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02/03/2023 | FRANCE | N°22PA02946

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 02 mars 2023, 22PA02946


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la délibération du 14 janvier 2020 du conseil municipal de la commune de Boisettes (Seine-et-Marne) approuvant la modification du plan local d'urbanisme en tant qu'elle identifie deux espaces boisés ponctuels sur sa propriété ainsi que la décision implicite rejetant sa demande d'abrogation partielle du plan local d'urbanisme, approuvé par une délibération du 21 septembre 2018, en tant qu'il classe ses parcelles en zones naturelles incons

tructibles sur sa propriété.

Par un jugement n° 2002949 du 15 avril 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la délibération du 14 janvier 2020 du conseil municipal de la commune de Boisettes (Seine-et-Marne) approuvant la modification du plan local d'urbanisme en tant qu'elle identifie deux espaces boisés ponctuels sur sa propriété ainsi que la décision implicite rejetant sa demande d'abrogation partielle du plan local d'urbanisme, approuvé par une délibération du 21 septembre 2018, en tant qu'il classe ses parcelles en zones naturelles inconstructibles sur sa propriété.

Par un jugement n° 2002949 du 15 avril 2022, le tribunal administratif de Melun a annulé la délibération du 14 janvier 2020 en tant qu'elle identifie deux espaces boisés ponctuels et a rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 juin et 11 octobre 2022, Mme C..., représentée par Me Faure-Bonaccorsi, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2002949 du 15 avril 2022 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il rejette sa demande tendant à obtenir l'annulation des délibérations des 21 septembre 2018 et 14 janvier 2020 classant ses parcelles en zone naturelle inconstructible, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé contre ces décisions le 4 février 2020 ;

2°) d'enjoindre à la commune de Boissettes d'engager la procédure adéquate afin de procéder au reclassement des parcelles dans une autre zone dans un délai de deux mois, le cas échéant sous astreinte ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Boissettes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie d'un intérêt à agir ;

- sa requête de première instance n'est pas tardive ;

- le classement de ses parcelles en zone N et Nj est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elles sont desservies par les réseaux et situées dans un secteur urbanisé ;

- la décision attaquée est entachée d'un détournement de pouvoir ;

- la création de deux espaces boisés ponctuels sur son terrain est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les conclusions incidentes soulèvent un litige distinct de l'appel principal et sont donc irrecevables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2022, la commune de Boissettes, représentée par Me Van Elslande, conclut :

1°) au rejet de la requête de Mme C... ;

2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation de l'article 1er du jugement n° 2002949 du 15 avril 2022 du tribunal administratif de Melun en tant qu'il annule la délibération du 14 janvier 2020 qui identifie deux espaces boisés ponctuels sur la propriété de la requérante ;

3°) à la mise à la charge de Mme C... d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de première instance est tardive ;

- l'appel incident est recevable ;

- le classement des parcelles de la requérante en zone N et Nj n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il correspond au parti d'aménagement de la commune ;

- la création de deux espaces boisés ponctuels correspond aux objectifs fixés par la commune tendant notamment au maintien des continuités écologiques entre les bords de Seine et le plateau boisé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- les observations de Me Gerphagnon substituant Me Faure-Bonaccorsi, avocat de Mme C...,

- et les observations de Me Van Elslande, avocat de la commune de Boissettes.

Une note en délibéré, enregistrée le 6 février 2023, a été présentée pour Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., propriétaire des parcelles cadastrées AI n°s 2, 69, 95 et 97, situées au 15 rue de la Varenne sur le territoire de la commune de Boissettes, a demandé au maire, par courrier du 4 février 2020, l'abrogation du plan local d'urbanisme approuvé le 21 septembre 2018 en ce qu'il classe sa propriété en zones naturelles inconstructibles et que les deux espaces boisés ponctuels identifiés sur son terrain, par délibération du 14 janvier 2020, soient supprimés. Le 4 avril 2020, une décision implicite de rejet est née. Mme C... relève appel du jugement du tribunal administratif de Melun en tant qu'il refuse d'annuler la décision implicite de la commune rejetant sa demande d'abrogation du plan local d'urbanisme en tant qu'il classe en zones naturelles inconstructibles sa propriété.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'appel principal :

Sur la recevabilité de la requête :

2. En premier lieu, la commune soutient que la requête de première instance est tardive dès lors que la délibération du 21 septembre 2018 approuvant le plan local d'urbanisme est devenue définitive le 1er décembre 2018, à la suite de son insertion au recueil des actes administratifs.

3. Aux termes de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'après l'expiration du délai de recours contentieux, la contestation d'un acte réglementaire peut prendre la forme d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant de l'abroger. Si la légalité des règles fixées par l'acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux.

5. La requérante pouvait ainsi contester la légalité de la décision implicite de rejet de sa demande du 4 février 2020 tendant à l'abrogation du plan local d'urbanisme en tant qu'il identifie deux espaces boisés ponctuels sur sa propriété et maintient son classement en zones naturelles inconstructibles sans que l'expiration du délai de recours contentieux contre la délibération du 21 septembre 2018 lui puisse être opposée. Par suite, la fin de non-recevoir tirée du caractère définitif de la délibération du 21 septembre 2018 doit être écartée.

6. En second lieu, la commune fait valoir que le requête de première instance est irrecevable dès lors que la décision implicite du 4 avril 2020 rejetant le recours gracieux est confirmative de celle du 19 février 2019 rejetant un premier recours gracieux du 21 septembre 2018, laquelle est devenue définitive faute d'avoir été contestée dans les délais légaux.

7. Toutefois, le refus de prendre, de modifier ou d'abroger un acte réglementaire ne saurait être regardé comme purement confirmatif d'un refus antérieurement opposé à une demande tendant aux mêmes fins. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir tirée du caractère prétendument définitif de la décision implicite de rejet du 19 février 2019, antérieurement opposée à la requérante, ne peut qu'être écartée.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

8. En premier lieu, la requérante soutient que le classement en zone N et Nj de ses parcelles est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa propriété est desservie par les réseaux, qu'elle est située dans un secteur urbanisé et que ce zonage est incohérent avec le projet d'aménagement et de développement durables de la commune.

9. Aux termes de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : / 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; / 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels ; / 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles ; / 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues ".

10. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. A cet effet, ils peuvent être amenés à classer en zone naturelle, pour les motifs énoncés par les dispositions citées ci-dessus, un secteur qu'ils entendent soustraire, pour l'avenir, à l'urbanisation.

11. Les dispositions du règlement du plan local d'urbanisme, approuvé le 14 janvier 2020, prévoient que la zone N " comprend les différentes parties naturelles de la commune qu'elles soient boisées ou non " et " correspond aux secteurs à protéger en raison de la qualité des sites des milieux naturels et des paysages ". Elle inclut le secteur Nj contenant " les espaces non bâtis en jardin des habitations, en cœur d'ilot ou en frange des espaces bâtis et qui participent à la qualité du cadre de vie ".

12. S'il ressort du projet d'aménagement et de développement durables de la commune qu'il est prévu " d'empêcher le mitage par des constructions nouvelles en gérant une implantation s'appuyant sur les fronts boisés en frange ou à proximité des espaces déjà bâtis ", il est également précisé que les jardins, parcs, boisements, vergers et bords de route " participent au maintien des continuités écologiques entre les bords de Seine et le plateau boisé " et qu'il importe " de maintenir des espaces non bâtis et non imperméabilisés en frange et au cœur des espaces bâtis comme des espaces jardinés, des vergers (...) ". La carte des objectifs du projet d'aménagement et de développement durables identifie, au demeurant, la propriété de la requérante dans un secteur à l'égard duquel il convient de " préserver les masses végétales du coteau pour assurer les continuités vers la Seine et au-delà ".

13. La circonstance que les parcelles de Mme C... étaient classées en zone NB dans le précédent document d'urbanisme et que celles-ci sont desservies par les réseaux ou situées à proximité de maisons d'habitation ne fait pas obstacle à leur classement en zone N ou Nj. En outre, la propriété de la requérante, ainsi qu'il ressort de la carte graphique du plan local d'urbanisme et des photographies versées au dossier, est bordée à l'Ouest et au Nord, de vastes zones majoritairement boisées non construites, et au Sud, par les bords de Seine. Conformément au règlement du plan local d'urbanisme, les parcelles cadastrées section AI n°s 2 et 95, classées en zone Nj, sont comprises dans un espace non bâti en jardin d'habitation, et les parcelles cadastrées section AI n°s 69 et 97, comprises en zone N, sont boisées et dépourvues de construction. Ainsi, le classement en zones naturelles inconstructibles des parcelles de Mme C... ne procède d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

14. En second lieu, la seule circonstance que le classement en litige aurait pour effet d'empêcher la requérante de mener à bien ses projets de construction n'est pas de nature à établir l'existence d'un détournement de pouvoir.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la décision implicite de la commune de Boissettes rejetant sa demande d'abrogation partielle du plan local d'urbanisme approuvé par délibération du conseil municipal du 21 septembre 2018 en tant qu'il classe en zones naturelles ses parcelles. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne l'appel incident :

16. Un appel incident est recevable, sans condition de délai, s'il ne soumet pas au juge un litige distinct de celui soulevé par l'appel principal dans le délai d'appel.

17. La commune de Boissettes demande l'annulation du jugement du 15 avril 2022 en tant qu'il a annulé la délibération du 14 janvier 2020 par laquelle son conseil municipal a identifié deux espaces boisés ponctuels n°s 101 et 105 sur la propriété de Mme C.... Ces conclusions, enregistrées après l'expiration du délai d'appel, doivent être regardées comme un appel incident. Toutefois, elles soulèvent un litige distinct de l'appel principal, lequel concerne uniquement le classement en zone N et Nj des parcelles de la requérante, et ne sont, par suite, pas recevables.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Boissettes, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme C... demande au titre des frais qu'elle a exposés. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de Mme C... une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Boissettes.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Boissettes présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.

Article 3 : Mme C... versera à la commune de Boissettes une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et à la commune de Boissettes.

Délibéré après l'audience du 2 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Gobeill, premier conseiller,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 mars 2023.

Le rapporteur,

J.-F. A...Le président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA02946


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02946
Date de la décision : 02/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : AARPI LEXSTEP AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-02;22pa02946 ?
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