Vu la procédure suivante :
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 11 avril 2022, un mémoire en réplique enregistré le
30 septembre 2022 et des pièces complémentaires enregistrées le 3 février 2023, la Fédération des détaillants de l'habillement, du textile et de l'équipement de la personne, (syndicat ALLURE) représentée par Me Millet, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2022 de la ministre du travail fixant la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives dans la convention collective nationale du commerce de détail de l'habillement et des articles textiles (IDCC
n° 1483), en tant qu'il ne la reconnaît pas comme une organisation représentative ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure en l'absence de publication des débats de la séance du 19 janvier 2022 du Haut conseil au dialogue social et qu'il n'est dès lors pas possible de s'assurer de la régularité de la composition de la formation et du respect du quorum ; le ministre du travail n'a produit au dossier qu'un projet de procès-verbal de la séance du 19 janvier 2022 du Haut conseil au dialogue social qui n'est pas signé, ne comporte pas le nom de son auteur et ne contient aucun échange au sujet de la représentativité des organisations patronales dans le secteur du commerce et de l'habillement-articles de textile, ni d'approbation du contenu visé dans le document ; l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de l'article L. 2152-6 du code du travail ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut de motivation ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'une violation des articles L. 2151-1, L. 2152-1 et
R. 2151-1 du code du travail dès lors que la constitution le 2 février 2021 du syndicat Allure par les trois chambres syndicales régionales lui permet de se prévaloir de l'ancienneté de la plus anciennes d'entre elles, ainsi que de leur audience et de leur influence ; la direction générale du travail avait expressément admis le droit d'ALLURE de se prévaloir de l'audience des trois chambres lorsqu'elle a été interrogée sur ce point ;
- le ministre du travail a méconnu l'article R. 2152-8 1° du code du travail et a entaché son arrêté d'une erreur de fait et d'appréciation en ne prenant pas en compte dans l'appréciation de sa représentativité le transfert des adhésions d'entreprises aux chambres régionales qui avaient décidé de les confier au syndicat ALLURE et a octroyé au FNH le bénéfice d'adhésions dont elle ne bénéficiait plus ; cette absence de prise en compte a un impact significatif et la rectification de cette erreur permettrait au syndicat ALLURE d'être représentatif ;
- le syndicat ALLURE dispose de 33 entreprises directement adhérentes regroupant 102 salariés et de l'adhésion des 81 entreprises adhérentes des chambres régionales regroupant 451 salariés ; par suite, il peut revendiquer une audience supérieure à 8 % ; ce sont 114 entreprises qui ont été indument retirées de son dossier au profit de la FNH ;
- contrairement à ce que soutient le ministre du travail, il est indifférent que le versement des cotisations ait été effectué directement auprès de la FNH dès lors qu'il était manifeste que le versement était effectué au profit de la chambre territoriale et que les statuts de la FNH prévoient à l'article 7 un mécanisme de subrogation dans le versement des cotisations des adhérents aux chambres régionales ; ces adhésions ont été attestées par un commissaire aux comptes ; il n'incombe pas au ministre de vérifier l'exactitude des données attestées par le commissaire aux comptes en vertu de l'article R. 2152-6 du code du travail ; le contrôle du ministre se limite à s'assurer que l'attestation d'un commissaire aux comptes a bien été établie, qu'elle est conforme aux dispositions de l'article R. 2152-6 du code du travail et ne soulève pas d'anomalies ;
- le ministre du travail n'est pas fondé à invoquer les dispositions de l'article
R. 2152-8 II du code du travail pour prétendre que l'adhésion des chambres régionales à ALLURE devait être rendue publique ou portée à la connaissance de leurs adhérents, qui n'est applicable qu'au cas où une organisation patronale confère à une autre le droit de la représenter ; en tout état de cause, la création d'ALLURE a été rendue publique dans le secteur et la décision des chambres régionales de confier à ALLURE le soin de porter le dossier de la représentativité et de se prévaloir de leurs adhérents, a fait l'objet d'une décision de l'assemblée générale de chacune des chambres ; en outre, la FNH a adressé un mail le
23 février 2021 à l'ensemble de ses adhérents ;
- en prenant en compte les entreprises adhérentes des chambres territoriales pour le seul bénéfice de la FNH au motif que les chambres étaient adhérentes de la FNH au
31 décembre 2019, le ministre méconnaît l'article R. 2152-1 du code du travail et les formulaires F3BR qui ont été valablement fournis par les chambres territoriales au profit d'ALLURE ;
- contrairement à ce que soutient la CNDL, elle dispose d'une implantation géographique équilibrée dans 30 départements ;
- le caractère prétendument tardif du dépôt du dossier de candidature est inopérant.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 septembre 2022 et des pièces complémentaires enregistrées le 30 janvier 2023, le ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 28 septembre 2022, la Confédération nationale des détaillants en lingerie (CNDL) représentée par Me Doueb conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par des mémoires enregistrés le 28 septembre 2022 et le 26 octobre 2022, la Fédération nationale de l'habillement (FNH) conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- l'arrêté du 29 juillet 2020 relatif aux modalités de candidature des organisations professionnelles d'employeurs dans le cadre de l'établissement de leur représentativité en 2021 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Julliard,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,
- les observations de Me Millet, représentant le syndicat ALLURE,
- les observations de M. A..., représentant le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion,
- les observations de Me Doueb, représentant la CNDL,
- et les observations de Mme B..., représentant la Fédération nationale de l'habillement.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 23 janvier 2022, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a fixé à l'article 1er la liste des organisation professionnelles d'employeurs représentatives dans la convention nationale du commerce de détail, de l'habillement et des articles textiles (IDCC n°1483) et à l'article 2, le poids respectif de ces organisations pour l'opposition à l'extension des accords collectifs, prévue à l'article L. 2261-19 du code du travail. La Fédération des détaillants de l'habillement, du textile et de l'équipement de la personne (syndicat ALLURE) demande à la Cour d'annuler cet arrêté en tant qu'il ne la reconnaît pas comme une organisation professionnelle représentative.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 2151-1 du code du travail : " I.- La représentativité des organisations professionnelles d'employeurs est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : 1° Le respect des valeurs républicaines ; 2° L'indépendance ; 3° La transparence financière ; 4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ; 5° L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ; 6° L'audience, qui se mesure en fonction du nombre d'entreprises volontairement adhérentes ou de leurs salariés soumis au régime français de sécurité sociale et, selon les niveaux de négociation, en application du 3° des articles L. 2152-1 ou
L. 2152-4. ". L'article L. 2152-6 dudit code dispose que : " Après avis du Haut Conseil du dialogue social, le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives par branche professionnelle et des organisations professionnelles d'employeurs reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel ou multi-professionnel. A cette fin, il vérifie que les critères définis au présent chapitre sont respectés et s'assure notamment que le montant des cotisations versées par les entreprises et, le cas échéant, les organisations professionnelles adhérentes est de nature à établir la réalité de leur adhésion. ". [0]
3. En premier lieu, la Fédération des détaillants de l'habillement, du textile et de l'équipement de la personne (syndicat professionnel ALLURE) soutient que l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure en l'absence de publication des débats de la séance du
19 janvier 2022 du Haut conseil au dialogue social (HCDS) qu'il vise, et qu'il n'est dès lors pas possible de s'assurer de la régularité de la composition de la formation et du respect du quorum.
4. D'une part, il ne ressort pas du projet de procès-verbal de la séance du 19 janvier 2022 du HCDS, dont aucune disposition législative ou réglementaire n'impose la publication, ni de la liste des personnes présentes qu'il comporte, que cette instance aurait été irrégulièrement composée ou que le quorum n'aurait pas été atteint.
5. D'autre part, il ressort également de ce document que, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, la séance du HCDS du 19 janvier 2022 prévoyait une présentation pour avis des résultats de la mesure d'audience de neuf organisations patronales, dont la branche du commerce de détail, de l'habillement et des articles textiles, et qu'une discussion sur ces résultats s'est engagée sur cette partie de l'ordre du jour de la séance.
6. La circonstance, enfin, que le ministre du travail se soit borné à produire le projet de procès-verbal et non le procès-verbal lui-même est, en l'espèce, sans incidence sur la régularité de la procédure en l'absence de tout élément au dossier de nature à remettre en cause la sincérité des mentions qui y sont portées.
7. En deuxième lieu, les arrêtés prévus à l'article L. 2152-6 du code du travail ne sont pas au nombre des décisions devant être motivées. Le moyen ne peut qu'être écarté.
8. Aux termes de l'article L. 2152-1 du code du travail : " Dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations professionnelles d'employeurs :1° Qui satisfont aux critères mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 2151-1 ;2° Qui disposent d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ; 3° Dont les entreprises et les organisations adhérentes à jour de leur cotisation représentent soit au moins 8 % de l'ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles d'employeurs de la branche satisfaisant aux critères mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 2151-1 et ayant fait la déclaration de candidature prévue à l'article L. 2152-5, soit au moins 8 % des salariés de ces mêmes entreprises. Le nombre d'entreprises adhérant à ces organisations ainsi que le nombre de leurs salariés sont attestés, pour chacune d'elles, par un commissaire aux comptes, qui peut être celui de l'organisation, dans des conditions déterminées par voie réglementaire. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans. ". Aux termes de l'article R. 2152-8 du même code : " I.- Pour la mesure de l'audience d'une organisation professionnelle d'employeurs prévue au 3° de l'article L. 2152-1, sont prises en compte les entreprises relevant de la branche professionnelle concernée et adhérentes à cette organisation professionnelle à ce niveau ou à une structure territoriale statutaire de cette organisation. II. -Sont également considérées comme adhérentes à une organisation professionnelle d'employeurs candidate à la représentativité dans une branche professionnelle les entreprises relevant de cette branche professionnelle et adhérant à une ou plusieurs organisations professionnelles d'employeurs ou à l'une de leurs structures territoriales statutaires dès lors que cette organisation : 1° A rendu publique son adhésion à l'organisation candidate par tout moyen avant le 31 décembre de l'année précédant l'année de la déclaration de candidature prévue à l'article L. 2152-5 ; (...) ".Aux termes de l'article R. 2151-1 dudit code : " Pour l'application du 4° au 6° de l'article L. 2151-1, une organisation professionnelle d'employeurs issue du regroupement d'organisations professionnelles d'employeurs préexistantes peut se prévaloir de l'ensemble des éléments démontrant l'audience et l'influence de ces dernières, ainsi que de l'ancienneté acquise antérieurement au regroupement par la plus ancienne de ces dernières dans le champ professionnel et géographique correspondant au niveau pour lequel la représentativité est demandée. " .
9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le syndicat professionnel ALLURE a été formé le 2 février 2021 par le regroupement de trois structures territoriales statutaires : la chambre syndicale des commerces de l'habillement, textiles, nouveautés et accessoires de Paris et d'Ile-de-France, la chambre syndicale régionale du commerce de l'habillement et accessoires de Bourgogne-Franche Comté et de la chambre syndicale Rhône Alpes des détaillants en prêt-à-porter et que ses statuts ont été déposés le 3 février 2021, ainsi qu'il résulte du récépissé qu'il produit. Il résulte également des dispositions de l'article
R. 2152-8 du code du travail et de l'arrêté du 29 juillet 2020 susvisé que le montant des cotisations versées par les entreprises adhérant directement aux organisations candidates ou à une structure territoriale statutaire adhérant à une organisation candidate, de nature à établir la réalité de leur adhésion, devait s'apprécier au 31 décembre 2019. Il en résulte qu'à cette date, faute d'existence légale, le syndicat ne pouvait revendiquer aucune adhésion directe. S'il se prévaut, en application des dispositions précitées de l'article R. 2151-1 du code du travail, des éléments de l'audience des chambres syndicales de Paris et d'Ile-de-France et de Bourgogne-Franche Comté, soit l'adhésion directe, respectivement, de 64 entreprises employant 411 salariés et de 17 entreprises employant 40 salariés, attestées par le commissaire aux comptes le 26 février 2021, il n'est pas établi que ces deux structures territoriales auraient rendu publique leur adhésion à l'organisation candidate avant le 31 décembre 2019, en application de l'article R. 2152-8 II 1° du code du travail, dès lors que le syndicat requérant se borne à soutenir que la création d'ALLURE " a été rendue publique dans le secteur ", que la décision des chambres syndicales a été prise par leur l'assemblée générale ou que la FNH aurait adressé un mail le 23 février 2021 à l'ensemble de ses adhérents.
10. Par suite, le syndicat requérant ne pouvait se prévaloir d'aucune audience au
31 décembre 2019 et c'est à bon droit que le ministre du travail a rejeté sa candidature à la représentativité pour 2021. Par conséquent, dès lors qu'il ne remplissait pas le critère fixé au 6° de l'article L. 2151-1 du code du travail, les moyens tirés de ce qu'il remplirait les autres critères légaux sont inopérants.
11. Enfin, le syndicat requérant n'établit en tout état de cause pas que le ministre du travail aurait entaché son arrêté d'une erreur de fait et d'appréciation de la représentativité de la FNH en ne prenant en compte le transfert à son profit des adhésions d'entreprises aux chambres régionales anciennement adhérentes de la FNH.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la Fédération des détaillants de l'habillement, du textile et de l'équipement de la personne n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 23 janvier 2022 par lequel la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a fixé à l'article 1er la liste des organisation professionnelles d'employeurs représentatives dans la convention nationale du commerce de détail, de l'habillement et des articles textiles.
Sur les frais de l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, verse à la Fédération des détaillants de l'habillement, du textile et de l'équipement de la personne, la somme qu'elle demande au titre des frais de l'instance. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de cette dernière le versement à la Confédération nationale des détaillants en lingerie (CNDL) d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la Fédération des détaillants de l'habillement, du textile et de l'équipement de la personne, est rejetée.
Article 2 : La Fédération des détaillants de l'habillement, du textile et de l'équipement de la personne versera à la Confédération nationale des détaillants en lingerie (CNDL) une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Fédération des détaillants de l'habillement, du textile et de l'équipement de la personne, (syndicat ALLURE), au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, à la Fédération nationale de l'habillement (FNH) et à la Confédération nationale des détaillants en lingerie (CNDL).
Délibéré après l'audience du 29 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Dégardin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023.
La rapporteure,
M. JULLIARDLe président,
I. LUBEN
La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision
N° 22PA01645 2