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10/05/2023 | FRANCE | N°22PA04730

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 10 mai 2023, 22PA04730


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 mai 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2210277 du 5 octobre 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregis

trés les 4 novembre 2022 et 5 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Traoré, demande à la Cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 mai 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2210277 du 5 octobre 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 novembre 2022 et 5 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Traoré, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 octobre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 19 mai 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant du jugement attaqué :

- il est insuffisamment motivé ;

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé lié par les décisions du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations des articles 3-1 et 10 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 5 de la directive 2003/86/CE du 22 septembre 2003 ;

- le préfet n'a pas exercé son pouvoir de régularisation ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est, par voie d'exception, illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé lié par les décisions du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par un courrier du 12 avril 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté en litige en tant qu'il " refuse " l'admission au séjour de M. B... au titre de l'asile sont irrecevables dès lors qu'elles sont dirigées contre une mesure qui est superfétatoire et qui ne revêt aucun caractère décisoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les observations de Me Raad, substituant Me Traoré, avocate de M. B....

Une note en délibéré, présentée pour M. B..., a été enregistrée le 18 avril 2023.

Considérant ce qui suit :

1. Ayant constaté que la demande d'asile de M. B..., ressortissant malien, né en 1987, avait été définitivement rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 20 janvier 2022, notifiée le 17 février 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis, par un arrêté du 19 mai 2022, a " rejeté " sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile et, en application des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... fait appel du jugement par lequel la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Le jugement attaqué, qui n'était pas tenu de faire mention de l'ensemble des éléments versés au dossier et des arguments de M. B..., est suffisamment motivé au regard des dispositions précitées de l'article L. 9 du code de justice administrative. Par suite, il n'est pas irrégulier pour ce motif.

Sur la recevabilité des conclusions d'appel dirigées contre le " refus " d'admission au séjour au titre de l'asile :

4. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° / (...) / Lorsque, dans le cas prévu à l'article L. 431-2, un refus de séjour a été opposé à l'étranger, la décision portant obligation de quitter le territoire français peut être prise sur le fondement du seul 4° ".

5. Il résulte de ces dispositions que le prononcé, par l'autorité administrative, à l'encontre d'un ressortissant étranger, d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 4° de cet article n'est pas subordonné à l'intervention préalable d'une décision statuant sur le droit au séjour de l'intéressé en France. Ainsi, lorsque l'étranger s'est borné à demander l'asile, sans présenter de demande de titre de séjour distincte sur un autre fondement, il appartient au préfet, après avoir vérifié que l'étranger ne pourrait pas prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour, de tirer les conséquences du rejet de sa demande d'asile par le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmé le cas échéant par la CNDA, sans avoir à statuer explicitement sur le droit au séjour de l'étranger en France. Lorsque le préfet fait néanmoins précéder, dans le dispositif de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français, un article indiquant le rejet de la demande d'admission au séjour de l'étranger au titre de l'asile, cette mesure, qui ne revêt aucun caractère décisoire, est superfétatoire.

6. En l'espèce, même s'il mentionne, à son article 1er, que " La demande d'admission au séjour au titre de l'asile présentée par [M. B...] est rejetée ", l'arrêté attaqué ne peut être regardé comme lui refusant la délivrance d'un titre de séjour dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait présenté une demande de titre de séjour distincte sur un autre fondement que l'asile. Ainsi, cette mesure étant superfétatoire, en application des dispositions précitées du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les conclusions du requérant dirigées contre le dispositif de l'article 1er de l'arrêté attaqué doivent être rejetées comme irrecevables.

Sur le surplus des conclusions à fin d'annulation :

7. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans / (...) ". Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant / (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est le père d'une enfant française, née le 11 avril 2022 et résidant en France, qu'il a reconnue le 23 mars 2022 et dont il a déclaré la naissance le 13 avril 2022. Il ressort également des pièces du dossier, et notamment de plusieurs témoignages circonstanciés, que l'intéressé contribue matériellement et affectivement à l'entretien et à l'éducation de cette enfant depuis sa naissance. Dans ces conditions, et compte tenu du fait que l'enfant de M. B... était âgée d'à peine plus d'un mois à la date de l'arrêté attaqué, le requérant ne pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement lorsque le préfet de la Seine-Saint-Denis a pris le 19 mai 2022 son arrêté prononçant à l'encontre de l'intéressé une obligation de quitter le territoire français.

9. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 mai 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. D'une part, aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé / (...) ".

11. D'autre part, aux termes de l'article L. 614-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas "

12. L'annulation de la décision du 19 mai 2022 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a obligé M. B... à quitter le territoire français implique que ce préfet procède au réexamen de la situation de l'intéressé et prenne une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Cette annulation implique également que le préfet de la Seine-Saint-Denis lui délivre sans délai une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés au litige :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2210277 de la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Montreuil du 5 octobre 2022 et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 19 mai 2022 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. B... et de prendre une nouvelle décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 18 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2023.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAULe président,

C. JARDIN

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA04730


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04730
Date de la décision : 10/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : TRAORE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-05-10;22pa04730 ?
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