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21/04/2023 | FRANCE | N°22PA02220

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 21 avril 2023, 22PA02220


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 17 septembre 2019 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 20 février 2019 rejetant la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Sucrerie et Distillerie de Souppes - Ouvré fils, et a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1910252 du 22 avril 2022, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 17

septembre 2019 de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Procédur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 17 septembre 2019 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 20 février 2019 rejetant la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Sucrerie et Distillerie de Souppes - Ouvré fils, et a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1910252 du 22 avril 2022, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 17 septembre 2019 de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 mai 2022 et 12 décembre 2022, la société Sucrerie et Distillerie de Souppes - Ouvré fils, représentée D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun du 22 avril 2022 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. C... ;

3°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les fautes commises par M. C..., dont la matérialité est établie, sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, alors même qu'il s'agissait de faits isolés ; l'état de fatigue allégué par le salarié, son ancienneté au sein de l'entreprise et l'absence de sanction antérieure ne sauraient atténuer la gravité des fautes ;

- les moyens soulevés par M. C... en première instance et en appel ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 14 novembre 2022, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun du 22 avril 2022 et de rejeter la demande de première instance de M. C....

Il renvoie à ses écritures de première instance.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 novembre 2022, M. C..., représenté par Me Brault, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la société Sucrerie et Distillerie de Souppes - Ouvré fils sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle ne tend pas à l'annulation du jugement attaqué ;

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,

- les observations de Me Bon, représentant la société Sucrerie et Distillerie de Souppes - Ouvré fils,

- et les observations de Me Brault, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a été recruté en 2007 par la société Sucrerie et Distillerie de Souppes - Ouvré fils, par un contrat à durée indéterminée à compter du 2 juin 2008, en qualité d'ouvrier cour bassins. Il occupait en 2019 le poste de jointeur confirmé et de conducteur cristallisation en période de production au sein de l'usine de Souppes-sur-Loing. Il a été élu le 21 juin 2018 membre titulaire du comité social et économique. En raison d'évènements survenus dans la nuit du 4 au 5 janvier 2019, la société Sucrerie et Distillerie de Souppes - Ouvré fils a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de le licencier pour motif disciplinaire. Par une décision du 20 février 2019, l'inspectrice du travail a refusé de délivrer l'autorisation sollicitée. La société requérante a formé un recours hiérarchique contre cette décision. Après avoir implicitement rejeté ce recours, la ministre du travail a, par une décision du 17 septembre 2019, retiré sa décision implicite de rejet, annulé la décision de l'inspectrice du travail du 20 février 2019 et autorisé le licenciement de M. C.... La société Sucrerie et Distillerie de Souppes - Ouvré fils relève appel du jugement du 22 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé cette décision du 17 septembre 2019.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'autorité compétente de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

3. Il ressort des pièces du dossier, notamment de témoignages précis et concordants, et n'est pas sérieusement contesté par le salarié, que dans la nuit du 4 au 5 janvier 2019, M. C... se trouvait en salle de réunion où il a menacé verbalement son supérieur hiérarchique. Il a en outre fait preuve à son égard d'une attitude agressive, imposant l'intervention préventive d'un témoin pour l'éloigner vers la salle de cristallisation. L'intéressé reconnaît par ailleurs avoir endommagé à cette occasion la porte en carton alvéolaire d'un vestiaire, dont des photographies sont jointes au dossier. La matérialité de ces faits et leur caractère fautif sont en conséquence établis.

4. Il ne ressort pas en revanche des pièces du dossier que M. C... aurait été effectivement au cours de ces faits en état d'ébriété, comme le fait valoir la société Sucrerie et Distillerie de Souppes - Ouvré fils en produisant un témoignage relevant notamment l'haleine de l'intéressé. Le comportement d'insubordination allégué par la société requérante n'est pas davantage établi. Par ailleurs, alors qu'il était employé par cette entreprise depuis douze ans, M. C... n'a jamais reçu auparavant de sanction disciplinaire ni commis d'actes ou menaces de même nature. Dans ces conditions, la société Sucrerie et Distillerie de Souppes - Ouvré fils n'est pas fondée à soutenir, en l'absence d'antécédents, et compte tenu du caractère isolé des faits reprochés au salarié, nonobstant leur caractère fautif et quand bien même ils ne pourraient être expliqués par une fatigue professionnelle, que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'ils n'étaient pas d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de M. C....

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir opposée par M. C..., que la société Sucrerie et Distillerie de Souppes - Ouvré fils n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du 22 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé la décision de la ministre du travail du 17 septembre 2019.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. C..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme à la société Sucrerie et Distillerie de Souppes - Ouvré fils au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement à M. C... de la somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions,

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Sucrerie et Distillerie de Souppes - Ouvré fils est rejetée.

Article 2 : La société Sucrerie et Distillerie de Souppes - Ouvré fils versera la somme de 1 500 euros à M. C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sucrerie et Distillerie de Souppes - Ouvré fils, à M. B... C... et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Isabelle Marion, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 avril 2023.

La rapporteure,

G. A...Le président,

I. LUBENLe greffier,

É. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA02220


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02220
Date de la décision : 21/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : BRAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-04-21;22pa02220 ?
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