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10/05/2023 | FRANCE | N°21PA01075

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 10 mai 2023, 21PA01075


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ainsi que des majorations pour manquement délibéré et des intérêts de retard correspondants auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1916713 du 13 janvier 2021 le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er mars 20

21, le 1er octobre 2021 et le 9 novembre 2021 M. et Mme A..., représentés par Me Mispelon, demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ainsi que des majorations pour manquement délibéré et des intérêts de retard correspondants auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1916713 du 13 janvier 2021 le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er mars 2021, le 1er octobre 2021 et le 9 novembre 2021 M. et Mme A..., représentés par Me Mispelon, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1916713 du 13 janvier 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ainsi que des majorations pour manquement délibéré et des intérêts de retard correspondants auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors qu'ils n'ont pas bénéficié d'une procédure contradictoire conformément à l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration avant la mise en œuvre d'une sanction fiscale ;

- elle est irrégulière en ce que l'administration a violé le secret professionnel de l'avocat ;

- elle est irrégulière faute de leur avoir donné un délai suffisant entre la communication des pièces fondant l'imposition en litige et l'émission de l'avis de mise en recouvrement ;

- les sommes versées sur le compte Carpa d'un avocat ne constituent pas des recettes professionnelles taxables ;

- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas applicables faute de volonté d'éluder l'impôt.

Par des mémoires en défense enregistrés le 3 septembre 2021, le 19 octobre 2021 et le 1er décembre 2021 le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

La question prioritaire de constitutionnalité, présentée par M. et Mme A... dans des mémoires distincts enregistrés les 4 et 29 mars 2021 dans la présente instance, a fait l'objet d'un refus de transmission par une ordonnance du 28 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

-la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code pénal ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Mispelon pour M. et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre du contrôle sur pièces du dossier de M. et Mme A... pour l'année 2010, le service vérificateur a contrôlé l'activité d'avocate de Mme E... épouse A... et a porté le montant des bénéfices non commerciaux issus de cette activité de la somme de 5 807 euros à la somme, après déduction d'un forfait de 2 0 % de charges, de 483 446 euros, compte tenu d'une somme de 715 806 perçue par Mme A... à titre d'honoraires dans le cadre de l'achat d'un bien immobilier situé 21, rue de Berri à Paris par la société civile immobilière (SCI) du 21, rue de Berri. M. et Mme A... font appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ainsi que des majorations pour manquement délibéré et des intérêts de retard correspondants auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 en conséquence de ce rehaussement de bénéfices non commerciaux.

Sur la régularité de la procédure d'imposition

2. En premier lieu, si les requérants soutiennent qu'ils n'ont pas bénéficié d'un délai suffisant entre la communication, par l'administration, de la copie des pièces fondant l'imposition en litige et l'émission de l'avis de mise en recouvrement, il résulte de l'instruction que ces pièces, à savoir deux lettres chèques à l'ordre du compte à la Caisse de règlements pécuniaires des avocats (CARPA) de Me E..., une facture de Me E... et 2 conventions d'honoraires signées par Me E..., leur ont été communiquées par un courrier reçu le 7 décembre 2016, la mise en recouvrement étant intervenue le 31 décembre suivant. Compte tenu de ce délai et alors que les pièces en cause sont toutes relatives à des actes auxquels Me E... était partie, les requérants ne sont en tout état de cause pas fondés à soutenir que ce délai aurait porté atteinte à leur droit à un procès équitable protégé par les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

3. En deuxième lieu, il résulte de l'article L. 100-1 du code des relations entre le public et l'administration que les dispositions de l'article L. 122-1 de ce même code, relatives à la procédure contradictoire préalable aux décisions défavorables, ne s'appliquent qu'en l'absence de dispositions spécifiques. Dès lors que de telles dispositions spécifiques sont prévues par l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales relatif aux sanctions fiscales, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ne peut qu'être écarté comme inopérant.

4. En troisième lieu, l'article 1649 quater G du code général des impôts dispose que les documents comptables tenus par les adhérents des associations agrées des professions libérales comportent " quelle que soit la profession exercée par l'adhérent, l'identité du client ainsi que le montant, la date et la forme du versement des honoraires ", et l'article L. 13-0-A du livre des procédures fiscales que : " Les agents de l'administration des impôts peuvent demander toutes informations relatives au montant, à la date et à la forme des versements afférents aux recettes de toute nature perçues par les personnes dépositaires du secret professionnel en vertu des dispositions de l'article 226-13 du code pénal. Ils ne peuvent demander de renseignements sur la nature des prestations fournies par ces personnes ".

5. Si les requérants soutiennent que l'administration fiscale aurait porté atteinte au secret professionnel d'avocat de Me E... épouse A... en demandant à la SCI du 21, rue de Berri de produire des éléments couverts par ce secret, la procédure de vérification de la comptabilité de cette SCI est distincte de la procédure de contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. et Mme A... ayant donné lieu aux impositions en litige. En tout état de cause il résulte de l'instruction, d'une part, que les éléments fournis par la SCI et relatifs à la rémunération de trois intermédiaires intervenus dans la vente immobilière conclue à son profit ne sauraient porter atteinte à ce secret, dès lors que ces trois intermédiaires ne sont ni avocats, ni clients de Me E.... Par ailleurs, à supposer que les rapports entre la SCI et Me E... soient couverts par un tel secret, il résulte de l'instruction que les charges correspondant aux honoraires versés à Me E... figuraient comme telles, avec mention de la transaction immobilière, dans la comptabilité de la SCI, dont il n'est pas contesté qu'elle a spontanément produit la facture de Me E... établie à cette occasion, ainsi que la convention d'honoraires conclue avec celle-ci le 27 septembre 2010, sans opposer à l'administration ce secret, établi dans son intérêt. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'imposition en litige aurait été établie à l'issue d'une procédure ayant porté atteinte au secret professionnel. Pour les mêmes motifs, ils ne sont pas plus fondés à soutenir que la proposition de rectification du 10 décembre 2013 aurait porté atteinte à ce secret en portant ces mêmes éléments à la connaissance de M. A..., qui n'est pas astreint à ce secret.

Sur le bien-fondé des impositions :

6. Il résulte de l'instruction que Me E... a émis le 28 septembre 2010 une " facture d'honoraires " adressée à la SCI du 21, rue de Berri, qui l'a comptabilisée dans ses charges de l'exercice clos en 2010, cette facture d'un montant de 715 806 euros comportant 598 500 euros d'honoraires correspondant à un forfait de 3,5 % du montant de la vente immobilière conclue au profit de la SCI, ainsi que 117 306 euros de taxe sur la valeur ajoutée. La SCI a procédé au paiement du montant de cette facture par deux lettres-chèques rédigés à l'ordre du compte de Me E... à la Caisse de règlements pécuniaires des avocats (CARPA) de Paris.

7. Pour soutenir que le paiement de cette facture ne correspond pas à une recette professionnelle de l'activité d'avocat de Me E..., les requérants soutiennent que les sommes versées sur son compte CARPA ne sont pas disponibles, et qu'elles ont été reversées aux intermédiaires qu'elles étaient destinées à rémunérer, Me E... ne jouant que le rôle de séquestre de ces sommes ainsi que le prévoient les conventions conclues respectivement le 27 septembre 2010 entre la SCI du 21, rue de Berri et Me E..., et le 2 juillet 2010 entre les bénéficiaires de la promesse de vente de l'immeuble et les trois intermédiaires ayant participé à la transaction.

8. Il résulte de l'instruction que par une convention conclue le 2 juillet 2010 entre les bénéficiaires de la promesse de vente de l'immeuble sis 21, rue de Berri et deux entreprises ainsi qu'une personne physique, ces derniers sont désignés comme étant intervenus en qualité d'intermédiaires à la conclusion de cette promesse, et le montant de la rémunération due à chacun de ces trois intermédiaires est déterminé pour un montant total de 598 500 euros hors taxes, la même convention stipulant que le paiement de ces trois intermédiaires sera réalisé par un chèque à l'ordre de la CARPA établi par les bénéficiaires de la promesse de vente, ou toute personne qui s'y substituera, et remis à Me E... qui sera chargée de la répartition des honoraires dus à chacun de ces trois intermédiaires. Il n'est pas contesté que la SCI du 21, rue de Berri s'est régulièrement substituée aux deux bénéficiaires initiaux de la promesse de vente et se trouvait donc redevable du paiement des honoraires dus à ces trois intermédiaires. Par une seconde convention conclue le 27 septembre 2010 entre la SCI du 21, rue de Berri et Me E..., les parties ont convenu que la SCI versera à Me E..., à l'occasion de cette même transaction immobilière, un montant total de 598 500 euros hors taxes soit 715 806 euros TTC, et stipulent que Me E... " fera son affaire de rémunérer tous les autres intervenants dans cette opération, et dégage la SCI du 21, rue de Berri de tout paiement supplémentaire dans ladite opération ". Il est par ailleurs constant que ces trois intermédiaires ont chacun émis, en octobre 2010, une facture d'un montant correspondant à leur part des honoraires stipulée dans la convention du 2 juillet 2010, et que le montant de cette facture leur a été payé par un chèque et un virement émis respectivement le 15 octobre et le 19 octobre 2010 depuis le compte CARPA de Me E.... S'il n'est pas établi que la troisième de ces factures, émise par la SARL A... Bâtiment, aurait fait l'objet de la même manière d'un paiement depuis ce compte CARPA, les requérants doivent toutefois être regardés comme établissant, par ces deux conventions ainsi que par les opérations effectuées sur le compte CARPA de Me E..., que la somme totale de 598 500 euros versée sur ledit compte n'a pas été encaissée et, compte tenu des règles de fonctionnement de la CARPA, ne pouvait être encaissée par elle avant le 31 décembre 2010 et que, par suite, ne constituant pas des recettes professionnelles au sens de l'article 93 du code général des impôts, cette somme n'était pas imposable au titre de l'année 2010 dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Les requérants sont par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de leur requête, fondés à soutenir que c'est à tort que le Tribunal a rejeté leurs conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ainsi que des majorations pour manquement délibéré et des intérêts de retard correspondants auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2010.

Sur les frais de l'instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1916713 du 13 janvier 2021 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : M. et Mme A... sont déchargés, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mis à leur charge au titre de l'année 2010.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Mme D... A..., au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 18 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Hamon, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2023.

La présidente-rapporteure,

P. B...L'assesseur le plus ancien,

K. AGGIOURI

La greffière,

C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01075


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01075
Date de la décision : 10/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HAMON
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : MISPELON

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-05-10;21pa01075 ?
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