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03/03/2023 | FRANCE | N°22PA02933

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 03 mars 2023, 22PA02933


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

18 janvier 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français durant vingt-quatre mois.

Par un jugement n° 2204714/1-3 du 25 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant l

a cour :

Par une requête enregistrée le 24 juin 2022, M. B..., représenté par Me Place, demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

18 janvier 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français durant vingt-quatre mois.

Par un jugement n° 2204714/1-3 du 25 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 juin 2022, M. B..., représenté par Me Place, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 25 mai 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 18 janvier 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de délivrer à M. B... un certificat de résidence d'un an dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de supprimer la mention de l'interdiction de retour sur le territoire du système d'information Schengen ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

S'agissant du refus de certificat de résidence :

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une erreur de qualification des faits dans la mesure où les pièces produites pour établir la réalité de la présence sur le territoire français depuis dix ans, à la date de la décision contestée, ne sont pas dépourvues de force probante ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire :

- elle est entachée d'un défaut de base légale puisqu'elle repose sur un refus de certificat de résidence lui-même illégal ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant ;

S'agissant de l'interdiction de retour pour une durée de vingt-quatre mois

- elle est dépourvue de base légale puisqu'elle repose sur un refus de certificat de résidence et une obligation de quitter le territoire eux-mêmes illégaux ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 novembre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme d'Argenlieu,

- et les observations de Me Girod, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 29 décembre 1974 et entré en France en décembre 2003 selon ses déclarations, a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement du 1) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 18 janvier 2022, le préfet de police a refusé de lui délivrer le titre sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de vingt-quatre mois. Par un jugement du 25 mai 2022, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par le requérant, se sont prononcés de façon suffisamment précise et circonstanciée sur les moyens soulevés et, notamment, sur le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les stipulations de l'article 6-1 de l'accord

franco-algérien du 27 décembre 1968. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus de certificat de résidence :

3. D'une part, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

5. En premier lieu, la décision attaquée énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est, par suite, suffisamment motivée.

6. En deuxième lieu, M. B... soutient résider habituellement en France au moins depuis l'année 2005, soit depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'au titre de l'année 2012, M. B... produit uniquement une attestation en date du 6 mars 2012 par laquelle le chirurgien-dentiste qui le suit indique l'avoir reçu ce jour, et deux ordonnances médicales établies par un médecin généraliste en date des 18 mai 2012 et 5 octobre 2012 ne présentant aucun tampon de pharmacie. M. B... produit pour l'année 2011 des pièces sensiblement identiques, soit deux attestations du même chirurgien-dentiste, une ordonnance du même médecin généraliste ne présentant aucun tampon de pharmacie et une ordonnance du Cosem Atlas. Si ces pièces permettent éventuellement d'attester d'une présence ponctuelle en France, elles sont en tout état de cause insuffisantes à établir une résidence habituelle et continue de M. B... sur le territoire français au titre de ces deux années. Par suite, la durée de présence de dix années à la date de la décision attaquée n'étant pas établie, le moyen tiré de ce que le préfet de police en refusant de faire droit à la demande de M. B... aurait commis une erreur d'appréciation des faits de l'espèce et donc méconnu les stipulations de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien doit être écarté.

7. En troisième lieu, M. B... se prévaut de la présence en France de sa sœur et de son frère, dont les conjoints respectifs ont la nationalité française. Toutefois, il est célibataire et sans charge de famille en France et n'établit pas, par les pièces qu'il produit, l'intensité des liens qu'il y aurait tissés. Il n'est en outre pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident encore, ainsi qu'il l'a déclaré lors du dépôt de sa demande de certificat de résidence, deux frères, une sœur et sa mère. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le préfet de police, en refusant la délivrance d'un certificat de résidence à M. B..., n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de ce refus et n'a donc pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui est dit aux points 3 à 7 que la décision portant refus de certificat de résidence n'est pas illégale. Par conséquent, le moyen tiré de l'illégalité par voie d'exception du refus de séjour à l'appui de la contestation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

9. En second lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, M. B... n'établit pas l'intensité et la stabilité des liens qu'il aurait tissés en France, ni être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le préfet de police n'a pas, en obligeant M. B... à quitter le territoire français, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de ce refus, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet de police n'a pas fait une appréciation manifestement erronée des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B....

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour :

10. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable au litige, et désormais codifié à l'article L. 612-10 du même code : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / [...] Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / [...] La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français [...] ".

11. Si le préfet doit tenir compte, pour décider de prononcer à l'encontre d'un étranger soumis à une obligation de quitter sans délai le territoire français une interdiction de retour et fixer sa durée, de chacun des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces mêmes dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une telle mesure soit décidée quand bien même une partie de ces critères, qui ne sont pas cumulatifs, ne serait pas remplie. Il résulte en outre des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité administrative prend en compte les circonstances humanitaires qu'un étranger peut faire valoir et qui peuvent justifier qu'elle ne prononce pas d'interdiction de retour à son encontre.

12. En premier lieu, il résulte de ce qui est dit aux points 3 à 7 que la décision portant refus de certificat de résidence n'est pas illégale. Par conséquent, le moyen tiré de l'illégalité par voie d'exception de ce refus à l'appui de la contestation de la décision portant interdiction de retour doit être écarté.

13. En deuxième lieu, la décision attaquée énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est, par suite, suffisamment motivée.

14. En troisième lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, M. B... n'établit pas l'intensité et la stabilité des liens qu'il aurait tissés en France, ni être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en prenant à l'encontre de M. B... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans doit être écarté.

15. En quatrième lieu, aux termes de la décision litigieuse, le préfet de police relève que l'intéressé a déclaré être entré en France le 30 septembre 2003 sans l'établir, et qu'il ne justifie pas de l'intensité, de l'ancienneté et de la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France, ni de conditions d'existence pérennes, ni même d'une insertion forte dans la société française. Le préfet rappelle en outre que l'intéressé a fait l'objet, le 8 août 2018, d'une mesure d'éloignement à laquelle il s'est soustrait sans justifier de circonstances humanitaires, éléments sur lesquels, parmi ceux mentionnés au huitième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet s'est fondé pour fixer à deux ans l'interdiction de retour sur le territoire français. Au regard de ces motifs, qui sont corroborés par ce qui a été dit aux points 6 et 7, et en l'absence de circonstances humanitaires qui justifieraient que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour, le préfet de police a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, prononcer à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 janvier 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour pour une durée de vingt-quatre mois. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera transmise au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 10 février 2023 à laquelle siégeaient :

- Mme Claudine Briançon, présidente,

- Mme C... d'Argenlieu, première conseillère,

- Mme Marguerite Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mars 2023.

La rapporteure,

L. d'ARGENLIEULa présidente,

C. BRIANÇON

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA02933 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02933
Date de la décision : 03/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRIANÇON
Rapporteur ?: Mme Lorraine D'ARGENLIEU
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : PLACE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-03;22pa02933 ?
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