Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2115011 du 14 février 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 18 mars 2022, M. A..., représenté par Me Besse, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2115011 du 14 février 2022 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant cet examen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa demande ;
- elle est entachée d'une erreur de droit en l'absence d'usage par le préfet de son pouvoir de régularisation ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet ne peut se fonder sur la seule circonstance de l'usage de faux documents pour refuser la délivrance d'un titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et professionnelle ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation.
La requête a été transmise au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 31 juillet 1982, de nationalité marocaine, est entré en France le 10 décembre 2017, sous couvert d'un visa de court séjour valable jusqu'au 10 janvier 2018. Par arrêté du 24 septembre 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par jugement n° 2115011 du 14 février 2022, dont M. A... relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas, avant de prendre le refus de titre de séjour attaqué, procédé à un examen particulier et suffisamment approfondi de la situation de M. A....
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9 de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du royaume du Maroc : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". L'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ". Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ". Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
4. Or, il ressort des termes mêmes de la décision portant refus de titre de séjour contestée que, contrairement à ce que soutient M. A..., le préfet de la Seine-Saint-Denis a examiné au titre de son pouvoir de régularisation sa situation sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen selon lequel le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur de droit en l'absence d'usage par le préfet de son pouvoir de régularisation ne peut qu'être écarté.
5. En troisième lieu, il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet a considéré que M. A... était célibataire, ne justifiait pas de liens familiaux et de son insertion dans la société française faisant obstacle à ce qu'il mène une vie privée et familiale normale dans son pays d'origine, le Maroc, où résident toujours ses parents et dix membres de sa fratrie et où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-cinq ans, et qu'il n'a été en mesure de produire ni le contrat de travail exigé par la réglementation en vigueur pour être admis au séjour en France en qualité de salarié, ni le certificat médical obligatoire. Ainsi, dès lors que ces circonstances suffisaient à elles seules pour justifier le refus de titre de séjour demandé, la circonstance que le préfet de la Seine-Saint-Denis ait indiqué, au surplus, que le fait d'avoir travaillé sans autorisation administrative et sous couvert d'une fausse carte d'identité belge est de nature à mettre gravement en doute son insertion dans la société française ne permet pas de considérer que cette décision serait entachée d'une erreur de droit.
6. En quatrième lieu, M. A... soutient justifier sa présence en France depuis décembre 2017, qu'il exerce une activité professionnelle en qualité de ferrailleur aux termes de contrats d'intérim à temps partiel d'octobre 2018 à janvier 2019, puis d'un contrat à durée indéterminée avec la société Top V Bat depuis le 8 août 2019 et que le soutien de son employeur dans ses démarches de régularisation démontre son intégration professionnelle en France. Toutefois, ces éléments ne sont pas suffisants pour établir que le préfet, en refusant son admission exceptionnelle au séjour au titre de son pouvoir de régularisation, aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et professionnelle.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Si M. A... soutient qu'il est présent en France depuis décembre 2017, qu'il a noué des liens d'amitié très forts sans apporter aucun élément à l'appui de ses allégations et qu'il subvient à ses besoins et est parfaitement intégré, il est célibataire et sans charge de famille en France et n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Maroc, pays dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de trente-cinq ans et où résident encore ses parents et dix de ses frères et sœurs. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision portant refus de titre de séjour a été prise. Le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de cette décision doit être écarté.
10. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux développés au point 6, le préfet n'a pas entaché la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle et professionnelle de M. A....
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :
11. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ".
12. Dès lors que l'interdiction de retour sur le territoire français prise à l'encontre de M. A... comporte les circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée, ne peut qu'être écarté.
13. En second lieu, dès lors que M. A... a légalement fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français qui n'était assortie d'aucun délai de départ volontaire et que le préfet, comme il a été dit aux points 5 et 6, n'a en particulier commis ni d'erreur de fait ni d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et professionnelle, le requérant ne justifie d'aucune circonstance humanitaire de nature à s'opposer à qu'une interdiction de retour soit prononcée à son encontre. Pour ces mêmes motifs, le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de M. A... doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2023.
La rapporteure,
A. B... Le président,
R. LE GOFF
La greffière,
N. COUTY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA01301