Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) Chyra a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2020 par lequel le préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris l'a mise en demeure de faire cesser, dans un délai de trois mois, la mise à disposition aux fins d'habitation du local situé bâtiment sur cour, côté gauche, ascenseur huitième étage, porte 37 de l'immeuble situé 101 rue de Prony à Paris 17ème, dont elle est propriétaire.
Par jugement n° 2021677/6-3 du 21 octobre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 décembre 2021, 22 novembre 2022 et 2 mars 2023, la SCI Chyra, représentée par Me Philippot, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2021677/6-3 du 21 octobre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2020 par lequel le préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris l'a mise en demeure de faire cesser, dans un délai de trois mois, la mise à disposition aux fins d'habitation du local situé bâtiment sur cour, côté gauche, ascenseur huitième étage, porte 37 de l'immeuble situé 101 rue de Prony à Paris 17ème, dont elle est propriétaire ;
3°) de rejeter les demandes de Mme D... ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué n'a pas répondu au moyen tiré de l'absence de transmission par le préfet du rapport d'enquête en méconnaissance du principe du respect du contradictoire ;
- l'arrêté est entaché d'un vice de procédure lié à la méconnaissance du principe du contradictoire dès lors que la gérante de la société n'a pas été avertie de la visite du service technique de l'habitat, n'était pas présente lors de la visite des locaux, n'a jamais été destinataire du rapport du service technique de l'habitat de la Ville de Paris et n'a jamais été mise à même de présenter des observations, notamment sur les mesures que l'administration envisageait de prendre à son encontre ;
- la qualification du local comme étant impropre par nature à l'habitation au seul motif de la méconnaissance de la règle de surface minimale de la pièce principale prescrite par le règlement sanitaire départemental est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ; en s'abstenant de prendre en compte la luminosité ou encore l'aménagement du local et la présence de points d'eau, l'arrêté est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article L. 1331-2 du code de la santé publique ;
- en se basant sur la notion de logement indigne pour justifier la mise en demeure de faire cesser la mise à disposition du local, le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 1331-2 du code de la santé publique ;
- les équipements du local et leur adaptation constituent un espace de vie tout à fait acceptable dans lequel la locataire a vécu et s'est maintenue en y exerçant même une activité professionnelle ; la configuration du local est adaptée à l'habitation au sens du code de la santé publique ; s'agissant de la prétendue absence de ventilation, il n'est pas fait état de traces d'humidité ou d'autres manifestations d'une mauvaise aération ; quant au plan de travail de la cuisine qui s'est désolidarisé, cette circonstance ne révèle pas l'insuffisance du local ou son insalubrité mais n'est que la résultante de l'insuffisance de la locataire ;
- le délai de trois mois pour faire cesser la mise à disposition à fin d'habitation du local est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il est extrêmement court, sans être argumenté ni même justifié par une quelconque urgence, alors que le relogement est par ailleurs impossible puisque la locataire n'a pas donné suite aux demandes répétées de justification de documents ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'un détournement de pouvoir.
Par deux mémoires en intervention enregistrés les 18 et 20 novembre 2022, Mme E..., représentée par Me Hubert, conclut au rejet de la requête de la SCI Chyra, à la confirmation du jugement attaqué et à ce que soit mise à la charge de la SCI Chyra la somme de 2 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense et des pièces enregistrés le 9 janvier 2023, 16 février 2023 et 7 avril 2023, le ministre de la santé et de la prévention conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
La requête a été transmise au préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 20 novembre 1979 portant règlement sanitaire du département de Paris ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- les observations de Me Phlippot, avocat de la SCI Chyra,
- et les observations de Me Hubert, avocat de Mme D....
Une note en délibéré a été enregistrée le 8 mai 2023 pour la SCI Chyra.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile immobilière (SCI) Chyra, dont la gérante est Mme C... A..., est propriétaire d'un local dans un immeuble situé 101 rue de Prony (bâtiment sur cour, côté gauche, ascenseur huitième étage, porte 37) à Paris 17ème, qui est loué à Mme D.... Suite au signalement de cette dernière, le service technique de l'habitat de la Ville de Paris y a réalisé deux inspections les 27 novembre 2019 et 10 mars 2020 qui ont conduit à la rédaction d'un rapport d'enquête le 29 juin 2020. Par arrêté du 19 octobre 2020, le préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris a mis en demeure la SCI Chyra de faire cesser, dans un délai de trois mois, la mise à disposition aux fins d'habitation du local précité. Par jugement n° 2021677/6-3 du 21 octobre 2021, dont la SCI Chyra relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la recevabilité de l'intervention :
2. Mme D... en sa qualité de locataire du local visé par la mise en demeure de faire cesser la mise à disposition aux fins d'habitation, justifie d'un intérêt suffisant au maintien du jugement attaqué ayant rejeté le recours formé contre l'arrêté du 19 octobre 2020 du préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris. Par suite, l'intervention de Mme D... est admise.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique dans sa rédaction alors applicable : " Les caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur et autres locaux par nature impropres à l'habitation ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux. Le représentant de l'Etat dans le département met en demeure la personne qui a mis les locaux à disposition de faire cesser cette situation dans un délai qu'il fixe (...) ".
4. D'autre part, selon l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ". En l'absence de dispositions législatives instaurant une procédure contradictoire particulière préalablement aux mises en demeure de faire cesser l'occupation aux fins d'habitation, les mesures prévues par les dispositions précitées de l'article L. 1331-22 du code de la santé publique, qui présentent le caractère de mesures de police, doivent être précédées, en application des dispositions combinées précitées des articles L. 211-2 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, d'une information préalable du propriétaire qui doit être mis à même de présenter des observations sur les mesures que l'administration envisage de prendre.
5. La SCI Chyra soutient que l'arrêté du 19 octobre 2020 du préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris est entachée d'un vice de procédure pour avoir été prise en méconnaissance des droits de la défense, dès lors qu'elle n'a jamais été mise à même de présenter des observations, notamment sur les mesures que l'administration envisageait de prendre à son encontre.
6. Il résulte de l'instruction que les courriers des 10 août et 24 septembre 2020 par lesquels le préfet a invité la SCI Chyra à présenter ses observations dans un délai de 15 jours, d'une part, visent l'article L. 1331-22 du code de la santé publique et mentionnent que le local est par nature impropre à l'habitation, d'autre part, énonce également, qu'une " procédure d'insalubrité " est engagée, alors que les deux procédures afférentes sont distinctes, notamment s'agissant de leurs conséquences. Ces courriers n'avisent par ailleurs pas son destinataire de l'intention de l'administration de prendre un arrêté de mise en demeure de faire cesser la mise à disposition à des fins d'habitation du local dont il est propriétaire, compte tenu des constats opérés par le service technique de l'habitat de la Ville de Paris à la suite de l'inspection qui a eu lieu dans ledit local. Il suit de là que le moyen tiré de ce que la SCI Chyra n'a pas été mise à même de présenter des observations sur les mesures que l'administration envisageait de prendre est fondé.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête relatif à la régularité ou au bien-fondé du jugement attaqué, que la SCI Chyra est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 19 octobre 2020 du préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SCI Chyra la somme qu'elle demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Mme D..., intervenante en défense n'étant pas partie à la présente instance, les mêmes dispositions font obstacle à ce que la SCI Chyra lui verse une somme au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'intervention de Mme D... est admise.
Article 2 : Le jugement n° 2021677/6-3 du 21 octobre 2021 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 19 octobre 2020 du préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris sont annulés.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de la SCI Chyra est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de Mme D..., présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Chyra, au ministre de la santé et de la prévention et à Mme E....
Copie en sera adressée au préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 mai 2023.
La rapporteure,
A. B...
Le président,
R. LE GOFFLa greffière,
N. COUTY
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA06562