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16/05/2023 | FRANCE | N°22PA04471

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 16 mai 2023, 22PA04471


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 mars 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2200523 du 1er juillet 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 octobre 2022, Mme

D..., représentée par Me Rochiccioli, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 mars 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2200523 du 1er juillet 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 octobre 2022, Mme D..., représentée par Me Rochiccioli, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 1er juillet 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 9 mars 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa demande de titre de séjour dans le même délai et sous la même astreinte, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans le délai de quinze jours ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 250 au bénéfice de Me Rochiccioli en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré d'une violation de l'intérêt supérieur de son enfant ;

- l'arrêté préfectoral du 9 mars 2021 n'est pas suffisamment motivé dès lors qu'il ne vise pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et ne mentionne pas les éléments relatifs à l'intérêt supérieur de son enfant ;

- il a été pris au terme d'une procédure irrégulière faute de saisine préalable de la commission du titre de séjour ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît l'intérêt supérieur de son enfant, en violation des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

La requête a été communiqué au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris du 7 septembre 2022.

Vu :

- la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me Rochiccioli, représentant Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante camerounaise née le 9 septembre 1984, déclare être entrée en France en 2019. Elle a sollicité le 14 décembre 2020 la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 9 mars 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme D... demande à la cour d'annuler le jugement du 1er juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 313-11, alors en vigueur, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ". Et aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale de New York relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... a donné naissance le 18 décembre 2019 à un enfant né de sa relation avec M. C..., ressortissant français dont elle s'est séparée avant la naissance. Il résulte des dispositions précitées qu'il appartenait au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui ne remettait pas en cause la filiation de l'enfant de nationalité française de la requérante, d'apprécier le droit au séjour de celle-ci au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de son enfant. Or, il ne ressort ni des termes de l'arrêté contesté, ni des pièces du dossier que le préfet aurait examiné le droit au séjour de Mme D... au regard de l'intérêt supérieur de son enfant de nationalité française avant de prendre ledit arrêté. Dans ces conditions, l'arrêté du 9 mars 2021 est entaché d'illégalité et doit, par suite, être annulé.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement ni de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ".

6. Compte tenu de ses motifs, l'annulation prononcée par le présent arrêt n'implique pas que soit délivré à Mme D... un titre de séjour. En revanche, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa demande dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant la durée de ce réexamen.

Sur les frais liés au litige :

7. Mme D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Rochiccioli renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de ce dernier le versement de la somme de 1 000 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2200523 du 1er juillet 2022 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 9 mars 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de Mme D... dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'État versera à Me Rochiccioli la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Isabelle Marion, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2023.

La rapporteure,

G. A...Le président,

I. LUBENLe greffier,

É. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA04471

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04471
Date de la décision : 16/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : ROCHICCIOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-05-16;22pa04471 ?
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