Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Labvantage Solutions Europe Limited a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, des rappels de TVA mis à sa charge pour la période allant du 1er avril 2011 au 31 mars 2015, ensemble les pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1905097 du 6 avril 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 juin 2021, la société Labvantage Solutions Europe Limited, représentée par la SCP August Debouzy, agissant par Mes Rohmer et Lecomte, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1905097 du 6 avril 2021 du tribunal administratif de Paris et de la décharger des impositions supplémentaires contestées ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la régularité de la procédure :
- la procédure est irrégulière pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, faute pour l'administration de lui avoir notifié les différents actes de la procédure de contrôle au siège social de la société de droit britannique situé au Royaume-Uni ;
- pour le même motif, la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales est irrégulière, ce d'autant qu'elle est fondée à opposer à l'administration, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les prévisions des instructions BOI-IS-DECLA-30-10-40 n° 190, n° 200 et n° 260 et BOI-BIC-DECLA-30-40-20-20 n° 20, n° 30, n° 40, n° 50 et n° 150 du 12 septembre 2012.
En ce qui concerne le bien-fondé des pénalités et amendes :
- l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts est infondée dès lors qu'elle établit avoir été dans l'impossibilité matérielle de désigner dans les délais les bénéficiaires des distributions, qu'il ne saurait par ailleurs être considéré que des sommes ont été désinvesties dans la mesure où elle a justifié, au stade de la réclamation préalable, de la déductibilité de 89 % des charges remises en cause par le vérificateur, enfin, que l'amende en cause est, au vu de ce qui précède, contraire au principe de proportionnalité qu'organise le 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la pénalité prévue à l'article 1732 du code général des impôts n'est en l'espèce pas applicable dès lors que l'administration, qui n'a pas effectué toutes les diligences utiles pour la joindre, n'établit pas qu'elle était dans une situation d'opposition à contrôle fiscal.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête en faisant valoir qu'aucun des moyens qu'y soulève la société appelante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société Labvantage Solutions Europe Limited, société de droit britannique créée en 2006 et dont le siège social est situé au Royaume-Uni, qui exploite par ailleurs un établissement immatriculé en France le 27 mai 2009, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er avril 2011 au 31 mars 2014, étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 31 mars 2015. La société a fait l'objet d'un procès-verbal d'opposition à contrôle fiscal établi le 19 août 2015, puis s'est vue notifier une proposition de rectification en date du 22 septembre 2015 mettant à sa charge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période vérifiée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, assortis notamment des pénalités et amendes prévues aux articles 1732 et 1759 du code général des impôts. Par sa requête, la société Labvantage Solutions Europe Limited relève appel du jugement n° 1905097 du 6 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires.
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure :
2. Aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix ".
3. En premier lieu, la société Labvantage Solutions Europe Limited soutient que le service a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, ensemble le principe du contradictoire et les droits de la défense, dès lors que les différents actes de procédure, et notamment l'avis de vérification de comptabilité, ont été libellés à l'attention de " Monsieur le Gérant de la Sarl Labvantage Solutions Europe Limited " et adressés " Chez Alac Etoile / 3 rue du colonel B... / 75017 Paris ", et non à son siège social britannique. Selon elle, l'administration, qui connaissait l'adresse de son siège anglais, aurait dû, en l'absence de réponse persistante, y adresser les actes de procédure aux fins de mener effectivement le contradictoire à son endroit, ce d'autant que l'établissement français étant dépourvu de personnalité morale, l'administration a méconnu la nature juridique de l'entité française, dès lors qu'elle n'a fait que s'immatriculer comme société de droit britannique disposant d'une succursale en France. Il résulte toutefois de l'instruction que la société Labvantage Solutions Europe Limited s'est déclarée le 27 mai 2009 au Registre du commerce et des sociétés (RCS) comme société à responsabilité limitée (Sarl) d'un Etat de l'Union, en immatriculant en France un établissement au 3 rue du Colonel B... 75017 Paris, et en mentionnant comme " responsable en France " M. D... A..., cette dernière mention étant intervenue, selon les informations légales disponibles, le 22 octobre 2013, précision étant par ailleurs faite que l'adresse du siège social de la société britannique au Royaume-Uni n'a pas été renseignée au RCS. Il résulte également de l'instruction que la société a déposé, au titre de chacune des années contrôlées, ses déclarations n° 2065 pour le paiement de l'impôt sur les sociétés au Service d'imposition des entreprises de Paris 17ème en s'identifiant comme " SARL Labvantage Solutions Europe Lim, 3 rue du Colonel B... - 75017 PARIS ", quand bien même cette déclaration comportait également l'adresse du siège social anglais sous la rubrique " adresse du déclarant (quand elle est différente de l'adresse du destinataire) et/ou adresse du siège social si elle est différente de celle du principal établissement ". De plus, il résulte de l'instruction que l'avis de vérification comme l'ensemble des autres pièces de la procédure d'imposition ont été effectivement réceptionnés à l'adresse à laquelle l'administration les a envoyées. Par suite et dans les circonstances de l'espèce, alors que la société requérante n'allègue pas que M. D... A... n'aurait pas été son responsable en France, le service ne saurait être regardé comme ayant méconnu les dispositions précitées de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales en envoyant à la société requérante les différents actes de procédure à l'adresse et sous le libellé qui ont été mentionnés. Il n'a pas davantage, en conséquence, méconnu le principe du contradictoire et les droits de la défense.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers (...) ".
5. Si la société Labvantage Solutions Europe Limited soutient que l'administration était tenue de rejeter sa domiciliation chez la société Alac Etoile en l'absence persistante de réponse, en sorte qu'elle a méconnu les dispositions précitées, il n'est pas sérieusement contesté que les différents actes de procédure, envoyés avec accusé de réception, ont bien été retirés, le salarié de la domiciliation commerciale ayant précisé au vérificateur que les courriers adressés à la société étaient réexpédiés à l'adresse " Mrs ..., Labvantage Solutions Inc, 265 Davidson Avenue, Suite 220, Somerstet, NJ 08873 Etats-Unis " et qu'ils étaient distribués dans les 48 heures de leur envoi. En tout état de cause, la société requérante ne peut utilement invoquer les doctrines administratives du 12 septembre 2012 référencées BOI-IS-DECLA-30-10-40 et BOI-IS-DECLA-30-40-20-20, dès lors que leurs énonciations, qui traitent de questions touchant à la procédure d'imposition, ne peuvent être regardées comme comportant une interprétation de la loi fiscale au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Par suite, et dès lors que la société s'est abstenue de répondre à l'avis de vérification du 5 mai 2015 et aux courriers des 23 juin et 28 juillet 2015, l'administration était fondée à constater, par procès-verbal du 19 août 2015, l'opposition à contrôle fiscal et à faire application des dispositions de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne les pénalités :
6. Aux termes de l'article 1732 du code général des impôts : " La mise en œuvre de la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales entraîne : / a. L'application d'une majoration de 100 % aux droits rappelés ou aux créances de nature fiscale qui doivent être restituées à l'Etat ".
7. Si la société Labvantage Solutions Europe Limited soutient que la majoration de 100 % appliquée pour opposition à contrôle fiscal est injustifiée, dès lors qu'elle n'a pas été informée de la tenue des opérations de contrôle et ne pouvait, par suite, produire des éléments contradictoires ou se présenter auprès du vérificateur, il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 4 que la procédure d'évaluation d'office a été régulièrement mise en œuvre à son encontre. Par suite, le moyen doit être écarté comme infondé.
En ce qui concerne les amendes mises à la charge de la société :
8. Aux termes de l'article 117 du code général des impôts : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. / En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ". Aux termes de l'article 1759 du même code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées (...) ".
9. En premier lieu, si la société requérante soutient qu'elle n'a pas été en mesure de répondre dans un délai de trente jours à l'invitation de désigner les bénéficiaires des revenus considérés comme distribués, contenue dans la proposition de rectification du 22 décembre 2015, dès lors que cette demande a été envoyée à une adresse différente de celle de son siège social britannique, il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 4 que le service vérificateur était fondé à adresser l'invitation prévue à l'article 117 du code général des impôts au 3 rue du colonel B... à Paris 17e.
10. En deuxième lieu, la société requérante valoir que les revenus réputés distribués résultent du refus d'admission de charges et qu'elle a, au stade des réclamations contentieuses, justifié de la déductibilité de l'essentiel, soit 89 %, desdites charges. Une telle circonstance n'est toutefois pas de nature à remettre en cause la qualification de revenus distribués pour ce qui concerne le reliquat des charges pour lesquelles la société n'a pas apporté de justificatifs.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...). / 2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ".
12. Les dispositions de l'article 1759 du code général des impôts, qui prévoient des taux de majoration différents selon que le contribuable cumule ou non un manquement aux obligations déclaratives relatives à ses résultats avec un manquement aux obligations résultant de l'article 117 du même code, proportionnent les pénalités qu'elles instituent aux agissements du contribuable en vue de dissimuler des distributions de revenus. Le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués par l'administration pour établir l'existence de l'un ou l'autre de ces manquements, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir ou d'appliquer la majoration effectivement encourue au taux prévu par la loi, soit s'il estime que l'administration n'établit pas que le contribuable, interrogé à bon droit sur le fondement de l'article 117 du code général des impôts, aurait manqué à l'obligation résultant de cet article de répondre, dans un délai de trente jours, à la demande qui lui était faite de désigner les bénéficiaires des distributions de bénéfices auxquelles il a procédé, de le décharger de la pénalité mentionnée à l'article 1759 du code général des impôts. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période allant du 1er avril 2011 au 31 mars 2015, ensemble les pénalités correspondantes.
Sur les frais liés à l'instance :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans l'instance, verse à la société requérante la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés dans l'instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Labvantage Solutions Europe Limited est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Labvantage Solutions Europe Limited et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Perroy, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2023.
Le rapporteur,
G. C...
La présidente,
H. VINOT
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA0309002