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17/05/2023 | FRANCE | N°22PA05312

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 17 mai 2023, 22PA05312


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 juin 2022 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande tendant au renouvellement de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.



Par un jugement n° 2215116 du 2 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande

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Procédure devant la Cour :



Par une requête et des mémoires complémentaires...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 10 juin 2022 par lequel le préfet de police a rejeté sa demande tendant au renouvellement de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite.

Par un jugement n° 2215116 du 2 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, ces deux derniers mémoires n'ayant pas été communiqués, enregistrés les 14 décembre 2022, 12 avril 2023 et 14 avril 2023, Mme C..., représentée par Me Metton, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2215116 du 2 novembre 2022 du tribunal administratif de Paris, ensemble l'arrêté du 10 juin 2022 ;

2°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte, en lui délivrant, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le jugement est entaché d'un défaut de motivation pour n'avoir pas répondu aux moyens qu'elle a soulevés dans son mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif le 6 octobre 2022 ;

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du préfet de police :

- le refus de séjour a été adopté au terme d'une procédure irrégulière dès lors que ne lui a pas été communiquée, alors qu'elle en avait fait la demande, l'intégralité de la procédure suivie devant l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et notamment pas les fiches MedCOI relatives au Cameroun ;

- il est entaché d'un défaut de motivation et d'examen sérieux de sa situation ;

- il est entaché d'erreur de droit en ce que le préfet s'est estimé lié par l'avis de l'OFII ;

- il a été adopté en méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît également l'article 8 de cette convention, ensemble celles de l'article

3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'arrêté méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté attaqué a été adopté en méconnaissance de son droit d'être préalablement entendu garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

La requête a été communiquée au préfet de police qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une décision du 21 décembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a accordé à Mme C... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant,

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les observations de Me Metton pour la requérante.

Une note en délibéré présentée par Mme C... a été enregistrée le

21 avril 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... C..., ressortissante camerounaise née le 18 octobre 1984 et entrée en France le 3 avril 2017, a sollicité le 15 novembre 2021 le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 10 juin 2022, le préfet de police a refusé de renouveler le titre de séjour de l'intéressée et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays vers lequel elle pourra être renvoyée. Par sa requête, Mme C... relève appel du jugement n° 2215116 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il résulte de l'instruction que Mme C... a soulevé, dans un mémoire enregistré par le greffe du tribunal administratif de Paris le 6 octobre 2022, soit antérieurement à la clôture de l'instruction intervenue trois jours francs avant la date de l'audience en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, trois nouveaux moyens respectivement tirés de ce que l'arrêté attaqué a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et enfin celles de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Or, il ressort de l'examen du jugement attaqué qu'il n'a répondu à aucun de ces moyens, lesquels étaient tous opérants. Par suite, Mme C... est fondée à soutenir que ce jugement doit être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Paris.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du préfet de police :

5. En premier lieu, en réponse au courrier de Mme C... qui demandait la communication des éléments ayant permis au collège de médecins de se prononcer sur l'offre de soins existante au Cameroun, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a, par un courrier du 4 août 2022, orienté la requérante vers son site internet sur lequel figure notamment la liste des ressources documentaires internationales publiques de la bibliothèque d'information santé sur les pays d'origine. Si Mme C... soutient qu'elle n'a pas pu obtenir la communication des données MEdCOI accessibles aux seuls médecins ayant suivi la formation, ce qui l'empêcherait de les discuter contradictoirement, aucune disposition ni aucun principe n'imposent la communication des fiches de cette bibliothèque à l'intéressée qui constituent une aide à la décision pour les membres du collège de médecins de l'OFII dans le cadre de l'instruction des demandes de titre de séjour pour soins. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure a méconnu le principe du contradictoire et des droits de la défense ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, Mme C... se borne à reprendre dans sa requête d'appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, les moyens qu'elle avait invoqués en première instance, tirés de ce que la décision de refus de délivrance de titre de séjour serait insuffisamment motivée, serait entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et serait entachée d'une erreur de droit résultant de ce que le préfet se serait cru lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII. Cependant, elle ne développe à leur soutien aucun argument de fait ou de droit pertinent et ne produit aucun document de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif de Paris, alors que les juges de première instance ont complètement et exactement répondu à ces moyens aux points 6 et 7 de leur jugement. Par suite, il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à juste titre par les premiers juges.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient seulement au juge de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, sans rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe, et pas davantage à prendre en compte des facteurs étrangers à ces critères.

8. Pour rejeter la demande de renouvellement de titre présentée par Mme C..., le préfet de police a considéré, au vu de l'avis du collège des médecins de l'OFII émis le 19 avril 2022, que si l'état de santé de l'intéressée nécessite des soins dont l'absence est susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut toutefois, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Si Mme C... conteste une telle appréciation, il ressort toutefois des pièces du dossier que le cancer du sein qui lui a été diagnostiqué au mois d'octobre 2019 a été traité entre les mois de décembre 2019 et

juin 2020 par chimiothérapie et mastectomie et qu'elle a été considérée comme étant en rémission totale au mois de décembre 2021 en sorte que, selon ses médecins, n'est désormais nécessaire qu'un suivi spécialisé, impliquant notamment la réalisation d'un IRM tous les six mois afin de prévenir les risques de récidive. Si la requérante soutient qu'elle ne pourra pas bénéficier effectivement du suivi spécialisé qui lui est nécessaire au Cameroun eu égard à l'offre de soins qui y est disponible, elle ne produit pas d'élément permettant de supposer que ce suivi serait indisponible au Cameroun. A cet égard, le plan stratégique national de prévention et de lutte contre le cancer qu'elle produit atteste seulement que la qualité du suivi des patients ayant été atteints d'un cancer est inégale entre le Cameroun et la France, ce qui n'établit pas, au regard des principes rappelés au point précédent, qu'il n'existerait pas de moyens de prise en charge appropriés dans son pays d'origine, au sens et pour l'application de l'article

L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, si la requérante fait état de la nécessité de poursuivre une chirurgie réparatrice, il ressort des pièces du dossier qu'elle a subi une intervention à cette fin au mois de janvier 2022, cependant que le certificat qu'elle produit, daté du 20 juillet 2022, sous seing d'un médecin de l'AP-HP, fait seulement état, de manière hypothétique, de ce qu'elle " pourrait bénéficier de deux nouvelles interventions dans les 6 prochains mois ", alors que l'absence de telles interventions, dont il n'est au surplus pas établi qu'elles ne pourraient être conduites au Cameroun, n'est en tout état de cause pas de nature à comporter des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le préfet de police pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entré et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refuser le renouvellement de carte de séjour au motif que Mme C... pourra bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine. La requérante n'est pas davantage fondée à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur dans l'appréciation de sa situation.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Si Mme C... soutient que le refus de séjour attaqué, ensemble la mesure d'éloignement dont il a été assorti, a méconnu les droits qu'elle tient de ces stipulations, il ressort des pièces du dossier qu'elle est célibataire, n'est entrée en France qu'au cours de l'année 2017, cinq ans seulement avant l'intervention de la décision attaquée, alors qu'elle était âgée de trente-trois ans et qu'elle n'établit aucune forme d'intégration, notamment professionnelle, sur le territoire national. Dans ces conditions, le moyen ne peut qu'être écarté.

11. En cinquième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

12. Contrairement à ce que soutient Mme C..., la circonstance que ses deux enfants sont scolarisés en France, respectivement depuis 2017 et 2020, n'est pas à elle seule de nature à établir que leur intérêt supérieur serait de demeurer en France alors, notamment, que les écritures de l'intéressée n'évoquent à aucun moment leur lien avec leur père ni ne mentionnent où ce dernier se trouve. Dans ces conditions, le moyen ne peut qu'être écarté.

13. En sixième lieu, si Mme C... fait valoir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît son droit d'être entendue, tel qu'il résulte de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, il ressort des pièces du dossier qu'elle a pu apporter à l'administration toutes les précisions utiles au traitement de sa demande lors du dépôt de sa demande de renouvellement de titre de séjour, et pendant l'instruction de sa demande. Il s'ensuit que le moyen doit être écarté.

14. En septième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, la requérante n'est pas fondée à soutenir que, compte tenu de son état de santé, son éloignement méconnaitrait les stipulations de l'article 3 de la convention précitée.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 10 juin 2022 par lequel le préfet de police lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière. Par suite, la demande présentée par Mme C... au tribunal administratif de Paris et le surplus de ses conclusions d'appel doivent être rejetés, y compris les conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2215116 du 2 novembre 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Paris et le surplus des conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 20 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Perroy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mai 2023.

Le rapporteur,

G. A...

La présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA05312

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05312
Date de la décision : 17/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Gilles PERROY
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : CHANGO AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-05-17;22pa05312 ?
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