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11/04/2023 | FRANCE | N°21PA00505

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 11 avril 2023, 21PA00505


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris :

1°) de prononcer la décharge de son obligation de payer résultant des neuf mises en demeure émises le 29 mai 2015 en vue du paiement de cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux dont il était redevable au titre des années 1998 à 2005 pour un total de 409 688,13 euros ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D...

un jugement n° 1518615 du 10 octobre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris :

1°) de prononcer la décharge de son obligation de payer résultant des neuf mises en demeure émises le 29 mai 2015 en vue du paiement de cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux dont il était redevable au titre des années 1998 à 2005 pour un total de 409 688,13 euros ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D... un jugement n° 1518615 du 10 octobre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Première procédure devant la Cour :

D... une requête et des mémoires, enregistrés les 7 décembre 2017, 26 juillet 2018 et 12 septembre 2018, M. C..., représenté D... Me Puy-Pomagalski, avocat, a demandé à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 10 octobre 2017 mentionné ;

2°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer les impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutenait que :

- les frais de poursuite ne sont pas justifiés ;

- ils sont prescrits ;

- les avis à tiers détenteur du 2 août 2013 ne font pas mention d'intérêts moratoires ;

- les intérêts moratoires n'ont fait l'objet d'aucune mise en recouvrement ou de mise en demeure ;

- l'impôt sur le revenu et les contributions sociales des années 1998 à 2000 mis en recouvrement en 2002 sont prescrits, aucun acte interruptif de prescription n'étant intervenu entre l'avis de saisie du 4 avril 2003 et le commandement de payer du 8 août 2008 ;

- le procès-verbal de saisie du 23 mai 2006 n'a pas été notifié à son adresse ;

- le commandement de payer du 8 août 2008 n'a pas été régulièrement notifié ;

- l'impôt sur le revenu et les contributions sociales des années 2002 et 2003, mis en recouvrement en 2004, sont prescrits, aucun acte interruptif de prescription n'étant intervenu entre la mise en recouvrement et l'avis à tiers détenteur émis le 6 avril 2010 ;

- l'impôt sur le revenu et les contributions sociales des années 2001 à 2003 mis en recouvrement en 2005 ayant fait l'objet de dégrèvements, il incombe à l'administration d'établir que les sommes qui lui sont réclamées tiennent compte de ce dégrèvement et que les frais de poursuite afférents aux sommes dégrevées ne lui sont pas réclamés ;

- le tribunal n'a pas répondu à ce moyen ;

- les contributions sociales de l'année 2003 sont prescrites, quatre ans s'étant écoulés entre la date du jugement du 21 juin 2010 et la mise en demeure du 29 mai 2015 ;

- les avis à tiers détenteur du 6 avril 2010 n'ont pas été notifiés à son adresse de Paris ;

- les mises en demeure du 12 décembre 2012 n'ont pas été régulièrement notifiées à l'étranger conformément aux dispositions des articles 683 et 684 du code de procédure civile ;

- la doctrine administrative prévoit que le juge se prononce sur la régularité d'un acte de poursuite aux fins de vérifier si celui-ci a pu valablement interrompre la prescription.

D... des mémoires en défense, enregistrés les 4 mai, 28 juin et 13 septembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics a conclu à la prise en compte, en ce qui concerne les intérêts moratoires et frais de poursuite, des dégrèvements précédemment intervenus en matière de droits et pénalités, et pour le surplus, au rejet des conclusions de la requête.

D... un arrêt n° 17PA03717 en date du 6 février 2019, la Cour a annulé dans son article 1er le jugement attaqué en tant qu'il a statué sur les " frais " réclamés à M. C... D... les mises en demeure du 27 mai 2015, a déchargé dans son article 2 le requérant de l'obligation de payer les sommes qui lui ont été réclamées D... les mises en demeures du 29 mai 2015 au titre des " frais " à hauteur de 101 842 euros, l'a déchargé, dans son article 3, de l'obligation de payer les sommes réclamées au titre de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales établis au titre des années 1998 à 2000 ainsi qu'au titre de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales des années 2002 et 2003 mis en recouvrement en 2004, y compris les frais y afférents, puis mis à la charge de l'Etat, dans son article 5, une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à M. C..., enfin, dans son article 6, a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant le Conseil d'Etat :

I. Sous le n° 429381, D... un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 avril et 2 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... a demandé au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il lui est défavorable ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire entièrement droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II. Sous le n° 429410, D... un pourvoi enregistré le 3 avril 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics a demandé au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il lui est défavorable ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. C....

D... une décision nos 429381, 429410 du 26 janvier 2021, le Conseil d'Etat a :

- annulé les articles 3 et 4 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 6 février 2019, ainsi que son article 6 en tant qu'il porte sur les sommes mises en recouvrement en 2005 au titre de l'impôt sur le revenu pour les années 2001 à 2003 et des contributions sociales de l'année 2003, avec les frais correspondants ;

- renvoyé, dans cette mesure, la requête à la cour administrative d'appel de Paris ;

- rejeté les autres conclusions présentées D... M. C....

Seconde procédure devant la Cour :

D... des mémoires enregistrés les 1er mars et 10 mai 2021, le ministre chargé des comptes publics oppose une fin de non-recevoir à la requête de M. C... et conclut à nouveau à son rejet au fond.

Il fait valoir que :

- le principe de sécurité juridique fait obstacle à ce que M. C... conteste, dans le cadre d'un litige portant sur des mises en demeure qu'il a reçues en 2015, la régularité de la notification d'actes de poursuite qui lui ont été adressés de nombreuses années auparavant ;

- M. C... n'est plus recevable à contester les actes de poursuite régulièrement notifiés contre lesquels il n'avait pas formé opposition dans le délai de deux mois ;

- l'autorité de la chose jugée D... la décision de cassation fait obstacle à ce que le requérant conteste les sommes mises en recouvrement en 2003, 2006 et 2007, partie du litige dont le Conseil d'Etat n'a pas renvoyé l'examen à la Cour ;

- M. C... n'ayant contesté, dans sa réclamation du 16 juillet 2015 que les seules mises en demeure du 29 mai 2015 tenant lieu de commandement de payer, il n'est pas recevable, aux termes de l'article R. 281-5 du livre des procédures fiscales, à contester au vu des pièces, autres que ces mises en demeure, notamment les cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales émises au titre des années 2002 et 2003, mises en recouvrement le 31 juillet et le 14 octobre 2004, et celles mises en recouvrement en 2005 ;

- dans son jugement du 10 mars 2016, le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Paris a décidé que la notification préalable des avis d'imposition résulte suffisamment des réclamations antérieurement introduites D... le contribuable et des documents internes de l'administration, les avis d'imposition n'ayant pas été retournés avec la mention " n'habite pas à l'adresse indiquée " ;

- le contribuable ne saurait se prévaloir d'une connaissance implicite D... l'administration de son adresse, et ne produit aucune pièce établissant la communication officielle de sa dernière adresse à l'administration ;

- le montant contesté des impositions sur les actes de poursuite relève de la régularité en la forme de l'acte de poursuite dont la connaissance ressortit au juge judiciaire, D... application de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales ;

- dès lors que les commandements de payer du 8 août 2008 lui ont été distribués, il appartient à M. C... d'établir que la signature qui apparaît sur les avis de réception de ces actes n'est pas à la sienne ;

- il ne saurait utilement invoquer le bénéfice de l'instruction fiscale BOI-REC-EVTS-20-10-30 n° 130, 12-9-2012 qui est relative à la procédure juridictionnelle.

S'agissant des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu émises au titre des années 1998, 1999 et 2000, mises en recouvrement le 30 avril 2002 :

- M. C... a été destinataire de divers actes de poursuite D... pli recommandé avec demande d'avis de réception, notamment, de commandements de payer datés du 6 août 2009, présentés le 11 août 2009, et de mises en demeure du 12 décembre 2012, qui ont interrompu la prescription jusqu'à la mise en demeure émise le 29 mai 2015.

S'agissant des cotisations supplémentaires de contributions sociales afférentes aux années 1998, 1999 et 2000, mises en recouvrement le 30 juin 2002 :

- M. C... a été destinataire de divers actes de poursuite et, notamment, d'un commandement de payer daté 8 août 2008, d'un avis à tiers détenteur du 6 avril 2010, et de mises en demeure du 12 décembre 2012 qui ont interrompu la prescription jusqu'à la mise en demeure émise le 29 mai 2015 ;

- faute d'avoir réclamé contre le commandement de payer précité du 8 août 2008, conformément aux dispositions de l'article R. 281-2 alors en vigueur, M. C... n'est plus recevable à invoquer la prescription de l'action en recouvrement à l'occasion d'un acte de poursuite qui lui est notifié postérieurement, tels un avis à tiers détenteur du 6 avril 2010 ou la mise en demeure du 12 décembre 2012 ;

- l'appréciation des modalités de rédaction des procès-verbaux de saisie du 25 juillet et du 20 octobre 2003 a trait à la régularité en la forme des actes et ressortit, D... suite, au juge judiciaire.

S'agissant des impositions primitives relatives aux années 2001, 2002 et 2003, mises en recouvrement le 31 juillet 2003 et le 14 octobre 2004 :

- M. C... a été destinataire dans le délai de quatre ans de la notification d'un avis à tiers détenteur du 26 septembre 2006, contre lequel il a formé opposition D... courrier du 21 novembre 2006, et qui a interrompu et a fait courir un nouveau délai de quatre ans, puis il a été destinataire d'un avis à tiers détenteur du 6 avril 2010 qui lui a été présenté le 20 avril 2010 et finalement retourné au service revêtu des mentions non réclamé retour à l'envoyeur, qui, de ce fait, a fait courir un nouveau délai de quatre ans, expirant le 20 avril 2014, de sorte que les mises en demeure du 12 décembre 2012 pouvaient être notifiées à M. C... et que le délai de l'action en recouvrement n'était pas prescrit.

Sur le supplément de contributions sociales de l'année 2003, mis en recouvrement le 31 août et le 30 septembre 2005 :

- M. C... ayant présenté une réclamation le 16 décembre 2005, assortie d'une demande de sursis de paiement, auquel a mis fin le jugement rendu le 21 juin 2010, le délai d'action en recouvrement a recommencé à courir jusqu'au 16 mars 2014, de sorte que les créances concernées n'étaient pas prescrites à la date du 4 novembre 2010 ;

- le second alinéa de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales dispose que le délai de prescription de l'action en recouvrement est égal à six ans lorsque le redevable réside dans un Etat qui n'est pas membre de l'Union européenne avec lequel la France ne dispose d'aucune convention d'assistance en matière de recouvrement ; en application de l'article 222 du code civil, cet allongement de la durée de prescription est entré en vigueur avant le 16 mars 2014 ;

- à supposer que la convention conclue entre la France et la Suisse ait une portée similaire à la directive mentionnée ci-dessus du 16 mars 2010, et que le délai de prescription soit égal à quatre ans, les mises en demeure du 12 décembre 2012 ont fait courir un nouveau délai dans lequel sont valablement intervenues les mises en demeure litigieuses émises le 29 mai 2015.

D... un mémoire en réplique du 27 avril 2021, M. C..., représenté D...

Me Puy-Pomagalski, avocat, reprend les conclusions de sa requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Il soutient que :

S'agissant des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu des années 1998, 1999 et 2000, mises en recouvrement en 2002 :

- selon l'instruction fiscale BOI-REC-EVTS-20-10-30 n° 130, 12-9-2012, les juridictions administratives sont compétentes pour trancher les contestations portant sur l'exigibilité de l'imposition telle que la prescription de l'action en recouvrement de la créance d'impôts directs visée D... les poursuites ;

- les mises en demeure du 12 décembre 2012 ont été notifiées à une adresse erronée comme les actes de poursuite qui les ont précédées (procès-verbal de saisie conservatoire du 23 mai 2006, commandements de payer du 8 août 2008, et à tiers détenteur du 6 avril 2010) ;

- les conditions de notification du procès-verbal de saisie conservatoire du 23 mai 2006 sont irrégulières faute pour ce procès-verbal d'avoir été notifié pour son information à l'adresse du requérant qui était alors domicilié rue de Lille, à Paris ;

- le montant des sommes sur ses actes est 693 124 euros, sans qu'aucune indication ne soit donnée, alors que les cotisations d'impôt sur le revenu réclamées au contribuable au titre des années 1998 à 2000 s'élève approximativement, à 35 000 euros ;

- la signature qui apparaît sur leur avis de réception ne correspond pas à celle figurant sur les avis de réception objet des pièces 14, 15 et 16 produites D... l'administration en première instance, alors même qu'ils devraient tous avoir été signés D... M. C....

S'agissant des cotisations supplémentaires de contributions sociales des années 1998, 1999 et 2000 mises en recouvrement en 2002 :

- la notification des actes de poursuite qui ont précédé l'avis du 6 avril 2010, dont la notification a été reconnue irrégulière du fait d'une adresse erronée, n'a pu interrompre la prescription.

S'agissant des impositions primitives relatives aux années 2001, 2002 et 2003, mises en recouvrement entre le 31 juillet 2003 et le 14 octobre 2004 :

- pour ces impositions, l'avis à tiers détenteur du 26 septembre 2006 ayant été reconnu irrégulier D... la Cour, celui du 6 avril 2010 n'a pu interrompre la prescription qui était donc acquise en 2012 ;

- les mises en demeure du 12 décembre 2012 lui ont été adressées à Vex (1981) Les Villars, en Suisse, qui n'était pas le domicile de M. C....

S'agissant des sommes mises en recouvrement en 2005 :

- les mises en demeure du 12 décembre 2012 n'ont pas non plus été envoyées au domicile de M. C..., de sorte que le délai d'action relatif à ces cotisations, qui commençait à courir à compter du 21 juin 2010, fixé à quatre ans D... le Conseil d'Etat, est prescrit à la date des mises en demeure du 29 mai 2015.

S'agissant des sommes mises en recouvrement en 2003, 2006 et 2007 :

- le Conseil d'Etat a jugé, à tort, que M. C... n'avait pas soulevé de moyen en appel à leur encontre.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Neuf mises en demeure valant commandement de payer ont été émises le 29 mai 2015 à l'égard de M. C... en vue du paiement de cotisations d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux dues au titre des années 1998 à 2005 pour un total de 409 688,13 euros. M. C... a formé contre ces mises en demeure, le 16 juillet 2015, une opposition à poursuites, rejetée le 10 septembre suivant. M. C... ayant demandé en vain au tribunal administratif de Paris la décharge de l'obligation de payer cette somme, il a relevé appel auprès de la Cour qui, D... un arrêt en date du 6 février 2019, a annulé le jugement attaqué en tant qu'il a statué sur les " frais " réclamés à l'intéressé D... ces mises en demeure, l'a déchargé de l'obligation de payer les " frais " à hauteur de 101 842 euros, les sommes réclamées au titre du supplément d'impôt sur le revenu et de contributions sociales relatif aux années 1998 à 2000 et des impositions à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales des années 2002 et 2003 mises en recouvrement en 2004, ainsi que les frais y afférents, et a rejeté le surplus de ses conclusions. Saisi D... des pourvois, d'une part, du ministre chargé des comptes publics, d'autre part, de M. C..., le Conseil d'Etat a, D... une décision du 26 janvier 2021, annulé cet arrêt en tant qu'il a statué sur l'obligation de payer les suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales relatifs aux années 1998 à 2000 et les impositions relatives aux années 2002 et 2003 mises en recouvrement en 2004, y compris les frais y afférents, et les suppléments d'impôt sur le revenu relatifs aux années 2001 à 2003 et de contributions sociales relatifs à l'année 2003, mis en recouvrement en 2005, ainsi que les frais y afférents. D... suite il a renvoyé les parties devant la Cour pour les conclusions en décharge de ces sommes, et rejeté le surplus des conclusions du pourvoi de M. C....

Sur les fins de non-recevoir du ministre chargé des comptes publics :

2. D'une part, il résulte de l'instruction que M. C..., dans sa demande de sursis de paiement, formée à l'appui de sa réclamation tendant au dégrèvement du supplément d'impositions mis à sa charge au titre des années 1998 à 2000, mentionné comme adresse de son domicile le 37, rue de Lille, 75007 Paris, demande attestée D... un courrier du fisc en date du 16 mai 2002 exigeant des garanties, et que, dans sa réclamation d'assiette du 8 novembre 2002, il confirme cette adresse. En se bornant, pour contester ce domicile dans sa décision d'admission partielle de cette réclamation, à relever que le contribuable n'est pas inscrit dans les rôles de taxe d'habitation, à cette adresse, l'administration ne rapporte la preuve, comme elle en a la charge, qu'une autre adresse lui a été communiquée pendant la procédure de recouvrement antérieure aux mises en demeure litigieuses.

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 281-5 du livre des procédures fiscales : " Le juge se prononce exclusivement au vu des justifications qui ont été présentées au chef de service. Les redevables qui l'ont saisi ne peuvent ni lui soumettre des pièces justificatives autres que celles qu'ils ont déjà produites à l'appui de leurs mémoires, ni invoquer des faits autres que ceux exposés dans ces mémoires ".

4. Selon le ministre chargé des comptes publics, le redevable ne pouvait se prévaloir des pièces et des faits autres que ceux évoqués dans la réclamation au chef de service du Trésor. M. C... a exposé, dans sa réclamation du 16 juillet 2015, que les impositions mises en recouvrement entre le 30 avril 2002 et le 15 novembre 2005 sont nécessairement atteintes D... la prescription en l'absence de poursuites antérieures aux mises en demeure du 29 mai 2015. Il n'a produit en annexe que ces mises en demeure. Pour autant, l'administration ayant versé au dossier les actes de poursuite antérieurs à ces mises en demeure, elle n'est pas fondée à soutenir qu'en les discutant, le requérant a méconnu les dispositions précitées du livre des procédures fiscales.

5. Enfin, le Conseil d'Etat a retenu que M. C... n'avait pas soulevé en appel des moyens tendant à la décharge de l'obligation de payer les impositions relatives aux années 2006 et 2007. D... suite, ainsi que le fait valoir le ministre des comptes publics, M. C... n'est pas recevable à soutenir, dans ses écritures postérieures à cette décision de cassation, qu'il n'aurait soulevé antérieurement la décision de cassation devant la Cour des moyens dirigés contre les actes de recouvrement de ces impositions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

6. Il ressort du jugement entrepris que le Tribunal a omis d'examiner le moyen tiré de ce que rien n'indique que les actes de poursuite relatifs aux suppléments d'impôt sur le revenu 2001, 2002 et 2003, mis en recouvrement en 2005, tiennent compte des dégrèvements prononcés D... le juge de l'assiette. D... suite, le jugement doit être annulé sur ce point, le moyen étant examiné D... la voie de l'évocation, s'agissant des frais de recouvrement, aux points 16 à 18 présent arrêt.

Sur le bien-fondé des actes de recouvrement :

7. D'une part, en vertu des dispositions de l'article R. 81-1 du livre des procédures fiscales, les contestations relatives aux actes de poursuite doivent d'abord être portées devant les comptables du Trésor. Et en vertu des dispositions de l'article R. 81-3-1, c., du même livre, cette demande doit, sous peine d'irrecevabilité, être présentée dans un délai de deux mois du premier acte de poursuite permettant d'invoquer la prescription de l'action en recouvrement de l'acte de poursuite concerné.

8. D'autre part, aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : " Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle, perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. / Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, D... lequel se prescrit l'action en vue du recouvrement, est interrompu D... tous actes comportant reconnaissance de la part des contribuables et D... tous autres actes interruptifs de la prescription ". Pour être régulier, l'acte de poursuite destiné au redevable doit, en application de ces dispositions, être notifié à la dernière adresse qu'il a officiellement communiquée à l'administration.

9. S'agissant des suppléments d'impôts sur le revenu relatifs aux années 1998, 1999, et 2000, l'administration a notifié à l'adresse mentionnée ci-dessus, située à Paris, le procès-verbal de saisie conservatoire des biens mobiliers en date du 4 avril 2003, et le commandement de payer en date du 6 août 2009. Ce commandement de payer comportait la mention de voies et délais de recours, sans que M. C... ait présenté de réclamation contre cet acte de poursuite dans le délai de deux mois imparti D... l'article R. 81-3-1 du livre des procédures fiscales rappelé ci-dessus à partir de la notification de l'acte de poursuite. En outre, à supposer que l'adresse de Vex (Suisse), à laquelle les mises en demeure valant commandement de payer du 12 décembre 2012, dont l'accusé de réception postal a été retourné au service avec la mention " avisé non réclamé ", ont été régulièrement notifiées, ainsi que le Conseil d'Etat l'a retenu au point 5 de sa décision nos 429381, 429410 du 26 janvier 2021 mentionnée ci-dessus, n'ait pas constitué le domicile de M. C..., ce dernier n'a pas, au plus tard dans un délai de deux mois suivant leur notification, formé opposition contre ces actes en faisant valoir qu'ils n'avaient pas interrompu la prescription de l'action en recouvrement. D... suite, ainsi que le fait valoir l'administration, M. C... n'était plus recevable à contester en justice les actes de poursuite relatifs à ces impositions, constitués D... les mises en demeure valant commandement de payer du 29 mai 2015 en litige.

10. De même, s'agissant des suppléments de contributions sociales relatives aux mêmes années mis en recouvrement le 30 juin 2002, le comptable a diligenté une procédure de saisie de meubles corporels au domicile de M. C..., 37, rue de Lille, à Paris, saisie constatée D... procès-verbal du 25 juillet 2003. Dans le délai de deux mois imparti D... l'article R. 81-3-1, c., du livre des procédures fiscales à compter de cet acte de poursuite, le redevable s'est abstenu de présenter une réclamation fondée sur la prescription de l'action en recouvrement et n'est, D... suite, notamment à raison de la notification régulière des derniers actes de poursuite émis précédemment le 12 décembre 2012 ainsi qu'il a été dit au point 9 du présent arrêt, plus recevable à contester en justice les mises en demeure valant commandement de payer du 29 mai 2015 en litige.

11. S'agissant des actes de poursuite tendant au recouvrement des impositions primitives à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales relatives aux années 2001, 2002, et 2003 mises en recouvrement entre le 31 juillet 2003 et le 14 octobre 2004, M. C... expose que, dans son mémoire enregistré le 12 septembre 2018, il a articulé des moyens relatifs à ces trois années d'imposition et qu'ainsi il était recevable à contester les actes de recouvrement pour avoir paiement des impositions primitives relatives à ces années. Toutefois, un avis à tiers détenteur relatif à ces impositions et daté du 5 août 2004 a été reçu, et son accusé de réception a été signé le 20 août 2004, D... l'établissement CRCA Sud Rhône-Alpes à Privas, et un autre avis à tiers détenteur a été reçu et signé le 28 janvier 2005 D... l'établissement CCP à Grenoble. Ainsi, M. C..., qui n'a pas invoqué la prescription de ces avis dans le délai de deux mois qui lui était imparti D... l'article R. 283-3-1, c., du livre des procédures fiscales, alors même qu'avait été enregistré le 16 décembre 2005 un recours devant le tribunal administratif de Paris qui interrompait le délai de prescription prévu à l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, n'est plus recevable à contester, pour ce motif, les impositions en cause objet des mises en demeure valant commandement de payer du 29 mai 2015 en litige.

12. S'agissant des suppléments d'imposition à l'impôt sur le revenu (rôles n° 53013, et n° 53014) et aux contributions sociales (rôles n° 53203 et n° 53204) pour l'année 2003, mises en recouvrement le 31 août et le 30 septembre 2005, avec les frais correspondants, la prescription de l'action en recouvrement, suspendue a été interrompue D... un contentieux d'assiette clos D... un jugement du tribunal administratif de Paris du 21 juin 2010, a couru à nouveau à compter de cette date pour une durée de quatre ans amputée de la durée écoulée entre les mises en recouvrement et la présentation de la réclamation assortie du sursis de paiement, la prescription étant ainsi acquise le 16 mars 2014. Avant l'expiration de ce délai de prescription, le 12 décembre 2012, des mises en demeure valant commandement de payer ont été régulièrement notifiées à M. C... à Vex (Suisse), le délai de prescription de quatre ans n'étant pas prolongé de deux ans en application des dispositions de l'article L. 274 A du livre des procédures fiscales ainsi que le Conseil d'Etat l'a retenu au point 10 de sa décision nos 429381, 429410 du 26 janvier 2021 mentionnée ci-dessus. Si M. C... soutient avoir résidé en Suisse en 2012 mais que l'adresse de Vex ne constituait pas son domicile, ce dernier se situant à Martigny (Suisse) où lui ont été adressées les mises en demeure valant commandement de payer du 29 mai 2015 en litige, il ne résulte pas de l'instruction qu'il ait porté cette dernière adresse à la connaissance de l'administration antérieurement à cette date. D... suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que, l'action en recouvrement des suppléments d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales afférents à l'année 2003 étant prescrite à la date des actes de poursuite en litige, il doit être déchargé de l'obligation de payer correspondante.

13. Toutefois, s'agissant des suppléments d'impôt sur le revenu des années 2001 et 2002 (rôles n° 53015 et n° 53016), mis en recouvrement le 30 septembre 2005, avec les frais correspondants, si la prescription de l'action en recouvrement a été suspendue dans les conditions mentionnées au point 12 du présent arrêt pour courir à nouveau, à compter du 21 juin 2010, date du jugement du tribunal administratif de Paris mentionné, jusqu'au 16 mars 2014, les impositions en cause ne figuraient pas dans les mises en demeure valant commandement de payer notifiées à Vex (Suisse) le 12 décembre 2012. Dès lors, M. C..., qui a soulevé la prescription de ces impositions dans le délai de deux mois du premier acte de poursuites permettant de soulever le moyen, soit à l'occasion de l'opposition du 16 juillet 2015 formée contre les mises en demeure valant commandement de payer du 29 mai 2015 en litige, est fondé à opposer la prescription des actes de recouvrement de ces impositions. Le moyen tiré de la prescription de ces suppléments doit être accueilli, sans qu'il soit besoin de vérifier si les suppléments en litige intègrent les dégrèvements prononcés D... le juge de l'assiette.

En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :

14. D'une part, l'instruction fiscale BOI-REC-EVTS-20-10-30 n° 130 du 12 septembre 2012 dont se prévaut M. C..., est relative à la procédure juridictionnelle et ne peut être utilement opposée en vue de demander la décharge des obligations de payer en litige.

15. D'autre part, si, selon les dispositions de la documentation administrative contenue dans le BOI-REC-EVTS-30-20 du 1er juillet 2015, l'acte interruptif de prescription a pour effet de substituer à la prescription en cours une nouvelle prescription de même durée, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration ait méconnu ses obligations au titre de cette interprétation de la loi fiscale.

En ce qui concerne les frais de poursuite :

16. D'une part, si M. C... soutient que, faute d'information de l'administration, il est fondé à présumer que ces frais sont imputés sur les suppléments d'impôt sur le revenu relatifs aux années 2001, 2002 et 2003, mis en recouvrement le 30 septembre 2005, sans qu'il ait été tenu compte de dégrèvements prononcés à l'initiative de l'administration ou après décharge D... le juge de l'impôt, il ressort des mises en demeure litigieuses qu'elles ne mentionnent aucun frais de poursuite, à la différence de celles valant commandement de payer les suppléments d'impôt sur le revenu au titre des années 1998, 1999 et 2000.

17. D'autre part, la circonstance que les frais de poursuite incluraient à tort des intérêts moratoires, qui sont dus en cas de sursis de paiement, relève de la régularité en la forme des actes de poursuite. Cette présentation ne saurait dès lors être contestée devant le juge de l'impôt.

18. Enfin, et pareillement, la circonstance que ces frais ne seraient pas motivés dans les mises en demeure de payer, relève de la même cause juridique et partant du contrôle du juge judiciaire.

19. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est seulement fondé à demander, d'une part, la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à la décharge de l'obligation de payer les suppléments d'impôt sur le revenu relatifs aux années 2001 et 2002, d'autre part, à obtenir la décharge de l'obligation de payer ces impositions.

Sur les frais liés au litige :

20. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés D... M. C..., qui est la partie partiellement perdante dans la présente instance, et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : M. C... est déchargé de l'obligation de payer les suppléments d'impôt sur le revenu relatifs aux années 2001 et 2002 et les intérêts moratoires relatifs à ces suppléments.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 10 octobre 2017 est reformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administratrice des finances publiques chargée de la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).

Délibéré après l'audience du 24 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Soyez, président assesseur,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public D... mise à disposition au greffe de la Cour le 11 avril 2023.

Le rapporteur,

J.-E. B...

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA0050502


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00505
Date de la décision : 11/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SELARL FISCALP

Origine de la décision
Date de l'import : 15/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-04-11;21pa00505 ?
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