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28/04/2023 | FRANCE | N°22PA04947

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 28 avril 2023, 22PA04947


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 27 septembre 2019 par laquelle le recteur de l'académie de Créteil lui a retiré le bénéfice du concours de professeur des écoles, au titre de la session 2019 supplémentaire, et la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a rejeté son recours hiérarchique.

Par une ordonnance n° 2107891 du 7 juillet 2022, la présidente de la 2ème chambre du tribunal ad

ministratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 27 septembre 2019 par laquelle le recteur de l'académie de Créteil lui a retiré le bénéfice du concours de professeur des écoles, au titre de la session 2019 supplémentaire, et la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a rejeté son recours hiérarchique.

Par une ordonnance n° 2107891 du 7 juillet 2022, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 21 novembre 2022, M. D..., représenté par Me Rodrigue-Moriconi, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2107891 du 7 juillet 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler la décision du 27 septembre 2019 par laquelle le recteur de l'académie de Créteil lui a retiré le bénéfice du concours de professeur des écoles, au titre de la session supplémentaire 2019, et la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a rejeté son recours hiérarchique formé contre cette décision ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports de le réintégrer en qualité de professeur des écoles stagiaire ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. D... d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- sa demande de première instance est recevable ;

- les décisions contestées sont entachées d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 10 du décret n° 90-680 du 1er août 1990 modifié, dans la mesure où il était lauréat du concours de professeur des écoles et avait produit le certificat médical exigé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2022, le recteur de l'académie de Créteil conclut au rejet de la requête. Il soutient que la requête est irrecevable et qu'en tout état de cause, les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 13 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 mars 2023 à 12h00.

Un mémoire a été enregistré le 10 mars 2023 pour M. D....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986, abrogé ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de cette loi ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme d'Argenlieu,

- les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... a été reçu à la session 2019 du concours supplémentaire de professeur des écoles. A la rentrée de l'année scolaire 2019/2020, il a été affecté à l'école maternelle

Romain Rolland de la commune d'Epinay-sur-Seine. Par une lettre du 6 septembre 2019, la direction des services départementaux de l'éducation nationale de la Seine-Saint-Denis (DSDEN 93) a informé M. D... qu'il ne pourrait pas être nommé tant qu'il ne produirait pas un certificat médical d'aptitude au 2 septembre 2019 à l'exercice de ses fonctions et que, dans cette attente, il était invité à ne pas se présenter dans son école d'affectation. Par une lettre du 27 septembre 2019, la DSDEN 93 a informé M. D... que, faute d'avoir reçu le certificat médical exigé, il perdait le bénéfice du concours obtenu pour la session supplémentaire 2019. M. D... a exercé auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports un recours hiérarchique à l'encontre de cette décision, auquel il n'a pas été répondu. Par une ordonnance n° 2107891 du 7 juillet 2022, dont M. D... fait appel, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a rejeté, comme étant manifestement irrecevables, ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 27 septembre 2019 et du rejet implicite de son recours hiérarchique.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser (...) ". L'article 20 du décret susvisé du 28 décembre 2020 dispose : " Sans préjudice de l'application de l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et du II de l'article 44 du présent décret, lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée ou déposée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : 3° De la date à laquelle le demandeur de l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 69 et de l'article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ; 4° Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné (...) ". En application de ces dispositions, le délai de recours contentieux commence à courir soit à compter du jour où la décision du bureau d'aide juridictionnelle devient définitive, soit, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice. Ces dispositions ne sauraient toutefois avoir pour effet de rendre ce délai opposable au demandeur tant que cette décision ne lui a pas été régulièrement notifiée.

3. En l'espèce, la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montreuil a par ordonnance rejeté pour tardiveté, sur le fondement du 4° précité de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, la demande de M. D... au motif que l'aide juridictionnelle totale lui avait été accordée par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 19 août 2020, que l'intéressé ne contestait pas que cette décision lui avait été notifiée dans le délai ordinaire d'acheminement des courriers postaux et que, par suite, le recours formé huit mois après la date de la décision lui accordant l'aide juridictionnelle était manifestement tardif. Toutefois, en l'absence de tout élément au dossier permettant d'établir l'existence et, par conséquent, la date de cette notification, l'irrecevabilité de la demande de M. D... n'était pas manifeste. Le premier juge ne pouvait dès lors, sans entacher son ordonnance d'irrégularité, rejeter la demande de l'intéressé sur le fondement des dispositions précitées du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

4. Il y a lieu en conséquence d'annuler l'ordonnance attaquée et de statuer par la voie de l'évocation sur l'ensemble des conclusions et moyens présentés par M. D... tant devant la Cour que devant le tribunal administratif de Montreuil.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

5. Il est constant, en l'espèce, que M. D... a présenté une demande d'aide juridictionnelle le 15 octobre 2019, soit dans le délai de recours contentieux de deux mois ouvert à l'égard de la décision du 27 septembre 2019 qu'il entendait contester. Or, ainsi qu'il a été dit, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 19 août 2020 lui accordant l'aide juridictionnelle totale à cette fin lui aurait été régulièrement notifiée. Le délai de recours à l'égard de la décision du 27 septembre 2019 n'a donc jamais commencé à courir. Par suite, la demande de M. D... n'était pas tardive lorsque, le 19 avril 2021, il a saisi le tribunal administratif de Montreuil.

Sur la légalité des décisions attaquées :

6. L'article 5 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, alors applicable, dispose que : " Sous réserve des dispositions de l'article 5 bis, nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire : (...) 5° S'il ne remplit pas les conditions d'aptitude physique exigées pour l'exercice de la fonction compte tenu des possibilités de compensation du handicap ". Aux termes de l'article 20 du décret susvisé du 14 mars 1986, alors applicable : " Nul ne peut être nommé à un emploi public s'il ne produit à l'administration, à la date fixée par elle, un certificat médical délivré par un médecin généraliste agréé constatant que l'intéressé n'est atteint d'aucune maladie ou infirmité ou que les maladies ou infirmités constatées et qui doivent être indiquées au dossier médical de l'intéressé ne sont pas incompatibles avec l'exercice des fonctions postulées. Au cas où le praticien de médecine générale a conclu à l'opportunité d'un examen complémentaire, l'intéressé est soumis à l'examen d'un médecin spécialiste agréé (...) ".

7. En l'espèce, il n'est pas contesté que durant l'été 2019, la DSDEN 93 a informé M. D... que son dossier administratif et financier était incomplet puisqu'il ne contenait pas le certificat médical établissant son aptitude au 2 septembre 2019, date de la rentrée des classes, à l'exercice de ses fonctions de professeur des écoles. M. D... affirme qu'il a répondu à ces relances par une lettre recommandée avec accusé réception en date du 31 juillet 2019, à laquelle il a joint un certificat d'aptitude, dont il admet cependant qu'il datait de 2016. Toutefois, ce certificat, trop ancien, ne permettait pas à l'administration d'apprécier l'aptitude physique de M. D... à prendre ses fonctions. Or, il est constant qu'au jour de la rentrée scolaire, date fixée par l'administration à laquelle l'intéressé devait au plus tard avoir transmis un certificat valide, ce que du reste il n'ignorait pas, cette formalité n'avait pas été respectée. Par suite, le recteur de l'académie de Créteil n'a pas méconnu les dispositions précitées des articles 5 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 et 20 du décret susvisé du 14 mars 1986, lorsque le 27 septembre 2019, n'étant toujours pas en possession du certificat demandé, il a retiré à M. D... le bénéfice du concours obtenu à la session supplémentaire 2019. Certes, il ressort des pièces du dossier que M. D... a le 28 septembre 2019 adressé par courriel à la DSDEN 93 un certificat d'aptitude actualisé, ce qui constitue selon lui la preuve que la décision contestée, prise étonnement la veille de cet envoi, aurait été antidatée. Toutefois, à supposer même que la capture d'écran laissant apparaître que le fichier informatique contenant la lettre contestée a été créé le 1er octobre 2019 suffise à établir un antidatage, une telle circonstance serait sans incidence sur la légalité de la décision en litige.

8. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 27 septembre 2019 du recteur de l'académie de Créteil et du rejet implicite de son recours hiérarchique.

Sur l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du rectorat de l'académie de Créteil, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. D... demande au titre des frais exposés et par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 2107891 du 7 juillet 2022 du tribunal administratif de Montreuil est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Montreuil et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au recteur de l'académie de Créteil.

Copie en sera adressée au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, présidente,

- Mme Briançon, présidente-assesseure,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 avril 2023.

La rapporteure,

L. d'ARGENLIEULa présidente,

M. A...

La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA04947


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04947
Date de la décision : 28/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : RODRIGUE-MORICONI

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-04-28;22pa04947 ?
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