Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler pour excès de pouvoir les arrêtés du 15 août 2021 par lesquels le préfet de police de Paris l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois. Par un jugement n° 2108941 du 26 septembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 24 octobre 2022, M. A... représenté par Me Sarfati, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2108941 du 26 septembre 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 15 août 2021 précité ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : Le jugement est entaché de défaut de motivation et de défaut d'examen ; En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français : - elle méconnaît le principe de non-discrimination prévu à l'article 18 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - elle viole les dispositions des articles L. 231-1 et L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les dispositions des articles 18 et 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français : - elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard des conséquences sur sa situation personnelle. Par une ordonnance du 30 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 février 2023 à 12 heures. Un mémoire en défense, produit par le préfet de police, a été enregistré le 23 février 2023, soit postérieurement à la clôture de l'instruction. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a décidé de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit : 1. Le 15 août 2021, le préfet de police à pris à l'encontre de M. D... A..., ressortissant algérien et polonais né le 8 septembre 1978 à Sétif, un premier arrêté l'obligeant à quitter le territoire français, lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination puis un second lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de 24 mois. Par un jugement n° 2108941 du 26 septembre 2022 dont il interjette régulièrement appel, le magistrat désigné du tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des deux arrêtés précités. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, reprenant les dispositions de l'article L. 511-3-1 du même code, mais dans leur nomenclature antérieure au 1er mai 2021 : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : / 1° Ils ne justifient plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 232-1, L. 233-1, L. 233-2 ou L. 233-3 ; / 2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ; / 3° Leur séjour est constitutif d'un abus de droit. / Constitue un abus de droit le fait de renouveler des séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir sur le territoire alors que les conditions requises pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne sont pas remplies, ainsi que le séjour en France dans le but essentiel de bénéficier du système d'assistance sociale. / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée du séjour des intéressés en France, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle en France, et l'intensité des liens avec leur pays d'origine ". 3. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 16 juin 2011, notamment du projet de loi n° 2400 enregistré le 31 mars 2010 à la présidence de l'Assemblée nationale, ainsi que du rapport n° 2814 présenté par M. C... et enregistré le 16 septembre 2010 à la présidence de l'Assemblée nationale, que le gouvernement et le législateur ont entendu dissocier le cas des ressortissants de l'Union européenne et des membres de leur famille, qui relèvent de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, de celui des étrangers ressortissants d'Etats tiers, dépourvus de lien de famille avec un ressortissant de l'Union européenne, qui relèvent de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008. Seuls ces derniers peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai, éventuellement assortie d'une interdiction de retour, fondée sur les dispositions générales prévues à l'articleL. 611-1 de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui a repris celles de l'article L. 511-1 dans sa nomenclature antérieure au 1er mai 2021. En revanche, lorsque l'autorité administrative entend prendre une obligation de quitter le territoire à l'encontre d'un ressortissant de l'Union européenne ou d'un membre de sa famille, fût-il lui-même également ressortissant d'un Etat tiers, les dispositions de l'article L. 511-3-1, issues de la loi du 16 juin 2011, reprises à l'article L. 251-1 précité dans sa nomenclature en vigueur depuis le 1er mai 2021, s'appliquent à l'exclusion des dispositions de l'article L. 611-1 du code précité. 4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est de nationalité polonaise ainsi qu'en atteste le passeport polonais qu'il joint à sa requête. Par suite, ainsi qu'il a été dit au point précédent, l'intéressé, quand bien même il aurait la double nationalité algérienne et polonaise, ne pouvait fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 611-1 du code, mais uniquement sur le fondement de l'article L. 251-1 du même code. Il s'ensuit que c'est à raison que M. A... soutient que la mesure d'éloignement dont il fait l'objet est entachée d'erreur de droit. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement et de statuer sur les autres moyens, cette mesure encourt l'annulation, ainsi que les décisions subséquentes portant refus de délai de départ volontaire, fixation du pays de destination, et interdiction à l'intéressé de retourner sur le territoire français pour une durée de vingt-quatre mois. 5. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement en date du 26 septembre 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun. Sur les conclusions présentées en application des dispositions des articlesL. 761-1 du code de justice administrative : 6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A..., en application de ces dispositions. D E C I D E :Article 1er : Le jugement n° 2108941 du 26 septembre 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun est annulé.Article 2 : Les arrêtés du 15 août 2021 l'obligeant à quitter le territoire français, lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de 24 mois sont annulés.Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. A... la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.Copie en sera adressée au préfet de police.Délibéré après l'audience du 10 mars 2023 à laquelle siégeaient :- M. Carrère, président,- M. Simon, premier conseiller,- Mme Boizot, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 31 mars 2023.La rapporteure,S. B...Le président,S. CARRERE La greffière,E. LUCELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.N° 22PA04587 2