La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/03/2023 | FRANCE | N°22PA00371

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 20 mars 2023, 22PA00371


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) à lui verser la somme totale de 1 016 800 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa prise en charge par l'hôpital Lariboisière du 5 au 20 mars 2009 et d'ordonner un complément d'expertise.

Par un jugement n° 2016029/6-3 du 26 novembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejet

sa demande et a mis à la charge de l'AP-HP les frais d'expertise, liquidés et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) à lui verser la somme totale de 1 016 800 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa prise en charge par l'hôpital Lariboisière du 5 au 20 mars 2009 et d'ordonner un complément d'expertise.

Par un jugement n° 2016029/6-3 du 26 novembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande et a mis à la charge de l'AP-HP les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 800 euros.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des pièces enregistrées les 24 janvier et 1er mars 2022, M. D..., représenté par Me Tokpo, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 2016029/6-3 du 26 novembre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'AP-HP et l'ONIAM à lui verser la somme totale de 1 016 800 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa prise en charge par le service des urgences de l'hôpital Lariboisière ;

3°) d'ordonner un complément d'expertise ;

4°) de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a fait l'objet de maltraitances et d'un mauvais accueil au sein de l'hôpital Lariboisière ;

- le défaut d'information des risques que comportait l'embolisation subie lors de son séjour lui a fait perdre une chance de se soustraire à cet acte médical et de garder l'utilisation de ses membres inférieurs.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 avril 2022, l'ONIAM, représenté par Me Welsch, conclut au rejet de la requête en tant qu'elle est dirigée contre l'ONIAM.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 juin 2022, l'AP-HP, représentée par Me Tsouderos, conclut à titre principal au rejet de la requête et à titre subsidiaire à ce que le montant des demandes soit ramené à de plus justes proportions.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis et à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris qui n'ont pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Tokpo, avocat de M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... D..., né le 19 décembre 1986, présente un syndrome de Klippel Trenaunay, évoluant depuis l'âge de 13 ans correspondant à une malformation complexe associant une asymétrie des membres inférieurs avec anomalies vasculaires de type angiome superficiel cutané et une malformation vasculaire médullaire complexe pour laquelle il a été pris en charge à partir de 2006 à l'hôpital européen Georges Pompidou. Il a été suivi ensuite au sein du service de neuroradiologie interventionnelle de l'hôpital Lariboisière pour des séances d'embolisation visant à stabiliser son état neurologique en réduisant l'hyperpression veineuse médullaire. Il a été hospitalisé du 5 au 20 mars 2009 dans cet hôpital pour sa septième embolisation qui a été pratiquée par l'artère spinale antérieure avec un bon résultat angiographique. Le 9 mars 2009, jour de sortie initialement prévu, il a présenté des cervicalgies, puis, dans la nuit, des douleurs rachidiennes diffuses avec l'impression de ne plus pouvoir sentir ses jambes. Les deux IRM pratiquées n'ont pu être interprétées du fait des mouvements du patient lors de leur réalisation. M. D... fait valoir que, depuis cette date, il présente une dépendance fonctionnelle plus importante, des troubles cutanés et infectieux récidivants, des douleurs neuropathiques, des complications urologiques et une embolie pulmonaire. Saisi par M. D..., le Tribunal administratif de Paris a ordonné une expertise confiée au docteur C... qui a rendu son rapport le 23 octobre 2019. Le 26 mars 2020, M. D... a adressé une demande préalable à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis. Par jugement n° 2016029/6-3 du 26 novembre 2021, dont M. D... relève appel de l'article 1er, le Tribunal administratif de Paris a, par son article 1er, rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'AP-HP et de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) à lui verser la somme totale de 1 016 800 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa prise en charge par l'hôpital Lariboisière du 5 au 20 mars 2009 et tendant à ce que soit ordonné un complément d'expertise et a, d'autre part, mis à la charge de l'AP-HP les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 1 800 euros.

Sur l'engagement de la responsabilité de l'AP-HP :

2. D'une part, si M. D... se prévaut de la circonstance qu'il a fait l'objet de maltraitances et d'un mauvais accueil au sein de l'hôpital Lariboisière, son seul récit du comportement inapproprié qu'aurait eu à son égard le personnel de cet établissement ne permet pas d'établir la réalité de ses allégations. Par suite, la responsabilité de l'AP-HP ne peut pas être engagée sur ce fondement.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence. En cas de manquement à cette obligation d'information, si l'acte de diagnostic ou de soin entraîne pour le patient, y compris s'il a été réalisé conformément aux règles de l'art, un dommage en lien avec la réalisation du risque qui n'a pas été porté à sa connaissance, la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l'établissement de santé à son égard, pour sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l'opération. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction, compte tenu de ce qu'était l'état de santé du patient et son évolution prévisible en l'absence de réalisation de l'acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées ainsi que de tous autres éléments de nature à révéler le choix qu'il aurait fait, qu'informé de la nature et de l'importance de ce risque, il aurait consenti à l'acte en question.

5. Il résulte de l'instruction que le 7 mars 2009, jour de la septième embolisation qu'a subie M. D..., celui-ci n'a pas été informé, préalablement à cette intervention des risques fréquents ou graves normalement prévisibles associés à cette embolisation quand bien même l'AP-HP soutient que cette information lui a été donnée lors des précédentes embolisations, y compris une fois en présence d'un membre de sa famille le 18 mai 2007, ce qui ressort des pièces du dossier. De plus, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du 23 octobre 2019 que " compte tenu de l'importance de la malformation vasculaire et des troubles neurologiques, il [lui a été proposé] des embolisations successives " pour stabiliser son état sans que soit envisageable un traitement curatif du fait de l'importance de la lésion et des risques neurologiques et que ce traitement " était justifié et conforme aux règles de l'art " et que " compte tenu de l'importance des lésions vasculaires et du tableau neurologique et compte tenu du contexte (patient adressé en France pour traitement et prise en charge) une information plus détaillée précise quant au risque d'échec ou de complication n'aurait pas modifié la conduite à tenir " et souligne que " le traitement (logique) a été mené de façon adaptée en réalisant des embolisations successives qui n'ont pas empêché une dégradation progressive ". L'expert conclut que " rien ne permet de penser qu'une information plus précise aurait modifié le choix thérapeutique " et affirme que " le traitement était indispensable ". Par suite, M. D... ne peut se prévaloir d'aucun défaut d'information de nature à engager la responsabilité de l'AP-HP

6. Enfin, aux termes des dispositions l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ".

7. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du 23 octobre 2019 que lors de sa prise en charge initiale, en décembre 2006, M. D... présentait déjà une gêne à la marche et des troubles de l'équilibre et qu'il a présenté progressivement un déficit moteur à prédominance distale, et notamment un syndrome de la queue de cheval, et que s'il a présenté quatre jours après l'embolisation une aggravation de sa gêne fonctionnelle et des douleurs rachidiennes brutales, les deux IRM réalisées étaient inexploitables compte tenu des mouvements du patient et n'ont ainsi pas permis d'établir de lien avec l'acte réalisé. L'expert précise que " par la suite l'état neurologique du patient sera fluctuant et d'appréciation difficile " et que postérieurement lors de la consultation du 27 mai 2011 au sein de l'hôpital Lariboisière, le médecin a noté que " le tonus du membre inférieur gauche est meilleur avec possibilité de tenir debout et de se déplacer " de sorte que le lien de causalité entre la réalisation de cette septième embolisation et la perte d'usage de ses membres inférieurs n'est pas établi. Par suite, dès lors qu'il n'est pas établi que l'aggravation de l'état de santé de M. D... serait liée de manière directe et certaine à sa prise en charge par l'hôpital Lariboisière du 5 au 20 mars 2009, ce dernier ne peut se prévaloir d'une faute qui aurait été commise par cet établissement et qui serait de nature à engager sa responsabilité.

Sur l'engagement de la responsabilité nationale :

8. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail ".

9. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction pour les motifs indiqués au point 7 du présent arrêt que l'aggravation de l'état de santé de M. D... serait directement imputable aux actes de prévention, de diagnostic et de soins, au sens et pour l'application de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, reçus lors de sa prise en charge par l'hôpital Lariboisière du 5 au 20 mars 2009, il n'est pas fondé à solliciter l'engagement de la responsabilité de l'ONIAM en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis.

10. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'AP-HP et de l'ONIAM à lui verser la somme totale de 1 016 800 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa prise en charge par l'hôpital Lariboisière du 5 au 20 mars 2009.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'AP-HP, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. D... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 16 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mars 2023.

La rapporteure,

A. A... Le président,

R. LE GOFF

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA00371

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA00371
Date de la décision : 20/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : TOKPO

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-20;22pa00371 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award