examen particulier de sa situation et aurait ainsi commis une erreur de droit. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté qu'il conteste serait illégal pour ce motif.
5. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comme de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. (...) ". Par ailleurs, l'article 17 du même règlement prévoit que : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
6. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraîneraient un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.
7. Si M. B... invoque un risque de traitement inhumain en cas de retour en Roumanie, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il y aurait de sérieuses raisons de croire qu'il existe en Roumanie des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs. Le requérant ne produit par ailleurs aucun élément propre à sa situation personnelle, de nature à établir les craintes dont il fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation au regard de l'article 17 du même règlement.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, il y a lieu de rejeter ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction
Sur les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, sur le fondement de ces dispositions et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de M. B... tendant à être admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Fombeur, conseillère d'État, présidente de la Cour,
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 mai 2023
Le président de chambre,
C. JARDINLa présidente-rapporteure,
P. FOMBEUR
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA05244 2