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13/04/2023 | FRANCE | N°22PA00730

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 13 avril 2023, 22PA00730


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. K... C..., M. H... G..., M. J... L..., M. A... L..., Mme I... B... et M. D... E... ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 9 mai 2019 du préfet de Seine-et-Marne portant définition des cours d'eau de Seine-et-Marne en tant qu'il a qualifié l'écoulement de la Grande Vidange et les drains de Brinville comme cours d'eau au sens des dispositions de l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement.

Par un jugement n° 1906208 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de

Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. K... C..., M. H... G..., M. J... L..., M. A... L..., Mme I... B... et M. D... E... ont demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 9 mai 2019 du préfet de Seine-et-Marne portant définition des cours d'eau de Seine-et-Marne en tant qu'il a qualifié l'écoulement de la Grande Vidange et les drains de Brinville comme cours d'eau au sens des dispositions de l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement.

Par un jugement n° 1906208 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 16 février et 1er juin 2022, M. K... C..., M. H... G..., M. J... L..., M. A... L..., Mme I... B... et M. D... E..., représentés par Me Coussy, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1906208 du 16 décembre 2021 du tribunal administratif de Melun ;

2°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 9 mai 2019 du préfet de Seine-et-Marne portant définition des cours d'eau de Seine-et-Marne en toutes ses dispositions ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté du 9 mai 2019 du préfet de Seine-et-Marne portant définition des cours d'eau de Seine-et-Marne en tant qu'il a qualifié l'écoulement de la Grande Vidange et les drains de Brinville comme cours d'eau ;

4°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne, au besoin sous astreinte, de procéder par voie d'arrêté complémentaire à l'actualisation de la cartographie visée à l'article 1er de l'arrêté ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

En ce qui concerne le jugement :

- le principe du contradictoire a été méconnu dès lors qu'ils n'ont pas disposé d'un temps suffisant pour examiner des pièces produites par le préfet de Seine-et-Marne ;

- aucune consultation préalable n'a été effectuée avant l'édiction de l'arrêté contesté, les trois rendez-vous prévus avec les acteurs agricoles ayant été annulés, ce qui constitue une erreur de droit dans l'application du principe du contradictoire et des dispositions de l'instruction du 3 juin 2015 et des articles L. 215-7 et L. 215-8 du code de l'environnement ainsi qu'une erreur de fait ;

- il comporte une erreur de droit en ce que la classification contestée a été effectuée sans méthodologie ;

- la classification en cours d'eau de la Grande Vidange et des drains de Brinville est entachée d'erreur de droit et d'erreur de fait dès lors que la Mare aux Chênes, qui n'est pas une zone humide au sens des dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'environnement dans sa version alors applicable à la date de l'arrêté contesté, ne peut dès lors constituer une source diffuse alimentant la Grande Vidange, et qu'aucune source n'alimente les drains de Brinville ;

En ce qui concerne l'arrêté du 9 mai 2019 :

- aucune expertise ni méthodologie n'a été annexée à l'arrêté contesté ;

- le préfet de l'Essonne n'a classé en cours d'eau ni la Grande Vidange ni les drains de Brinville ;

- aucune consultation préalable n'a été effectuée avant l'édiction de l'arrêté contesté avec les acteurs agricoles ;

- il est entaché d'erreur de droit dès lors que :

. la Mare aux Chênes, qui n'est pas une zone humide au sens des dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'environnement dans sa version alors applicable à la date de l'arrêté contesté, ne peut dès lors constituer une source diffuse alimentant la Grande Vidange qui est en fait alimentée par une station d'épuration ;

. les analyses font état de traces rédoxiques à seulement 5 % dans les 80 premiers centimètres en amont des drains de Brinville ;

. une note interne dénie à la Grande Vidange la qualification de cours d'eau ;

- l'arrêté a été pris de façon précipitée afin de respecter une instruction ministérielle du 3 juin 2015 demandant aux préfets de procéder à la classification avant le 15 décembre 2015 ;

- la classification de la Grande Vidange et des drains de Brinville est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 mai 2022, le ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F...,

- et les conclusions de M. Doré, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 9 mai 2019 portant définition des cours d'eau de Seine-et-Marne, le préfet de Seine-et-Marne a classé la Grande Vidange et l'écoulement des drains de Brinville comme cours d'eau au sens des dispositions de l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement dans les communes de Saint-Fargeau-Ponthierry et Saint-Sauveur-sur-Ecole (Seine-et-Marne). M. C..., M. G..., MM. L..., Mme B... et M. E... ont demandé au tribunal administratif de Melun l'annulation de cet arrêté. Ils relèvent appel du jugement du 16 décembre 2021 par lequel le tribunal a rejeté leur demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si les requérants soutiennent que le principe du contradictoire a été méconnu en ce qu'ils n'ont pas disposé d'un temps suffisant pour examiner des pièces produites par le préfet de Seine-et-Marne dans son mémoire du 5 novembre 2021, il ressort cependant des pièces du dossier que l'affaire, initialement inscrite à l'audience du 12 novembre 2021, a été renvoyée au 25 novembre 2021 suite à l'enregistrement du mémoire en litige. Dans ces conditions, les requérants, qui au demeurant ne précisent pas en quoi ils auraient été dans l'incapacité d'analyser les écritures produites en défense et qui ont répondu par deux mémoires enregistrés les 21 et 22 novembre 2021, ne sont pas fondés à soutenir que le principe du contradictoire aurait été méconnu.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Outre que ni l'instruction du 3 juin 2015, dépourvue de valeur réglementaire, ni les articles L. 215-7 et L. 215-8 du code de l'environnement ne prévoient que le préfet de la Seine-et-Marne était tenu de procéder à des consultations préalables avant de prendre l'arrêté contesté, il ressort des pièces du dossier que l'édiction de l'arrêté a été précédée de la tenue de consultations, notamment des représentants de la profession agricole qui ont pu, à cette occasion, faire valoir leurs observations.

4. Il ne ressort d'aucune disposition législative ou réglementaire que le préfet de Seine-et-Marne était tenu d'annexer les études complémentaires visées par l'arrêté contesté dont il n'est, en outre, pas démontré qu'il aurait été pris de façon précipitée ou sans suivre une méthodologie.

5. Les requérants soutiennent que l'arrêté contesté est entaché d'erreur de droit, d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation en tant qu'il a classé en cours d'eau, au sens de l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement, la Grande Vidange et l'écoulement des drains de Brinville.

6. Aux termes de l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement : " Constitue un cours d'eau un écoulement d'eaux courantes dans un lit naturel à l'origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l'année. / L'écoulement peut ne pas être permanent compte tenu des conditions hydrologiques et géologiques locales. ".

7. S'agissant d'une part de la Grande Vidange, et quelle que soit la qualification donnée de la " mare aux chênes " au sens et pour l'application de l'article L. 211-1 du code de l'environnement, l'existence d'une source naturelle est établie tant par la carte des enveloppes d'alerte potentielles zones humides de la Direction régionale et interdépartementale de l'énergie et de l'environnement selon laquelle se trouve une source d'eau diffuse au droit de la " mare des chênes " que par la carte du Bureau de recherches géologiques et minières qui identifie la présence de sources en amont que par les résultats d'une enquête de terrain relevant la présence de nombreux drains se rejetant dans l'écoulement. La circonstance que son tracé soit rectiligne et qu'il ne soit pas mentionné sur la carte de Cassini n'est pas de nature à établir que son lit ne serait pas naturel à l'origine dès lors qu'il est notamment présent sur les cartes du Bureau de recherches géologiques et minières et qu'il résulte d'une analyse technique produite en défense et non contestée que son écoulement a entaillé franchement le plateau sur lequel il coule et qu'une telle incise dans la géologie locale a eu besoin d'un débit permanent important sur de très longues périodes qui n'a pas été créé par l'homme. Enfin, en ce qui concerne son débit, une expertise menée sur le terrain et dont les résultats ne sont pas remis en cause conclut à la présence d'espèces faunistiques ayant besoin de plus de six mois d'écoulement pour accomplir leur cycle de vie et d'une flore hélophytique de milieux aquatiques.

8. En ce qui concerne d'autre part l'écoulement des drains de Brinville, et là encore quelle que soit la qualification donnée de la " mare aux chênes " au sens et pour l'application de l'article L. 211-1 du code de l'environnement, l'existence d'une source naturelle est attestée tant par l'analyse de l'Institut géographique national, laquelle mentionne leur naissance au niveau du bois de Camrémy où peuvent être observés la présence d'un chevelu hydrographique ainsi que d'une mare, que par l'étude de l'Organisme national de l'eau et des milieux aquatiques qui relève la présence d'une résurgence de nappes sur le linéaire. Quand bien même l'écoulement serait absent de la carte de Cassini, il est présent en intégralité sur les cartes géologiques du Bureau de recherches géologiques et minières, l'entaille des marnes, des calcaires et des meulières de Brie étant telle que cette incise a eu besoin d'un débit régulier, important et qui s'est inscrit dans le temps sur de longues périodes. Enfin, il comporte, selon l'expertise de l'Organisme national de l'eau et des milieux aquatiques du 18 mai 2016 non remise en cause, un peuplement invertébré composé notamment de gammares, de gastéropodes et de sangsues ayant besoin de plus de six mois d'écoulement pour accomplir leur cycle de vie.

9. Il résulte des points 7 et 8 du présent arrêt qu'en qualifiant la Grande Vidange et les drains de Brinville de cours d'eau au sens des dispositions de l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement, et quand bien même le préfet de l'Essonne n'a pas retenu la même qualification, le préfet de Seine-et-Marne n'a commis ni erreur de droit ni erreur de fait ni erreur manifeste d'appréciation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C..., M. G..., MM. L..., Mme B... et M. E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C..., M. G..., MM. L..., Mme B... et M. E... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C..., M. G..., MM. L..., Mme B... et M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. K... C..., premier dénommé, pour l'ensemble des requérants, et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 23 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 avril 2023.

Le rapporteur, Le président,

J.-F. F... J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA00730


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00730
Date de la décision : 13/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : COUSSY

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-04-13;22pa00730 ?
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