Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2101384 du 14 février 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 mars 2022, M. B..., représenté par Me Aucher, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ou, à défaut, la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification de cette décision et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le délai de quinze jours à compter de cette décision, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de saisine préalable de la commission du titre de séjour ;
- elle méconnait les dispositions des articles L. 313-10, L. 313-14 et L. 313-11 (7°) du code de l'entée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme d'Argenlieu, rapporteure.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant ivoirien, né le 13 avril 1970 et entré en France, selon ses déclarations, le 26 juillet 2010, a bénéficié d'une admission exceptionnelle au séjour en 2018 et s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire en qualité de salarié, dont il a sollicité le renouvellement, le 19 novembre 2019, sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du
23 décembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai. M. B... relève appel du jugement du 14 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ". Aux termes de l'article L. 312-1 du même code : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ".
3. Il ressort des mentions de l'arrêté attaqué que, pour rejeter la demande de renouvellement de titre de séjour de M. B..., le préfet de la Seine-Saint-Denis a notamment considéré que les justificatifs que l'intéressé présente n'établissent pas de façon suffisamment probante la réalité de sa résidence habituelle sur le territoire français depuis plus de dix ans et qu'en conséquence, la commission du titre de séjour n'avait pas à être saisie pour avis. Toutefois, il ressort des pièces versées au dossier que le requérant, en produisant des documents suffisamment nombreux, variés et probants, justifie qu'à la date de l'arrêté contesté, soit le 23 décembre 2020, il résidait en France habituellement depuis plus de dix ans. En particulier, s'agissant des années les plus anciennes, le requérant verse, au titre de l'année 2010, une attestation de dépôt d'un dossier d'aide médicale d'Etat en date du 27 octobre, des relevés de compte bancaire pour les mois de novembre et décembre faisant apparaître des mouvements nécessitant sa présence, ainsi que des courriers bancaires en date des 22 septembre et 30 octobre. Pour l'année 2011, il produit une attestation d'admission à l'aide médicale d'Etat du 13 janvier, des courriers Solidarité transport en date des 14 février, 12 mars et 17 octobre, des relevés de compte bancaire faisant apparaître des mouvements nécessitant sa présence pour le mois d'avril puis pour la période allant de juillet à novembre, une attestation de recharge de forfait Navigo pour les mois d'avril à novembre, des courriers bancaires en date des 28 mars et 20 avril, une feuille de soins du 26 août, une fiche de rendez-vous dans un centre dentaire du 2 mai et des résultats médicaux en date des 3, 4 et 7 février. Au titre de l'année 2012, M. B... fournit une ordonnance pour des lunettes du 6 janvier, des résultats médicaux du 10 janvier, une ordonnance médicale comportant le cachet de la pharmacie en date du 26 juin, une attestation de recharge de forfait Navigo pour la période allant de janvier à novembre et faisant apparaître des rechargements hebdomadaires ou mensuels pour chacun des mois considérés, des relevés de compte bancaire pour les mois de janvier, mars et mai faisant apparaître des mouvements nécessitant sa présence, une attestation de domiciliation du 18 septembre, une déclaration de médecin traitant du 24 septembre, un courrier de Solidarité transport du 14 octobre, un courrier du département de Paris du 27 novembre et un courrier de l'assurance maladie du 7 décembre. Pour l'année 2013, M. B... verse, outre une attestation de recharge de forfait Navigo pour la période allant de janvier à novembre et faisant apparaître des rechargements mensuels, ainsi qu'une attestation de domiciliation postale du 12 septembre, des relevés de compte bancaire pour les mois de mai à décembre faisant apparaître des mouvements nécessitant sa présence, des bulletins de paie pour les mois d'août à novembre avec les certificats ou contrats de travail correspondants, un certificat de scolarité du centre national des arts et métiers du 19 septembre ainsi que le contrat de formation professionnelle du même jour et le reçu des droits d'inscription en date du 20 septembre. Par ailleurs, le requérant produit, pour les années ultérieures, de nombreux documents, notamment des attestations de recharge mensuelles ou hebdomadaires de forfaits Navigo, des relevés de compte bancaire faisant apparaître des mouvements nécessitant sa présence, des courriers d'administration, des résultats d'analyses médicales, des ordonnances médicales comprenant le cachet de la pharmacie ainsi que des bulletins de paie. Ainsi, le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ne faisant pas précéder la décision de refus de titre de séjour en litige de la saisine de la commission du titre de séjour, constitutive d'une garantie pour l'intéressé. Par suite, M. B... est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulé, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".
6. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 3, le présent arrêt n'implique pas nécessairement que soit délivré à M. B... un titre de séjour ou une autorisation de travail. En revanche, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, après avoir saisi la commission du titre de séjour du cas de l'intéressé au titre de sa résidence habituelle en France, et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2101384 du tribunal administratif de Montreuil du 14 février 2022 et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 23 décembre 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. B... et, au préalable, de saisir pour avis la commission du titre de séjour, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2023 à laquelle siégeaient :
- M. d'Haëm, président,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme d'Argenlieu, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.
La rapporteure,
L. d'ARGENLIEULe président,
R. d'HAËM
La greffière,
A. GASPARYAN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA01248 2