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02/03/2023 | FRANCE | N°22PA02554

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 02 mars 2023, 22PA02554


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2019 par lequel le maire de la commune de Vaux-le-Pénil (Seine-et-Marne) s'est opposé à sa déclaration préalable de travaux, ensemble la décision du 4 octobre 2019 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1910343 du 1er avril 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 3 juin, 8 juillet,

7 et 23 novembre 2022, Mme B... A..., représentée par Me Arvis, demande à la Cour :

1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2019 par lequel le maire de la commune de Vaux-le-Pénil (Seine-et-Marne) s'est opposé à sa déclaration préalable de travaux, ensemble la décision du 4 octobre 2019 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1910343 du 1er avril 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 3 juin, 8 juillet, 7 et 23 novembre 2022, Mme B... A..., représentée par Me Arvis, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1910343 du 1er avril 2022 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2019 du maire de la commune de Vaux-le-Pénil, ensemble la décision du 4 octobre 2019 rejetant son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Vaux-le-Pénil la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier à défaut de signature des membres de la formation de jugement ;

- l'arrêté attaqué méconnait les articles 2 et 3 du plan de prévention des risques naturels d'inondation dès lors que son projet d'installation n'entre pas dans les catégories interdites par ces dispositions ;

- l'arrêté attaqué méconnait l'article UC1 du règlement du plan local d'urbanisme dès lors que son projet d'installation ne constitue pas un terrain aménagé de camping ou de caravanes ;

- l'arrêté attaqué porte atteinte à son droit de propriété consacré par l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par l'article 544 du code civil ;

- l'arrêté attaqué porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, consacré par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté attaqué est illégal du fait de l'illégalité de l'article UC1 du règlement du plan local d'urbanisme qui pose une interdiction générale de stationnement de caravanes sur l'ensemble de la zone concernée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 octobre et 10 novembre 2022, la commune de Vaux-le-Pénil, représentée par Me Gerphagnon, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- les observations de Me Lemoine substituant Me Arvis, représentant Mme A...,

- et les observations de Me Gerphagnon, représentant la commune de Vaux-le-Pénil.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... est propriétaire de la parcelle cadastrée section AM n° 94 située au 96 rue de la Baste sur le territoire de la commune de Vaux-le-Pénil. Par un arrêté du 17 juillet 2019, le maire de la commune s'est opposé à sa déclaration préalable visant à installer sur son terrain quatre résidences mobiles constituant l'habitat permanent des gens du voyage. Par un courrier du 4 octobre 2019, le maire de la commune a rejeté le recours gracieux de Mme A... dirigé contre cet arrêté. Mme A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Melun du 1er avril 2022 rejetant sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

3. Il ressort de la minute du jugement attaqué qu'elle comporte, conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, les signatures du président, du rapporteur et de la greffière d'audience. Le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité doit être écarté comme manquant en fait.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article L. 421-4 du code de l'urbanisme : " Un décret en Conseil d'Etat arrête la liste des constructions, aménagements, installations et travaux qui, en raison de leurs dimensions, de leur nature ou de leur localisation, ne justifient pas l'exigence d'un permis et font l'objet d'une déclaration préalable " et aux termes des dispositions de l'article L. 444-1 du même code : " L'aménagement de terrains bâtis ou non bâtis, pour permettre l'installation de résidences démontables constituant l'habitat permanent de leurs utilisateurs définies par décret en Conseil d'Etat ou de résidence mobile au sens de l'article 1er de la loi no 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage est soumis à permis d'aménager ou à déclaration préalable, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Ces terrains doivent être situés dans des secteurs constructibles (...) ". Aux termes de l'article R. 421-23 du même code : " Doivent être précédés d'une déclaration préalable les travaux, installations et aménagements suivants : (...) / d) L'installation, pour une durée supérieure à trois mois par an, d'une caravane autre qu'une résidence mobile mentionnée au j ci-dessous (...) : j) L'installation d'une résidence mobile visée par l'article 1er de la loi no 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, constituant l'habitat permanent des gens du voyage, lorsque cette installation dure plus de trois mois consécutifs ". Dès lors que le projet de Mme A... consiste en l'installation sur son terrain de quatre résidences mobiles constituant son habitat permanent, il rentre nécessairement dans les dispositions précitées du code de l'urbanisme, lesquelles exigent, en toute hypothèse, une déclaration préalable.

5 En premier lieu, la décision contestée a été prise aux motifs que le projet ne respecte pas les dispositions de l'article 2 du règlement du plan de prévention des risques naturels d'inondation de la Vallée de la Seine et qu'il n'est pas autorisé par l'article UC1 du règlement du plan local d'urbanisme.

6. D'une part, les dispositions de l'article UC1 du règlement du plan local d'urbanisme qui disposent que : " Occupations et utilisations du sol interdites : (...) Les terrains aménagés de camping ou de caravanes ", notamment interprétées au regard des dispositions de l'article D. 331-1-1 du code de tourisme, aux termes desquelles " Les terrains aménagés de camping et de caravanage sont destinés à l'accueil de tentes, de caravanes, de résidences mobiles de loisirs et d'habitations légères de loisirs. (...) " ne sauraient s'appliquer à la demande de Mme A... dont le projet consiste, ainsi qu'il a été dit, en l'installation de résidences mobiles dès lors que celles-ci ont vocation à constituer son habitat permanent et celui de ses enfants.

7. D'autre part, aux termes de l'article 2 du règlement du plan de prévention des risques naturels d'inondation de la Vallée de la Seine : " Interdictions / Sont interdits : (...) - l'augmentation du nombre de logements par aménagement ou rénovation ou par changement de destination d'un bâtiment existant à la date d'approbation du présent plan ; / - l'aménagement de terrains permettant l'accueil des gens du voyage ; (...) / - toutes autres nouvelles constructions non admises à l'article 3 ci-dessous ", l'article 3 interdisant notamment " les travaux (...) s'ils augmentent les risques ou en créent de nouveaux ".

8. Il est constant que la parcelle cadastrée section AM n° 94 dont la requérante est propriétaire est située en zone marron du plan de prévention des risques naturels d'inondation de la Vallée de la Seine. Par ailleurs, il ressort des termes de la déclaration préalable du 25 juin 2019 que son projet d'aménagement concerne l'" installation d'une résidence mobile constituant l'habitat permanent des gens du voyage pendant plus de trois mois consécutifs ", Mme A... souhaitant installer quatre caravanes sur sa parcelle afin d'y vivre de façon pérenne avec ses enfants. Ce projet, lequel emportait notamment des travaux de terrassement, doit être regardé, eu égard à la finalité des dispositions précitées, qui est de pas accroître le nombre des personnes exposées au risque d'inondation et de ne pas créer de nouveaux risques, comme entrant dans le champ de ces dispositions, dès lors, d'une part, qu'il est destiné à servir de logement à la famille de Mme A... et, d'autre part, qu'il est destiné, au sens et pour l'application des dispositions précités, à accueillir des gens du voyage. Le maire de Vaux-le-Pénil pouvait dès lors prendre la décision contestée au seul motif que le projet entrait dans les prévisions de l'article 2 du plan de prévention des risques naturels d'inondation de la Vallée de la Seine précité, le projet n'étant au surplus pas prévu par l'article 3 dudit plan de prévention relatif aux autorisations possibles prévues sous conditions.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. ". Aux termes de l'article 544 du code civil : " La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. ".

10. Eu égard à l'intérêt général qui s'attache à la prévention des risques d'inondations, la décision en litige, fondée sur le plan de prévention des risques naturels d'inondation de la Vallée de la Seine, n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de propriété de Mme A... et n'a par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article 544 du code civil.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. Quand bien même un de ses enfants est suivi depuis l'année 2019 par un médecin exerçant dans la commune, Mme A... ne produit que des documents très récents attestant de sa résidence sur le territoire de cette commune, notamment un relevé de la caisse d'allocations familiales, des bulletins d'hospitalisation la concernant, des documents scolaires et un extrait d'immatriculation de son entreprise, alors qu'elle était informée dès le 10 février 2016 par un certificat d'urbanisme que sa parcelle était située en zone de plan de prévention des risques naturels d'inondation, qu'elle avait déclaré, lors de l'acquisition du terrain, et ainsi qu'il ressort des mentions de l'acte de vente, " ne pas vouloir destiner le terrain à la construction d'un immeuble à usage d'habitation ou à usage mixte. L'acquéreur déclare clôturer le terrain à un usage de jardin ", et que par un courrier du 15 juin 2018, le maire de la commune de Vaux-le-Pénil l'avait informée que sa parcelle, grevée d'une servitude du plan de prévention des risques naturels d'inondation, ne pouvait accueillir des constructions non plus que l'installation de caravanes. Dans ces conditions, et eu égard à l'objectif de protection contre les inondations poursuivi par la décision contestée, le maire de Vaux-le-Pénil n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme A... une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Vaux-le-Pénil, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A... demande au titre des frais de l'instance. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Vaux-le-Pénil sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Mme A... versera à la commune de Vaux-le-Pénil une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune de Vaux-le-Pénil.

Délibéré après l'audience du 2 février 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Gobeill, premier conseiller,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 mars 2023.

Le rapporteur,

J.F. C...Le président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-et-Marne en ce qui le concerne ou à tous les commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA02554


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02554
Date de la décision : 02/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : SCP ARVIS et KOMLY-NALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-03-02;22pa02554 ?
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