Vu la procédure suivante :
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 septembre 2021 et des mémoires en réplique enregistrés les 29 avril 2022, le 29 juillet 2022 et les 15 et 16 décembre 2022, le syndicat indépendant des artistes interprètes (SIA-UNSA) et l'Union nationale des syndicats autonomes spectacle et communication (UNSA-Spectacle et communication), représentés par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, demandent à la Cour :
1°) d'annuler la décision implicite du 16 août 2021 par laquelle la ministre du travail a rejeté la demande de l'UNSA-Spectacle et communication tendant à la publication de la mesure d'audience 2021 de l'IDCC 2397 distinctement de celle de l'IDCC 2717 en vue de l'édiction d'un arrêté de représentativité des organisations syndicales dans la branche des mannequins ;
2°) d'enjoindre à la ministre du travail de publier la mesure d'audience 2021 de l'IDCC 2397 (mannequins adultes et mannequins enfants de moins de 16 ans employés par les agences de mannequins) distinctement de celle de l'IDCC 2717 (entreprises techniques au service de la création et de l'événement, mannequins et chapiteaux) dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, ou à tout le moins, de réexaminer leur demande dans le même délai ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la décision attaquée s'assimile à un refus de la part de la ministre du travail d'édicter un arrêté de représentativité des organisations syndicales dans le champ d'application de la convention collective des mannequins dont le contentieux ressortit de la compétence de la cour administrative de Paris, sur le fondement de l'article R. 311-2 1° du code de justice administrative ;
- cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation dès lors que la ministre n'a pas répondu à la demande de communication des motifs qui lui a été adressée, en violation des articles L. 211-2 et L. 211-6 du code des relations entre le public et l'administration ;
- cette décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que la ministre a refusé de mesurer l'audience de la branche des mannequins adultes et mannequins enfants de moins de 16 ans employés par les agences de mannequins (IDCC 2397) alors que l'accord du
8 février 2019 de regroupement des branches prévoyait que cette convention collective continuerait à produire ses effets jusqu'à l'arrêté d'extension de la nouvelle convention collective commune ; cette mesure d'audience est nécessaire afin d'identifier les organisations syndicales représentatives pour négocier dans le périmètre de la convention collective des mannequins jusqu'à l'arrêté d'extension de la nouvelle convention collective commune, notamment en ce qui concerne la négociation annuelle obligatoire sur les salaires ; cette identification s'impose également au regard de l'avenant n° 7 à la convention collective des mannequins du 27 mars 2018 étendu par arrêté du 21 janvier 2019 qui institue une contribution financière spécifique des entreprises pour assurer la prise en charge des frais du paritarisme, contribution répartie à hauteur de 50% entre l'ensemble des syndicats représentatifs dans la branche selon les pourcentages définis dans l'arrêté de représentativité en vigueur.
Par des mémoires en défense enregistrés le 8 avril 2022 et le 12 décembre 2022, le ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la décision n° 2019-816 QPC du 29 novembre 2019 du Conseil Constitutionnel ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,
- et les observations de Me Uzan-Sarano, représentant le syndicat indépendant des artistes interprètes (SIA-UNSA) et l'Union nationale des syndicats autonomes spectacle et communication (UNSA-Spectacle et communication).
Considérant ce qui suit :
1. Un accord relatif au regroupement des branches professionnelles des entreprises techniques au service de la création et de l'événement, mannequins et chapiteaux (IDCC
n° 2717) et des mannequins adultes et mannequins enfants de moins de 16 ans employés par les agences de mannequins (IDCC n° 2397) a été conclu le 8 février 2019 et signé par l'ensemble des organisations syndicales représentatives des deux branches concernées, à l'exception de l'UNSA, qui a été étendu par arrêté du 10 juillet 2020 de la ministre du travail. Par un courrier du 14 juin 2021, reçu le 17 juin 2021, le syndicat UNSA-Spectacle et communication a demandé à la ministre du travail de " publier la mesure d'audience " 2021 de l'IDCC n° 2397, distinctement de celle de l'IDCC n° 2717, en vue de l'édiction avant la fin de l'année 2021 d'un arrêté de représentativité des organisations syndicales dans le cadre de la convention collective des mannequins adultes et mannequins enfants de moins de seize ans employés par les agences de mannequins. Le syndicat indépendant des artistes interprètes (SIA-UNSA) et l'Union nationale des syndicats autonomes spectacle et communication (UNSA-Spectacle et communication) demandent à la Cour d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre du travail a rejeté la demande de l'UNSA-Spectacle et communication et d'enjoindre à la ministre du travail de publier cette mesure d'audience.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 2122-5 du code du travail : " Dans les branches professionnelles, sont représentatives les organisations syndicales qui : 1° Satisfont aux critères de l'article L. 2121-1 ;2° Disposent d'une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche ;3° Ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés résultant de l'addition au niveau de la branche, d'une part, des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections des titulaires aux comités sociaux et économiques, quel que soit le nombre de votants, et, d'autre part, des suffrages exprimés au scrutin concernant les entreprises de moins de onze salariés dans les conditions prévues aux articles L. 2122-10-1 et suivants. La mesure de l'audience s'effectue tous les quatre ans. ". Aux termes de l'article L. 2122-11 du même code : " Après avis du Haut Conseil du dialogue social, le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations syndicales reconnues représentatives par branche professionnelle et des organisations syndicales reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel en application des articles L. 2122-5 à L. 2122-10. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 2261-33 du code du travail : " [0]En cas de fusion des champs d'application de plusieurs conventions collectives en application du I de l'article L. 2261-32 ou en cas de conclusion d'un accord collectif regroupant le champ de plusieurs conventions existantes, les stipulations conventionnelles applicables avant la fusion ou le regroupement, lorsqu'elles régissent des situations équivalentes, sont remplacées par des stipulations communes, dans un délai de cinq ans à compter de la date d'effet de la fusion ou du regroupement. Pendant ce délai, la branche issue du regroupement ou de la fusion peut maintenir plusieurs conventions collectives. Eu égard à l'intérêt général attaché à la restructuration des branches professionnelles, les différences temporaires de traitement entre salariés résultant de la fusion ou du regroupement ne peuvent être utilement invoquées pendant le délai mentionné au premier alinéa du présent article. A défaut d'accord conclu dans ce délai, les stipulations de la convention collective de la branche de rattachement s'appliquent. ". Selon la réserve énoncée par le Conseil constitutionnel dans sa décision
n° 2019-816 QPC du 29 novembre 2019, le troisième alinéa de l'article L. 2261-33 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, ne saurait, sans porter une atteinte excessive au droit au maintien des conventions légalement conclues, mettre fin de plein droit à l'application des stipulations de la convention collective de la branche rattachée qui régissent des situations spécifiques à cette branche.
4. Enfin, aux termes de l'article 1er de l'accord du 8 février 2019 cité au point 1 : " La convention des mannequins adultes et mannequins enfants de moins de seize ans employés par les agences de mannequins continue à produire ses effets jusqu'à l'arrêté d'extension de la nouvelle convention collective commune " et aux termes de l'article 3, les parties signataires conviennent de proposer la rédaction d'une nouvelle convention collective dans un délai ne pouvant excéder 30 mois à compter de la date d'entrée en vigueur de l'accord, soit aux termes de l'article 4, le premier jour du mois suivant la date de publication de son arrêté d'extension.
5. Les syndicats requérants soutiennent que l'article 1er de l'accord du 8 février 2019 prévoit que la convention collective des mannequins adultes et mannequins enfants de moins de seize ans employés par les agences de mannequins continue à produire ses effets jusqu'à l'arrêté d'extension de la nouvelle convention collective commune, que la publication des résultats de la mesure d'audience est nécessaire afin d'identifier les organisations syndicales représentatives, pour mener dans le périmètre de la convention, les négociations salariales annuelles prévues par l'article L. 2241-8 du code du travail et que cette identification s'impose également au regard de l'avenant n° 7 à la convention collective des mannequins du 27 mars 2018 étendu par arrêté du 21 janvier 2019 qui institue une contribution financière spécifique des entreprises pour assurer la prise en charge des frais du paritarisme, répartie à hauteur de 50% entre l'ensemble des syndicats représentatifs dans la branche selon les pourcentages définis dans l'arrêté de représentativité en vigueur.
6. En premier lieu, le ministre du travail soutient que les mannequins adultes et mannequins enfants de moins de 16 ans employés par les agences de mannequins ne constituent plus une branche professionnelle depuis le groupement opéré par l'accord du
8 février 2019 et que si la convention collective est maintenue en application de l'article
L. 2261-33 du code du travail, l'article L. 2261-34 du même code prévoit que les taux de représentativité des organisations syndicales de salariés dans le champ d'une branche préexistant à une opération de regroupement sont appréciés au niveau de la branche issue du regroupement. Toutefois, il résulte des dispositions de l'article L. 2261-34 du code du travail, telles qu'interprétées par le Conseil Constitutionnel dans sa décision précitée du 29 novembre 2019, qu'elles ne régissent pas les règles de la représentativité syndicale dans le cadre de la négociation collective dans le champ d'une convention collective qui continue à exister après le regroupement des branches, même après la mesure d'audience qui suit ce regroupement, mais les règles de représentativité dans le cadre des négociations relatives à l'accord de remplacement après fusion ou regroupement des branches.
7. En second lieu, le ministre du travail ne rapporte pas la preuve que les conditions de déroulement du scrutin interdiraient à la direction générale du travail d'affecter les résultats du vote des salariés des conventions collectives préexistantes au regroupement afin d'évaluer la représentativité des organisations syndicales au niveau de la branche des mannequins adultes et mannequins enfants de moins de seize ans employés par les agences de mannequins et d'édicter l'arrêté de représentativité syndicale dans le champ de la convention n° 2397, distinctement de celui de la convention n° 2717.
8. Par suite, les syndicats requérants sont fondés à soutenir que le ministre du travail a fait une inexacte application des dispositions précitées en rejetant la demande de l'UNSA-Spectacle et communication.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, qu'il y a lieu d'annuler la décision implicite par laquelle la ministre du travail a rejeté la demande de l'UNSA-Spectacle et communication tendant à ce qu'il édicte un arrêté de représentativité des organisations syndicales représentatives dans le champ de la convention collective des mannequins adultes et mannequins enfants de moins de seize ans employés par les agences de mannequins.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Les motifs qui s'attachent à l'annulation de la décision implicite de la ministre du travail impliquent que le ministre édicte l'arrêté de représentativité syndicale dans le champ de la convention collective IDCC n° 2397 pour 2021, dans un délai de deux mois à compter de la mise à disposition du présent arrêt.
Sur les frais de l'instance :
11. L'Etat versera aux syndicats SIA-UNSA et UNSA- Spectacle et communication une somme totale de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La décision implicite par laquelle la ministre du travail a rejeté la demande de l'UNSA-Spectacle et communication tendant à ce qu'elle édicte un arrêté de représentativité des organisations syndicales représentatives dans la cadre de la convention collective des mannequins adultes et mannequins enfants de moins de seize ans employés par les agences de mannequins (IDCC n° 2397) est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au ministre du travail d'édicter l'arrêté de représentativité syndicale dans le champ de la convention collective IDCC n° 2397 pour 2021, dans un délai de deux mois à compter de la mise à disposition du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera au SIA-UNSA et à l'UNSA- Spectacle et communication une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat indépendant des artistes interprètes (SIA-UNSA), à l'Union nationale des syndicats autonomes spectacle et communication (UNSA-Spectacle et communication) et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 15 février 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023.
La rapporteure,
M. JULLIARDLe président,
I. LUBEN
La greffière,
N. DAHMANI
La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision
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