La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/05/2023 | FRANCE | N°22PA00391

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 10 mai 2023, 22PA00391


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 25 mai 2020 par laquelle le président de la Polynésie française a prononcé à son encontre la sanction de suspension de ses fonctions pour une durée de deux ans sans rémunération, et d'enjoindre, sous astreinte, au président de la Polynésie française de le réintégrer dans ses fonctions.

Par un jugement n° 2000475 du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejet

é sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision du 25 mai 2020 par laquelle le président de la Polynésie française a prononcé à son encontre la sanction de suspension de ses fonctions pour une durée de deux ans sans rémunération, et d'enjoindre, sous astreinte, au président de la Polynésie française de le réintégrer dans ses fonctions.

Par un jugement n° 2000475 du 19 octobre 2021, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 janvier 2022 et le 4 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Mestre, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000475 du 19 octobre 2021 du tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) d'annuler la décision du 25 mai 2020 du président de la Polynésie française ;

3°) d'enjoindre au président de la Polynésie française de le réintégrer dans ses fonctions dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 300 000 francs CFP par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement de la somme de 3 352 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, trois personnes n'étant pas membres du conseil de discipline y ayant siégé ;

- l'avis émis par le conseil de discipline est dépourvu de la motivation exigée par l'article 25 de la délibération du 14 décembre 1995 ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée

- elle est entachée d'erreur de fait dès lors qu'il n'a commis aucun manquement au devoir d'obéissance et au devoir de réserve, n'a eu aucun comportement conflictuel à l'égard de ses confrères, de patients ou de tiers et n'a pas porté atteinte au bon fonctionnement du service ;

- la sanction prononcée est disproportionnée et entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2022, la Polynésie française, représentée par la SCP Doumic-Seiller, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 3 500 euros soit mis à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le moyen tiré de ce que le conseil de discipline était irrégulièrement composé est irrecevable ;

- les autres moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Par des mémoires, enregistrés le 14 novembre 2022 et le 2 décembre 2022, le centre hospitalier de la Polynésie française, représenté par Me Quinquis, a présenté des observations tendant au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 3 500 euros soit mis à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- la délibération n° 95-215 AT du 14 décembre 1995 ;

- la délibération n° 96-136 APF du 21 novembre 1996 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., chirurgien vasculaire et thoracique, exerce en qualité de praticien hospitalier titulaire au centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF) depuis 2008. L'arrêté du 24 avril 2017 par lequel le président de la Polynésie française avait prononcé à son encontre une sanction d'exclusion de fonctions, pour une durée de deux ans, ayant été annulé par un arrêt de la Cour du 11 avril 2019 comme étant entaché d'un défaut de motivation, le président de la Polynésie française, après avoir procédé à sa réintégration, l'a de nouveau exclu de ses fonctions pour une durée de deux ans, sans rémunération, par une nouvelle décision du 25 mai 2020. M. B... demande l'annulation du jugement du 19 octobre 2021 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la légalité externe de la décision attaquée :

2. Aux termes de l'article 86 de la délibération du 14 décembre 1995 portant statut général de la fonction publique du territoire de la Polynésie française, le pouvoir disciplinaire appartient au Président du gouvernement après avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline. Lorsqu'une sanction disciplinaire a été annulée par le juge et si l'autorité administrative édicte une nouvelle sanction à raison des mêmes faits, elle n'est pas tenue de saisir à nouveau le conseil de discipline compétent dès lors que cette formalité a été régulièrement accomplie avant l'intervention de la première sanction.

3. Il est constant que le conseil de discipline a été saisi et s'est réuni le 10 janvier 2017 à raison des mêmes faits reprochés à M. B... que ceux qui ont également fondé la seconde sanction du 25 mai 2020. Par suite, M. B... est recevable à invoquer des moyens tirés de l'irrégularité de l'avis émis le 10 janvier 2017 par ce conseil de discipline à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision du 25 mai 2020, qui a été prise au vu de cet avis et sans nouvelle consultation de ce conseil.

4. En premier lieu, il ressort du compte-rendu de la réunion du conseil de discipline du 10 janvier 2017 que le directeur du CHPF a été entendu par ce conseil en qualité de témoin, ainsi que le permet l'article 86 de la délibération du 14 décembre 1995. Par suite sa présence n'entache pas d'irrégularité l'avis émis par ce conseil.

5. Il ressort ensuite des termes de ce même procès-verbal que si la conseillère technique du ministre en charge de la fonction publique, le responsable de la cellule " consultation " de la direction générale des ressources humaines du Pays et le directeur général des ressources humaines étaient présents lors des débats alors qu'ils ne sont pas membres du conseil de discipline, ils ne se sont pas exprimés au cours de ces débats. Par ailleurs, si le procès-verbal ne mentionne pas leur sortie lors du délibéré, cette sortie est attestée par des membres de ce conseil qui étaient présents lors de la séance du 10 janvier 2017, la force probante de ces attestations ne pouvant être écartée des seuls faits qu'elles ont été établies et produites tardivement dans la procédure de première instance et qu'elles ne respectent pas le formalisme des dispositions du code de procédure civile applicables. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la présence irrégulière de ces deux personnes n'a pas pu influencer le sens de l'avis rendu et est, par suite, restée en l'espèce sans incidence sur la régularité de la procédure.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 25 de la délibération du 14 décembre 2015 : " (...) L'avis de la commission, ainsi que la décision prononçant une sanction disciplinaire, doivent être motivés ". Il ressort des termes de l'avis émis le 10 janvier 2017 par le conseil de discipline que celui-ci est suffisamment motivé par la description des faits reprochés, la mention de leur gravité, du caractère répréhensible de la manière de servir et du comportement de M. B..., de ses manquements à l'obligation d'obéissance et des explications de l'intéressé.

7. En troisième lieu la décision de sanction attaquée du 25 mai 2020, qui relate en détail les faits retenus à l'encontre de M. B... ainsi que leur retentissement sur le fonctionnement du service, est suffisamment motivé par elle-même, quand bien même n'y est pas annexé le rapport disciplinaire auquel elle fait référence, qui a au demeurant été lu au cours de la réunion du conseil de discipline et dont le M. B... avait pris connaissance avant cette réunion.

Sur la légalité interne de la décision attaquée :

8. M. B... reprend en appel le moyen tiré de ce que les faits de manquement au devoir d'obéissance, de comportement inapproprié et conflictuel dans l'exercice de ses fonctions avec le personnel médical et paramédical, mais également avec des patients ne sont pas établis, sans apporter d'élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ce moyen par les premiers juges. Par suite il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le Tribunal.

9. Enfin dès lors que les faits de manquement à son devoir d'obéissance, de comportement inapproprié et conflictuel dans l'exercice de ses fonctions avec le personnel médical et paramédical, mais également avec des patients, à de nombreuses reprises sur une longue période de plus de deux ans entre 2014 et 2016, sont établis, ainsi que leur répercussion négative sur le fonctionnement du service et sur la qualité des soins, M. B... n'est pas plus fondé en appel qu'en première instance à soutenir que la sanction d'exclusion de fonctions pour une durée de deux ans, privative de rémunération, serait entachée d'erreur d'appréciation présenterait un caractère disproportionné.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 25 mai 2020 attaquée. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande à ce titre. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le versement de la somme 1 500 euros à verser à la Polynésie française sur le fondement des mêmes dispositions. Dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du CHPF présentées sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à la Polynésie française une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions du centre hospitalier de la Polynésie française présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la Polynésie française et au centre hospitalier de la Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 18 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2023

La rapporteure

P. C...Le président,

C. JARDINLa greffière,

C. BUOTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA00391


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00391
Date de la décision : 10/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : SCP DOUMIC-SEILLER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-05-10;22pa00391 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award