Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 3 janvier 2022 par lequel le préfet de police l'a obligée à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de revenir sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2200218 du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du préfet de police.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 mai 2022, le préfet de police demande à la Cour d'annuler les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a accueilli le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ;
- il persiste, s'agissant des autres moyens développés dans la demande de Mme A... C..., dans ses écritures de première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2023, Mme A... C..., représentée par Me Enam, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme A... C... a versé dans l'instance un mémoire en production de pièces le 26 janvier 2023, après la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code pénal ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 3 janvier 2022, pris en application du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police a fait obligation à Mme A... C..., ressortissante algérienne née le 17 janvier 1978 à Sidi M'Hamed, de quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Par arrêté du même jour, il lui a également fait interdiction de retourner sur le territoire national pendant une durée de 24 mois. Par un jugement n° 2200218 du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté au motif qu'il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Par la présente requête, le préfet de police demande à la Cour l'annulation de ce jugement.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Pour annuler l'arrêté attaqué, les premiers juges ont retenu qu'il était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que Mme A... C... réside en France depuis l'année 2013 au moins, soit depuis neuf ans à la date d'édiction de l'arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire français, et qu'elle est la mère de trois enfants nés en France, respectivement en 2013, 2019 et 2020, dont l'aîné était âgé de 8 ans et scolarisé sur le territoire français depuis plus de cinq ans à la date de l'arrêté litigieux. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressée, défavorablement connue des services de police pour des faits de violence conjugale constatés le 13 juillet 2013, vol à l'étalage le 13 novembre 2014, violence sans incapacité sur mineur de quinze ans par un ascendant le 26 mai 2021 et violence sur conjoint le 3 janvier 2022, éléments révélant un comportement de nature à constituer une menace pour l'ordre public, s'est soustraite à l'exécution de deux précédentes mesures d'éloignement respectivement prononcées les 27 novembre 2014 et 8 février 2017. Il en ressort également que si Mme A... C... est la mère de trois enfants, elle ne justifie d'aucune intégration professionnelle ni ne documente les liens que ces enfants auraient avec leur père. Ainsi, eu égard aux conditions de son séjour en France et à son comportement et alors que la scolarisation de l'aîné de ses enfants depuis plusieurs années en France ne constitue pas, à elle seule, un obstacle à un retour en Algérie où la cellule familiale pourra se reconstituer, il n'est pas établi que le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de Mme A... C.... C'est, par suite, à tort que le tribunal administratif a, pour ce motif, annulé l'arrêté du préfet de police.
3. Toutefois, il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... C... en première instance.
Sur les autres moyens soulevés par Mme A... C... :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement en sorte que le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.
5. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 2 que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, alors que le préfet, qui a examiné la situation, notamment familiale de l'intéressée, ne s'est pas considéré comme lié par les dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prononcer une mesure d'éloignement, ne peut qu'être écarté.
6. En troisième lieu, si Mme A... C... soutient qu'elle entrait dans les prévisions du 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un tel moyen ne peut qu'être écarté dès lors que si ces dispositions font obstacle à l'éloignement d'un étranger régulièrement installé en France depuis dix ans, telle n'était pas la situation de l'intéressée, qui n'a jamais bénéficié d'aucun droit au séjour en France.
En ce qui concerne le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
7. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet (...) " et aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".
8. En premier lieu, la décision attaquée, adoptée au visa des dispositions précitées, relève que Mme A... C... s'est soustraite à l'exécution d'une obligation de quitter le territoire qui lui a été notifiée le 27 novembre 2017. Le refus de lui accorder un délai de départ volontaire est ce faisant suffisamment motivé.
9. En second lieu, eu égard aux motifs ci-avant exposés et non contestés, cette décision ne peut être regardée comme entachée d'une erreur d'appréciation.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
10. Si Mme A... C... se prévaut de sa durée de présence en France, de la scolarisation de ses enfants et de la présence régulière de sa mère pour contester l'interdiction de territoire de deux ans qui a été prononcée contre elle, il ne résulte pas de ce qui a été dit au point 2, au regard notamment du comportement de l'intéressée et de sa soustraction à l'exécution de plusieurs mesures d'éloignement, que cette décision serait entachée d'une erreur d'appréciation.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté en litige. Il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande présentée par Mme A... C... devant le tribunal ainsi que ses conclusions présentées en appel et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2200218 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A... C... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de Mme A... C... présentées devant la Cour et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- M. Perroy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 février 2023.
Le rapporteur,
G. B...
La présidente,
H. VINOT
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA0211702