Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... E... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 28 décembre 2017 A... laquelle la ministre du travail a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé A... le groupement d'intérêt économique (GIE) Ecureuil Crédit, devenu le GIE BPCE Solutions Crédit, à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail du 7 avril 2017 refusant l'autorisation de le licencier, a annulé cette dernière décision et a autorisé son licenciement.
A... un jugement n° 1801260 du 21 janvier 2022, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
A... une requête et un mémoire enregistrés les 24 mars et 24 octobre 2022, M. E..., représenté A... Me Simonet, demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la Cour d'appel de Paris statuant sur l'appel qu'il a formé à l'encontre du jugement du Tribunal correctionnel de Créteil du 21 juin 2021 ;
2°) d'annuler le jugement n° 1801260 du 21 janvier 2022 du Tribunal administratif de Melun ;
3°) d'annuler la décision du 28 décembre 2017 de la ministre du travail ;
4°) de mettre à la charge du GIE BPCE Solutions Crédit la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
5°) de rejeter les demandes du GIE BPCE Solutions Crédit.
Il soutient que :
- il convient de surseoir à statuer, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, dans l'attente de la décision de la Cour d'appel de Paris ;
- la décision contestée a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense, prévus notamment A... l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que ni l'employeur, ni l'administration ne lui ont communiqué les témoignages et les attestations retenus pour considérer que les faits qui lui étaient reprochés étaient établis ; les attestations de personnes se présentant à la fois comme victime et témoin auraient dû être écartées ;
- le tribunal a méconnu les principes du respect d'un procès équitable et de l'égalité des armes et a ainsi méconnu la jurisprudence européenne ;
- la mesure de licenciement est entachée de nullité du fait du délai excessif entre la mise à pied conservatoire dont il a fait l'objet le 31 janvier 2017 et la réunion de la délégation unique du personnel du 27 février 2017 ;
- il n'a pas été convoqué dans un délai suffisant pour lui permettre de préparer son audition devant la délégation unique du personnel ; la circonstance que la délégation unique du personnel ait rendu un avis défavorable à la mesure de licenciement est sans incidence sur le caractère irrégulier de la procédure suivie A... l'employeur ;
- les faits reprochés étaient prescrits lors de l'engagement des poursuites disciplinaires ;
- les faits ne sont pas établis ; le doute doit profiter au salarié.
A... des mémoires enregistrés les 20 mai et 17 novembre 2022, le groupement d'intérêt économique BPCE Solutions Crédit, représenté A... Mes Rozenblum et Chlewicki Hazout, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. E... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure pénale est sans incidence sur l'issue de la procédure administrative ; A... suite, il n'y a pas lieu de prononcer un sursis à statuer ;
- les moyens soulevés A... le requérant ne sont pas fondés.
A... un mémoire en défense enregistré le 29 août 2022, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.
Il renvoie à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code du travail ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G...,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.
Une note en délibéré a été présentée pour M. E... le 29 mars 2023.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... a été recruté le 3 septembre 2009 en qualité de gestionnaire bancaire A... le groupement d'intérêt économique (GIE) Ecureuil Crédit. A... ailleurs, il détenait le mandat de membre de la délégation unique du personnel depuis le 23 avril 2015. A... une demande du 28 février 2017, reçue le 1er mars suivant, le GIE Ecureuil Crédit, devenu le GIE BPCE Solutions Crédit, a sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de licencier M. E... pour motif disciplinaire. A... une décision du 7 avril 2017, l'inspecteur du travail a refusé d'accorder l'autorisation sollicitée. La ministre du travail, saisie d'un recours hiérarchique formé A... l'employeur le 3 mai 2017, a, A... une décision du 28 décembre 2017, retiré sa décision implicite de rejet née du silence gardé sur ce recours, annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé le licenciement de M. E.... A... un jugement du 21 janvier 2022, dont M. E... relève appel, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin de sursis à statuer :
2. Si M. E... conclut à ce que, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, il soit sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris se prononçant sur l'appel qu'il a formé à l'encontre du jugement du 21 juin 2021 du Tribunal correctionnel de Créteil, aucun principe général du droit ni aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au juge administratif de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision du juge d'appel pénal. A... suite, la demande de M. E... ne peut être accueillie.
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de la ministre du travail :
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire :
3. Aux termes des dispositions de l'article R. 2421-4 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé doit, quel que soit le motif de la demande, procéder à une enquête contradictoire. En revanche, aucune règle ni aucun principe ne fait obligation au ministre chargé du travail, saisi d'un recours hiérarchique sur le fondement des dispositions de l'article R. 2422-1 du code du travail, de procéder lui-même à cette enquête contradictoire. Il en va toutefois autrement si l'inspecteur du travail n'a pas lui-même respecté les obligations de l'enquête contradictoire et que, A... suite, le ministre chargé du travail annule sa décision et statue lui-même sur la demande d'autorisation. Pour l'application de cette règle, le ministre chargé du travail, saisi sur le fondement de l'article R. 2422-1 de ce code d'un recours contre une décision relative au licenciement d'un salarié protégé, doit, en application des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui prévoient qu'" exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ", communiquer le recours au tiers au profit duquel la décision contestée a créé des droits - à savoir, respectivement, l'employeur ou le salarié protégé -, et le mettre à même de présenter ses observations, notamment A... la communication de l'ensemble des éléments sur lesquels le ministre chargé du travail entend fonder sa décision. Toutefois, lorsque l'accès à ces témoignages et attestations serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur.
4. M. E... soutient que les attestations et les témoignages sur lesquels l'employeur et la ministre du travail se sont fondés pour estimer que les faits qui lui sont reprochés étaient établis ne lui ont pas été communiqués. Il ressort des termes de la décision contestée que la ministre du travail s'est fondée sur les attestations de trois salariées pour considérer que les faits reprochés à l'intéressé, qui relevaient du harcèlement sexuel au sens de l'article L. 1153-1 du code du travail, étaient établis. Il ressort des pièces du dossier que l'inspecteur du travail a joint à son courrier du 1er mars 2017 informant M. E... de la date de l'enquête contradictoire fixée au 7 mars 2017 la demande d'autorisation de procéder à son licenciement présentée le 1er mars 2017 A... le GIE Ecureuil Crédit ainsi que l'ensemble des pièces qui y étaient jointes, notamment les résultats de l'enquête du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), la lettre anonyme en date du 3 janvier 2017 et les attestations de Mme F..., de Mme D... et de Mme B..., datées respectivement des 5, 6 et 13 février 2017. En outre, à la suite du recours hiérarchique formé A... l'employeur, M. E... a été entendu le 16 juin 2017 dans le cadre de la contre-enquête menée A... la directrice adjointe du Pôle travail de l'unité départementale du Val-de-Marne et s'est vu adresser, A... des courriels des 28 et 29 juin 2017, l'ensemble des documents qui lui avaient été transmis A... l'employeur. M. E... ne conteste pas ne pas avoir reçu l'ensemble des documents qui lui ont été adressés A... l'administration, en particulier les attestations des trois salariées communiquées A... l'inspecteur du travail. Dans ces conditions, M. E..., qui a été mis à même de prendre connaissance des attestations et des témoignages qui ont été recueillis au cours de l'enquête de l'administration, n'est pas fondé à soutenir que le principe du contradictoire aurait été méconnu.
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
5. M. E... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance du respect du procès équitable, du principe d'égalité des armes et, en tout état de cause, du principe du contradictoire énoncés A... les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la jurisprudence européenne appliquant ces principes, la décision de la ministre du travail ne constituant pas une décision juridictionnelle au sens de ces stipulations.
En ce qui concerne la régularité de la procédure interne à l'entreprise :
6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2421-14 du code du travail, dans sa version applicable en l'espèce : " En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail. / La consultation du comité d'entreprise a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied. / La demande d'autorisation de licenciement est présentée dans les quarante-huit heures suivant la délibération du comité d'entreprise. S'il n'y a pas de comité d'entreprise, cette demande est présentée dans un délai de huit jours à compter de la date de la mise à pied. (...) ". Aux termes de l'article L. 2326-1 du même code, dans sa version alors applicable : " Dans les entreprises de moins de trois cents salariés, l'employeur peut décider que les délégués du personnel constituent la délégation du personnel au comité d'entreprise (...) ". Aux termes de l'article L. 2326-3 de ce code : " Dans le cadre de la délégation unique du personnel, les délégués du personnel, le comité d'entreprise et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail conservent l'ensemble de leurs attributions ".
7. Les délais fixés A... l'article R. 2421-14 du code du travail cité ci-dessus dans lesquels la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié mis à pied doit être présentée, ne sont pas prescrits à peine de nullité de la procédure de licenciement. Toutefois, eu égard à la gravité de la mesure de mise à pied, l'employeur est tenu, à peine d'irrégularité de sa demande, de respecter un délai aussi court que possible pour la présenter.
8. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la réception, le 30 janvier 2017, d'une lettre anonyme transmise A... deux entreprises de travail temporaire portant sur des faits de harcèlement sexuel mettant en cause M. E..., le GIE Ecureuil Crédit l'a mis à pied le 31 janvier 2017 et que la délégation unique du personnel a été consultée le 27 février 2017, c'est-à-dire dans un délai de 27 jours à compter de la date de la mise à pied. Cependant, il ressort également des pièces du dossier que dès le 31 janvier 2017, l'employeur a diligenté une enquête interne et a reçu en entretien une trentaine de personnes. Cette enquête a été menée jusqu'au 7 février 2017 en relation avec le médecin du travail, les services de l'inspection du travail et les agences d'intérim, les salariées dénonçant les faits ayant été recrutées en tant qu'intérimaires. En outre, trois jours après la mise à pied à titre conservatoire du salarié, soit le 3 février 2017, le CHSCT s'est réuni et a décidé de procéder à une enquête sur les faits de harcèlement moral et de harcèlement sexuel dénoncés A... les salariées intérimaires. Deux membres du CHSCT se sont ainsi rendus sur le site de Créteil le 7 février suivant et se sont entretenus avec dix personnes. Le 10 février 2017, le CHSCT a été convoqué à une réunion extraordinaire fixée au 22 février 2017. Le 14 février 2017, la direction de la société a reçu les témoignages recueillis lors de l'enquête menée A... le CHSCT. M. E... a été reçu en entretien individuel le 17 février 2017. Le CHSCT s'est à nouveau réuni le 22 février suivant afin notamment de restituer le contenu de l'enquête qu'il avait effectuée. Eu égard à la nécessité pour l'employeur de procéder, en relation notamment avec deux agences d'intérim, à une enquête approfondie sur les faits reprochés à M. E..., et alors qu'il ressort des bulletins de salaire produits A... l'intéressé qu'il a continué à percevoir sa rémunération durant sa mise à pied, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que le délai de 27 jours entre la date de mise à pied du 31 janvier 2017 et la consultation de la délégation unique du personnel le 27 février 2017 ne revêt pas, dans les circonstances de l'espèce, un caractère excessif.
9. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. E... a été convoqué, A... un courrier du 22 février 2017 reçu le lendemain, à la réunion de la délégation unique du personnel amenée à rendre un avis sur la procédure de licenciement fixée au lundi 27 février 2017. A... un courriel du 22 février 2017, l'employeur a informé de cette réunion extraordinaire les membres de la délégation unique du personnel et leur a communiqué le dossier relatif au projet de licenciement de M. E.... Ce courriel a également été adressé à l'intéressé. Si ce dernier soutient que ce courriel lui a été envoyé à une adresse mail " désuète ", il ne conteste pas l'avoir reçu. Dans ces conditions, M. E..., qui en outre avait été reçu en entretien individuel le 17 février 2017 ainsi qu'il a déjà été dit et qui était dès cette date informé des griefs retenus à son encontre, disposait d'un délai suffisant pour lui permettre de préparer utilement sa défense avant la réunion de la délégation unique du personnel qui, A... ailleurs, a rendu un avis défavorable au projet de licenciement.
En ce qui concerne la prescription :
10. Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail : " Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur, qui dispose du pouvoir disciplinaire, en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ". Il résulte de ces dispositions que l'employeur ne peut fonder une demande d'autorisation de licenciement sur des faits prescrits en application de ces dispositions, sauf si ces faits procèdent d'un comportement fautif de même nature que celui dont relèvent les faits non prescrits donnant lieu à l'engagement des poursuites disciplinaires. Le délai de deux mois commence à courir lorsque l'employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié protégé. Lorsque le salarié invoque à l'appui de son recours que son employeur a méconnu le délai de prescription, il doit établir, en raison des règles particulières qui régissent le contentieux administratif, le bien-fondé de son affirmation.
11. M. E... se borne à reprendre en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, le moyen tiré de ce que les faits qui lui sont reprochés étaient prescrits à la date à laquelle le GIE Ecureuil Crédit a engagé la procédure de licenciement. Il y a lieu d'écarter ce moyen A... adoption des motifs retenus à bon droit A... le tribunal administratif au point 11 du jugement attaqué.
En ce qui concerne la matérialité des faits reprochés et leur gravité :
12. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée A... un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
13. Le GIE Ecureuil Crédit reproche à M. E... des pratiques de harcèlement sexuel et de harcèlement moral qui ont conduit à une " désorganisation des règles de l'entreprise " et à la perturbation du personnel. Il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de la réunion extraordinaire du CHSCT du 22 février 2017, qu'à la suite de la réception d'une lettre anonyme transmise au GIE Ecureuil Crédit le 30 janvier 2017 A... une entreprise de travail temporaire dénonçant les propos à connotation sexuelle tenus de manière répétée A... M. E... et son chef d'équipe à l'encontre d'une jeune intérimaire, l'employeur a, ainsi qu'il a déjà été dit, mené le 31 janvier 2017 une enquête interne et a notamment reçu en entretien les salariées travaillant ou ayant travaillé dans l'équipe de M. E.... Une seconde enquête a été diligentée A... le CHSCT et menée A... deux élus qui se sont rendus sur le site où travaillait M. E... et se sont entretenus avec dix personnes. Il ressort des résultats de ces deux enquêtes qu'une dizaine de salariées ont indiqué ne pas avoir été témoins de faits de harcèlement sexuel ou moral de la part de M. E..., quatre personnes d'une agence d'intérim arrivées récemment dans son service n'ont pas été harcelées ni témoins des faits reprochés mais ont été mises en garde contre les agissements de M. E... A... les anciennes intérimaires, plusieurs autres salariées ne se sont pas senties harcelées mais ont rapporté des propos tenus en un langage cru sous couvert de plaisanterie ou ont témoigné de la situation de certaines jeunes femmes victimes de propos à connotation sexuelle et de l'attitude humiliante de M. E... et de son chef d'équipe, et six personnes ont témoigné de faits de harcèlement sexuel de la part de ces deux salariés sur treize jeunes femmes et un homme. Parmi ces six personnes, trois ont également rédigé des attestations, les 5, 6 et 13 février 2017, dénonçant des propos dégradants et humiliants sur l'apparence physique de salariées ainsi qu'à connotation sexuelle tenus A... M. E... à leur encontre et à celle d'autres collègues travaillant sur le même plateau ouvert que l'intéressé. Il ressort des termes de la décision contestée que la ministre du travail s'est fondée sur ces trois attestations pour estimer que la matérialité des faits de harcèlement sexuel de la part de M. E... était établie.
14. Si le requérant entend contester la recevabilité de ces trois attestations en se prévalant du principe selon lequel un témoin ne peut pas disposer à la fois du statut de témoin et de celui de victime, ce principe ne s'applique que dans le cadre de la procédure pénale. La ministre du travail pouvait ainsi légalement se fonder sur des attestations émanant de personnes rapportant les faits dont elles ont été victimes de la part de M. E... et les faits dont elles ont été témoins. M. E... soutient en outre que les faits relatés dans ces attestations ne sont pas datés. Cependant, les agissements de l'intéressé étaient quotidiens et les faits décrits dans ces attestations sont très précis et circonstanciés. Le requérant verse au dossier seize attestations de collègues, dont sept émanant de collègues masculins, qui mentionnent n'avoir pas été victimes de harcèlement moral ou sexuel de la part de M. E..., ni avoir été témoins de tels agissements à l'exception de l'attestation établie A... Mme A..., déléguée du personnel, auprès de laquelle une intérimaire s'est confiée le dernier jour de sa mission et a dénoncé un harcèlement moral de la part de M. E.... Il ressort en outre de ces attestations que celui-ci se livrait couramment sur un " ton humoristique " à des réflexions sur le physique ou la tenue vestimentaire des jeunes femmes intérimaires. Dans ces conditions, les attestations présentées A... le requérant ne permettent pas de remettre en cause la matérialité des faits concordants et circonstanciés mentionnés dans les trois attestations sur lesquelles s'est fondée la ministre du travail. Si le requérant soutient que l'employeur avait recruté plusieurs jeunes intérimaires du fait d'un surcroît d'activité, que, du fait de leur âge, l'ambiance était " bon enfant " et que ces salariées intérimaires ne respectaient pas toujours le règlement de l'entreprise quant à leurs tenues vestimentaires, ces circonstances, à les supposer établies, ne sont pas davantage de nature à remettre en cause l'existence des agissements à connotation sexuelle dont M. E... a été l'auteur à l'encontre de ces jeunes salariées intérimaires.
15. Il ressort également des pièces du dossier que les agissements précédemment décrits ont eu des répercussions sur l'état psychologique des salariées intérimaires au sein de l'entreprise et présentent, ainsi qu'il a déjà été dit, un caractère répété. Dans ces conditions, et alors que, d'une part, en application de l'article L. 1153-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des faits de harcèlement sexuel ou assimilés au harcèlement sexuel et que, d'autre part, l'employeur doit, selon les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du même code, prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment pour prévenir les risques liés au harcèlement sexuel, la ministre du travail a pu sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation estimer que les faits reprochés étaient fautifs et revêtaient une gravité suffisante pour justifier, à eux seuls, le licenciement de M. E.... Il suit de là que la ministre du travail a pu légalement autoriser, A... sa décision du 28 décembre 2017, le licenciement de M. E....
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, A... le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à sa charge du GIE BPCE Solutions Crédit, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. E... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... la somme de 1 000 euros à verser au GIE BPCE Solutions Crédit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : M. E... versera au groupement d'intérêt économique BPCE Solutions Crédit la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E..., au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et au groupement d'intérêt économique BPCE Solutions Crédit.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public A... mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.
La rapporteure,
V. G... Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA01401 2