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13/04/2023 | FRANCE | N°22PA03614

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 13 avril 2023, 22PA03614


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 22 mars 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2209501/8 du 7 juillet 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 août 2022 et 23 mars 2023, M. A... B..., représenté par Me Boudjellal, demande

à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2209501/8 du 7 juillet 2022 du Tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 22 mars 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 2209501/8 du 7 juillet 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 août 2022 et 23 mars 2023, M. A... B..., représenté par Me Boudjellal, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2209501/8 du 7 juillet 2022 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 mars 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français, ou à tout le moins, la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros à verser à Me Boudjellal au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de séjour :

- la décision portant refus de séjour, qui ne mentionne aucun élément relatif à l'exercice par le préfet de police de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, est insuffisamment motivée ;

- le préfet de police n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation personnelle dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire de régularisation ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dès lors qu'il ne pourra pas bénéficier effectivement d'une prise en charge médicale adaptée à son état de santé en Algérie comme l'avait estimé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) dans un précédent avis ;

- le préfet de police s'est estimé à tort lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet de police a méconnu sa compétence en ne faisant pas usage de son pouvoir de régularisation ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision contestée méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 décembre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 22 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les observations de Me Boudjellal, représentant M. A... B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant algérien né le 21 septembre 2002, est entré en France le 11 juillet 2016, à l'âge de 13 ans, accompagné de sa mère, muni de son passeport revêtu d'un visa Schengen de type C valable du 24 mai au 24 août 2016. A compter du 21 mars 2018, sa mère a bénéficié de plusieurs autorisations provisoires de séjour en raison de l'état de santé de son fils avant de faire l'objet d'un arrêté du 1er septembre 2020 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le 16 août 2021, M. A... B..., devenu majeur, a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 22 mars 2022, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de cet arrêté en tant que le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. Par un jugement du 7 juillet 2022, dont M. A... B... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un accès effectif à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Il ressort des pièces du dossier que du 21 mars 2018 au 1er septembre 2020, ainsi qu'il a déjà été dit, la mère de M. A... B... a bénéficié de plusieurs autorisations provisoires de séjour en raison de l'état de santé de son fils alors mineur. Pour refuser à M. A... B..., devenu majeur, un certificat de résidence sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, le préfet de police s'est notamment fondé sur l'avis du 15 décembre 2021 du collège de médecins de l'OFII, qui précisait que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pouvait toutefois bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé et voyager sans risque vers l'Algérie. Il ressort des pièces médicales versées au dossier, notamment du compte rendu d'hospitalisation dans le service d'hépatologie de l'hôpital de Bicêtre du 19 avril 2021 et du compte rendu de consultation dans le service de néphrologie-hémodialyse pédiatrique de l'hôpital Robert Debré du 4 juin 2021 que M. A... B... est suivi dans ces services depuis son arrivée en France pour une polykystose rénale autosomique récessive. Cette pathologie d'évolution très défavorable est à l'origine d'une insuffisance rénale chronique de stade III évolutive avec une dégradation progressive de la filtration glomérulaire, d'une fibrose hépatique avec hypertension portale et de complications endocrinologiques. Cette évolution défavorable continue a justifié l'inscription de M. A... B... à partir du 10 novembre 2022 sur la liste d'attente de greffe en vue d'une double transplantation rein-foie. Si cette inscription est postérieure à l'arrêté contesté, la nécessité d'une double transplantation ne résulte que de l'évolution malheureusement prévisible de l'état de santé antérieur de M. A... B.... Il ne ressort pas des articles en date des 30 janvier 2018 et 7 mai 2017 concernant les greffes de rein et du document non daté relatif aux greffes de foie pratiquées en Algérie, versés au dossier par le préfet de police, que les doubles transplantations rein-foie soient pratiquées en Algérie. Dans ces conditions, M. A... B... est fondé à soutenir qu'il ne pourra pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé en Algérie. Par suite, le préfet de police a méconnu les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Il s'ensuit que la décision du préfet de police du 22 mars 2022 refusant à M. A... B... un titre de séjour doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, lesquelles sont dépourvues de base légale.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté contesté retenu ci-dessus et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. A... B... le titre de séjour sollicité. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet de police de délivrer à M. A... B... un certificat de résidence dans un délai de deux mois à compter de la notification qui lui sera faite du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

6. M. A... B... ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Boudjellal, conseil de M. A... B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2209501/8 du 7 juillet 2022 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 22 mars 2022 du préfet de police sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. A... B... un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Boudjellal, conseil de M. A... B..., la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Boudjellal renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023.

La rapporteure,

V. C... Le président,

R. LE GOFF

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA03614 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03614
Date de la décision : 13/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : BOUDJELLAL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-04-13;22pa03614 ?
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