Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des majorations et des intérêts de retard correspondants auxquels elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014, de prononcer, en conséquence, la réduction de ses impositions primitives au titre des années 2016 et 2017 et d'une fraction de la cotisation sociale généralisée acquittée au titre de l'année 2017.
Par un jugement n° 1922903 du 13 janvier 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 mars 2021 et 30 juillet 2021, Mme C..., représentée par Me Farhat, avocat, demande à la Cour :
1°) d'infirmer le jugement du tribunal administratif de Paris du 13 janvier 2021 ;
2°) de prononcer la décharge et la restitution des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014 à raison de plus-values de cessions de titres réalisées et placées en report d'imposition, après application de l'abattement de droit commun de 65 % et de prononcer, en conséquence, la réduction de ses impositions primitives au titre des années 2016 et 2017 ;
3°) à titre subsidiaire, de prononcer la décharge des impositions en litige après application d'un coefficient d'érosion monétaire ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement des intérêts moratoires sur cette somme en application des articles L. 208 et R. 208-1 à R. 208-2 du livre des procédures fiscales ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'application de la loi fiscale pour les années 2013 et 2014 aux plus-values placées en report et dont le fait générateur d'imposition a été reporté au cours de ces années, admise par le Conseil d'Etat dans sa décision du 19 juillet 2016 n° 394596 et par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 22 avril 2016 n° 2016-538 QPC porte atteinte au principe d'égalité devant la loi et au principe d'égalité devant les charges publiques issus des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- le droit interne est contraire au principe de neutralité au sens et pour l'application de l'article 8 de la directive 90/434/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 régissant le régime fiscal applicable aux fusions, scissions, apports partiels d'actifs et échanges d'actions de sociétés d'Etats membres différents ainsi qu'à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et entraîne une discrimination " à rebours " ;
- à titre subsidiaire, un coefficient d'érosion monétaire doit être appliqué à l'assiette de la plus-value placée en report d'imposition pour la période comprise entre l'acquisition des titres en 1999 et leur cession en 2013, 2014, 2016 et 2017 par transposition du coefficient monétaire applicable aux taxes sur les cessions à titre onéreux de terrains nus devenus constructibles, mentionné au BOFP sous la référence BOI-ANNX-000097-20121227, ce coefficient devant s'appliquer à la plus-value brute et non au prix d'acquisition contrairement à ce que retient le service.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er juin 2021 et 18 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable en tant qu'elle porte sur l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013 en raison de la tardiveté de la réclamation préalable introduite le 6 février 2019 ;
- les moyens tirés de la méconnaissance, d'une part, des principes d'égalité devant la loi fiscale et devant les charges publiques et, d'autre part, du principe de neutralité fiscale ne sont pas fondés ;
- s'il convient d'appliquer un coefficient d'érosion monétaire à l'assiette de la quote-part de la plus-value placée en report d'imposition devenue imposable, le service n'est pas en mesure de procéder à ce nouveau calcul en l'absence de communication des éléments relatifs aux modalités de détermination de la plus-value réalisée le 15 juin 1999, à savoir les valeurs d'acquisition des titres des quatre sociétés qui ont été apportés et leur répartition entre l'intéressée et son ex-époux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- la directive 90/434/CEE du Conseil du 23 juillet 1990, modifiée par la directive 2009/133/CE du 19 octobre 2009, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'Etats membres différents ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 18 septembre 2019 (C662/18 et C-672/18) ;
- les décisions du Conseil Constitutionnel n° 2016-538 QPC du 22 avril 2016 et n° 2019-832/833 QPC du 3 avril 2020 ;
- la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 portant loi de finances pour 2014 ;
- la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 portant loi de finances rectificative pour 2016 et, notamment son article 34 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,
- et les observations de Me Blum, représentant Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. Le 15 juin 1999, Mme C... a apporté au capital de la société Akka Technologies des titres détenus dans les sociétés Hysys, Kadra, Axodyn et Eurotech, la plus-value réalisée lors de l'opération d'échange de titres ayant été placée en report d'imposition sur le fondement des articles 92 B II et 160 I ter du code général des impôts dans leur version en vigueur avant le 1er janvier 2000. Le 10 octobre 2013, Mme C... a cédé 58 507 de ses actions dans la société Akka Technologies et a déclaré un résultat net imposable de 431 873 euros après un abattement pour une durée de détention de droit commun à hauteur de 65 % d'un montant de 802 049 euros. Le 15 janvier 2014, elle a cédé 354 312 actions détenues dans le capital de la même société et a déclaré un revenu net imposable de 3 023 966 euros, après abattement pour durée de détention de droit commun d'un montant de 5 615 938 euros. A la suite d'un contrôle sur pièces portant sur l'impôt sur les revenus des années 2012 à 2014, l'administration a rectifié les modalités de détermination du prix d'acquisition des titres pour prendre en considération les actions attribuées gratuitement à Mme C..., et, en conséquence, rehaussé le montant des plus-values taxables placées en report. Le service a par ailleurs considéré que ces plus-values, soumises à l'impôt sur le revenu à l'occasion de la cession des titres reçus en échange, ne pouvaient bénéficier de l'abattement pour durée de détention prévu à l'article 150-0 D 1 et 1 ter du code général des impôts et a imposé les gains nets correspondants par application du barème progressif sur le fondement des dispositions des articles 150-0 A à 150-0 E et 2000 A du même code. Mme C... relève régulièrement appel du jugement du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre des années 2013 et 2014 et la réduction de ses impositions primitives au titre des années 2016 et 2017. Elle demande, à titre subsidiaire, l'application d'un coefficient d'érosion monétaire à l'assiette de la plus-value placée en report d'imposition pour la période comprise entre l'acquisition des titres en 1999 et leur cession.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : /a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement (...) ". D'autre part, aux termes de l'article R. 196-3 du même code : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations ". Il résulte de ces dispositions qu'un contribuable qui a fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification dispose, pour présenter ses propres réclamations, d'un délai égal à celui fixé à l'administration pour établir l'impôt, lequel expire, s'agissant de l'impôt sur le revenu, le 31 décembre de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la proposition de rectification lui a été régulièrement notifiée. Ce délai n'est pas interrompu par l'intervention de la mise en recouvrement.
3. Mme C..., qui ne conteste pas la régularité du jugement attaqué et l'analyse de sa demande faite par les premiers juges, demande à la Cour de prononcer la décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre de l'année 2013. D'une part, il résulte de l'instruction que l'imposition relative à l'année 2013 a été mise en recouvrement le 30 juin 2016. Aux termes des dispositions de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, le délai de réclamation expirait le 31 décembre 2018. D'autre part, les impositions supplémentaires ayant fait l'objet d'une proposition de rectification notifiée le 18 septembre 2015, le délai spécial prévu à l'article R. 196-3 du même livre expirait également à la date du 31 décembre 2018. Par suite, la réclamation introduite par Mme C... le 6 février 2019, en tant qu'elle portait sur les rehaussements d'imposition opérés au titre de l'année 2013, était tardive et par suite irrecevable.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, Mme C... soutient que le refus de lui accorder, au titre des années d'imposition 2014, 2016 et 2017, le bénéfice de l'abattement de 65 % pour durée de détention, s'agissant d'une plus-value placée en report d'imposition en 1999 sur le fondement des dispositions de l'article 92 B, II, ancien du code général des impôts, imposable après l'entrée en vigueur des lois de finances pour 2013 et 2014, résulte d'une application de la loi fiscale admise par le Conseil d'Etat dans sa décision du 19 juillet 2016 n° 394596 et par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 22 avril 2016 n° 2016-538 QPC qui porte atteinte au principe d'égalité devant la loi et au principe d'égalité devant les charges publiques issus des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en créant une différence de traitement, non justifiée par un motif d'intérêt général, entre les plus-values relevant du régime de report d'imposition, telles les plus-values en litige, et les plus-values relevant du régime du sursis. Elle soutient également que le principe de neutralité au sens et pour l'application de l'article 8 de la directive 90/434/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 et la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne visée ci-dessus, qui font obstacle à ce que le droit interne instaure, s'agissant notamment de l'abattement pour durée de détention, une différence de traitement de la plus-value réalisée à l'occasion de la cession de titres reçus à l'échange, placés en report d'imposition, entraînent une discrimination à rebours dès lors que le droit interne français exclut du bénéfice d'un tel abattement les plus-values résultant d'apports de titres entre sociétés françaises, placées en report d'imposition en 1999 et devenues imposables à la suite de cessions intervenues après le 1er janvier 2013. Toutefois, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs énoncés aux points 5 à 9 du jugement attaqué et non critiqués par de nouveaux arguments en appel, Mme C... ne faisant état devant la Cour d'aucun élément distinct de ceux soumis à l'appréciation des juges de première instance.
5. En second lieu, d'une part, Mme C... se prévaut de la décision n° 2016-538 QPC par laquelle le Conseil Constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions des 1 ter et 1 quater de l'article 150 0 D du code général des impôts, dans leur version résultant de la loi du 29 décembre 2013 visée ci-dessus, sous réserve, s'agissant des plus-values placées en report d'imposition sur option du contribuable avant le 1er janvier 2000, que soit appliqué à l'assiette des plus-values placées en report d'imposition avant le 1er janvier 2013, qui ne font l'objet d'aucun abattement sur leur montant brut et dont le montant de l'imposition est arrêté selon des règles de taux telles que celles en vigueur à compter du 1er janvier 2013, un coefficient d'érosion monétaire pour la période comprise entre l'acquisition des titres et le fait générateur de l'imposition. Elle demande en conséquence la réduction des bases d'imposition par l'application d'un coefficient d'érosion monétaire, applicable à l'assiette de la plus-value placée en report d'imposition pour la période comprise entre la réalisation de la plus-value d'apport en 1999 et la cession des titres remis en échange.
6. Il n'est pas contesté que Mme C... est fondée, en application de la réserve de constitutionnalité précitée, et s'agissant, en l'espèce, des plus-values d'apport de titres placées en report d'imposition antérieurement au 1er janvier 2000 et taxées à l'occasion de la cession des titres remis en échange survenue en 2014, non éligibles au bénéfice de l'abattement pour durée de détention prévu à l'article 150-0 D 1 et 1 ter du code général des impôts, à demander l'application d'un coefficient d'érosion monétaire, lequel doit, eu égard aux termes mêmes de cette réserve, s'entendre d'une division de chaque plus-value imposable en report par un coefficient d'érosion monétaire pertinent. En revanche, il ressort de ces mêmes termes que la période susceptible de donner lieu à l'application d'un tel coefficient est comprise entre la date de l'acquisition des titres apportés et la date du fait générateur d'imposition de la plus-value qu'ils ont générée, qui résulte de l'apport de ces titres, et ne saurait résulter, ainsi que le soutient la requérante, de l'application d'un tel coefficient à la plus-value réalisée pour la durée écoulée jusqu'à la cession des titres en cause. En outre, alors que ce coefficient doit être appliqué à chaque plus-value imposable, et que son application nécessite de déterminer la date d'acquisition des titres concernés, il résulte de l'instruction que les éléments utiles n'ont pas été communiqués au service, non plus qu'en cours d'instance, alors que l'administration a fait valoir en défense l'absence d'éléments relatifs à l'acquisition des titres des sociétés Hysys, Kadra, Axodyn et Eurotech, apportés en 1999 au capital de la société Akka Technologies. Par suite, la demande de Mme C..., tendant à l'application d'un coefficient d'érosion monétaire aux impositions en litige, doit être rejetée.
7. D'autre part, aux termes de l'article 34 de la loi de finances rectificative
n° 2016-1918 du 29 décembre 2016, dont les dispositions ont été codifiées à l'article 150-0 D, 2 bis du code général des impôts : " I. (...) Après le 2 de l'article 150-0 D, il est inséré un 2 bis ainsi rédigé : " 2 bis. Le prix d'acquisition retenu pour la détermination des plus-values réalisées antérieurement au 1er janvier 2013 dont l'imposition a été reportée sur le fondement du II de l'article 92 B, du I ter de l'article 160 et de l'article 150 A bis, dans leur rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2000, (...), est actualisé en fonction du dernier indice des prix à la consommation hors tabac publié par l'Institut national de la statistique et des études économiques à la date de réalisation de l'opération à l'origine du report d'imposition. ". (...). III. Sous réserve du B du présent III, le I s'applique à compter du 1er janvier 2016. ".
8. S'agissant des titres cédés en 2016 et 2017, si Mme C... était en droit de se prévaloir des dispositions précitées de l'article 150-0 D, 2 bis, du code général des impôts, issues de l'article 34 de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2016, et de demander l'application d'un coefficient monétaire par actualisation du prix d'acquisition des titres apportés en 1999 et dont le report a pris fin lors de la cession des titres remis en échange, il résulte de l'instruction que la requérante, ainsi qu'il a été dit au point 6 du présent arrêt, n'a pas communiqué, tant en réponse à la demande du service, qu'en réponse au mémoire en défense de l'administration, les modalités d'acquisition des titres en litige, notamment leur prix d'acquisition et la part des actions acquises à titre gratuit ou par l'ex-époux de la requérante.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'annulation et de décharge d'imposition, et, en tout état de cause, celles présentées aux fins de versement d'intérêts moratoires, doivent être rejetées. Il en va de même de celles présentées au titre des frais exposés dans la présente instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales.
Délibéré après l'audience du 17 février 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de chambre,
- M. Soyez, président assesseur,
- Mme Lorin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 mars 2023.
La rapporteure,
C. A...
Le président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA01242