Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté en date du 20 juillet 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une période de deux ans.
Par un jugement du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'interdiction de retour sur le territoire français et rejeté le surplus de cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 8 avril 2022, Mme D..., représentée par Me Paulhac, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 2 décembre 2021, ensemble les décisions portées par l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 20 juillet 2020 et qui n'ont pas été annulées par le tribunal ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 15 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
- les premiers juges ont neutralisé l'erreur de droit du préfet en procédant à une substitution de motifs illégale en ce qu'elle n'a pas été sollicitée par l'administration et n'a ce faisant pas été soumise au contradictoire.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
- le refus de séjour est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'une erreur de droit en ce qui concerne l'appréciation de l'ancienneté de sa présence en France ;
- il a été adopté en méconnaissance des articles L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est à tout le moins entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de retour méconnaît les dispositions de l'article L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ensemble les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est également privée de base légale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une décision du 18 février 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a accordé à Mme D... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... D..., ressortissante de la république démocratique du Congo née le 20 septembre 1977, a sollicité le 10 juillet 2019 son admission exceptionnelle au séjour au titre de ses attaches personnelles sur le territoire français. Par décisions en date du 20 juillet 2020, dont la requérante demande l'annulation, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée, et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une période de deux ans. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 2 décembre 2021 en tant qu'il n'a pas annulé les décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de retour.
Sur la régularité du jugement :
2. Mme D... soutient que le jugement est irrégulier dès lors qu'en jugeant que l'erreur de droit commise par le préfet de la Seine-Saint-Denis s'agissant de la durée de sa présence en France, que cette autorité ne pouvait calculer à partir de la date d'exécution d'office d'une précédente mesure d'éloignement, n'avait pas eu d'influence sur le sens de la décision portant refus de séjour, le tribunal a procédé d'office à une substitution de motifs. Toutefois, et alors que le préfet avait par ailleurs estimé que n'était pas prouvée la durée de présence alléguée en France et que Mme D... ne justifiait ni de motifs exceptionnels ni de considérations humanitaires, motifs qui justifiaient à eux seuls le refus de régularisation, le tribunal s'est borné à écarter le moyen en ce que l'erreur de droit n'affectait qu'un motif surabondant de la décision attaquée.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le refus de séjour :
3. En premier lieu, la décision attaquée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté comme manquant en fait.
4. En deuxième lieu, si le préfet ne pouvait, sans erreur de droit, refuser de prendre en compte la durée de présence en France de Mme D... antérieure au délai d'exécution d'office de la mesure d'éloignement du 13 mai 2016 qui lui a été notifiée le 13 juin 2016, une telle erreur, qui n'affecte qu'un motif surabondant de la décision attaquée, est sans influence sur sa légalité.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... n'est entrée en France qu'au cours de l'année 2014, alors qu'elle était déjà âgée de trente-sept ans, et que si elle fait valoir la présence sur le territoire national de quatre enfants dont deux enfants mineurs, ces derniers ont été récemment scolarisés à la rentrée 2016, sans que soit établie l'impossibilité de poursuivre cette scolarité en République démocratique du Congo. S'il est par ailleurs justifié d'une communauté de vie avec M. A..., titulaire d'une carte de résident et père de ses deux enfants, depuis l'été 2016, la durée de cette communauté de vie, alors que les liens entre M. A... et ses enfants ne sont pas documentés, n'est pas telle qu'elle permette de regarder le centre des intérêts privés et familiaux de l'intéressée comme étant constitué en France, pays dans lequel elle ne justifie pas d'une forte intégration professionnelle en ayant exercé les métiers d'agent de service en 2019 et d'assistante ménagère en 2020. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis ne peut être regardé comme ayant méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, étant précisé que l'appelante ne peut en tout état de cause pas utilement exciper de la méconnaissance de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne constitue pas l'un des fondements de sa demande de titre.
7. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Il résulte de ce qui vient d'être dit que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que précédemment, de même que celui tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la mesure d'éloignement en conséquence de celle de la décision de refus de titre de séjour.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision de l'obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.
10. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui ne sont pas assortis des précisions nécessaires qui permettraient à la Cour d'en apprécier les mérites, doivent être écartés.
11. Il résulte de tout ce qui précède que D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 20 juillet 2020. Par suite, ses conclusions à fins d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 5 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- M. Aggiouri, premier conseiller,
- M. Perroy, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 janvier 2023.
Le rapporteur,
G. B...
La présidente,
H. VINOTLa greffière,
A. MAIGNAN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision
N° 22PA0162102