Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée de deux ans et d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".
Par un jugement n° 2110934 du 21 juin 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 juillet 2022 et un mémoire enregistré le 23 mars 2023,
M. B..., représenté par Me Assor-Doukhan, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Montreuil n° 2110934 en date du 21 juin 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 juillet 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et lui a interdit de retourner sur le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou de réexaminer sa situation à compter de l'arrêt à intervenir sous la même condition d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée en fait ;
- elle méconnaît les articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision d'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;
- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
Le préfet de la Seine-Saint-Denis auquel la requête a été communiquée n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Mme C... a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien né le 24 septembre 1995 à Zarzis est entré en France sous couvert d'un visa de court séjour le 23 juillet 2012. Le 25 mai 2016, il a fait l'objet d'un premier arrêté de refus de séjour du préfet de police accompagné d'une obligation de quitter le territoire français. Il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire puis a fait l'objet le
9 juillet 2018 d'un nouvel arrêté du préfet de police de refus de séjour accompagné d'une obligation de quitter le territoire français et d'une interdiction de retour sur le territoire français pendant 12 mois. Le 9 février 2021, M. B... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour à la sous-préfecture du Raincy. Par un arrêté du 29 juillet 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant deux ans. M. B... relève appel du jugement en date du 21 juin 2022 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 juillet 2021.
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
2. En premier lieu, l'arrêté attaqué fait état de ce que l'intéressé a déjà fait l'objet de deux refus de séjour accompagnés d'obligations de quitter le territoire français ainsi que, s'agissant du deuxième arrêté, d'une interdiction de retour sur le territoire français. Il mentionne également que M. B... s'est marié le 12 juin 2020 avec une ressortissante tunisienne titulaire d'un titre de séjour valable jusqu'au 31 août 2021 et qu'il a eu un enfant avec cette dernière, né le 14 mars 2021. L'arrêté fait également état de ce que le requérant a présenté plusieurs documents afférents à des expériences professionnelles tels qu'un contrat de travail au sein de la société Forty One sans être en mesure de justifier la réalité de cette embauche par des fiches de paye, qu'il a obtenu et occupé un emploi de janvier 2017 à juillet 2018 au sein de la société FDY Resto sur la base d'une fausse carte nationale d'identité française et qu'il a été condamné par un jugement du Tribunal correctionnel de Paris du 1er mars 2017 à trois mois d'emprisonnement avec sursis et 600 euros d'amende pour blessures involontaires avec incapacité supérieure à trois mois par un conducteur de véhicule terrestre à moteur sans assurance et qu'il est également connu des services de police pour avoir pris le nom d'un tiers dans le système national des permis de conduire ainsi que pour soustraction à l'exécution d'une mesure de reconduite à la frontière à l'aéroport de Roissy. Dès lors, l'arrêté comporte les motifs de fait venant au soutien de la décision. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation en fait doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). - / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 prévoit que " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ". Aux termes de l'article
L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15,
L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Et aux termes de l'article
L. 435-1 du même code, applicable aux ressortissants tunisiens sollicitant la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".
4. Il ressort des pièces du dossier qu'entré le 24 juillet 2012 sur le territoire national sous couvert d'un visa de séjour touristique, M. B... a été scolarisé en lycée professionnel en France. Il a obtenu le 5 juillet 2016 un CAP de serrurier métallier puis a exercé l'emploi de livreur et d'employé polyvalent en tant que salarié pour la société FYD Resto sous couvert d'une fausse carte nationale d'identité. Il a créé une micro-entreprise en vue de poursuivre cette activité de livreur. Enfin il s'est marié, le 12 juin 2020, avec une ressortissante tunisienne, originaire comme lui de Zarzis, employée comme caissière dans un supermarché à dominante alimentaire, et titulaire d'une carte de séjour temporaire valable jusqu'au 31 août 2021, avec laquelle il a eu un enfant né le 14 mars 2021. Toutefois, le séjour en France de M. B... s'est poursuivi alors qu'il a toujours été en situation irrégulière ou successivement sous le coup de deux arrêtés de refus de séjour accompagnés d'obligation de quitter le territoire français et d'une décision d'interdiction de retour sur le territoire français pendant un an. Par ailleurs, il a été condamné le 1er mars 2017 par le tribunal correctionnel de Paris à 3 mois d'emprisonnement avec sursis et 600 euros d'amende pour blessures involontaires ayant entraîné une incapacité supérieure à trois mois pour avoir conduit le 5 avril 2016 un véhicule terrestre à moteur sans assurance. Cette condamnation a été inscrite au bulletin n° 2 de son casier judiciaire. Il est, par ailleurs, défavorablement connu des services de police pour avoir usurpé l'identité d'un tiers et s'être soustrait à l'exécution d'une mesure de reconduite à la frontière à l'aéroport de Roissy. Dans ces conditions, et alors que M. B... n'exerce effectivement aucune activité professionnelle et ne justifie d'une communauté de vie avec son épouse que depuis février 2020 et que rien ne fait obstacle à ce que le couple s'installe avec son enfant dans son pays d'origine où demeurent les parents et la fratrie du requérant. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que le refus de séjour ne portait pas au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B... une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis. Le préfet n'a pas davantage méconnu l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que l'admission au séjour en France de M. B... ne répondait pas à des considérations humanitaires et ne se justifiait pas au regard de motifs exceptionnels. Le requérant n'est pas davantage fondé à soutenir que la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. Aucun des moyens dirigés contre la décision portant refus de titre de séjour n'ayant prospéré, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir de son illégalité, par voie de conséquence, à l'encontre de la mesure d'éloignement.
Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :
6. Aucun des moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français n'ayant prospéré, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir de son illégalité, par voie de conséquence, à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 14 avril 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Isabelle Marion, première conseillère,
- Mme Gaelle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2023.
La rapporteure,
I. C...Le président,
I. LUBEN
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA03090