Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune d'Esbly a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner in solidum la société Normande de couverture plomberie (SNCP) et la société Atelier Ticho à lui verser une somme totale de 11 690,40 euros au titre des désordres relatifs à la couverture, de fixer le montant de sa créance à inscrire au passif de la procédure collective de la société Faber la somme totale de 396 164,73 euros au titre des désordres relatifs aux enduits extérieurs et intérieurs et de condamner la société Atelier Ticho à lui verser la même somme au même titre.
Par un jugement n° 1402232 du 10 novembre 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté les conclusions de la commune d'Esbly dirigées contre la société Faber comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, a condamné in solidum la SNCP et la société Atelier Ticho à verser la somme de 11 690,40 euros TTC à la commune au titre des désordres relatifs à la couverture, a condamné la société Atelier Ticho à verser à la commune les sommes de 343 778,42 euros TTC au titre du désordre relatif aux enduits extérieurs et 52 386,31 euros TTC au titre du désordre relatif aux enduits intérieurs et a condamné la SNCP à garantir la société Atelier Ticho à hauteur de 80 % de la somme de 11 690,40 euros TTC.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 7 janvier et 24 mars 2021 et 6 octobre 2022, la société Atelier Ticho, représentée par Me Charbonneau, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun ;
2°) de rejeter les demandes de la commune d'Esbly tendant à sa condamnation ou à titre subsidiaire, de condamner in solidum la SNCP et la commune d'Esbly à la garantir des condamnations prononcées à son encontre au titre du désordre relatif aux couvertures, de condamner la société Faber représentée par son mandataire à la garantir des condamnations prononcées à son encontre au titre des désordres relatifs aux enduits et de limiter le montant des travaux de reprise des enduits extérieurs à la somme de 85 944,61 euros ;
3°) de rejeter les demandes de la SNCP ;
4°) de mettre à la charge de tout succombant une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les désordres n'ont été constatés au contradictoire des parties qu'après
l'expiration de la garantie décennale ;
- le désordre relatif à la toiture est exclusivement imputable à un défaut d'exécution des travaux par la SNCP et à un défaut d'entretien de la noue par la commune ;
- aucune défaillance dans la surveillance des travaux ne saurait lui être imputée au titre de ce désordre compte tenu de son caractère ponctuel et caché, ni aucun défaut de prescription dès lors que le DTU 40-23 auquel renvoie le CCTP prévoie des noues fermées ;
- les désordres relatifs aux enduits extérieurs ne présentent pas un caractère décennal dès lors qu'aucune chute d'enduit n'a été constatée ni aucune mesure de sécurisation ou de restriction de la circulation autour de l'église mise en place ;
- ils ne lui sont pas imputables dès lors qu'il était prévu des enduits au mortier de plâtre et chaux, conformes au DTU et utilisés dans d'autres bâtiments, qu'elle a fait des préconisations quant au renforcement de l'épaisseur de l'enduit par l'emploi de tuile pilée, équivalente au sable, et que la présence d'une armature était inutile ; c'est donc un pur défaut d'exécution qui est à l'origine du défaut de préparation des enduits et il ne lui appartenait pas de se tenir aux côtés des compagnons en charge du mélange du sable/tuile pilée pour vérifier qu'ils respectaient systématiquement le ratio de 39 % ;
- les désordres relatifs aux enduits intérieurs ne présentent pas un caractère décennal dès lors que ni l'altération de l'esthétique, ni l'existence d'un taux d'humidité dans les enduits empêchent d'utiliser normalement l'ouvrage ;
- ils ne lui sont pas imputables dès lors que la lecture des comptes rendus de chantier témoigne de la diligence dont elle a fait preuve dans sa mission de surveillance et qu'ils ne sont dus qu'à la carence de la société Faber dans la réalisation des travaux ;
- si sa responsabilité devait être retenue elle devrait être limitée à 10 % pour les désordres relatifs à la toiture et aux enduits extérieurs et à 20 % pour le désordre relatif aux enduits intérieurs et elle serait fondée à appeler en garantie la SNCP, la société Faber et la commune d'Esbly ;
- le montant des travaux de reprise relatifs aux enduits extérieurs devrait également être limité à la façade sonnant creux sur une surface de 80 %, soit 85 944,61 euros ;
- les coûts relatifs aux nacelles et à la facture de la SNCP ne sauraient être mis à sa charge.
Par des mémoires enregistrés les 26 février 2021 et 7 novembre 2022, la commune d'Esbly, représentée par la SCP Morin Perrault Cagneaux-Dumont Gallion, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la société Atelier Ticho ;
2°) de condamner la société Faber, in solidum avec la société Atelier Ticho, à lui verser une somme de 343 778,42 euros TTC au titre des désordres relatifs aux enduits extérieurs et une somme de 52 396,31 euros TTC au titre des désordres relatifs aux enduits intérieurs, augmentée des intérêts au taux légal à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir ;
3°) de condamner in solidum la SNCP, la société Atelier Ticho et la société Faber à lui verser une somme de 18 677,81 euros au titre du préjudice financier lié à la procédure de
référé et d'expertise judiciaire, augmentée des intérêts au taux légal à compter du prononcé de
l'arrêt à intervenir ;
4°) de réévaluer le montant des condamnations correspondant aux travaux de reprise selon l'index du bâtiment BT01 à la date de l'arrêt à intervenir ;
5°) de rejeter les demandes de la SNCP et de la société Faber ;
6°) de mettre à la charge in solidum de la SNCP, de la société Atelier Ticho et de la société Faber une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle fait valoir que :
- les désordres sont apparus dans le délai de la garantie décennale ;
- le défaut localisé de la toiture, à savoir une noue de largeur insuffisante, ne permet pas un entretien correct et provoque une accumulation de feuilles et de mousse facilitant les
débordements lors de fortes pluies ; il entraîne une impropriété du bâtiment à destination dès lors qu'il provoque des infiltrations dans l'église et des moisissures ;
- le désordre relatif aux enduits intérieurs peut entraîner des dégradations importantes des murs et des piliers de l'église alors que l'objectif des travaux de 2004 était de reboucher les fissures pour stopper la prolifération d'humidité et protéger le bâtiment et peut entraîner la chute de morceaux d'enduit de la voute, entraînant une impropriété du bâtiment à destination ;
- le désordre constaté sur les enduits extérieurs entraîne une impropriété à destination pour deux motifs : l'enduit n'assure plus sa fonction d'imperméabilisation du mur et le décollement de l'enduit causé par les fissures est source de danger pour les administrés et elle a ainsi été contrainte de faire poser un filet de protection ; il s'agit d'un désordre à évolution lente mais certaine ;
- ces désordres sont imputables à la SNCP pour le premier et à la société Faber pour les deux autres, qui ont réalisé les travaux, et engagent de plein droit la responsabilité décennale de la société Atelier Ticho, en sa qualité d'architecte ;
- à titre subsidiaire, elle est fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de la SNCP et de la société Faber au titre de leurs manquements dans l'exécution des travaux et de la société Atelier Ticho au titre de ses manquements dans la description / prescription des travaux et dans leur surveillance ;
- le jugement devra être confirmé s'agissant du montant de ses préjudices, en y ajoutant les frais de l'expertise judiciaire ordonnée par le tribunal de grande instance de Meaux à hauteur de 18 677,81 euros.
Par des mémoires enregistrés les 26 février et 3 mars 2021 et 27 octobre 2022, la société Normande de couverture plomberie, représentée par la SCP Touraut et associés, conclut au rejet de la requête, au rejet de la demande présentée par la commune d'Esbly au titre des frais de l'expertise et à ce que soit mise à la charge de la société Atelier Ticho une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la responsabilité de la société Atelier Ticho est engagé en sa qualité de maître d'œuvre au titre de sa surveillance des travaux et de leur description ;
- la demande de la commune d'Esbly tendant à être indemnisée des frais de l'expertise est nouvelle en appel ; elle est en outre infondée en ce que la commune demande une condamnation in solidum des différents intervenants ;
- les demandes de la société Atelier Ticho tendant à un partage de responsabilité et à sa condamnation à la garantir sont contradictoires.
Par un mémoire enregistré le 4 novembre 2022, la société Faber, représentée par la SCP Touraut et associés, conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à la limitation de sa condamnation à hauteur de 75 % du préjudice relatif aux désordres sur les enduits, et au rejet de la demande présentée par la commune d'Esbly au titre des frais de l'expertise.
Elle fait valoir que :
- la responsabilité de la société Atelier Ticho est engagée en sa qualité de maître d'œuvre au titre de son défaut de surveillance des travaux et de la description des travaux ;
- la demande de la commune d'Esbly tendant à être indemnisée des frais de l'expertise est nouvelle en appel ; elle est en outre infondée en ce qu'elle demande une condamnation in solidum des différents intervenants ;
- les demandes de la société Atelier Ticho tendant à un partage de responsabilité et à sa condamnation à la garantir sont contradictoires.
Par une ordonnance du 4 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée le
4 janvier 2023.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, tirés de l'irrégularité du jugement en ce qu'il n'a pas donné acte du désistement de la société Atelier Ticho de ses conclusions d'appel en garantie (art. R. 611-8-1 CJA), de l'irrecevabilité des conclusions de la commune d'Esbly aux fins de condamnation de la société Faber en ce qu'elles sont nouvelles en appel et de ce que la réception des travaux sans réserve avec les désordres en litige fait obstacle à ce que la commune d'Esbly recherche la responsabilité des constructeurs au titre de la réalisation de ces travaux.
Par un mémoire, enregistré le 25 janvier 2023, la société Atelier Ticho a présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public, qui ont été communiquées sans rouvrir l'instruction.
La commune d'Esbly a présenté des observations sur ce moyen, enregistrées le
26 janvier 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique,
- et les observations de Me Charbonneau, représentant la société Atelier Ticho et de Me Cagneaux-Dumont, représentant de la commune d'Esbly.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre de la rénovation de l'église Saint Jean-Baptiste la commune d'Esbly a confié, par un contrat du 18 septembre 2000, la maîtrise d'œuvre à la société Atelier Ticho et, par actes d'engagements du 20 janvier 2003, les lots n° 1 A et B (maçonnerie intérieure et extérieure) à la société Faber et le lot n° 3 (couverture) à la société Normande de couverture plomberie. La réception sans réserve du lot couverture est intervenue le 12 mars 2004, celle du lot maçonnerie intérieure le 15 avril 2004 et celle du lot maçonnerie extérieure le 2 juin 2004. A la suite de l'apparition d'infiltrations d'eau au niveau de l'une des voûtes de l'église et de la fissuration et du décollement des enduits intérieurs et extérieurs à certains endroits, la commune d'Esbly a saisi le tribunal de grande instance de Meaux afin qu'il désigne un expert. L'expert a déposé son rapport le 4 septembre 2019. La société Atelier Ticho demande à la Cour de réformer le jugement par lequel le tribunal administratif de Melun l'a condamnée, à la demande de la commune d'Esbly, à lui verser une somme de 407 855,13 euros au titre des différents désordres.
Sur la recevabilité :
2. Si la commune d'Esbly demande la condamnation de la société Faber à l'indemniser des désordres relatifs aux enduits intérieurs et extérieurs, elle s'est bornée, en première instance, à former une demande d'inscription au passif de la société Faber de la créance détenue par elle que le tribunal a rejeté, à bon droit, comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître. Dans ces conditions, ses conclusions tendant à la condamnation de la société Faber, qui sont nouvelles en appel alors qu'elle pouvait les présenter en première instance, sont irrecevables et doivent, par suite, être rejetées.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction peut demander à l'une des parties de reprendre, dans un mémoire récapitulatif, les conclusions et moyens précédemment présentés dans le cadre de l'instance en cours, en l'informant que, si elle donne suite à cette invitation, les conclusions et moyens non repris seront réputés abandonnés. En cause d'appel, il peut être demandé à la partie de reprendre également les conclusions et moyens présentés en première instance qu'elle entend maintenir. / Le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction peut en outre fixer un délai, qui ne peut être inférieur à un mois, à l'issue duquel, à défaut d'avoir produit le mémoire récapitulatif mentionné à l'alinéa précédent, la partie est réputée s'être désistée de sa requête ou de ses conclusions incidentes. La demande de production d'un mémoire récapitulatif informe la partie des conséquences du non-respect du délai fixé ".
4. Par un courrier du 12 décembre 2019, dont elle est réputée avoir pris connaissance le 16 décembre 2019 en vertu des dispositions de l'article R. 611-8-2 du code de justice administrative, la société Atelier Ticho a été invitée à présenter un mémoire récapitulatif dans un délai d'un mois. N'ayant présenté un mémoire que le 10 février 2020, elle est réputée, en application des dispositions précitées de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, s'être désistée de l'ensemble de ses conclusions incidentes, y compris celles présentées pour la première fois dans son mémoire du 10 février 2020. Dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif de Melun n'a pas donné acte à la société Atelier Ticho du désistement de ses conclusions aux fins d'appel en garantie. Le jugement du 10 novembre 2020 doit, par suite, être partiellement annulé pour ce motif.
5. Il y a lieu d'évoquer les conclusions d'appel en garantie présentées en première instance par la société Atelier Ticho et de lui donner acte de son désistement de ces conclusions.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité :
S'agissant de la responsabilité décennale des constructeurs :
6. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans.
7. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport du directeur des services techniques de la commune du 2 août 2013, du courrier du 25 octobre 2013 adressé par le directeur général des services de la commune à la société Atelier Ticho et de l'assignation en référé du 11 mars 2014 que les désordres relatifs à la toiture et aux enduits extérieurs et intérieurs, dont les travaux ont été réceptionnés respectivement les 12 mars 2004, 15 avril 2004 et 2 juin 2004, sont apparus dans le délai d'épreuve de dix ans. La circonstance qu'ils n'ont pas été constatés de manière contradictoire dans ce délai étant à cet égard sans incidence, la société Atelier Ticho n'est pas fondée à soutenir qu'ils sont apparus postérieurement à l'expiration de ce délai.
Quant au désordre relatif à la toiture :
8. D'une part, il résulte de l'instruction que la toiture en tuiles présente un défaut d'étanchéité localisé au niveau du " chien assis " de la façade côté presbytère, qui ne lui permet pas d'assurer localement la protection contre les infiltrations d'eau et provoque une dégradation des enduits intérieurs situés sous cette zone, avec l'apparition de moisissures. Le caractère décennal de ce désordre, qui provoque des infiltrations, n'est pas sérieusement contesté en défense.
9. D'autre part, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que ce désordre est dû à la largeur insuffisante de la noue en zinc située sur la toiture (5 cm), non conforme aux préconisations du DTU 40.23 (8 cm minimum), qui rend impossible le nettoyage des résidus végétaux qui s'y accumulent et facilite, en cas de pluies abondantes, son débordement, ainsi qu'à un relevé de hauteur des noquets au raccordement avec le chien assis insuffisant, de 5 cm, alors que le DTU 40.23 recommande 15 cm au minimum, générant une humidité persistante sur l'enduit du mur latéral du chien assis et son érosion. Ce désordre est imputable à la SNCP, qui a exécuté les travaux, ainsi qu'à la société Atelier Ticho, qui a prescrit la réalisation d'une noue fermée et était chargée, en sa qualité de maître d'œuvre, de la surveillance des travaux. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction qu'une faute de la commune, relative au défaut d'entretien de la noue, soit à l'origine des désordres constatés, alors que la configuration de la noue rend son entretien impossible. La société Atelier Ticho n'est dès lors pas fondée à se prévaloir d'une faute exonératoire de la commune.
10. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Esbly est fondée à rechercher la responsabilité décennale in solidum de la SNCP et de la société Atelier Ticho au titre du désordre relatif à la toiture.
Quant au désordre relatif aux enduits intérieurs :
11. Il résulte de l'instruction que des fissures, que les travaux réalisés en 2004 avaient vocation à reboucher, se sont rouvertes en partie basse des quatre panneaux muraux et sur les huit piliers contigus de l'église ainsi que sur la voute du plafond de la nef, conduisant au déchirement de la toile de verre collée sur le plafond. Si la commune d'Esbly fait valoir que ce désordre peut entraîner des dégradations importantes des murs et des piliers de l'église et la chute de morceaux d'enduit au niveau de la voute, rendant l'ouvrage impropre à sa destination, elle n'assortit ses allégations d'aucun commencement de preuve, ni n'allègue, d'ailleurs, avoir pris des mesures conservatoires à ce titre. En outre, si l'expert a précisé que les cordons de remplissage des fissures ont perdu leur adhérence et présentent des teneurs élevées en humidité, à hauteur de 40 %, bien supérieures à celles des anciens plâtres adjacents, il a également retenu dans son rapport que cette humidité provient en partie du défaut localisé de la toiture, et n'a relevé aucune conséquence de cette humidité sur la solidité ou la destination, à terme, de l'ouvrage. Il résulte enfin du rapport d'expertise que l'expert a seulement estimé que le faïençage généralisé des enduits intérieurs ne permet pas d'obtenir le résultat esthétique attendu. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que cette altération esthétique du bâtiment ait, en l'espèce, un effet sur sa destination. Dans ces conditions, ce désordre n'est pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible et la commune d'Esbly n'est, par suite, pas fondée à rechercher la responsabilité décennale de la société Atelier Ticho à ce titre.
Quant au désordre relatif aux enduits extérieurs :
12. Il résulte de l'instruction que la façade de l'église donnant sur le parvis est affectée de nombreuses fissures tant horizontales, verticales, que biaises, l'enduit sonnant creux sur plus de 80 % de sa surface, et que les façades latérales et arrière sont également affectées de fissures disposées de manière aléatoire, les zones d'enduit non adhérent représentant moins de 10 % des surfaces totales. D'une part, si la commune d'Esbly fait valoir que l'enduit n'assure plus sa fonction d'imperméabilisation du mur, comme l'a retenu le rapport d'expertise, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que ce désordre soit à l'origine d'infiltrations ni qu'il soit susceptible d'en être à l'origine dans un délai prévisible. L'humidité des murs à l'intérieur de l'église n'a d'ailleurs pas été imputée par l'expert à la dégradation des enduits extérieurs. En revanche, il résulte de l'instruction que l'expert a demandé à la commune d'installer immédiatement un filet de protection sur la façade côté parvis pour prévenir tout risque de chute d'enduit sur le public et la commune produit la facture relative à l'installation de ce filet. Si la société Atelier Ticho conteste la réalité de ce risque et des mesures conservatoires prises, il lui appartient d'apporter des éléments au soutien de ses allégations, ce qu'elle ne fait pas. Dans ces conditions, il résulte de l'instruction que le risque pour la sécurité du public de la chute de morceaux d'enduit est de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination. En revanche, si l'expert assistant a indiqué, dans sa note technique n° 3, que le désordre présente un caractère évolutif et que la façade du parvis est le reflet de l'état futur des autres panneaux, il ne résulte pas de l'instruction que, compte tenu de la configuration de l'église, la chute d'enduit sur les autres façades que celle du parvis présente un risque pour la sécurité des passants. Dans ces conditions, il convient de ne retenir le caractère décennal du désordre qu'en ce qui concerne l'enduit de la façade donnant sur le parvis.
13. D'autre part, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que le désordre est imputable à une très faible teneur en sable de l'enduit mis en œuvre, à la pose de l'enduit en forte épaisseur sans armature et, s'agissant des enduits posés en couche mince, à une humidification insuffisante du support. Ces éléments sont, pour partie, imputables à la société Atelier Ticho, qui a prescrit l'enduit retenu, n'a pas prévu d'armature et était chargée de la surveillance des travaux.
14. Dans ces conditions, la commune d'Esbly est fondée à rechercher la responsabilité décennale de la société Atelier Ticho, uniquement en ce qui concerne l'enduit externe de la façade de l'église donnant sur le parvis.
S'agissant de la responsabilité contractuelle des constructeurs :
15. La réception sans réserve des travaux met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. Il résulte de l'instruction que les travaux de maçonnerie ont été réceptionnés les 15 avril 2004 et
2 juin 2004, sans réserve en lien avec les désordres en litige. Dans ces conditions, la commune d'Esbly n'est pas fondée à rechercher, à titre subsidiaire, la responsabilité contractuelle de la société Atelier Ticho au titre de ses manquements relatifs à la prescription des travaux et à leur surveillance.
En ce qui concerne les préjudices :
S'agissant du désordre relatif à la toiture :
16. Le tribunal a fait droit à la demande présentée par la commune d'Esbly au titre des travaux de reprise de la toiture, soit 8 055,60 euros, de l'intervention d'un nouveau maître d'œuvre, soit 1 128 euros, et de l'intervention d'un couvreur pendant les opérations d'expertise, soit 2 506,8 euros. Ces montants ne sont pas contestés. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction et n'est pas même allégué que la commune d'Esbly s'est trouvée dans l'impossibilité de réaliser les travaux de reprise de la toiture depuis le dépôt du rapport d'expertise le 4 septembre 2019. Elle n'est, dès lors, pas fondée à demander que les sommes correspondantes soient actualisées selon l'évolution de l'indice BT01.
S'agissant du désordre relatif aux enduits extérieurs :
17. En premier lieu, d'une part, la société Atelier Ticho fait valoir sans être contestée que la façade de l'église donnant sur le parvis correspond à un quart de la surface des façades extérieures. Il ne résulte pas de l'instruction que cette estimation soit sous-évaluée. Dans ces conditions, il convient de fixer le coût des travaux de reprise retenus par le tribunal sur la base des préconisations non contestées de l'expert à 25 %, soit 85 277,7 euros incluant le coût du maître d'œuvre. D'autre part, la commune d'Esbly n'établit ni même n'a allégué durant l'instruction avoir été empêchée de réaliser ces travaux depuis le dépôt du rapport d'expertise le 4 septembre 2019. Sa demande tendant à l'actualisation de ces sommes selon l'évolution de l'indice BT01 ne peut, par suite, qu'être rejetée.
18. En second lieu, il convient de faire droit à la demande de la commune d'Esbly tendant au versement de la somme de 327,62 euros au titre de l'intervention d'une nacelle électrique utilisée pour étudier les désordres relatifs aux enduits extérieurs.
S'agissant des frais de l'expertise :
19. La demande d'indemnisation au titre des frais de l'expertise ordonnée par le tribunal de grande instance de Meaux, présentée par la commune d'Esbly pour la première fois en appel, est irrecevable et doit, dès lors, être rejetée.
20. Il résulte de tout ce qui précède que la société Atelier Ticho est fondée à demander la réformation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée au titre du désordre relatif aux enduits intérieurs et en tant qu'il l'a condamnée à verser une somme de 343 778,42 euros TTC au lieu de 85 605,32 euros TTC au titre du désordre relatif aux enduits extérieurs.
Sur les frais du litige :
21. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Esbly une somme de 1 500 euros à verser à la société Atelier Ticho au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés Atelier Ticho, Normande de couverture plomberie et Faber la somme que demande la commune d'Esbly sur ce fondement. Enfin il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Atelier Ticho une somme de 800 euros au titre des frais exposés par la SNCP et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Melun est annulé en ce qu'il n'a pas donné acte du désistement de la société Atelier Ticho de ses conclusions d'appel en garantie.
Article 2 : Ce jugement est réformé en ce qu'il a condamné la société Atelier Ticho à indemniser la commune d'Esbly au titre du désordre relatif aux enduits intérieurs et au titre des enduits extérieurs à hauteur de 343 778,42 euros TTC au lieu de 85 605,32 euros TTC.
Article 3 : Il est donné acte du désistement de la société Atelier Ticho de ses conclusions d'appel en garantie.
Article 4 : La commune d'Esbly versera une somme de 1 500 euros à la société Atelier Ticho en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La société Atelier Ticho versera une somme de 800 euros à la société Normande de couverture plomberie en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société Atelier Ticho, à la commune d'Esbly, à la société Normande de couverture plomberie et à la société Faber, représentée par son mandataire Me Hazane.
Délibéré après l'audience du 10 février 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Briançon, présidente,
Mme d'Argenlieu, première conseillère,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 mars 2023.
La rapporteure,
M. A...
La présidente,
C. BRIANÇON
La greffière,
A. GASPARYAN
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA00066