Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 11 mai 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français en fixant le pays à destination duquel elle pourra être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2100397 du 28 septembre 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 15 février 2022, Mme B..., représentée par Me Vitel, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2100397 du 28 septembre 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 mai 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte, et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros à verser à la SELARL Aequae au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- la décision contestée méconnait les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la situation de son fils entre dans le champ d'application du 11° de l'article L. 313-11 du même code ;
- l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est irrégulier dès lors qu'il n'est pas établi que le médecin qui a rédigé le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège de médecins qui a rendu l'avis ;
- le préfet s'est estimé lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII et a méconnu sa compétence ;
- la décision de refus de séjour méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à l'état de santé de son fils et à l'intensité de ses liens familiaux en France ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui délivrant pas un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du même code ;
- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors que l'état de santé de son fils nécessite son maintien en France afin qu'il puisse suivre son traitement médical et bénéficier d'un accompagnement pluridisciplinaire dans un centre médico-psychologique et que la situation de son père est en cours de régularisation ;
- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision l'obligeant à quitter le territoire français :
- la décision contestée est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation ;
S'agissant de la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour et de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation ;
- la décision contestée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour et de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'alinéa 8 de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, eu égard à sa situation familiale et à l'état de santé de son fils ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris du 23 décembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les observations de Me de Grazia, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante kosovare née le 8 octobre 1991 à Kaçanik, entrée en France le 28 août 2015, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour le 26 février 2019 en se prévalant de l'état de santé de son enfant. Par un arrêté du 11 mai 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français en fixant le pays à destination duquel elle pourra être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement du 28 septembre 2021, dont Mme B... relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable à la date de la décision contestée et dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 425-10 du même code : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites ".
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable à la date de la décision contestée et dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 425-9 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
4. Aux termes de l'article R. 313-22 du même code dans sa version applicable à la date de la décision contestée et dont les dispositions ont été reprises à l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code, dont les dispositions ont été reprises aux articles R. 425-11 et R. 425-12 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ". L'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. (...) ".
5. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que pour refuser de délivrer à Mme B... le titre de séjour sollicité, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur l'avis du 24 juin 2019 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) se prononçant sur l'état de santé de son fils, D... B..., né le 7 juillet 2017. Mme B... soutient que cet avis n'a pas été joint à la décision de refus de séjour, ce qui ne permet pas de vérifier que le médecin ayant établi le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège de médecins qui a rendu l'avis. Malgré les demandes de la Cour des 20 février et 3 mars 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas produit l'avis du 24 juin 2019 du collège de médecins de l'OFII. Il n'est ainsi pas possible pour la Cour de vérifier que cet avis a été rendu dans des conditions régulières, conformément notamment aux dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, la décision de refus de séjour doit être regardée comme entachée d'un vice de procédure qui a privé l'intéressée d'une garantie. Il s'ensuit que la décision de refus de séjour et par voie de conséquence les décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de renvoi et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans doivent être annulées.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mai 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
7. Le présent arrêt, par lequel la Cour fait droit aux conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B..., n'implique pas, eu égard au motif d'annulation sur lequel il se fonde, que l'administration prenne une nouvelle décision dans un sens déterminé. Par suite, les conclusions de la requérante tendant à ce que lui soit délivré un titre de séjour sous astreinte doivent être rejetées. Il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de statuer à nouveau sur la situation de l'intéressée dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de sa décision, une autorisation provisoire de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que la SELARL Aequae, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'État le versement à la SELARL Aequae de la somme de 1 500 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2100397 du 28 septembre 2021 du Tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 11 mai 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de procéder au réexamen de la situation de Mme B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente de sa décision, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à la SELARL Aequae, avocat de Mme B..., la somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que la SELARL Aequae renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Copie en sera adressée à la SELARL Aequae.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.
La rapporteure,
V. C...
Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA00682 2