Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 mars 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 2208244/8 du 16 juin 2022, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 22 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Decroix-Delondre, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2208244/8 du 16 juin 2022 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 mars 2022 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de procéder au réexamen de sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer une carte de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 septembre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie et le protocole relatif à la gestion concertée des migrations, signés à Tunis le 28 avril 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien né le 7 avril 1988 et entré en France en 2012 selon ses déclarations, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 4 mars 2022, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai. Par un jugement du 16 juin 2022, dont M. A... relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. L'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail stipule : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". L'article 3 du même accord stipule que " les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " ". Le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 stipule, à son point 2.3.3, que " le titre de séjour portant la mention " salarié ", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (....) ".
3. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ".
4. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Il fixe ainsi notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police ne pouvait légalement rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié présentée par M. A... en se fondant sur les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont substitué à cette base légale erronée celle tirée du pouvoir dont dispose le préfet de régulariser ou non la situation d'un étranger dès lors que cette substitution de base légale n'a pas eu pour effet de priver l'intéressé d'une garantie et que l'administration disposait du même pouvoir d'appréciation, dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation, que lorsqu'elle examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. M. A... soutient résider habituellement en France depuis 2012, soit selon lui depuis près de dix ans à la date de l'arrêté contesté, la première date portée sur un document produit par lui étant le 15 mai 2012. Toutefois, la durée du séjour en France de l'intéressé ne saurait, à elle seule, caractériser une considération humanitaire ou un motif exceptionnel. M. A... s'est marié le 20 août 2016 avec une compatriote dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait en situation régulière. Le couple a deux enfants, nés en France en 2019 et 2021. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la vie familiale de M. A... ne pourrait pas se poursuivre en Tunisie où résident son père et sa fratrie. En outre, il verse au dossier un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 10 décembre 2015 pour un poste de manœuvre dans le bâtiment et les bulletins de salaire y afférents pour la période de décembre 2015 à mars 2016. Il a également été recruté par la société Batinord pour la période du 10 mars 2016 au 30 juin 2016 sur un poste d'ouvrier polyvalent en bâtiment. Il dispose d'un contrat de travail à durée indéterminée pour ce même poste conclu le 19 novembre 2019 avec la société Batinord qui a établi une demande d'autorisation de travail à son bénéfice et verse au dossier ses bulletins de salaire de novembre 2019 à juin 2022. Cependant, M. A... ne justifie d'aucune qualification professionnelle particulière. S'il soutient que le secteur du bâtiment connaît des difficultés de recrutement, il n'établit pas que ces dernières concerneraient le métier d'ouvrier polyvalent en bâtiment qui nécessite peu de qualifications, alors que le préfet de police fait valoir, sans être contredit, que seuls les métiers du bâtiment mettant en œuvre de compétences particulières sont en tension. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré qu'en dépit de la durée de sa présence en France, compte tenu de sa situation personnelle et familiale et de sa faible durée d'emploi pour une activité peu qualifiée, le préfet de police n'avait pas commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que M. A... ne justifiait pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens et pour l'application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en refusant de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " sur ce fondement, et d'exercer son pouvoir de régularisation pour lui délivrer à titre exceptionnel un titre de séjour en qualité de " salarié ".
7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.
La rapporteure,
V. C... Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA03395 2