Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en désignant le pays à destination duquel il pourra être reconduit et en lui interdisant le retour pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2110689 du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 mai 2022, M. B..., représenté par Me Kornman, demande à la Cour :
1°) d'annuler jugement n° 2110689 du 8 avril 2022 du tribunal administratif de Montreuil ensemble l'arrêté du 26 juillet 2021 ;
2°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation sous le même délai en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
3°) d'enjoindre au préfet de retirer, sous le même délai, son signalement dans le Système d'information Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de séjour :
- cette décision est entachée d'un défaut ou à tout le moins d'une insuffisance de motivation ;
- elle est également entachée d'un défaut d'examen sérieux et particulier de sa situation personnelle ;
- le préfet a commis une erreur de droit dans la computation de la durée de son installation habituelle en France ;
- la décision est entachée d'erreurs de fait en ce qui concerne sa situation professionnelle, s'agissant tant de la durée de son expérience professionnelle que de l'emploi pour lequel une demande d'autorisation de travail était présentée ;
- elle a été adoptée en méconnaissance de l'article L. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît également les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est à tout le moins entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre ;
- elle a été adoptée en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dans la prise en compte de ses années de résidence habituelle et continue en France ;
- la mesure d'éloignement dont le préfet soutient qu'elle n'a pas été exécutée, ne lui a pas été notifiée ;
- elle méconnaît les articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant égyptien né le 20 novembre 1988 à Dakahlia, a sollicité le 28 novembre 2019 son admission exceptionnelle au séjour. Par arrêté du 26 juillet 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté cette demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours en fixant le pays de destination et en lui interdisant le retour en France pour une durée de deux ans. Il relève appel du jugement n° 2110689 du 8 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il ressort de l'examen du refus de séjour attaqué, adopté au visa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet de la Seine-Saint-Denis y relève notamment que si M. B... déclare être entré en France le 20 octobre 2011, il ne justifie pas de la réalité de cette date, qu'il est célibataire et sans charge de famille cependant que ses parents demeurent toujours en Egypte et enfin, que les dix fiches de paye justifiant d'un emploi en qualité de peintre qu'il présente pour les années 2018 et 2019 ne suffisent pas à justifier d'une insertion professionnelle effective et suffisamment stable ni de perspective réelle d'embauche. Cette décision comporte ce faisant, quel qu'en soit le bien-fondé, les considérations de droit et de fait qui lui servent de fondement en sorte que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, la seule circonstance que le préfet aurait commis des erreurs de fait concernant l'emploi de M. B... et la durée de celui-ci ne suffit pas à caractériser, au regard de l'analyse à laquelle le préfet a procédé et qui est relatée au point précédent, un défaut d'examen particulier de la situation de M. B....
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".
5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. B... ne justifie pas être entré en France avant l'année 2012, alors qu'il était déjà âgé de vingt-trois ans, et qu'il est célibataire et sans charge familiale sur le territoire français cependant qu'il n'est pas dépourvu de toute attache en Egypte, où demeurent notamment ses parents. Il ne justifie ce faisant d'aucune circonstance humanitaire ou motif exceptionnel de nature à lui valoir la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions légales précitées. D'autre part, si l'appelant établit travailler depuis le mois de décembre 2018 comme peintre, et avoir été engagé par une société en février 2021 sous contrat à durée indéterminée, ni la durée ni la qualité de l'emploi exercé ne caractérisent, dans les circonstances de l'espèce, un motif exceptionnel de régularisation par le travail. S'il est vrai que le préfet a commis une erreur de droit en opposant à l'intéressé, pour la computation de la durée de sa résidence habituelle en France, l'inexécution d'une mesure d'éloignement prononcée en 2017, ainsi que des erreurs de fait concernant l'entreprise ayant formé une demande d'autorisation de travail et le nombre de bulletins de salaire produits par M. B..., de telles erreurs sont restées, au regard de ce qui a été précédemment dit, sans influence sur la légalité de la décision attaquée dès lors qu'il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il ne les avait pas commises. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'erreur de droit et de la commission d'erreurs de fait doivent être écartés.
6. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Ainsi que cela a été exposé au point 5, M. B... ne démontre pas avoir établi le centre de sa vie privée et familiale sur le territoire français, ni être dépourvu d'attaches familiales dans son pays. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée. Le moyen tiré de la méconnaissance des droits que le requérant tient du texte précité ne peut, par suite, qu'être écarté, étant précisé qu'il ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne constituent pas l'un des fondements de sa demande de titre.
8. En cinquième lieu, il ne résulte pas des circonstances de fait qui ont été exposées au point 5 que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait, en refusant à M. B... le séjour en France, commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus concernant le refus de titre de séjour que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre doit être écarté.
10. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés par les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 et 7 de l'arrêt.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
11. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles
L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
12. Pour faire interdiction à M. B... de revenir sur le territoire français pour une durée de deux ans, le préfet lui a opposé qu'entré en France en 2012, il n'y justifie pas d'attaches familiales et n'y travaille que depuis 2018 alors qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une obligation de quitter le territoire qui lui aurait été notifiée le 13 avril 2017. M. B... soutient toutefois qu'il ne s'est jamais vu notifier cette mesure d'éloignement et le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est abstenu de répondre à la demande qui lui a été faite le 2 novembre 2020 par la Cour de produire le justificatif de la notification d'une telle mesure. Dans ces conditions, la soustraction de M. B... à l'exécution d'une précédente obligation de quitter le territoire français n'est pas établie, une telle circonstance étant de nature à affecter le sens de la décision attaquée. Dans ces conditions et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigés contre l'interdiction de retour sur le territoire français, cette mesure doit être annulée.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans prononcée par le préfet de la Seine-Saint-Denis. Il n'est en revanche pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté le surplus de sa demande.
Sur le surplus des conclusions de la requête :
17. L'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions de M. B... tendant à obtenir de la Cour le prononcé d'une injonction ne peuvent qu'être rejetées.
18. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante au principal, la somme que M. B... lui réclame dur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : L'interdiction de retour pour une durée de deux ans portée par l'arrêté du 16 juillet 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis est annulée.
Article 2 : Le jugement n° 2110689 du tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 5 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- M. Aggiouri, premier conseiller,
- M. Perroy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 janvier 2023.
Le rapporteur,
G. C...
La présidente,
H. VINOT
La greffière,
A. MAIGNAN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA0214102