Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée Agence du Sud Immobilier et M. A... B... ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler ou, à titre subsidiaire, de réformer la décision du 19 juin 2019 par laquelle la commission nationale des sanctions a prononcé diverses sanctions à leur encontre.
Par un jugement n° 1920681/2-1 du 15 juin 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 28 et 29 juillet 2021 et 9 novembre 2022, la société Agence du Sud Immobilier et M. B..., représentés par Me Clément, demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1920681/2-1 du 15 juin 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 19 juin 2019 par laquelle la commission nationale des sanctions a prononcé à l'encontre, d'une part, de la société Agence du Sud Immobilier une interdiction temporaire avec sursis d'exercer son activité d'agence immobilière pour une durée de six mois ainsi qu'une sanction pécuniaire d'un montant de 4 000 euros et, d'autre part, de M. B..., gérant de la société Agence du Sud Immobilier, une interdiction temporaire avec sursis d'exercer son activité d'agent immobilier pour une durée de six mois ainsi qu'une sanction pécuniaire de 2 000 euros et a ordonné la publication de sa décision ;
3°) à titre subsidiaire, de réformer la décision du 19 juin 2019 de la commission nationale des sanctions en limitant les sanctions prononcées à un blâme ou à un avertissement.
Ils soutiennent que :
- la décision contestée mentionne la fonction de " secrétaire de séance " en dessous de laquelle est apposée une signature sans toutefois mentionner ni le nom ni le prénom de son auteur en méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- les manquements fondés sur la méconnaissance des dispositions de l'article L. 561-4-1 du code monétaire et financier ne peuvent être retenus en l'absence de publication de l'analyse nationale des risques à la date du contrôle ;
- ils n'ont pas méconnu les dispositions de l'article L. 561-10 du code monétaire et financier dès lors que ces dispositions n'imposent la mise en œuvre de mesures de vigilance complémentaires qu'en cas d'absence du client aux fins de l'identification à l'entrée en relation d'affaires ; or, les agents immobiliers ne peuvent effectuer des opérations supérieures à 15 000 euros sans identifier et vérifier l'identité de leur client lors de la conclusion du mandat de vente ou de recherche ; aucun élément produit par la commission nationale des sanctions n'est de nature à établir que le dossier en cause a fait l'objet d'une entrée en relation d'affaires à distance ; les dispositions de l'article L. 561-10 du code monétaire et financier n'exigent pas la présence physique des clients lors de la signature du compromis de vente signé chez un notaire et il appartient au notaire de mettre en œuvre ses obligations de vigilance.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 octobre 2021, le président de la commission nationale des sanctions conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code monétaire et financier ;
- l'ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016 ;
- le code de relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Clément, avocat de M. B... et de la société Agence du Sud Immobilier.
Considérant ce qui suit :
1. La société Agence du Sud Immobilier, qui exerce l'activité de transactions immobilières depuis 1973, a fait l'objet le 27 octobre 2016 d'un contrôle des services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes portant notamment sur le respect des obligations prévues par le dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Par une décision du 19 juin 2019, la commission nationale des sanctions a prononcé à l'encontre, d'une part, de la société Agence du Sud Immobilier une interdiction temporaire avec sursis d'exercer son activité d'agence immobilière pour une durée de six mois ainsi qu'une sanction pécuniaire d'un montant de 4 000 euros et, d'autre part, de M. B..., gérant de la société Agence du Sud Immobilier, une interdiction temporaire avec sursis d'exercer son activité d'agent immobilier pour une durée de six mois ainsi qu'une sanction pécuniaire de 2 000 euros, et a ordonné la publication de sa décision. Par un jugement du 15 juin 2021, dont la société Agence du Sud Immobilier et M. B... relèvent appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation, ou à titre subsidiaire à la réformation, de la décision du 19 juin 2019 de la commission nationale des sanctions.
2. En premier lieu, les requérants se bornent à reproduire en appel, sans l'assortir d'arguments et d'éléments nouveaux, le moyen, qu'ils avaient développé dans leur demande de première instance, tiré de ce que la décision du 19 juin 2019 de la commission nationale des sanctions est entachée d'incompétence, faute de mentionner le nom et le prénom du secrétaire de séance en méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter ce moyen repris par les requérants devant la Cour.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 561-4-1 du code monétaire et financier, créé par l'ordonnance du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme : " Les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 appliquent les mesures de vigilance destinées à mettre en œuvre les obligations qu'elles tiennent du présent chapitre en fonction de l'évaluation des risques présentés par leurs activités en matière de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. / A cette fin, elles définissent et mettent en place des dispositifs d'identification et d'évaluation des risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme auxquels elles sont exposées ainsi qu'une politique adaptée à ces risques. Elles élaborent en particulier une classification des risques en question en fonction de la nature des produits ou services offerts, des conditions de transaction proposées, des canaux de distribution utilisés, des caractéristiques des clients, ainsi que du pays ou du territoire d'origine ou de destination des fonds. (...) / Pour l'identification et l'évaluation des risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme auxquels elles sont exposées, les personnes mentionnées ci-dessus tiennent compte des facteurs inhérents aux clients, aux produits, services, transactions et canaux de distribution, ainsi qu'aux facteurs géographiques, précisés par arrêté du ministre chargé de l'économie, ainsi que des recommandations de la Commission européenne issues du rapport prévu par l'article 6 de la directive 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, ainsi que de l'analyse des risques effectuée au plan national dans des conditions fixées par décret ".
4. Les requérants soutiennent que le manquement tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 561-4-1 du code monétaire et financier en ce qu'ils n'auraient pas pris et tenu compte des informations relatives aux risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme dans le cadre de leurs activités dans le secteur de l'immobilier qui est spécifiquement exposé à ces risques ne peut être retenu dès lors que " l'analyse nationale des risques ", à laquelle était subordonnée l'application de ces dispositions, n'avait pas été publiée à la date du contrôle. Toutefois, il ressort du procès-verbal établi le 27 octobre 2016 à l'issue du contrôle de la société Agence du Sud Immobilier et de la décision de la commission nationale des sanctions du 19 juin 2019 qu'aucun manquement aux dispositions de l'article L. 561-4-1 du code monétaire et financier n'a été retenu à l'encontre des requérants et que ces dispositions ne constituent pas le fondement légal de la décision du 19 juin 2019, ces dispositions, issues de l'ordonnance du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, n'étant pas en tout état de cause applicables à la date des manquements reprochés aux intéressés. Dans ces conditions, la circonstance que l'analyse nationale des risques, réalisée par le Conseil d'orientation de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, n'a été publiée que le 20 septembre 2019, soit postérieurement aux manquements retenus à l'encontre des intéressés, est sans incidence sur la légalité des sanctions en cause.
5. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 561-10 du code monétaire et financier dans sa version applicable en l'espèce : " Les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 appliquent des mesures de vigilance complémentaires à l'égard de leur client, en sus des mesures prévues aux articles L. 561-5 et L. 561-5-1, lorsque : / 1° Le client ou son représentant légal n'est pas physiquement présent aux fins de l'identification au moment de l'établissement de la relation d'affaires ; / 2° Le client est une personne résidant dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou un pays tiers et qui est exposée à des risques particuliers en raison des fonctions politiques, juridictionnelles ou administratives qu'elle exerce ou a exercées pour le compte d'un autre Etat ou de celles qu'exercent ou ont exercées des membres directs de sa famille ou des personnes connues pour lui être étroitement associées ; / 3° Le produit ou l'opération présente, par sa nature, un risque particulier de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme, notamment lorsqu'ils favorisent l'anonymat ; (...) ". Aux termes du I de l'article R. 561-20 du même code, dans sa version applicable en l'espèce : " Avant d'entrer en relation d'affaires, dans les cas prévus aux 1° et 3° de l'article L. 561-10, les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 appliquent, en sus des mesures prévues aux articles L. 561-5 et L. 561-6, au moins l'une des mesures de vigilance complémentaires suivantes ou deux de ces mesures s'il s'agit de l'ouverture d'un compte : / 1° Obtenir une pièce justificative supplémentaire permettant de confirmer l'identité de la personne avec laquelle elles sont en relation d'affaires ; / 2° Mettre en œuvre des mesures de vérification et de certification de la copie du document officiel ou de l'extrait de registre officiel mentionné à l'article R. 561-5 par un tiers indépendant de la personne à identifier ; / 3° Exiger que le premier paiement des opérations soit effectué en provenance ou à destination d'un compte ouvert au nom du client auprès d'une personne mentionnée aux 1° à 6° de l'article L. 561-2 établie dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou dans un pays tiers imposant des obligations équivalentes en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et figurant sur la liste prévue au 2° du II de l'article L. 561-9. / 4° Obtenir directement une confirmation de l'identité du client de la part d'une personne mentionnée aux 1° à 6° de l'article L. 561-2 établie dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen. Cette confirmation peut également être obtenue directement d'une personne mentionnée aux 1° à 6° de l'article L. 561-2 établie dans un pays tiers imposant des obligations équivalentes en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme et figurant sur la liste prévue au 2° du I de l'article L. 561-9. (...) ".
6. Il résulte de l'instruction qu'il est reproché aux requérants, dans le cadre du dossier Di G. /C. concernant une transaction de 340 000 euros, de ne pas avoir mis en œuvre de mesures de vigilance complémentaires à l'égard de leur client, en l'espèce le vendeur d'une villa, alors que ce dernier n'était pas physiquement présent aux fins de son identification au moment de l'établissement de la relation d'affaires et que le produit de cette opération immobilière présentait, par sa nature, un risque particulier de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme. Il ressort du procès-verbal établi le 27 octobre 2016 que le contrôleur a relevé qu'il n'était pas prévu au sein de l'agence immobilière du Sud Immobilier que les copies des pièces d'identité des parties au contrat figurent dans les dossiers. En se bornant à soutenir que les agents immobiliers ne peuvent effectuer des opérations supérieures à 15 000 euros sans identifier et vérifier l'identité de leur client lors de la conclusion du mandat de vente ou de recherche, les requérants ne justifient pas avoir mis en œuvre une des mesures de vigilance complémentaires prévues par les dispositions de l'article R. 561-20 du code monétaire et financier citées ci-dessus. La circonstance que dans le cadre de la transaction Di G. /C. , la signature du compromis de vente ait eu lieu chez un notaire et qu'il appartenait à ce dernier de procéder à des vérifications complémentaires du fait de l'absence physique du vendeur lors de la signature de ce compromis de vente n'est pas de nature à exonérer les requérants de leur obligation de mettre en place des mesures de vigilance complémentaires à fin de vérification de l'identité de leurs clients telle que prévue par les dispositions de l'article L. 561-10 du code monétaire et financier. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'ils n'auraient pas méconnu les dispositions des articles L. 561-10 et R. 561-20 du code monétaire et financier.
7. Il résulte des points 2 à 6 que la société Agence du Sud Immobilier et M. B... ne sont fondés à demander ni l'annulation ni la réformation des sanctions qui leur ont été infligées par la commission nationale des sanctions.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Agence du Sud Immobilier et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Agence du Sud Immobilier et de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A... B..., à la SARL Agence du Sud Immobilier et au président de la Commission nationale des sanctions.
Délibéré après l'audience du 16 février 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Le Goff, président de chambre,
- M. Ho Si Fat, président assesseur,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mars 2023.
La rapporteure,
V. C... Le président,
R. LE GOFF
Le greffier,
P. TISSERAND
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA04286 2