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17/02/2023 | FRANCE | N°21PA05731

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 17 février 2023, 21PA05731


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun l'annulation de l'arrêté du 17 décembre 2020 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et l'a interdit de retour sur le territoire pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2010490 du 7 octobre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant

la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 novembre 2021, M. B..., représenté par Me Boudjel...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun l'annulation de l'arrêté du 17 décembre 2020 par lequel le préfet de Seine-et-Marne l'a obligé à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et l'a interdit de retour sur le territoire pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2010490 du 7 octobre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 novembre 2021, M. B..., représenté par Me Boudjellal, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2010490 du 7 octobre 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 décembre 2020 du préfet de Seine-et-Marne ;

3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou, à tout le moins, de procéder au réexamen de sa situation, et de lui restituer son passeport ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions attaquées sont entachées d'un défaut de motivation ;

- elles méconnaissent le droit d'être entendu ;

- elles sont entachées d'une erreur de droit dès lors qu'elles sont dépourvues de base légale puisqu'il ne rentre dans aucune des huit occurrences du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et d'une erreur de fait dès lors que la menace à l'ordre public n'est pas caractérisée ;

- elles méconnaissent l'article 6-2 de l'accord franco-algérien dès lors qu'il doit bénéficier de plein droit d'un certificat de résidence ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les observations de Me Boudjellal, pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né le 3 mars 1975 à Alger (Algérie), entré en France le 30 novembre 2020 sous couvert d'un visa de long séjour, a été interpellé le 16 décembre 2020 pour trafic de stupéfiant et menace à l'ordre public. Par un arrêté du 17 décembre 2020, le préfet de Seine-et-Marne a obligé M. B... à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office et lui a interdit de revenir sur le territoire pour une durée d'un an. M. B... relève appel du jugement du 7 octobre 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent [...] ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation [...] doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, [...] lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / [...] 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; / [...] La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° [...] du présent 1 [...] ".

3. L'arrêté du 17 décembre 2020 vise notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier l'article L. 511-1 sur le fondement duquel l'obligation de quitter le territoire français a été prise, ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier son article 8. En outre, l'arrêté mentionne que le comportement de M. B... constitue une menace à l'ordre public, et fait état de sa situation familiale. Par suite, il est suffisamment motivé, l'erreur commise quant à la nationalité de son épouse étant sans incidence à cet égard. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Aux termes de l'article 51 de la Charte : " 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union (...) ".

5. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ni sur chacune des décisions qui l'assortissent dès lors qu'il a pu être entendu sur la perspective de l'éloignement.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été entendu à plusieurs reprises par les services de police tout au long des procédures dont il fait l'objet et notamment lors de l'audition du 16 décembre 2020 à 13 heures 35, puis à 13 heures 51, et celle du 17 décembre 2020 à 13 heures 45, alors qu'il était encore placé en garde à vue. Il résulte du procès-verbal de cette audition, signé par lui sans réserve, qu'il a été entendu sur sa situation familiale, sa situation administrative et les perspectives de son éloignement. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ni qu'il ait été empêché de s'exprimer avant que ne soit pris l'arrêté litigieux. Si M. B... soutient qu'il n'a pas pu faire valoir la qualité de ressortissante française de son épouse, les procès-verbaux de ses auditions mentionnent bien cette qualité. Il n'est par ailleurs ni établi, ni même allégué, que M. B... aurait disposé d'autres informations pertinentes qui auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction de cette décision. Dès lors, M. B... ne saurait être regardé comme ayant été privé de son droit d'être entendu.

7. En troisième lieu, aux termes aux termes des dispositions alors codifiées au I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...)7° Si le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ".

8. Il résulte des dispositions alors codifiées au 7° de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et désormais reprises au 5° de l'article L. 611-1 de ce code, éclairées par les travaux préparatoire des lois du 16 juin 2011 et du 7 mars 2016 dont elles sont issues, que le législateur a entendu, en conformité avec la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, permettre à l'autorité administrative de prendre, sur ce fondement, une obligation de quitter le territoire français à l'encontre des étrangers qui résident en France, régulièrement, depuis moins de trois mois, si leur comportement constitue une menace à l'ordre public.

9. D'une part, la décision attaquée vise notamment le 2° et le 7° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si M. B... est entré sur le territoire muni d'un visa Schengen valable jusqu'au 13 mai 2021 de sorte qu'il ne s'est pas maintenu sur le territoire au-delà de la validité de son visa et qu'il était donc en situation régulière à la date à laquelle la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français a été prise, il n'est pas sérieusement contesté que le requérant a été auditionné par les services de police pour un comportement contraire à l'ordre public consistant en un trafic de stupéfiant. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

10. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que lors d'une intervention des forces de police en vue de la recherche de stupéfiants, M. B... et son épouse ont été interpellés le 16 décembre 2020 dans un appartement situé au 2 allée E. Branly à Champs-sur-Marne alors que deux individus venaient de sauter du balcon tout en abandonnant une valise au pied de l'immeuble contenant une importante quantité de matière s'apparentant à de l'herbe et à de la résine de cannabis et qu'une somme de 1 000 euros en billets de 100 euros et 200 euros, a été trouvée au domicile de l'intéressé. Les explications données par M. B..., selon lesquelles il ne connaissait pas la provenance de la résine de cannabis découverte par les forces de police à son domicile et que la somme de 1 000 euros provenait de son commerce en Algérie qu'il avait fermé pour se rendre en France, n'apparaissent pas convaincantes. Eu égard à ces éléments, et alors même que M. B... n'aurait pas fait l'objet de poursuites judiciaires, le préfet de Seine-et-Marne n'a commis ni erreur de fait, ni erreur d'appréciation en considérant que le comportement de l'intéressé constituait une menace pour l'ordre public.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : / a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2) et au dernier alinéa de ce même article ; (...) ". Aux termes de l'article 6 de cet accord : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux ".

12. Les stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public ni, comme c'est le cas, en l'espèce, de l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions désormais reprises au 5° de l'article L. 611-1. Par suite, et alors au demeurant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait demandé un certificat de résidence sur le fondement des stipulations précitées, le moyen tiré d'une méconnaissance de ces stipulations ne peut qu'être écarté.

13. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

14. M. B... fait valoir qu'il est marié avec une ressortissante française. Toutefois, à la date des décisions attaquées, il était en France depuis moins de trois mois. Par ailleurs, les documents produits à l'instance ne permettent pas d'attester de la réalité de la vie commune avec son épouse, ressortissante française. Enfin, M. B... ne saurait être regardé comme dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 45 ans où il déclare avoir sa mère. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

15. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 14, le préfet de Seine-et-Marne n'a davantage pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B....

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Perroy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 février 2023.

La rapporteure,

C. C...La présidente,

H. VINOT

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA05731 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05731
Date de la décision : 17/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : BOUDJELLAL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-02-17;21pa05731 ?
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