Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Melchior a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler l'arrêté n° 73HC/DLAJ/BAJE/2020 du haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie du 28 janvier 2020 fixant, pour l'année 2020, la liste des journaux autorisés à recevoir les annonces judiciaires et légales en tant qu'il habilite le journal " Actu.nc " à recevoir de telles annonces.
Par un jugement n° 2000096 du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de
Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 3 mars 2021, 30 juillet 2021, 17 novembre 2021 et 28 janvier 2022, la SAS Melchior demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté n° 73HC/DLAJ/BAJE/2020 du haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie du 28 janvier 2020 fixant, pour l'année 2020, la liste des journaux autorisés à recevoir les annonces judiciaires et légales en tant qu'il habilite le journal " Actu.nc " à recevoir de telles annonces ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société à responsabilité limitée (SARL) Rezo, éditrice et propriétaire du journal " Actu.nc ", la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le dossier de demande d'habilitation déposé par la SARL Rezo, était incomplet ;
- la SARL Rezo a commis une fraude dans le cadre du dépôt de son dossier ;
- la condition tenant en ce que la vente soit réalisée à un prix marqué ayant un lien avec les coûts n'est pas respectée, l'obtention d'un numéro de commission paritaire des publications et agences de presse pour le mois de janvier 2020 ne suffisant pas à démontrer que le journal " Actu.nc " faisait l'objet d'une vente effective au public.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2021, le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par deux mémoires enregistrés les 7 juillet 2021 et 2 septembre 2021, la SARL Rezo conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la SAS Melchior à lui verser une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable dans la mesure où elle demande l'annulation totale de l'arrêté contesté, alors qu'elle n'en demandait qu'une annulation partielle en première instance ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 ;
- la loi n° 55-4 du 4 janvier 1955 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Argenlieu,
- les conclusions de Mme Marie-Dominique Jayer, rapporteure publique.
- et les observations de Me Chaudhry-Shouq, représentant la SAS Melchior.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté n° 73HC/DLAJ/BAJE/2020 du 28 janvier 2020, le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie a habilité la SAS Melchior, éditrice du journal " Les Nouvelles Calédoniennes " et la SARL Rezo, éditrice et propriétaire du journal " Actu.nc ", à publier les annonces judiciaires et légales, pendant l'année 2020. La SAS Melchior demande l'annulation du jugement n° 2000096 du 10 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il a habilité la SARL Rezo.
Sur la recevabilité de la requête :
2. La SAS Melchior persiste en appel à ne solliciter l'annulation de l'arrêté du 28 janvier 2020 du haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie qu'en tant qu'il a habilité la SARL Rezo à publier les annonces judiciaires et légales pour l'année 2020. Par suite, la fin de non-recevoir soulevée par la SARL Rezo tirée de ce que la requête en appel serait irrecevable puisque sollicitant désormais l'annulation totale de cet arrêté, à la supposer fondée, doit, en tout état de cause, être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen tiré du caractère incomplet de la demande d'habilitation :
3. Aux termes de l'article 2 de la loi n° 55-4 du 4 janvier 1955 concernant les annonces judiciaires et légales, applicable en Nouvelle-Calédonie en vertu de son article 6, lorsque l'obligation de publier une annonce concerne des actes intervenant dans un domaine relevant de la compétence de l'Etat : " Les publications de presse et services de presse en ligne d'information générale, judiciaire ou technique sont inscrits de droit sur la liste prévue ci-dessous sous les conditions suivantes : / 1° Être inscrits à la commission paritaire des publications et agences de presse ; / 2° Ne pas avoir pour objet principal la diffusion de messages publicitaires ou d'annonces. Un décret précise les conditions dans lesquelles ce critère est apprécié ; / 3° Être édité depuis plus de six mois ; / 4° Comporter un volume substantiel d'informations originales dédiées au département et renouvelées sur une base au moins hebdomadaire ; / 5° Pour les publications imprimées : justifier d'une diffusion atteignant le minimum fixé par décret, en fonction de l'importance de la population du département ; / 6° Pour les services de presse en ligne : justifier d'une audience atteignant le minimum fixé par décret, en fonction de l'importance de la population du département. / La liste des publications de presse et services de presse en ligne susceptibles de recevoir les annonces légales dans le département est fixée chaque année au mois de décembre pour l'année suivante, par arrêté du préfet. / (...). ". L'article 1er de l'arrêté HC/DLAJ/BAJE n° 2019-210, pris le 20 décembre 2019 par le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie pour fixer les seuils d'habilitation des publications de presse et des services de presse en ligne pour la diffusion des annonces judiciaires et légales, dispose que : " En Nouvelle-Calédonie, pour être admis sur la liste des supports habilités a` recevoir des annonces légales, les publications de presse doivent justifier d'une diffusion payante correspondant a` une vente effective au public, au numéro ou par abonnement, au moins égale a` 1500 exemplaires. Cette vente effective est réalisée a` un prix marque´ ayant un lien réel avec les coûts, sans que la livraison du périodique s'accompagne de la fourniture gratuite ou payante de marchandises ou de prestations de services ne présentant pas un lien avec l'objet principal de la publication. ". L'article 3 de ce même arrêté précise que : " La diffusion payante et la fréquentation mentionnées aux alinéas précédents sont certifiées par un organisme offrant la garantie de moyens d'investigation suffisants et notoirement reconnus comme tels. Le respect des minimas de diffusion payante mentionnés à l'article 1 et à l'article 2 peut également être attesté par un commissaire aux comptes ou par un professionnel inscrit au tableau de l'ordre des experts-comptables et exerçant légalement l'expertise comptable dans les conditions prévues par la délibération n° 081/CP du 16 avril 2002 de la commission permanente du congrès de la Nouvelle-Calédonie. ".
4. Il ressort de ces dispositions d'une part, que les publications de presse, pour être habilitées à recevoir les annonces légales et judiciaires, doivent justifier d'une diffusion payante correspondant à une vente effective au public, directe ou par voie d'abonnement, d'au moins 1 500 exemplaires et d'autre part, que le nombre de diffusions payantes doit nécessairement, dans la demande d'habilitation, soit être certifié par un organisme offrant la garantie de moyens d'investigations suffisants et notoirement reconnus comme tels, soit être attesté par un commissaire aux comptes ou un professionnel de l'expertise comptable exerçant dans les conditions fixées par l'article 3 précité de l'arrêté HC/DLAJ/BAJE n° 2019-210 du 20 décembre 2019 du
haut-commissaire de la République de la Nouvelle-Calédonie.
S'agissant de la recevabilité du moyen tiré du caractère incomplet du dossier :
5. La SARL Rezo soutient que le moyen tiré du caractère incomplet du dossier de demande d'habilitation, qu'elle qualifie de moyen d'illégalité externe, est irrecevable puisque soulevé devant le tribunal au-delà du délai de deux mois à compter de l'enregistrement de la demande. Selon la défenderesse, en effet, la SAS Melchior a uniquement invoqué dans ce délai des moyens de légalité interne. Toutefois, le moyen tiré de l'incomplétude d'un dossier de demande affecte la légalité interne de l'autorisation délivrée sur son fondement. Par suite, tant que l'instruction n'était pas close, il pouvait être soulevé à tout moment. Le moyen tiré de son irrecevabilité doit donc être écarté.
S'agissant du bien-fondé du moyen :
6. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'habilitation déposée par la SARL Rezo comportait une attestation du représentant légal de l'entreprise en date du 10 janvier 2020 faisant état de 2 710 ventes au numéro et 343 abonnements, ainsi qu'une attestation du même jour, au demeurant contestée, établie par la gérante de la société Totem Distribution en charge de la distribution du journal " Actu.nc ", présentant des chiffres identiques. La SARL Rezo verse également aux débats une attestation d'un cabinet d'expertise comptable, dont elle dit qu'elle était jointe au dossier de demande d'habilitation pour l'année 2020. Toutefois, cette attestation n'est pas datée de sorte qu'il n'est pas possible de savoir si elle figurait effectivement au nombre des pièces transmises à l'administration. Surtout, en ne précisant pas le nombre d'invendus, mais en se contentant de fournir le nombre de tirages, le nombre d'abonnements et le nombre de diffusions gratuites, cette attestation ne permettait pas de calculer le nombre de diffusions payantes effectives. Cette attestation n'était donc, en tout état de cause, pas conforme aux dispositions de l'article 3 précité de l'arrêté du 20 décembre 2019. Par suite, la SAS Melchior est fondée à soutenir que le dossier de demande d'habilitation était incomplet à la date de son dépôt, et que cette incomplétude ne pouvait être régularisée a posteriori par la production d'une attestation du même cabinet d'expertise comptable datée du 29 avril 2020, entachant ainsi d'illégalité l'arrêté contesté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Melchior est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 73HC/DLAJ//BAJE/2020 du 28 janvier 2020 en tant qu'il a habilité la SARL Rezo à recevoir pour l'année 2020 les publications judiciaires et légales.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SAS Melchior, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la SARL Rezo demande au titre des frais de l'instance. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SAS Melchior de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions. Il n'y a, en revanche, pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit au surplus des conclusions présentées par la SAS Melchior en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 200096 du 10 décembre 2020 du tribunal administratif de
Nouvelle-Calédonie et l'arrêté n° 73HC/DLAJ//BAJE/2020 du 28 janvier 2020 du
haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en tant qu'il a habilité la SARL Rezo à recevoir pour l'année 2020 les publications judiciaires et légales sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à la SAS Melchior une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la SAS Melchior présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions de la SARL Rezo présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Melchior, à la SARL Rezo, éditrice et propriétaire du journal " Actu.nc " et au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 10 février 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Claudine Briançon, présidente,
- Mme A... d'Argenlieu, première conseillère,
- Mme Marguerite Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mars 2023.
La rapporteure,
L. d'ARGENLIEULa présidente,
C. BRIANÇON
La greffière,
A. GASPARYAN
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA01117