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13/04/2023 | FRANCE | N°22PA04325

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 13 avril 2023, 22PA04325


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'opposition à tiers détenteur émise à son encontre le 5 juillet 2017 par la paierie départementale de la Seine-Saint-Denis pour le recouvrement d'un indu de revenu minimum d'insertion de 17 740,36 euros au titre des mois de novembre 2001 à juin 2007 et de la décharger de l'obligation de payer cette somme. Par un jugement du 13 juin 2018, le tribunal administratif s'est déclaré incompétent pour connaitre de la demande et l'a transmi

se à la commission départementale d'aide sociale de la Seine-Saint-Denis....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'opposition à tiers détenteur émise à son encontre le 5 juillet 2017 par la paierie départementale de la Seine-Saint-Denis pour le recouvrement d'un indu de revenu minimum d'insertion de 17 740,36 euros au titre des mois de novembre 2001 à juin 2007 et de la décharger de l'obligation de payer cette somme. Par un jugement du 13 juin 2018, le tribunal administratif s'est déclaré incompétent pour connaitre de la demande et l'a transmise à la commission départementale d'aide sociale de la Seine-Saint-Denis. Mme A... a par ailleurs demandé à cette commission d'annuler la décision du 8 août 2017 par laquelle le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis a rejeté son recours contre la décision décidant la récupération de l'indu de revenu minimum d'insertion, de la décharger de l'obligation de payer la somme de 17 740,36 euros et d'enjoindre la restitution des sommes recouvrées.

Par une décision du 16 novembre 2018 notifiée le 21 décembre 2018, la commission départementale d'aide sociale de la Seine-Saint-Denis a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 19PA02033 du 3 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Paris a, sur l'appel de Mme A..., annulé la décision du 16 novembre 2018 de la commission départementale d'aide sociale de la Seine-Saint-Denis, annulé la décision du 5 juillet 2017 du président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis de récupérer l'indu en cause de revenu minimum d'insertion en tant qu'elle concerne la période allant du 1er novembre 2001 au 28 juin 2002, déchargé Mme A... de l'obligation de payer la somme mise à sa charge pour cette période et rejeté le surplus des conclusions présentées par Mme A... devant la commission départementale d'aide sociale de la Seine Saint-Denis et devant la Cour.

Par une décision n° 451071 du 3 août 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi formé par Mme A..., a annulé cet arrêt en tant qu'il statue, d'une part, sur les conclusions dirigées contre l'opposition à tiers détenteur du 5 juillet 2017 et, d'autre part, sur celles aux fins de décharge et d'injonction, a renvoyé l'affaire à la Cour dans la mesure de la cassation prononcée, a mis à la charge du département de la Seine-Saint-Denis une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions du pourvoi de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêt en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions à fin d'annulation de la décision du président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis du 8 août 2017.

Procédure devant la Cour :

Par un mémoire enregistré le 8 février 2023 sous le n° 22PA04325, le département de la Seine-Saint-Denis, représenté par Me Cano, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 950 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions dirigées contre la décision du président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis du 8 août 2017 sont, comme l'a jugé le Conseil d'Etat, tardives ;

- le délai de prescription de l'action en recouvrement du titre exécutoire émis le 16 mai 2008 a été interrompu par la notification régulière de la mise en demeure n° 6687115411 du 24 mars 2014 et reçue le 25 mars suivant par Mme A... ;

- le bien-fondé de sa créance n'est plus contestable et l'action en recouvrement de cette créance n'a pas été prescrite de sorte qu'il ne saurait être fait droit à la demande de Mme A... tendant à la décharge de l'indu ainsi qu'à sa demande d'injonction de lui restituer les sommes recouvrées.

Par un mémoire enregistré le 10 mars 2023, Mme A..., représentée par Me Bapceres, persiste dans ses conclusions et dans ses moyens.

Par une décision du 28 novembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris a admis Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.

- et les observations de Me Safatian, représentant le département de la Seine-Saint-Denis.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'un rapport d'enquête de la caisse d'allocations familiales de la Seine-Saint-Denis du 28 juin 2007, dont il ressortait que Mme A... avait vécu en concubinage avec M. E... à compter du 26 novembre 2001 jusqu'au départ du couple et de leurs deux enfants pour D... le 8 juillet 2006, le président du conseil général de la Seine-Saint-Denis a émis, le 16 mai 2008, un titre de recettes lui réclamant le remboursement d'un indu de revenu minimum d'insertion de 17 740,36 euros pour la période du 1er novembre 2001 au 30 juin 2007. Pour le recouvrement de cette créance, augmentée des frais d'actes, le comptable public a adressé à la débitrice le 5 septembre 2008 une lettre de rappel, puis un commandement de payer le 6 octobre 2008. Les 28 novembre 2008, 15 novembre 2010, 21 février 2012 et 27 février 2013, il a émis des oppositions à tiers détenteur. Une somme de 532 euros a été recouvrée le 7 juin 2013. Le comptable public a de nouveau émis une mise en demeure le 24 mars 2014, puis des oppositions à tiers détenteur les 2 mai, 26 mai et 23 juin 2016. En dernier lieu, la paierie départementale de la Seine-Saint-Denis a émis le 5 juillet 2017 une opposition à tiers détenteur auprès de la caisse d'allocations familiales d'Ille-et-Vilaine pour le recouvrement de la somme de 17 740,36 euros.

2. Mme A... a demandé à la commission départementale d'aide sociale de la Seine-Saint-Denis, d'une part, de déclarer prescrite l'action en recouvrement de l'indu de revenu minimum d'insertion de 17 740,36 euros mis à sa charge au titre des mois de novembre 2001 à juin 2007, d'annuler l'opposition à tiers détenteur émise à son encontre le 5 juillet 2017 par la paierie départementale de la Seine-Saint-Denis pour le recouvrement de cet indu et de la décharger de l'obligation de payer cette somme et, d'autre part, d'annuler la décision du 8 août 2017 par laquelle le président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis a, sur son recours préalable, confirmé la décision de récupération de l'indu et enfin d'enjoindre la restitution des sommes recouvrées. Par un arrêt du 3 novembre 2020, la Cour administrative d'appel de Paris a, sur l'appel de Mme A..., annulé la décision du 16 novembre 2018 de la commission départementale d'aide sociale de la Seine-Saint-Denis rejetant l'ensemble des demandes de Mme A..., annulé la décision du 8 août 2017 du président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis relative à la répétition de l'indu de revenu minimum d'insertion en tant qu'elle concerne la période allant du 1er novembre 2001 au 28 juin 2002, déchargé Mme A... de l'obligation de payer la somme mise à sa charge pour cette période et rejeté le surplus des conclusions présentées par Mme A... devant la commission départementale d'aide sociale de la Seine Saint-Denis et devant la Cour. Par une décision du 3 août 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi formé par Mme A..., a annulé cet arrêt en tant qu'il statue, d'une part, sur les conclusions dirigées contre l'opposition à tiers détenteur du 5 juillet 2017 et, d'autre part, sur celles aux fins de décharge et d'injonction, a renvoyé l'affaire à la Cour dans la mesure de la cassation prononcée et a rejeté le surplus des conclusions du pourvoi de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêt en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions à fin d'annulation de la décision du président du conseil départemental de la Seine-Saint-Denis du 8 août 2017.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'opposition à tiers détenteur du 5 juillet 2017 :

3. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 262-41 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable à l'indu de revenu minimum d'insertion en litige : " Tout paiement indu d'allocations ou de la prime forfaitaire instituée par l'article L. 262-11 est récupéré par retenue sur le montant des allocations ou de cette prime à échoir ou par remboursement de la dette selon des modalités fixées par voie réglementaire (...) ". Aux termes de l'article R. 262-73 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf si l'allocataire opte pour le remboursement de l'indu en une seule fois ou si un échéancier a été établi avec son accord, l'organisme payeur procède au recouvrement de tout paiement indu d'allocation ou de prime forfaitaire par retenue sur le montant des allocations ou des primes forfaitaires à échoir dans la limite de 20 % de ces allocations ou primes forfaitaires. / A défaut de récupération sur les allocations ou primes forfaitaires à échoir, le président du conseil général constate l'indu et transmet au payeur départemental le titre de recettes correspondant pour le recouvrement. (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " (...) 3° L'action des comptables publics chargés de recouvrer les créances des régions, des départements, des communes et des établissements publics locaux se prescrit par quatre ans à compter de la prise en charge du titre de recettes. / Le délai de quatre ans mentionné à l'alinéa précédent est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des débiteurs et par tous actes interruptifs de la prescription ".

5. Il résulte de ces dispositions que le titre exécutoire émis par le département en vue de la récupération d'un indu de revenu minimum d'insertion ouvre le délai de quatre ans de la prescription de l'action en recouvrement des sommes énoncées sur ce titre, prévu à l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, à compter de la date de sa prise en charge par le comptable public. Toutefois, pour produire leur effet interruptif, le titre exécutoire et les actes de recouvrement pris sur son fondement doivent être régulièrement notifiés. La preuve de cette notification incombe à l'administration.

6. A l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de l'opposition à tiers détenteur émise à son encontre le 5 juillet 2017 par la paierie départementale de la Seine-Saint-Denis pour le recouvrement d'un indu de revenu minimum d'insertion, Mme A..., qui est recevable à se prévaloir de la prescription de l'action en recouvrement de la créance du département, soutient que cette action était prescrite dès lors que l'opposition à tiers détenteur lui a été notifiée au-delà du délai de quatre ans ayant couru à compter de l'émission par le président du conseil général de la Seine-Saint-Denis du titre de recettes du 16 mai 2008. Si le département de la Seine-Saint-Denis verse au dossier un bordereau de situation établi par la direction générale des finances publiques, attestant de l'émission de plusieurs mises en demeure et commandements de payer en 2008, 2012, 2013, 2015 et 2016, ce document n'est toutefois pas de nature à lui seul à établir que ces actes de recouvrement ont été régulièrement notifiés à Mme A.... Or, le département de la Seine-Saint-Denis ne produit aucun autre élément justifiant que ces actes de poursuite aient été régulièrement notifiés à Mme A.... Le département produit pour la première fois devant la Cour l'avis de réception du pli recommandé contenant une mise en demeure de payer la somme en litige adressée à Mme A... portant la mention " présenté/avisé le 25 mars 2014 " et signé par l'intéressée. Cependant, la preuve de la notification régulière de cette mise en demeure ne peut avoir pour effet d'interrompre le délai de prescription de l'action en recouvrement de la créance du département qui était prescrite depuis le 16 mai 2012. Pour le même motif, la circonstance que Mme A... se soit acquittée le 7 juin 2013 d'une somme de 532 euros correspondant au montant des frais du commandement de payer du 6 octobre 2008 n'a pas interrompu le délai de prescription de l'action en recouvrement de la créance du département. Dans ces conditions, Mme A... est fondée à soutenir que l'action en recouvrement engagée par le département était prescrite lorsque lui a été notifiée le 5 juillet 2017 une opposition à tiers détenteur émise auprès de la caisse d'allocations familiales d'Ille-et-Vilaine pour le recouvrement de la somme de 17 740,36 euros.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à demander l'annulation de l'opposition à tiers détenteur du 5 juillet 2017.

Sur les conclusions à fin de décharge de l'obligation de payer :

8. Il résulte du point 6 qu'il y a lieu, par voie de conséquence de l'annulation de l'opposition à tiers détenteur, de décharger Mme A... de l'obligation de payer la somme réclamée pour la période allant du 29 juin 2002 au 30 juin 2007.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Au vu des éléments énoncés au point 6, il y a lieu d'enjoindre au département de la Seine-Saint-Denis de restituer à Mme A... dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt la somme de 532 euros correspondant au montant des frais du commandement de payer du 6 octobre 2008.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande le département de la Seine-Saint-Denis au titre des frais liés à l'instance. Par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du département de la Seine-Saint-Denis la somme que demande le conseil de Mme A... sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'opposition à tiers détenteur émise le 5 juillet 2017 par la paierie départementale de la Seine-Saint-Denis est annulée.

Article 2 : Mme A... est déchargée de l'obligation de payer la somme mise à sa charge pour la période du 29 juin 2002 au 30 juin 2007.

Article 3 : Le département de la Seine-Saint-Denis restituera à Mme A... la somme de 532 euros correspondant au montant des frais du commandement de payer du 6 octobre 2008 dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt.

Article 4 : Les conclusions présentées par Mme A... sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Les conclusions présentées par le département de la Seine-Saint-Denis sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au département de la Seine-Saint-Denis.

Copie en sera adressée à Me Bapceres.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023.

La rapporteure,

V. C... Le président,

R. LE GOFF

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA04325 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04325
Date de la décision : 13/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : DBKM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-04-13;22pa04325 ?
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