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30/01/2023 | FRANCE | N°22PA01374

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 30 janvier 2023, 22PA01374


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 5 juin 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité territoriale du Val-de-Marne (UC 4 section 7) a autorisé la rupture d'un commun accord de son contrat de travail avec la société Crédit Foncier de France dans le cadre de son adhésion à un congé mobilité.

Par un jugement n° 1906966 du 21 janvier 2022, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 5 juin 2019 de l'inspectrice du travail et

a rejeté les conclusions de Mme A... et de la société Crédit Foncier de France pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 5 juin 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité territoriale du Val-de-Marne (UC 4 section 7) a autorisé la rupture d'un commun accord de son contrat de travail avec la société Crédit Foncier de France dans le cadre de son adhésion à un congé mobilité.

Par un jugement n° 1906966 du 21 janvier 2022, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 5 juin 2019 de l'inspectrice du travail et a rejeté les conclusions de Mme A... et de la société Crédit Foncier de France présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 mars 2022, la société Crédit Foncier de France, représentée par Mes Martins et Jammet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1906966 du 21 janvier 2022 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le Tribunal administratif de Melun ;

3°) de rejeter le surplus des conclusions de Mme A... ;

4°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'inspectrice du travail de l'unité territoriale du Val-de-Marne (UC 4 section 7) est territorialement compétente pour autoriser la rupture d'un commun accord des contrats de travail de ses salariés dès lors que ces derniers sont rattachés administrativement à l'établissement de Charenton-le-Pont, qui est le seul établissement de la société à disposer d'une autonomie de gestion, le lieu où siège le comité d'entreprise et le siège opérationnel de la société, lequel exerce les prérogatives en matière de gestion du personnel pour l'ensemble des salariés alors que le siège social situé à Paris n'emploie aucun salarié ;

- en tout état de cause, la méconnaissance des règles de compétence territoriale n'est pas de nature à priver la salariée d'une garantie puisque la décision d'autorisation est prise dans tous les cas par l'inspection du travail, autorité compétente en vertu de la loi pour se prononcer en matière de rupture d'un commun accord du contrat de travail, sans que la localisation de ses agents ne puisse être considérée comme déterminante ;

- il ressort des dispositions du code du travail, notamment de ses articles L. 1237-17 et L. 1237-18-4, que la rupture d'un commun accord du contrat de travail dans le cadre d'un congé de mobilité, décidée par la salariée en toute connaissance de cause, ne peut s'analyser en un licenciement pour motif économique et est exclusive des modalités applicables en cas de licenciement pour motif économique ;

- la décision de l'inspectrice du travail est suffisamment motivée ;

- la salariée ne peut utilement contester le motif économique de la rupture de son contrat de travail dès lors que l'adhésion au congé de mobilité exclut la possibilité de contester un tel motif, l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ayant dissocié le congé de mobilité du licenciement économique et le congé de mobilité constituant l'application de l'accord collectif majoritaire spécifique de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC) ;

- la salariée ayant volontairement adhéré au dispositif de congé de mobilité prévu à l'accord de GPEC, l'inspectrice du travail n'est pas tenue de contrôler le sérieux des offres de reclassement proposées par l'employeur ;

- elle n'apporte aucune précision quant à un éventuel lien entre la demande d'autorisation adressée à l'inspectrice du travail et ses mandats.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 juin 2022, Mme A..., représentée par Me Rilov, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;

- la décision de l'inspectrice du travail est insuffisamment motivée ;

- la convention de rupture d'un commun accord du contrat de travail comprend, en son article 10, une clause de renonciation à tout recours en vue de contester les conditions de la rupture du contrat de travail ; cette clause étant réputée non écrite et nulle, la contestation portant sur le motif de la rupture du contrat de travail est recevable ;

- la rupture de son contrat de travail doit s'analyser comme un licenciement pour motif économique ; la signature de l'accord de GPEC et de l'accord majoritaire relatif au plan de sauvegarde de l'emploi le même jour démontre l'instrumentalisation de l'outil de gestion prévisionnelle des emplois ; l'accord de GPEC étant négocié dans le cadre d'une procédure de licenciement pour motif économique, l'ensemble des ruptures de contrat de travail des salariés, qu'elles prennent la forme d'une rupture d'un commun accord ou d'un licenciement, relève de la procédure de licenciement pour motif économique ;

- l'inspectrice du travail ne pouvait autoriser la rupture de son contrat de travail sans contrôler l'existence d'un motif économique réel et sérieux et le respect par l'employeur de l'obligation de reclassement ;

- il est de jurisprudence constante que le salarié ayant adhéré à une mesure de congé de mobilité prévue par un accord de GPEC peut contester le motif économique de la rupture de son contrat de travail ;

- aucun motif économique réel et sérieux ne justifie la rupture de son contrat de travail ; l'administration a ainsi commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en accordant l'autorisation sollicitée ;

- la société Crédit Foncier de France n'a pas respecté son obligation de reclassement ; elle n'établit pas avoir adressé des lettres spécifiques à chacune des sociétés du groupe BPCE dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation aurait permis d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; les offres de reclassement sont insuffisantes ; par suite, la décision contestée est entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation ;

- dans le contexte de l'accord de GPEC et de l'accord majoritaire relatif au plan de sauvegarde de l'emploi, sa liberté de choix en faveur de la rupture d'un commun accord de son contrat de travail est relative ;

- la demande d'autorisation adressée à l'inspecteur du travail n'est pas dénuée de lien avec son mandat.

La requête a été communiquée au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 ;

- l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ;

- l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;

- l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Martins, représentant la société Crédit Foncier de France, et de Me Rilov, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., employée par la société Crédit Foncier de France depuis le 9 juin 1992, exerçait en dernier lieu les fonctions de directrice d'agence à Angers. Elle détenait le mandat de représentante syndicale auprès du comité d'entreprise de la société Crédit Foncier de France qui n'avait mis en place aucune des institutions représentatives du personnel créées par l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales. Le 11 juillet 2018, un projet d'intégration des activités et de redéploiement des savoir-faire et des expertises de la société Crédit Foncier de France dans les entités du groupe Banque Populaire-Caisse d'Epargne (BPCE) auquel elle appartient a été présenté lors d'une réunion extraordinaire du comité d'entreprise. Dans ce cadre, un accord collectif majoritaire spécifique de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC) a été conclu le 26 octobre 2018 et déposé le 12 novembre 2018 auprès des services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile-de-France. Cet accord prévoyait notamment, en cas de refus par le salarié concerné par une suppression de poste de la proposition de repositionnement dans une entité du groupe BPCE, un dispositif de congé de mobilité auquel le salarié pouvait adhérer en cas de départ volontaire anticipé souhaité. Le 25 mars 2019, Mme A... a signé une convention de rupture d'un commun accord de son contrat de travail dans le cadre de l'adhésion à un congé de mobilité. Le 8 avril 2019, la société Crédit Foncier de France a adressé à l'inspection du travail du Val-de-Marne une demande d'autorisation de rupture d'un commun accord du contrat de travail de Mme A... dans le cadre de son adhésion à un congé mobilité. Par une décision du 5 juin 2019, l'inspectrice du travail de l'unité territoriale du Val-de-Marne (UC 4 section 7) a accordé l'autorisation sollicitée. Par un jugement du 21 janvier 2022, dont la société Crédit Foncier de France relève appel, le Tribunal administratif de Melun a annulé cette décision au motif qu'elle a été prise par une autorité territorialement incompétente.

Sur le cadre juridique :

En ce qui concerne la rupture d'un commun accord d'un contrat de travail dans le cadre de l'adhésion à un congé de mobilité :

2. L'article L. 1237-17 du code du travail, créé par l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, dispose : " Un accord collectif portant gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ou rupture conventionnelle collective peut définir les conditions et modalités de la rupture d'un commun accord du contrat de travail qui lie l'employeur et le salarié. / Ces ruptures, exclusives du licenciement ou de la démission, ne peuvent être imposées par l'une ou l'autre des parties. Elles sont soumises aux dispositions de la présente section ". Aux termes de l'article L. 1237-18 du même code : " Un congé de mobilité peut être proposé par l'employeur soit dans le cadre d'un accord portant rupture conventionnelle collective conclu dans les conditions prévues aux articles L. 1237-19 à L. 1237-19-8, soit dans les entreprises ayant conclu un accord collectif portant sur la gestion des emplois et des compétences. Le congé de mobilité a pour objet de favoriser le retour à un emploi stable par des mesures d'accompagnement, des actions de formation et des périodes de travail ".

3. Aux termes de l'article L. 1237-18-4 du code du travail, créé par l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 : " L'acceptation par le salarié de la proposition de congé de mobilité emporte rupture du contrat de travail d'un commun accord des parties à l'issue du congé. / Les salariés bénéficiant d'une protection mentionnée au chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la deuxième partie peuvent bénéficier du congé de mobilité. Par dérogation au premier alinéa du présent article, la rupture amiable dans le cadre du congé de mobilité est soumise à l'autorisation de l'inspecteur du travail dans les conditions prévues au chapitre Ier du titre II du livre IV de la deuxième partie. Dans ce cas la rupture du contrat de travail ne peut intervenir que le lendemain du jour de l'autorisation. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation de rupture amiable du contrat de travail d'un salarié protégé, dans le cadre de l'adhésion à un congé mobilité, est soumise à l'inspecteur du travail, dans les conditions prévues à l'article L. 2421-3 du code du travail, en cas de licenciement des salariés protégés.

En ce qui concerne les dispositions applicables aux salariés titulaires d'un mandat de représentation du personnel ou s'étant portés candidats à de tels mandats :

5. Aux termes de l'article 11 de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales : " Les dispositions des 2°, 3°, 4°, 7° et 8° de l'article L. 2411-1, des articles L. 2411-2, L. 2411-5 à L. 2411-10, L. 2411-13, L. 2411-14, des 2°, 3°, 4°, 7° et 8° de l'article L. 2412-1, des articles L. 2412-3, L. 2412-4, L. 2412-7, L. 2412-8, des 2°, 3°, 4°, 7° et 8° de l'article L. 2413-1, des 2°, 3°, 4°, 7° et 8° de l'article L. 2414-1, de l'article L. 2421-3 et du 4° de l'article L. 2421-4, dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance, relatives à la protection des salariés détenant ou ayant détenu des mandats de représentation du personnel, ainsi qu'aux salariés s'étant portés candidats à de tels mandats, restent applicables lorsqu'ont été mises en place, au plus tard le 31 décembre 2017, une ou plusieurs des institutions représentatives du personnel concernées par les dispositions précitées. (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions que les dispositions des articles L. 2411-5, L. 2411-8, L. 2411-13 et L. 2421-3 du code du travail dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 continuent à s'appliquer aux salariés titulaires uniquement d'un mandat amené à disparaître, tels que les délégués du personnel, les membres du comité d'entreprise et les membres du CHSCT.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

7. Aux termes de l'article L. 2411-85 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 : " Le licenciement d'un membre élu du comité d'entreprise, titulaire ou suppléant, ou d'un représentant syndical au comité d'entreprise, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail (...) ".

8. L'article L. 2421-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 visant à compléter et mettre en cohérence les dispositions prises en application de la loi du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, prévoit que : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel ou d'un membre élu du comité d'entreprise titulaire ou suppléant, d'un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement. / (...) / La demande d'autorisation de licenciement est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement dans lequel le salarié est employé (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'inspecteur du travail compétent pour se prononcer sur une demande d'autorisation de licencier un salarié protégé est celui dans le ressort duquel se trouve l'établissement disposant d'une autonomie de gestion suffisante où le salarié est affecté ou rattaché. A défaut, l'inspecteur du travail compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le siège social de l'entreprise qui emploie le salarié protégé ou son siège réel si aucun pouvoir décisionnel ne s'exerce au siège social.

9. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle la société Crédit Foncier de France a saisi l'inspection du travail des demandes d'autorisation de rupture d'un commun accord du contrat de travail dans le cadre de leur adhésion à un congé mobilité des salariés de l'entreprise titulaires d'un mandat de représentation du personnel, celle-ci exerçait des activités de financement et de services dans le secteur de l'immobilier au travers d'agences commerciales et de directions commerciales territoriales implantées sur l'ensemble du territoire français ne disposant pas d'autonomie de gestion, ni de prérogatives en matière de gestion du personnel. L'ensemble des salariés de la société Crédit Foncier de France était rattaché au siège opérationnel de l'entreprise situé à Charenton-le-Pont (Val-de-Marne), où étaient installées la direction générale et les directions des trois pôles d'activité de la société et où siégeait le comité d'entreprise unique de la société. Ce siège est le seul dans lequel étaient situées les directions de la société, le siège social situé à Paris ne comptant aucun salarié. Ainsi l'administration de la société Crédit Foncier de France était centralisée dans le Val-de-Marne où se trouvait le lieu de son siège réel. Il suit de là que l'inspecteur du travail compétent est celui de l'unité territoriale du Val-de-Marne de la DIRECCTE d'Ile-de-France saisi de la demande d'autorisation de rupture d'un commun accord du contrat de travail de l'intéressée dans le cadre de son adhésion à un congé mobilité. Dans ces conditions, la société Crédit Foncier de France est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a annulé la décision du 5 juin 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité territoriale du Val-de-Marne (UC 4 section 7) a autorisé la rupture d'un commun accord du contrat de travail de Mme A... avec la société Crédit Foncier de France dans le cadre de son adhésion à un congé mobilité.

10. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le Tribunal administratif de Melun et la Cour.

Sur les autres moyens soulevés par Mme A... :

11. L'article L. 1233-3 du code du travail dispose : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : 1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. (...). / 2° A des mutations technologiques ; / 3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; / 4° A la cessation d'activité de l'entreprise. (...). / Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées au présent article, à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d'un commun accord dans le cadre d'un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants ". Aux termes de l'article L 1233-4 du même code : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel. (...) ".

12. Il résulte de l'article L. 1233-3, cité au point précédent, et de l'article L. 1237-17, cité au point 2, dans leur version applicable au litige, que les dispositions du code du travail relatives au licenciement pour motif économique ne s'appliquent pas au régime spécifique de l'acceptation de la rupture d'un commun accord du contrat de travail résultant de l'adhésion du salarié au congé mobilité prévue par l'article L. 1237-18-4 du code du travail. Il s'ensuit qu'il n'appartient pas à l'administration, saisie par l'employeur d'une demande d'autorisation de rupture d'un commun accord du contrat de travail du salarié, de contrôler l'éventuel motif économique de cette rupture et les efforts de reclassement de l'employeur au titre des dispositions du code du travail relatives au licenciement pour motif économique. Il ne ressort pas d'autres dispositions de ce code qu'un tel contrôle incombe à l'administration saisie d'une demande d'autorisation de rupture d'un commun accord du contrat du travail s'inscrivant dans un contexte de difficultés économiques rencontrées par l'entreprise. En revanche, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si le salarié a librement consenti à cette rupture. L'autorité administrative ne peut légalement faire droit à une telle demande d'autorisation que si cette exigence est remplie.

13. Il résulte du point précédent, d'une part, que l'inspectrice du travail n'avait pas à viser les articles L. 1233-2, L. 1233-4, L. 1233-5 du code du travail, ni en tout état de cause l'article L. 1233-4-1 du même code abrogé par l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, applicables aux seuls cas de licenciement pour motif économique d'un salarié ou de licenciement collectif pour motif économique et, d'autre part, qu'il ne lui appartenait de contrôler ni le motif économique pouvant être à l'origine de l'adhésion du salarié au dispositif du congé mobilité et, par voie de conséquence, de la rupture d'un commun accord du contrat du travail, ni le respect de l'obligation de reclassement du salarié à laquelle est tenu l'employeur en cas de licenciement pour motif économique. Dès lors, le moyen tiré de ce que faute de mentionner ces éléments de droit et de fait, la décision de l'inspectrice du travail serait insuffisamment motivée doit être écarté.

14. Il résulte également du point 12 que la rupture d'un commun accord du contrat du travail dans le cadre de l'adhésion à un congé de mobilité ne peut être regardée comme un licenciement pour motif économique quand bien même elle est intervenue dans un contexte de difficultés économiques pour la société Crédit Foncier de France et l'accord collectif majoritaire spécifique de GPEC a été conclu le même jour que le plan de sauvegarde de l'emploi. Par suite, Mme A... ne peut utilement soutenir, d'une part, que l'inspectrice du travail aurait dû contrôler le motif économique de la rupture d'un commun accord du contrat de travail ainsi que le respect par la société de l'obligation de reclassement à laquelle est tenu l'employeur en cas de licenciement pour motif économique et, d'autre part, qu'aucun motif économique réel et sérieux ne justifie la rupture de son contrat de travail et que la société n'a pas respecté son obligation de reclassement. La circonstance que l'article 10 de la convention de rupture d'un commun accord du contrat de travail de Mme A... stipule notamment que " le salarié déclare expressément (...) n'avoir aucune contestation à soulever tant sur la régularité que sur le bien-fondé de la rupture de son contrat de travail, intervenue d'un commun accord " est sans incidence sur l'appréciation portée ci-dessus.

15. Mme A... fait valoir que sa liberté de choix en faveur de la rupture d'un commun accord de son contrat de travail était relative du fait de la suppression des postes prévue par le projet d'intégration des activités et de redéploiement des savoir-faire et des expertises de la société Crédit Foncier de France dans les entités du groupe BPCE et du fait du plan de sauvegarde de l'emploi conclu le même jour que l'accord collectif majoritaire spécifique de GPEC. Cette circonstance n'est cependant par elle-même de nature à établir ni que l'intéressée n'aurait pas librement consenti à la rupture d'un commun accord de son contrat de travail, ni que son consentement aurait été vicié.

16. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait un lien entre la demande d'autorisation de rupture d'un commun accord du contrat de travail de Mme A... et l'exercice de ses mandats. Par suite, le moyen tiré d'un lien entre cette demande d'autorisation et l'exercice des mandats de l'intéressée doit être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la société Crédit Foncier de France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 5 juin 2019 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité territoriale du Val-de-Marne (UC 4 section 7) a autorisé la rupture d'un commun accord du contrat de travail de Mme A... avec la société Crédit Foncier de France dans le cadre de son adhésion à un congé mobilité. Dès lors, il y lieu d'annuler le jugement du 21 janvier 2022 du Tribunal administratif de Melun et de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal.

Sur les frais liés à l'instance :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A... demande au titre des frais liés à l'instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... la somme que demande la société Crédit Foncier de France au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1906966 du 21 janvier 2022 du Tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La demande de Mme A... présentée devant le Tribunal administratif de Melun et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la société Crédit Foncier de France présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Crédit Foncier de France, à Mme B... A... et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2023.

La rapporteure,

V. C... Le président,

R. LE GOFF

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA01374 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01374
Date de la décision : 30/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : ACTANCE CABINET D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-01-30;22pa01374 ?
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