Vu la procédure suivante :
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 5 janvier 2022 et un mémoire en réplique enregistré le 1er décembre 2022, le syndicat national des pilotes de ligne France ALPA (SNPL France ALPA) représenté par la SCP Lyon-Caen, Thiriez, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 8 novembre 2021 du ministre du travail fixant la liste des organisations syndicales représentatives dans le périmètre de négociation du secteur aérien ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas été précédé d'une enquête de représentativité diligentée par la ministre du travail, comme le SNPL en avait fait la demande ; cette omission est de nature à le priver d'une garantie dès lors qu'elle le prive de la possibilité de négocier et de faire valoir les intérêts des personnels qu'il représente dans les branches du transport et du travail, alors qu'il est représentatif dans le périmètre de la convention collective des personnels navigants techniques (PNT) des exploitants d'hélicoptères ; le périmètre retenu par l'arrêté litigieux ne correspondant pas à une branche, il aurait dû donner lieu à une enquête de représentativité spécifique à effet de déterminer les organisations syndicales représentatives dans ce sous-ensemble du secteur aérien ;
- le ministre n'a apprécié la représentativité des organisations syndicales qu'au regard du critère de l'audience, à l'exclusion des autres critères posés par l'article L. 2121-1 du code du travail ;
- la détermination du champ d'application de l'arrêté litigieux est dépourvue de précision dès lors que le regroupement des personnels navigants techniques (PNT) et des personnels navigants commerciaux (PNC) est contraire aux règles de représentativité spécifique aux PNT définies à l'article L. 6524-3 alinéa 2 du code des transports en combinant des mesures de représentativité de personnels répartis dans des collèges d'employés et de cadres ; si l'arrêté fait référence aux compagnies aériennes, cette notion ne figure pas dans le code des transports dont l'article L. 6411-1 fait référence aux entreprises de transport aérien ; les PNT relèvent soit du transport aérien soit du travail aérien comme le précise l'article R. 421-1 du code de l'aviation civile ;
- l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur de droit dès lors que le ministre a méconnu le principe de concordance et l'article 8 du Préambule de la Constitution, dès lors que pour établir la représentativité des organisations syndicales appelées à négocier les accords collectifs dans le secteur aérien, il ne tient compte que des syndicats confédérés implantés dans les branches du secteur aérien et non les autres syndicats non confédérés représentatifs qui y sont implantés ;
- à titre subsidiaire, l'arrêté attaqué est entaché d'une violation des articles L. 2121-2, L. 2122-5 et L. 2122-11 du code du travail dans la mesure où il ne définit pas un périmètre d'appréciation de la représentativité syndicale de façon suffisamment précise.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 octobre 2022, le ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule ;
- le code du travail ;
- le code des transports ;
- le code de l'aviation civile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,
- les observations de Me Lyon-Caen, représentant le syndicat national des pilotes de ligne France ALPA,
- et les observations de M. A... représentant le ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 8 novembre 2021, la ministre du travail, à l'article 1er, a fixé la liste des organisations syndicales représentatives dans le périmètre de négociation du secteur aérien et à son article 2, le poids respectif de chacune de ces organisations pour la négociation des accords collectifs en application de l'article L. 2232-6 du code du travail. L'annexe de cet arrêté définit son champ d'application comme constitué des entreprises et salariés relevant du champ d'application de la convention collective nationale du transport aérien-personnel au sol (IDCC n° 275) tel qu'issu de l'arrêté du 23 janvier 2019 portant fusion et élargissement de champs conventionnels, des entreprises et salariés relevant du champ d'application de la convention collective nationale - personnel navigant technique exploitant d'hélicoptère (IDCC n° 1944), des personnels navigants techniques et commerciaux des compagnies aériennes, ainsi que des salariés des exploitants d'aéroports. Le syndicat national des pilotes de ligne France ALPA (SNPL France ALPA) demande à la Cour d'annuler cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 2151-1 du code du travail : " I. -La représentativité des organisations professionnelles d'employeurs est déterminée d'après les critères cumulatifs suivants : 1° Le respect des valeurs républicaines ; 2° L'indépendance ; 3° La transparence financière ; 4° Une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation. Cette ancienneté s'apprécie à compter de la date de dépôt légal des statuts ; 5° L'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ; 6° L'audience, qui se mesure en fonction du nombre d'entreprises volontairement adhérentes ou de leurs salariés soumis au régime français de sécurité sociale et, selon les niveaux de négociation, en application du 3° des articles
L. 2152-1 ou L. 2152-4. ". Aux termes de l'article L. 2152-1° du même code : " Dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations professionnelles d'employeurs :1° Qui satisfont aux critères mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 2151-1 ;2° Qui disposent d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ;3° Dont les entreprises et les organisations adhérentes à jour de leur cotisation représentent soit au moins 8 % de l'ensemble des entreprises adhérant à des organisations professionnelles d'employeurs de la branche satisfaisant aux critères mentionnés aux 1° à 4° de l'article
L. 2151-1 et ayant fait la déclaration de candidature prévue à l'article L. 2152-5, soit au moins 8 % des salariés de ces mêmes entreprises. Le nombre d'entreprises adhérant à ces organisations ainsi que le nombre de leurs salariés sont attestés, pour chacune d'elles, par un commissaire aux comptes, qui peut être celui de l'organisation, dans des conditions déterminées par voie réglementaire. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans. ". Aux termes de l'article L. 2122-11 du même code : " Après avis du Haut conseil du dialogue social, le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations syndicales reconnues représentatives par branche professionnelle et des organisations syndicales reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel en application des articles L. 2122-5 à L. 2122-10. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 2121-2 du code du travail : " S'il y a lieu de déterminer la représentativité d'un syndicat ou d'une organisation professionnelle autre que ceux affiliés à l'une des organisations représentatives au niveau national, l'autorité administrative diligente une enquête. L'organisation intéressée fournit les éléments d'appréciation dont elle dispose. ".
4. Le SNPL soutient, d'une part, que l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas été précédé d'une enquête de représentativité diligentée par la ministre du travail sur le fondement de l'article L. 2121-2 précité du code du travail, comme il en a fait la demande, et que cette omission est de nature à le priver d'une garantie dès lors qu'elle le prive de la possibilité de négocier et de faire valoir les intérêts des personnels qu'il représente alors qu'il est représentatif dans le périmètre de la convention collective des personnels navigants techniques des exploitants d'hélicoptères. Toutefois, le rejet des demandes du SNPL, adressées le 22 janvier 2021 au directeur général du travail et le
14 septembre 2021 à la ministre du travail afin qu'elle diligente une enquête à effet de déterminer les organisations syndicales représentatives des personnels navigants techniques des entreprises de transport aérien, soulève un litige distinct de la contestation de l'arrêté litigieux.
5. D'autre part, sans préjudice de l'application des règles d'appréciation de la représentativité des organisations syndicales propres aux accords interbranches ou aux accords de fusion de branches, le ministre chargé du travail est compétent pour, s'il y a lieu, arrêter, sous le contrôle du juge administratif, la liste des organisations syndicales représentatives et leurs audiences respectives dans un périmètre utile pour une négociation en cours ou à venir, y compris lorsque celui-ci ne correspond pas à une " branche professionnelle " au sens de l'article L. 2122-11 du code du travail. Dès lors, les partenaires sociaux qui souhaitent négocier dans un champ professionnel qui n'a pas donné lieu à l'établissement d'une liste des syndicats représentatifs par arrêté du ministère du travail en application de l'article L. 2122-11 du code du travail ou à l'issue d'une enquête de représentativité en application de l'article L. 2121-2 du même code doivent, avant d'engager la négociation collective, demander, dans les conditions précitées, à ce qu'il soit procédé à la détermination des organisations représentatives dans le champ de négociation pour s'assurer que toutes les organisations syndicales représentatives dans ce périmètre sont invitées à la négociation.
6. Il ressort des pièces du dossier que la fédération nationale de l'aviation marchande (FNAM) et la fédération équipement environnement transport et services de Force Ouvrière (FEETS-FO) ont demandé par courrier respectif du 12 janvier 2021 et du 1er février 2021 au directeur général du travail de fixer les poids des organisations syndicales et patronales afin de négocier des accords collectifs relatifs à la formation professionnelle dans le champ professionnel de l'aérien, et que par l'arrêté attaqué, la ministre du travail a fait droit à cette demande en fixant respectivement la liste des organisations syndicales et patronales reconnues représentatives " dans le périmètre de négociation du secteur aérien " par deux arrêtés du
8 novembre 2021. Pour établir, par l'arrêté attaqué, la liste des organisations syndicales représentatives dans le périmètre de négociation du secteur aérien et le poids respectif de chacune de ces organisations, la ministre a établi la liste exhaustive des entreprises relevant de ce périmètre défini par les partenaires sociaux, puis agrégé les suffrages valablement exprimés (SVE) au premier tour des élections aux instances représentatives du personnel des membres titulaires, organisées au sein de ces entreprises, permettant d'établir l'audience de chacune des organisations syndicales. Par suite, le SNPL n'est pas fondé à soutenir que, dès lors que le périmètre retenu par l'arrêté litigieux ne correspond pas à une branche, le ministre aurait dû diligenter l'enquête de représentativité prévue par l'article L. 2121-2 du code du travail. Enfin, la circonstance que la demande adressée à la ministre n'ait été formée que par une seule organisation syndicale et une seule organisation patronale est sans incidence sur sa recevabilité dès lors qu'elle était paritaire et concernait un projet de négociation en cours.
7. En deuxième lieu, si le SNPL soutient que le ministre chargé du travail n'a apprécié la représentativité des organisations syndicales qu'au regard du critère de l'audience, le ministre soutient sans être sérieusement contredit que les autres critères posés par l'article L. 2121-1 du code du travail ont fait l'objet d'une instruction à partir d'éléments transmis par voie électronique par les organisations syndicales concernées. En tout état de cause, le syndicat requérant n'établit ni même n'allègue que les syndicats reconnus représentatifs par l'arrêté attaqué ne rempliraient pas les critères de respect des valeurs républicaines, d'indépendance, de transparence financière, d'ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation, et d'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience.
8. En troisième lieu, si le SNPL se prévaut du deuxième alinéa de l'article L. 6524-3 du code des transports, lequel dispose que dans les branches qui couvrent les activités de transport et de travail aériens, sont représentatives à l'égard du personnel navigant technique les organisations syndicales qui remplissent les conditions prévues à l'article L. 2122-5 du code du travail dans les collèges électoraux de personnels navigants techniques, ces dispositions n'imposent pas la constitution d'un collège électoral spécifique interdisant le regroupement des personnels navigants techniques et des personnels navigants commerciaux. Par suite, le moyen tiré de ce que la représentativité des personnels navigants techniques n'aurait pas été mesurée conformément à l'article L. 6524-3 doit, en tout état de cause, être écarté, tout comme ceux tirés de la violation des articles L. 6411-1 du code des transports et R. 421-1 du code de l'aviation civile. Au surplus, contrairement à ce que soutient le SNPL, il n'est pas établi par les pièces produites par le ministre que les voix exprimées en faveur du SNPL par le personnel navigant technique au sein des collèges électoraux auraient été illégalement écartées.
9. En quatrième lieu, le SNPL ne démontre pas que l'arrêté méconnaîtrait le principe de concordance dès lors que la mesure d'audience retenue par le ministre du travail selon la méthode décrite au point 6, correspond au périmètre choisi par les partenaires sociaux comme champ de la négociation collective.
10. En cinquième lieu, le SNPL ne saurait soutenir que l'arrêté attaqué viole les principes de liberté syndicale et de la participation des salariés à la détermination collective de leurs conditions de travail garantis par les sixième et huitième alinéas du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, dès lors que ceux-ci n'imposent pas que tous les syndicats soient reconnus représentatifs indépendamment de leur audience.
11. Enfin, si le SNPL soutient, " à titre subsidiaire ", que l'arrêté attaqué ne définit pas un périmètre d'appréciation de la représentativité syndicale de façon suffisamment précise, ainsi qu'il a été dit au point 1, l'arrêté désigne le périmètre de négociation du secteur aérien par renvoi à une annexe fixant son champ d'application de façon suffisamment précise. Le moyen manque ainsi en fait.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le SNPL France ALPA n'est pas fondé à demander l'annulation du 8 novembre 2021 de l'arrêté du ministre du travail.
Sur les frais de l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, verse au SNPL France ALPA la somme qu'il demande au titre des frais de l'instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du SNPL France ALPA est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat national des pilotes de ligne France ALPA (SNPL France ALPA), au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, à la CGT-FO, à la CFDT, à la CGT, à l'UNSA et à la CFE-CGC.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Dégardin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023.
La rapporteure,
M. JULLIARDLe président,
I. LUBEN
La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision
N° 22PA00038 2