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10/05/2023 | FRANCE | N°21PA01228

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 10 mai 2023, 21PA01228


Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011. Par un jugement n° 1925294 en date du 13 janvier 2021 le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de l'intéressée. Procédure devant la Cour : Par une requête, trois mémoires en réplique et des pièces nouvelles enregistrés respectivement les 9 mars, 1er juil

let, 2 et 19 octobre et 29 novembre 2021, Mme C..., représentée par M...

Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011. Par un jugement n° 1925294 en date du 13 janvier 2021 le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de l'intéressée. Procédure devant la Cour : Par une requête, trois mémoires en réplique et des pièces nouvelles enregistrés respectivement les 9 mars, 1er juillet, 2 et 19 octobre et 29 novembre 2021, Mme C..., représentée par Me Sieraczek-Laporte, avocat, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1925294 du 13 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011 ; 2°) de prononcer la décharge sollicitée ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les premiers juges ont méconnu les règles de dévolution de la charge de la preuve ; - ils ont commis une erreur de droit et une erreur de fait ; - l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales qui obligeait le service vérificateur à communiquer les documents qui fondaient les rectifications a été méconnu ; - l'administration fiscale ne pouvait revenir sur l'avis du supérieur hiérarchique du vérificateur en date du 16 juin 2014 par une simple lettre envoyée par le nouveau chef de brigade sans lui accorder un nouvel entretien et considérer qu'il s'agissait finalement de revenus taxables dans la catégorie des revenus d'origine indéterminé ; - la réponse aux observations du contribuable est insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales en ce qui concerne certains crédits bancaires taxés d'office par l'administration dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée ; - en méconnaissance des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, l'administration a, dans son courrier du 8 décembre 2014, remis en cause la position qu'elle avait formellement adoptée dans le courrier du 16 juin 2014 consécutif au recours hiérarchique ; cette remise en cause porte atteinte aux principes de confiance légitime et de sécurité juridique protégeant les contribuables ; - il appartient à l'administration fiscale de démontrer le caractère professionnel de l'activité de joueur de poker au sens de l'article 92 du code général des impôts ; M. C... a apporté des éléments de nature à établir qu'il était un joueur de poker non professionnel ; - la somme de 46 428,25 euros figurant en 2010 au crédit du compte courant d'associé de M. C... au sein de la société Koukiz correspond au cumul de charges sociales provisionnées depuis 2007 et n'est, par conséquent, pas imposable. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 3 juin et 29 octobre 2021, et des pièces, enregistrées le 5 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 24 novembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 décembre 2021 à 12 heures. Des pièces, enregistrées le 9 mars 2023, postérieurement à la clôture de l'instruction, ont été produites par l'administration à la demande de la Cour sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative ; elles n'ont pas été communiquées. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme D..., - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ; - et les observations de Me Sieraczek-Laporte pour Mme C.... Une note en délibéré, enregistrée le 5 avril 2023, a été produite pour Mme C... par Me Sieraczek-Laporte. Considérant ce qui suit : 1. M. A... C... et Mme B... C... ont fait l'objet d'un avis d'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2010 et 2011 qui leur a été adressé le 21 janvier 2013. Les mouvements de fonds crédités sur leurs comptes bancaires ont alors fait apparaître d'importantes discordances entre leurs revenus déclarés et leurs revenus effectivement disponibles. Par une proposition de rectification du 12 décembre 2013, le service a procédé, d'une part, en vertu de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales à la taxation d'office, dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, à raison de 326 691 euros pour l'année 2010 et de 381 497 euros pour l'année 2011, de crédits bancaires dont l'origine et la nature demeuraient inexpliquées en dépit d'une demande de justifications et d'éclaircissements du 26 juillet 2013 et d'une mise en demeure du 15 octobre 2013. D'autre part, en vertu de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales le service a procédé au rehaussement, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, des revenus distribués par la SARL Koukiz et de la SARL K dont M. C... était associé et gérant. Mme C..., aujourd'hui divorcée, a été imposée dans le cadre du foyer fiscal qu'elle formait avec M. C... au titre des années 2010 et 2011. Par un jugement n° 1925294 en date du 13 janvier 2021, dont Mme C... interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires et de prélèvements sociaux auxquels elle a été assujettie au titre des années 2010 et 2011. Sur la régularité du jugement : 2. Les circonstances que les premiers juges auraient commis une erreur de droit et une erreur de fait et, par ailleurs, inversé la charge de la preuve, ont trait au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal et sont donc sans incidence sur la régularité du jugement attaqué. Sur la régularité de la procédure d'imposition : 3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il résulte de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus après de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée. 4. Il résulte de l'instruction que, par la proposition de rectification en date du 12 décembre 2013, dont procèdent les impositions en litige assignées à Mme C..., l'administration a précisé l'origine et la teneur des documents utilisés pour établir la rectification litigieuse, en indiquant que le service a exercé son droit de communication auprès des banques CIC, Crédit du Nord et LCL afin d'obtenir une copie des relevés bancaires pour la période comprise en le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2011. Dans ses observations adressées par courrier du 16 janvier 2014, Mme C... a demandé´ que lui soient communiqués les relevés bancaires obtenus auprès de deux comptes au CIC, de deux comptes au crédit du Nord et d'un compte LCL. En l'absence de réponse de l'administration, elle a réitéré sa demande le 12 juin 2015. Par un courriel en date du 3 septembre 2015, le service a pris attache avec l'ancien conseil de Mme C... pour lui proposer un envoi par courriel des documents sollicités au regard du volume des documents demandés, celui-ci ayant répondu, le jour même, favorablement à un envoi dématérialisé. L'administration fiscale a alors envoyé les relevés bancaires demandés par cinq courriels en date des 3 et 4 septembre 2015, adressés au conseil de Mme C.... A supposer même que, comme le soutient Mme C..., les courriels en cause ne soient jamais parvenus à son ancien conseil, ou que seulement certains des comptes dont la production, accompagnée de leur numéro et de l'indication du volume de données transmises, étaient mentionnés dans ces courriels, il résulte de l'instruction que, à la suite d'une nouvelle demande présentée par son nouveau conseil, en date du 1er octobre 2015, l'administration a renvoyé, par courriel du 5 octobre suivant, les pièces dont la communication était demandée. En outre, Mme C... n'établit pas avoir fait les diligences nécessaires pour obtenir communication des pièces manquantes, avant la mise en recouvrement intervenue le 31 décembre 2015, alors qu'au regard de la teneur du courriel du 5 octobre 2015, son nouveau conseil avait été parfaitement avisé de l'intention du service de satisfaire à sa demande. Par suite, sans qu'un délai insuffisant pour ce faire puisse être utilement invoqué, l'administration doit être regardée comme ayant satisfait aux obligations qui lui incombaient. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ". 6. En vertu de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales précités, la réponse par laquelle l'administration rejette les observations du contribuable doit être motivée. L'administration est tenue de répliquer aux observations produites par le contribuable sans être toutefois tenue de répondre à tous les arguments formulés par ce dernier. 7. Mme C... fait valoir que la réponse aux observations du contribuable serait également insuffisamment motivée, le service vérificateur ayant maintenu les rehaussements dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée au motif que les crédits bancaires en litige ne pouvaient constituer des gains résultant de jeux du hasard au regard des dispositions de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 précité, en raison de l'absence d'informations sur la nature du jeu de hasard procurant des gains susceptibles d'être exonérés et d'attestations officielles délivrées par un organisme ou personne dûment habilité par l'Etat indiquant de manière précise les circonstances dans lesquelles les gains ont été perçus. 8. Dans le cadre de la réponse aux observations du contribuable du 3 avril 2014, s'appuyant sur les dispositions de la loi n°2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard, le service a indiqué à Mme C..., d'une part, que ni sa réponse, ni les attestations qu'elle y joignait, ne comportaient une quelconque indication sur la nature du jeu de hasard qui aurait procuré à M. C... des gains susceptibles d'exonération et, d'autre part, que les attestations manuscrites produites ne pouvaient être considérées comme des documents justifiant de la nature taxable des sommes en cause dans la mesure où elles ne comportent aucune précision sur l'organisation d'un jeu de hasard et ne provenaient d'aucune entité reconnue par l'Etat. Il a également relevé que sa réponse n'était pas davantage accompagnée d'une attestation officielle précisant les circonstances de perception des gains allégués. La réponse aux observations du contribuable, qui expose, pour y répondre, chacune des observations formulées par la requérante pour les crédits en cause, est ainsi suffisamment motivée. Le moyen tiré du défaut de motivation de la proposition de rectification litigieuse doit ainsi être écarté, sans que le contribuable puisse utilement critiquer à l'appui de ce moyen le bien-fondé des motifs retenus par le service. 9. En troisième lieu, Mme C... soutient que l'administration a méconnu la position adoptée par le supérieur hiérarchique du vérificateur le 16 juin 2014 qui a considéré que les gains issus de poker étaient taxables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. Elle considère que le nouveau supérieur hiérarchique nommé postérieurement à l'entretien ne pouvait revenir sur la position adoptée précédemment et qu'en conséquence la procédure est irrégulière. 10. La possibilité pour le contribuable de s'adresser, dans les conditions précisées par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, au supérieur hiérarchique du vérificateur puis, le cas échéant, à l'interlocuteur départemental ou régional constitue une garantie substantielle ouverte à l'intéressé à deux moments distincts de la procédure de rectification, en premier lieu, au cours de la vérification et avant l'envoi de la proposition de rectification ou la notification des bases d'imposition d'office pour ce qui a trait aux difficultés affectant le déroulement des opérations de contrôle et, en second lieu, pour les contribuables faisant l'objet d'une procédure de rectification contradictoire ou en cas d'examen contradictoire de situation fiscale personnelle, après la réponse faite par l'administration fiscale à leurs observations sur la proposition de rectification en cas de persistance d'un désaccord sur le bien-fondé des rectifications envisagées. 11. A ce second titre, cette garantie consiste pour le contribuable à pouvoir, avant la mise en recouvrement, saisir le supérieur hiérarchique du vérificateur et, le cas échéant, l'interlocuteur départemental de divergences subsistant au sujet du bien-fondé des rectifications envisagées, et non à poursuivre avec ces derniers un dialogue contradictoire de même nature que celui qui s'est achevé avec la notification de la réponse aux observations du contribuable. Le moyen tiré de ce que l'administration a, dans son courrier du 8 décembre 2014, remis en cause la position qu'elle avait adoptée dans le courrier du 16 juin 2014 consécutif au recours hiérarchique, ne peut dès lors, qu'être écarté. 12. En dernier lieu, si Mme C... soutient que l'administration a méconnu le principe de sécurité juridique et le principe de confiance légitime en méconnaissant la position du supérieur hiérarchique en date du 16 juin 2014, il résulte de ce qui a été indiqué aux points 8 et 11 précédents que le principe de sécurité juridique, qui ne figure pas au nombre des principes de valeur constitutionnelle, n'a pas été méconnu, En outre, le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit de l'Union européenne, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit de l'Union européenne, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des principes de confiance légitime et de sécurité juridique doivent être écartés. Sur le bien-fondé des impositions : En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée : 13. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés (...) ". L'article L. 16 A du même livre dispose que : " (...) Lorsque le contribuable a répondu de façon insuffisante aux demandes d'éclaircissements ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ". L'article L. 69 du livre des procédures fiscales dispose que : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ". Aux termes enfin de l'article L. 192 du même livre : " (...) la charge de la preuve incombe (...) au contribuable (...) en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 ". 14. Si l'administration ne peut régulièrement taxer d'office, en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, les sommes dont elle n'ignore pas qu'elles relèvent d'une catégorie précise de revenus, elle peut en revanche procéder à cette taxation d'office si, au vu des renseignements dont elle disposait avant l'envoi de la demande de justifications fondée sur l'article L. 16 du livre des procédures fiscales et des réponses apportées par le contribuable à cette demande, la nature des sommes en cause, et donc la catégorie de revenus à laquelle elles seraient susceptibles de se rattacher, demeure inconnue. Il est toutefois loisible au contribuable régulièrement taxé d'office sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales d'apporter devant le juge de l'impôt la preuve que ces sommes, soit ne constituent pas des revenus imposables, soit se rattachent à une catégorie précise de revenus. Dans cette dernière situation, le contribuable peut obtenir, le cas échéant, une réduction de l'imposition d'office régulièrement établie au titre du revenu global, à raison de la différence entre les bases imposées d'office et les bases résultant de l'application des règles d'assiette propres à la catégorie de revenus à laquelle se rattachent, en définitive, les sommes en cause. 15. L'administration fiscale a regardé Mme C... comme n'ayant pas répondu de manière suffisante à la demande d'éclaircissements ou de justifications prévue à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales qui lui a été notifiée le 26 juillet 2013, ainsi qu'à la mise en demeure qui lui a été transmise le 15 novembre 2013. En conséquence, l'intéressée a été, en application de l'article L. 69 du même livre, taxée d'office à raison des revenus d'origine indéterminée au titre des années 2012 et 2013. En vertu de l'article L. 192 précité, elle supporte la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions contestées. 16. Mme C... soutient que certains crédits bancaires taxés par le service en tant que revenus d'origine indéterminée correspondraient en réalité à des gains de jeux réalisés à l'issue de parties de poker entre amis par M. C.... Toutefois, si Mme C... a produit, dans sa réponse du 16 janvier 2014 à la proposition de rectification du 12 décembre 2013, pour justifier de la nature des sommes en cause, des copies de chèques, ainsi que des attestations émanant des auteurs de ces chèques, qui au demeurant ne précisent pas la nature du jeu en cause et sont postérieures aux faits de l'espèce, ces pièces, si elles révèlent des flux financiers entre M. C... et ces différentes personnes, ne permettent pas, par elles-mêmes, d'établir l'existence de gains de jeux ou d'une relation suivie entre M. C... et tel ou tel partenaire de jeu, correspondant à une pratique de gains de jeux d'argent ou de hasard habituelle, susceptible de générer un revenu éventuellement non imposable. Par ailleurs, la circonstance que M. C... a justifié avoir pratiqué au cours de la période vérifiée des jeux de cartes avec enjeux (notamment poker) et en avoir retiré des gains, en produisant des procès-verbaux d'enquête, dont certains mentionnent son nom, et un jugement du tribunal correctionnel de Paris en date du 20 novembre 2015, ne permet pas de démontrer que tout ou partie des crédits en litige proviendrait des auteurs des dépositions ainsi produites, qui sont distincts des auteurs des autres attestations mentionnées ci-dessus, faute de précision sur les sommes en cause. Enfin, si le jeu de poker fait intervenir des distributions aléatoires de cartes communes et de cartes propres à chaque joueur et qu'un joueur peut parvenir, grâce à l'expérience, la compétence et l'analyse de la psychologie de ses adversaires, à maîtriser le caractère aléatoire du résultat et à accroître de façon sensible sa probabilité de percevoir des gains importants et si de telles caractéristiques de la pratique du poker impliquent que les gains en résultant doivent être regardés comme tirés d'une occupation lucrative ou d'une source de profits constituant des revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, au sens des dispositions de l'article 92 du code général des impôts cité au point 13, il ne résulte pas de l'instruction que M. C... pratiquait de manière habituelle le poker et que les revenus qui en étaient tirés étaient significatifs. En conséquence, c'est à bon droit que l'administration fiscale n'a pas imposé ces gains dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Dans ces conditions, la requérante ne peut être regardée comme rapportant la preuve du caractère taxable des crédits litigieux dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, qui n'entraînerait d'ailleurs pas la décharge totale des impositions en litige, ou de leur caractère non taxable. 17. Par ailleurs, Mme C... soutient qu'en méconnaissance des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction en vigueur, l'administration a, dans son courrier du 8 décembre 2014, remis en cause la position qu'elle avait formellement adoptée le 16 juin 2014 dans le cadre du recours hiérarchique.

18. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction invoquée : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration./ Il en est de même lorsque, dans le cadre d'un examen ou d'une vérification de comptabilité ou d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle, et dès lors qu'elle a pu se prononcer en toute connaissance de cause, l'administration a pris position sur les points du contrôle, y compris tacitement par une absence de rectification ". Les dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales font obstacle à un rehaussement contraire à une prise de position antérieure tacite de l'administration prise dans le cadre d'une vérification de comptabilité ou d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle. Toutefois, ces dispositions, issues de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018, entrée en vigueur le 12 août 2018, sont applicables, conformément à l'article 9, II de la loi, aux prises de position tacites prises lors des contrôles dont les avis sont adressés à compter du 1er janvier 2019. Or, l'avis portant examen contradictoire de situation fiscale personnelle au titre des années 2010 et 2011 a été adressé aux époux C... le 21 janvier 2013. En outre, s'agissant du premier alinéa de cet article, la prise de position contestée ne porte pas sur un rehaussement d'impositions antérieures mais a été énoncée dans le cadre de la procédure de redressement ayant conduit aux impositions en litige. A ce titre, le bénéfice de la garantie que cet alinéa prévoit ne peut être demandé par Mme C.... 19. Mme C... invoque également, sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa ancien de l'article L. 80 du livre des procédures fiscales, l'existence d'une interprétation formelle opposable de la loi fiscale, contenue dans la réponse de l'administration à son recours hiérarchique en date du 16 juin 2014, selon laquelle les gains provenant de jeux de poker organisées à l'occasion de parties privées sont taxables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Toutefois, la position exprimée, au cas particulier, dans cette réponse, par le supérieur hiérarchique du vérificateur, qui consiste à citer un extrait d'une instruction administrative, ne constitue pas une interprétation de la loi fiscale au sens des dispositions de cet alinéa, la citation reprise ne contenant aucune interprétation contraire favorable de la loi fiscale. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 11 du présent arrêt, lorsque le supérieur hiérarchique ou l'interlocuteur, qui n'y sont pas tenus, formulent par écrit les éclaircissements sollicités par le contribuable, leur réponse n'a pas pour effet, et ne saurait d'ailleurs avoir pour objet, de modifier la base légale des rectifications envisagées par le vérificateur, telle qu'elle résulte, conformément aux articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales, des mentions figurant dans la proposition de rectification et la réponse aux observations du contribuable. Par suite le moyen doit être écarté. En ce qui concerne les revenus distribués : 20. La requérante soutient que la somme de 46 428,25 euros portée au crédit du compte courant de M. C..., associé à hauteur de 63% dans la société Koukiz, correspond à un cumul des charges sociales de ce dernier depuis 2007 dont le règlement est intervenu. Elle précise que chaque année, les charges sociales ont été provisionnées dans le compte 438 600 " charges sociales à payer " et qu'au 1er janvier 2010, il a été décidé de transférer le solde du compte précité au crédit du compte courant de M. C... et de porter les règlements effectués au profit des organismes sociaux au débit dudit compte courant. Pour étayer ses dires, elle produit un extrait du compte courant d'associé 455200 de M. A... C... dans la société Koukiz sur laquelle figure le crédit litigieux ainsi qu'un extrait du compte " 438 600 Autres charges à payer " sur lequel figure, au 1er janvier 2010, au crédit, un " A nouveau 2009 " de 46 428,25 euros et, au débit, une opération intitulée " reclassement " à hauteur de ce même montant. 21. D'une part, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital. En vertu de ces dispositions, les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus distribués et doivent être regardées comme mises à sa disposition au titre de l'année au cours de laquelle elles ont fait l'objet d'une inscription en compte courant. 22. Si la requérante fait valoir qu'en sa qualité de gérant majoritaire M. C... était indéfiniment responsable du paiement de ses cotisations sociales et que celles-ci ont été intégrées à sa rémunération annuelle, il ne ressort pas des éléments produits que M. C... aurait réalisé un apport financier au bénéfice de la SARL Koukiz ou aurait financé sur ses propres deniers une dépense incombant à cette société ouvrant droit à déduction de son bénéfice taxable. Ainsi, l'administration établit l'existence et le montant des revenus distribués en litige. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que les sommes laissées à disposition dans le compte courant de M. C... à hauteur de 46 428,25 euros par la société Koukiz ne constituent pas des revenus de capitaux mobiliers imposables en vertu des dispositions ci-dessus rappelées. 23. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, par le jugement attaqué, que le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Ses conclusions aux fins d'annulation et de décharge doivent dès lors être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E :Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.Copie en sera adressée à l'administratrice des finances publiques chargée de la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).Délibéré après l'audience du 5 avril 2023, à laquelle siégeaient :- M. Carrère, président,- M. Simon, premier conseiller, - Mme Boizot, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 10 mai 2023.La rapporteure,S. D...Le président,S. CARRERELa greffière,E. LUCELa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.21PA01228 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01228
Date de la décision : 10/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Sabine BOIZOT
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : TOURROU

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-05-10;21pa01228 ?
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