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27/01/2023 | FRANCE | N°22PA02151

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 27 janvier 2023, 22PA02151


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 20 avril 2021 par lequel la préfète du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 2104371 du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

I - Pa

r une requête, enregistrée le 10 mai 2022 sous le numéro 22PA02151, M. A..., représenté par Me Thiss...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 20 avril 2021 par lequel la préfète du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 2104371 du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête, enregistrée le 10 mai 2022 sous le numéro 22PA02151, M. A..., représenté par Me Thisse, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement n° 2104371 du 8 avril 2022 du tribunal administratif de Melun, ensemble l'arrêté de la préfète du Val-de-Marne du 20 avril 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de résident ou un titre de séjour " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois en lui délivrant, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français a été adoptée en méconnaissance de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le tribunal n'était pas compétent pour statuer sur la recevabilité de son recours, qui est toujours pendant, devant la Cour nationale du droit d'asile ;

- elle méconnaît également les 3° et 4° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision du 5 février 2021 de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) n'ayant pas eu pour effet d'abroger la carte de résident qui lui a été délivrée le 7 avril 2020 ;

- elle méconnaît encore l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- son droit à être préalablement entendu, garanti par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, n'a pas été respecté, la préfète ne l'ayant pas informé qu'il était susceptible de prendre à son encontre une mesure d'éloignement ;

- la décision fixant le pays de retour est illégale en conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

- il justifiait, contrairement à ce qu'a estimé l'OFPRA, d'un motif impérieux de retourner au Viêt-Nam du 7 mai au 18 juin 2019, et la décision attaquée méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une décision du 24 juin 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a accordé à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

II - Par une requête, enregistrée le 10 mai 2022 sous le numéro 22PA02152, M. A..., représenté par Me Thisse, demande à la Cour de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2104371 du 8 avril 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois et ce jusqu'à ce que la Cour ait statué sur sa requête au fond et à ce que l'Etat verse à son conseil une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-17 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies.

Cette requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une décision du 24 juin 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a accordé à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

-la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les observations de Me Henni substituant Me Thisse pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant vietnamien né le 15 novembre 1959, est entré en France au cours de l'année 1989 et y a obtenu la qualité de réfugié le 27 mars 1990. Le directeur général de l'OFPRA a toutefois, le 5 février 2021, mis fin à son statut en application du 1er alinéa de l'article L. 711-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que l'intéressé avait effectué un voyage au Viêt-Nam du 7 mai au 18 juin 2019 muni d'un certificat d'exemption de visa délivré par les autorités vietnamiennes. Au vu de la perte de sa qualité de réfugié, la préfète du Val-de-Marne a, par un arrêté du 20 avril 2021 pris en application du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors applicable, fait obligation à M. A... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné. Par les requêtes enregistrées sous le n° 22PA02151 et le n° 22PA02152, M. A... demande respectivement l'annulation et le sursis à exécution du jugement du 8 avril 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète du Val-de-Marne en date du 20 avril 2021.

Sur la jonction :

2. Les requêtes enregistrées sous les nos 22PA02151 et 22PA02152 concernant le même jugement du tribunal administratif de Melun, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la demande tendant à l'octroi de l'aide juridictionnelle provisoire :

3. Par deux décisions du 24 juin 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. En conséquence, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les conclusions tendant à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Sur la requête enregistrée sous le n° 22PA02151 :

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France au cours de l'année 1989 et qu'il y a obtenu la qualité de réfugié le 27 mars 1990. Il en ressort également que, sous couvert des cartes de résident qui lui ont été délivrées depuis lors, l'intéressé justifie avoir mené une partie de sa carrière professionnelle sur le territoire national, avoir construit une cellule familiale qui se compose de son épouse, titulaire d'une carte de résident comme réfugiée à la date de la décision attaquée, et de quatre enfants dont deux ont acquis la nationalité française. Au vu de l'ancienneté et de l'intensité toute particulière de ses liens en France, où M. A... a vécu régulièrement plus de trente ans, l'obligation de quitter le territoire prise par la préfète du Val-de-Marne au seul motif que le directeur général de l'OFPRA a mis fin, dans les conditions relatées au point 1, à sa qualité de réfugié par décision du 5 février 2021, porte au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des objectifs que poursuit cette décision. Le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement a été adoptée en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit ainsi être accueilli.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement du 8 avril 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun, ensemble celle de l'arrêté de la préfète du Val-de-Marne du 20 avril 2021.

7. Le motif d'annulation retenu par le présent arrêt implique que la préfète du Val-de-Marne réexamine, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt, la possibilité de délivrer à M. A... une carte de résident et, si la situation de M. A... ne permettait pas la délivrance d'une carte de résident, de lui délivrer, en toute hypothèse, un titre de séjour " vie privée et familiale " à l'issue de ce délai. Dans l'intervalle, M. A... se verra délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Sur la requête enregistrée sous le n° 22PA02152 :

8. La Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête de M. A... tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement au prononcé d'une injonction sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me Thisse, avocat de M. A..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de M. A... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 22PA02152 de M. A... tendant au sursis à l'exécution du jugement n° 2104371 du 8 avril 2022 du tribunal administratif de Melun.

Article 3 : Le jugement n° 2104371 du 8 avril 2022 du magistrat désigné par le tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 4 : L'arrêté de la préfète du Val-de-Marne du 20 avril 2021 est annulé.

Article 5 : Il est enjoint à la préfète du Val-de-Marne de réexaminer, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, la possibilité de délivrer à M. A... une carte de résident et, si la situation de M. A... ne permettait pas la délivrance d'une carte de résident, de lui délivrer, en toute hypothèse, un titre de séjour " vie privée et familiale " à l'issue de ce délai. Dans l'intervalle, il délivrera à M. A... une autorisation provisoire de séjour.

Article 6 : L'Etat versera, en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, une somme de 1 500 euros à Me Thisse, avocat de M. A..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- M. Aggiouri, premier conseiller,

- M. Perroy, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 janvier 2023.

Le rapporteur,

G. B...

La présidente,

H. VINOTLa greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Nos 22PA02151, 22PA0215202


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02151
Date de la décision : 27/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Gilles PERROY
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : THISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-01-27;22pa02151 ?
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