Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... D... et M. E... A... ont demandé la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011, 2012 et 2013.
Par un jugement n° 1811849 du 3 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 2 octobre 2020, le 1er juillet 2021, et les 25 et 26 septembre 2022, ainsi que deux mémoires en réponse à un moyen d'ordre public enregistrés le 17 octobre 2022 et le 22 mars 2023, Mme A... D... et M. A..., représentés par la SCP UGC avocats, demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) de surseoir à statuer et d'ordonner, avant dire droit, une expertise contradictoire en application des dispositions de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, afin pour l'expert qui sera désigné de prendre connaissance de l'entier dossier ainsi que des documents comptables et des liasses fiscales du G... Trust établis au titre de années 2008 à 2013, de constater la mise en trust au profit des enfants de M. D..., bénéficiaires de son trust testamentaire, de se faire remettre, en tant que de besoin, tous autres documents qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission et d'établir un rapport attestant de la probité des documents produits en cours d'instance et de la réalité de la situation financière du G... Trust, et de remettre son rapport dans un délai de trois mois ;
2°) sur la base du rapport d'expertise, de réformer le jugement n° 1811849 du 3 juin 2020 du tribunal administratif de Paris ;
3°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions contestées ;
4°) d'annuler la décision du 6 mars 2018 rejetant leur réclamation contentieuse ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens.
Ils soutiennent que :
- le droit de reprise de l'administration était prescrit à la date de mise en recouvrement des impositions établies au titre de l'année 2012 ;
- en procédant à des rehaussements au titre de l'année 2013, qui n'était pas visée par l'examen de leur situation fiscale personnelle, l'administration a violé les garanties des contribuables et entaché la procédure d'irrégularité ;
- c'est à tort que la somme de 45 000 dollars, versée sur un compte dont Mme A... D... n'est pas titulaire et destinée à acquitter les frais relatifs à la liquidation de la succession de son père, a été imposée entre leurs mains ;
- c'est à tort que l'administration a regardé comme revenus distribués les transferts de capital effectués entre le Shenendoah 2008 Trust et le F... Trust réalisés au cours des années 2012 et 2013 afin de régler la succession du père de Mme A... D....
Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 mars 2021 et le 10 juin 2022, un mémoire enregistré le 11 octobre 2022 qui n'a pas été communiqué, ainsi que trois mémoires en réponse à un moyen d'ordre public enregistrés les 14 octobre 2022 et les 14 et 28 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme A... D... et M. A... n'est fondé.
Par un mémoire enregistré le 1er juillet 2021, Mme A... D... et M. A..., représentés par la SCP UGC avocats, demandent à la Cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions du 9° de l'article 120 du code général des impôts.
Ils soutiennent que ces dispositions, applicables au litige, méconnaissent le droit de propriété et le principe d'égalité devant les charges publiques.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2021, le ministre de l'économie et des finances soutient que les conditions posées par l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ne sont pas remplies, et, en particulier, que la question est dépourvue de caractère sérieux.
Par un courrier du 12 octobre 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'erreur commise par l'administration fiscale dans la catégorie d'imposition de la somme de 33 012 euros imposée au titre de l'année 2011 dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- la convention fiscale franco-américaine du 31 août 1994 modifiée ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales, et notamment son article 120-9° ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 ;
- la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme H...,
- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique,
- et les observations de Me Glotin, pour Mme A... D... et M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... D... et M. A..., divorcés au cours de l'année 2013, ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre des années 2010 à 2012. Mme A... D... a en outre fait l'objet d'une vérification sur pièces de sa déclaration fiscale déposée seule au titre de l'année 2013. A la suite de plusieurs demandes d'assistance administrative internationale effectuées auprès des autorités fiscales américaines ainsi que d'une demande d'éclaircissements et de justifications suivie d'une mise en demeure, l'administration a rehaussé les bases d'imposition des requérants au titre de l'année 2011 par une proposition de rectification du 10 décembre 2014 et, s'agissant de l'année 2012, par deux propositions de rectification des 3 mars 2015 et 18 avril 2016. Elle a également procédé, par proposition de rectification également en date du 18 avril 2016, à un rehaussement des revenus distribués perçus par Mme A... D... au titre de l'année 2013. Mme A... D... et M. A... ont sollicité la décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires auxquelles ces rehaussements ont donné lieu, mis en recouvrement le 31 mars 2017 s'agissant de l'impôt sur le revenu et le 30 juin 2017 s'agissant des contributions sociales. Ils relèvent appel du jugement du 3 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
2. Il résulte des dispositions combinées des premiers alinéas des articles 23-1 et 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que la cour administrative d'appel, saisie d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.
3. Aux termes de l'article 120 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus au sens du présent article : (...) 9° Les produits distribués par un trust défini à l'article 792-0 bis, quelle que soit la consistance des biens ou droits placés dans le trust ".
4. En premier lieu, selon Mme A... D... et M. A..., le 9° de l'article 120 du code général des impôts révèle une incompétence négative du législateur, lequel a soumis à l'impôt sur le revenu les " produits distribués " par un trust sans définir cette notion ni préciser le régime de prise en compte de ces " produits distribués " au regard d'autres régimes d'imposition. De là découle, selon Mme A... D... et M. A... une méconnaissance du droit de propriété, l'imprécision de la notion de " produits distribués " permettant selon eux à l'administration d'élargir, de façon arbitraire, l'assiette de l'imposition.
5. Toutefois, d'une part, la méconnaissance, le cas échéant, par le législateur de l'étendue de sa compétence dans la détermination de l'assiette ou du taux d'une imposition n'affecte par elle-même aucun droit ou liberté que la Constitution garantit. D'autre part et en tout état de cause, il résulte des dispositions du 9° de l'article 120 du code général des impôts, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, qui a modifié, notamment, ces dispositions et celles des articles 750 ter et 792-0 bis du code, une claire distinction entre les " produits capitalisés " qui, lorsqu'ils sont transmis par donation ou succession sont, comme les droits et titres placés dans le trust, soumis aux droits de mutation et les " revenus distribués " d'autre part, qui entrent dans le champ du 9° de l'article 120. Il en résulte que seuls peuvent être considérés comme produits de trust étranger, soumis à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers dans le chef du bénéficiaire du trust, les sommes correspondant aux fruits générés par le capital affecté au trust qui sont distribués à ce bénéficiaire. Il en résulte que les dispositions en cause définissent avec suffisamment de précision l'assiette de l'imposition.
6. En second lieu, Mme A... D... et M. A... soutiennent que les dispositions du 9° de l'article 120 du code général des impôts méconnaissent le principe d'égalité devant les charges publiques, en faisant peser sur le contribuable, bénéficiaire d'un trust sans en être le constituant, une charge de la preuve excessive quant à la nature des sommes qu'il perçoit en provenance du trust. Toutefois, et alors que les dispositions du 9° de l'article 120 du code général des impôts n'instituent pas de présomption selon laquelle toute somme payée au bénéficiaire d'un trust serait un revenu distribué au sens de ces dispositions, ils n'indiquent pas en quoi le bénéficiaire d'un trust qui n'est pas également constituant de ce trust serait par principe et en toutes occasions, y compris dans les cas où le trust ne tient pas de comptabilité, dans l'impossibilité d'apporter des éléments relatifs à la nature des distributions effectuées par le trust à son profit, soit pour s'opposer aux prétentions de l'administration lorsque celle-ci a la charge de la preuve, soit pour satisfaire à cette même charge de la preuve dans les cas où celle-ci lui incombe, selon les règles normales de dévolution de la charge de la preuve applicables au contentieux fiscal.
7. Il résulte de ce qui précède que la question de la contrariété des dispositions du 9° de l'article 120 du code général des impôts avec les principes constitutionnels et les droits et libertés invoqués à l'appui de la question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme A... D... et M. A... est dépourvue de caractère sérieux.
8. Ainsi, il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme A... D... et M. A....
Sur la régularité du jugement :
9. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". En l'espèce, contrairement à ce que Mme A... D... et M. A... soutiennent dans leur mémoire en réplique, les premiers juges ont suffisamment répondu, au point 8 de leur jugement, au moyen tiré de ce que c'est à tort que l'administration a regardé comme revenus distribués les transferts de capital effectués entre le Shenendoah 2008 Trust et le F... Trust réalisés au cours des années 2012 et 2013, et les a imposés sur le fondement du 9° de l'article 120 du code général des impôts, notamment en relevant que l'administration doit être regardée comme apportant une justification suffisante quant à la nature des sommes en cause. Si Mme A... D... et M. A... contestent la réponse apportée par le tribunal en faisant valoir qu'il s'agissait non pas de distributions de revenus, mais de remises d'actifs successoraux, une telle contestation relève du bien-fondé du jugement et est sans incidence sur sa régularité. Mme A... D... et M. A... ne sont dès lors pas fondés à soutenir que ce jugement serait insuffisamment motivé et, par suite, irrégulier.
Sur le bien-fondé du jugement :
Sur la prescription du droit de reprise de l'administration au titre de l'année 2012 :
10. En application de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ". Aux termes des dispositions de l'article L. 188 A du même livre, dans leur version issue de la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance financière, et qui s'applique aux demandes qui, comme en l'espèce, ont été formulées dans les délais de reprise venant à expiration à compter du 8 décembre 2013 : " Lorsque l'administration a, dans le délai initial de reprise, demandé à l'autorité compétente d'un autre Etat ou territoire des renseignements concernant un contribuable, elle peut réparer les omissions ou les insuffisances d'imposition afférentes à cette demande, même si le délai initial de reprise est écoulé, jusqu'à la fin de l'année qui suit celle de la réception de la réponse et, au plus tard, jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle le délai initial de reprise est écoulé. Le présent article s'applique dans la mesure où le contribuable a été informé de l'existence de la demande de renseignements dans le délai de soixante jours suivant son envoi ainsi que de l'intervention de la réponse de l'autorité compétente de l'autre Etat ou territoire dans le délai de soixante jours suivant sa réception par l'administration ".
11. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a adressé une demande d'assistance internationale aux autorités fiscales américaines, le 23 février 2015, soit dans le délai de reprise pour l'année 2012. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette demande, ainsi qu'il ressort du courrier de réponse de l'administration américaine, visait explicitement Mme A... D..., et avait pour objet non seulement de connaître l'organisation et le fonctionnement du trust de droit américain dénommé " The G... Trust ", dans lequel ont été placés les actifs successoraux de M. B... D..., le père de Mme A... D..., décédé le 1er novembre 2008, mais également d'identifier si la contribuable avait bénéficié de distributions en provenance de ce trust. Cette demande, dont l'administration a valablement informé Mme A... D... et M. A... par courrier du 3 mars 2015, a donc eu pour effet de proroger le délai de reprise jusqu'au terme de l'année 2016, dans le courant de laquelle est intervenue la réponse de l'administration américaine, dont les requérants ont été informés par courrier du 29 mars 2016. Si les appelants soutiennent que, contrairement à ce que fait valoir l'administration fiscale, Mme A... D... n'aurait pas perçu de revenus en provenance du G... Trust et que celui-ci aurait uniquement procédé à la répartition entre les héritiers de M. B... D... des actifs successoraux placés dans le trust, cette circonstance, à la supposer établie, relève du bien-fondé des impositions et est sans incidence sur la prorogation du délai de reprise. Par suite, le moyen tiré de ce que la proposition de rectification du 3 mars 2015 et la proposition de rectification complémentaire du 18 avril 2016 seraient intervenues hors délai de reprise doit être écarté.
Sur la régularité de la procédure d'imposition au titre de l'année 2013 :
12. Il résulte de l'instruction que Mme A... D... a fait l'objet, au titre de l'année 2013, d'un contrôle sur pièces de sa déclaration de revenus. C'est dans le cadre de cette procédure que, par proposition de rectification du 18 avril 2016, l'administration fiscale, tirant les conséquences de la réponse fournie par les autorités fiscales américaines à la demande d'assistance administrative internationale mentionnée au point 11, a informé Mme A... D..., selon la procédure de rectification contradictoire, du rehaussement de ses bases d'imposition à raison des distributions en provenance du G... Trust. Il ne résulte d'aucune disposition ni d'aucun principe que la circonstance que cette demande avait été formulée au cours de l'examen de la situation fiscale personnelle dont Mme A... D... et M. A... faisaient par ailleurs l'objet au titre des années 2010 à 2012, puisse faire obstacle à ce que l'administration procède audit rehaussement, dès lors qu'était respecté le caractère contradictoire de la procédure, ce qui n'est pas contesté par Mme A... D.... Les moyens tirés de ce que l'administration aurait violé les garanties du contribuable et commis une irrégularité de procédure ne peuvent, par suite, qu'être écartés.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'année 2011 :
13. Aux termes de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales : " (...) sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ". Aux termes de l'article L. 16 de ce livre : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications au sujet de sa situation et de ses charges de famille, des charges retranchées du revenu net global ou ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu en application de articles 156 et 199 septies du code général de impôts, ainsi que des avoirs ou revenus d'avoirs à l'étranger ". Et aux termes de l'article L. 193 du même livre : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".
14. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a adressé à Mme A... D... et à M. A..., le 8 juillet 2014, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, une demande d'éclaircissements ou de justifications complémentaire portant sur la somme de 45 000 dollars, soit 33 012 euros, créditée en 2011 au compte ouvert auprès de la banque israélienne ... par Mme A... D..., dont il ressort de ses propres déclarations à l'administration fiscale qu'elle en était l'ayant-droit. Considérant que les contribuables n'avaient pas répondu de manière satisfaisante à cette demande, ni à la mise en demeure qui leur a été adressée le 5 septembre 2014, l'administration fiscale a mis en œuvre la procédure de taxation d'office prévue par les dispositions précitées de l'article 69 du livre des procédures fiscales et a taxé la somme en cause dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée. Par suite, il appartient à Mme A... D... et à M. A..., en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, de démontrer le caractère exagéré des impositions supplémentaires résultant de ce rehaussement.
15. Les appelants soutiennent que cette somme de 45 000 dollars correspond à un virement de fonds du G... Trust en vue de couvrir les frais relatifs à la liquidation de la succession du père de Mme A... D..., dont un cabinet d'avocats israélien, gestionnaire du compte, avait la charge s'agissant des actifs situés en Israël. Ils produisent à l'appui de leurs allégations une attestation établie par le trustee du G... Trust, selon laquelle la somme qui a été créditée sur le compte le 4 février 2011 correspond à un virement qu'il a effectué pour payer des dépenses incombant au trust en Israël, qu'elle n'a fait que transiter sur le compte de Mme A... D... et qu'elle n'était donc pas destinée à cette dernière. Toutefois, si la somme litigieuse figure au crédit du compte, elle n'y apparaît jamais en débit, attestant ainsi d'un paiement qui aurait été effectué à un tiers. Par ailleurs, d'une part, dans leur lettre du 2 mai 2014 adressée à l'administration, en réponse à la demande d'information et de justifications du 25 février 2014, Mme A... D... et M. A... indiquent que cette somme de 45 000 dollars correspond à l'un des trois versements portés au crédit du compte, à la suite de la vente de l'appartement de Tel Aviv, et après " remboursement du solde de l'emprunt immobilier sur l'appartement, du paiement des frais divers et de certains ajustements liés à la vente ". D'autre part, dans le certificat qu'il a établi le 24 avril 2014, Me ..., gestionnaire du compte pour Mme A... D..., mentionne une somme, payée au cabinet d'avocat en charge de la succession, de 50 093 dollars. Enfin, l'administration fait valoir sans être contredite que le bien cédé en Israël ne faisait pas partie des actifs du trust. Si Mme A... D... et M. A... soutiennent que " les termes du Trust autorisent un exécuteur testamentaire de même qu'un trustee à régler des frais et solder les dettes du défunt et constituant ce trust, et ce alors même que ces dettes et charges se rapportent à un actif successoral non placé en Trust " ils n'apportent aucune précision ni aucune justification à l'appui de leurs allégations, s'agissant en particulier des dispositions de la loi de l'Etat de Floride, dont relève le trust, ou des termes de l'acte du G... Trust qui autoriseraient ce type d'opération. Dans ces conditions, et en l'absence d'explications plus précises, Mme A... D... et M. A... n'établissent pas, ainsi qu'ils en ont la charge, l'exagération de leurs bases d'imposition. Par suite, ils ne sont pas fondés à demander la décharge des revenus taxés d'office en application des dispositions précitées.
En ce qui concerne les années 2012 et 2013 :
16. Aux termes de l'article 792-0-bis du code général des impôts : " I. ' 1. Pour l'application du présent code, on entend par trust l'ensemble des relations juridiques créées dans le droit d'un Etat autre que la France par une personne qui a la qualité de constituant, par acte entre vifs ou à cause de mort, en vue d'y placer des biens ou droits, sous le contrôle d'un administrateur, dans l'intérêt d'un ou de plusieurs bénéficiaires ou pour la réalisation d'un objectif déterminé. (...) ".
17. Par ailleurs, aux termes de l'article 120 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus au sens du présent article : (...) 9° Les produits distribués par un trust défini à l'article 792-0 bis, quelle que soit la consistance des biens ou droits placés dans le trust ". Ainsi qu'il a déjà été dit au point 5 du présent arrêt, pour l'application de ces dispositions, seuls peuvent être considérés comme produits de trust étranger, soumis à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers dans le chef du bénéficiaire du trust, les sommes correspondant aux fruits générés par le capital affecté au trust qui sont distribués à ce bénéficiaire.
18. L'administration fiscale, se fondant sur la réponse des autorités fiscales américaines à sa demande d'assistance administrative internationale, a imposé, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les sommes de 1 576 166 euros au titre de l'année 2012 et 1 641 376 euros au titre de l'année 2013, au motif qu'elles constituaient des distributions de revenus effectuées par le G... Trust, constitué afin d'organiser la transmission du patrimoine du père de Mme A... D... à l'occasion de sa succession. Mme A... D... et M. A... contestent la qualification ainsi effectuée par l'administration de produits distribués, au sens et pour l'application de l'article 120 du code général des impôts, en soutenant, en premier lieu, que les distributions en cause constituaient des transferts de capital, conformes à l'objet du trust et, en second lieu, que les sommes soumises à l'impôt sur le revenu ayant en tout état de cause été versées au F... Trust, entité de droit américain distincte de la requérante, cette dernière ne pouvait en être regardée comme la bénéficiaire.
19. Pour considérer que les sommes qui ont fait l'objet des impositions litigieuses constituaient des distributions de revenus, et non pas des transferts du capital placé en trust résultant de la cession d'actifs, comme le soutiennent Mme A... D... et M. A..., l'administration s'est appuyée, d'une part, sur le document qui lui a été transmis par les autorités fiscales américaines en réponse à ses demandes d'assistance administrative internationale, et intitulé " The G... Trust distributions to beneficiaries ", sur l'écart important entre le montant des sommes distribuées et la valeur du capital placé en trust, qui s'élevait à 56 578 403 euros en 2012 et 53 087 342 euros en 2013 et le fait que des transferts de capitaux en fonction de la quote-part successorale seraient, selon elle, nécessairement plus élevés, et sur la circonstance que le trust générerait des revenus distribuables, comme en attesterait la plus-value de cession de 40 millions d'euros réalisée par les sociétés Enfi et Mediterranean Properties Inc, que le trust détient à 100 %, sur la vente d'un bien immobilier situé à Saint-Tropez, en juillet 2011. Toutefois, d'une part, le terme anglais de " distributions " utilisé dans le document envoyé par les autorités fiscales américaines ne permet pas d'identifier la nature des sommes distribuées, de telles " distributions " pouvant porter soit sur le revenu net généré, le cas échéant, par les actifs placés en trust (net income), soit sur des transferts de capitaux (principal). Il résulte par ailleurs des termes de l'acte constitutif du trust, en particulier des articles IV et VIII, que le trustee dispose d'une totale discrétion s'agissant de la date et du montant des transferts de capital, et qu'il n'est pas lié par la quote-part successorale des bénéficiaires du trust. D'autre part, la seule circonstance que des sociétés dont le trust détient la totalité des parts auraient réalisé une plus-value importante lors de la vente d'un bien immobilier ne suffit pas pour établir la réalité de distributions de revenus, qui plus est sur l'ensemble de la période en cause, alors qu'il ressort des liasses fiscales produites au dossier, et portant sur les années 2009 à 2013, que les charges d'exploitation du G... Trust étaient importantes et que son résultat d'exploitation a été déficitaire sur les deux années considérées. Par ailleurs, ni la ligne 18 de la première page des formulaires 1041 remplis par le trustee du G... Trust, ni la ligne 10 du tableau " B ", dont c'est l'objet, ne mentionnent de distributions de revenu net aux bénéficiaires du trust, Mme A... D... et M. A... soutenant à ce titre sans être contredits qu'aucun formulaire " K-1 " n'a été adressé en ce sens aux autorités fiscales américaines. Dans ces conditions l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe de ce que les revenus rehaussés entraient dans le champ des distributions soumises à l'impôt sur le revenu en application des dispositions du 9° de l'article 120 du code général des impôts.
20. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que Mme A... D... et M. A... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires mises à leur charge au titre des années 2012 et 2013.
Sur les frais liés à l'instance :
21. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... D... et à M. A..., respectivement, d'une somme de 2 000 euro au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme A... D... et M. A....
Article 2 : Mme A... D... et M. A... sont déchargés, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contributions sur les hauts revenus et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 et, pour Mme A... D..., de l'année 2013.
Article 3 : Le jugement du 3 juin 2020 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Mme A... D... et à M. A... une somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... D..., à M. E... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction nationale des vérifications des situations fiscales (DNVSF).
Délibéré après l'audience du 30 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Aggiouri, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 avril 2023.
La rapporteure,
C. H...La présidente,
H. VINOT
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA02868 2