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24/01/2023 | FRANCE | N°21PA06578

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 24 janvier 2023, 21PA06578


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2021 par lequel le préfet de Seine-et-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par une ordonnance n° 2110317 du 18 novembre 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 décembre 2021, Mme C..., représentée

par Me Gonidec, demande à la Cour :

1°) de prononcer son admission provisoire à l'aide juridicti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2021 par lequel le préfet de Seine-et-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par une ordonnance n° 2110317 du 18 novembre 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 décembre 2021, Mme C..., représentée par Me Gonidec, demande à la Cour :

1°) de prononcer son admission provisoire à l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler l'ordonnance du magistrat désigné du tribunal administratif de Melun ;

3°) d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2021 du préfet de Seine-et-Marne ;

4°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité, la requête de première instance n'étant pas tardive dès lors que l'arrêté litigieux ne lui a été notifié que le 27 octobre 2021 ;

- les décisions l'obligeant à quitter le territoire français et fixant un délai de départ de trente jours sont insuffisamment motivées et entachées d'un défaut d'examen de sa situation ;

- elles ont été prises en méconnaissance du droit à être préalablement entendu consacré par les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par une décision du 18 mars 2022, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris a rejeté la demande formulée par Mme C....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Mme B... a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C..., ressortissante nigérienne née le 18 mai 1988, entrée en France le 4 avril 2018, a sollicité, le 27 avril 2018, son admission au séjour au titre de l'asile. Elle relève appel de l'ordonnance du 18 novembre 2021 par laquelle le magistrat désigné du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 18 octobre 2021, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de destination.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision du 18 mars 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a rejeté la demande de Mme C.... Par suite, ses conclusions tendant à bénéficier d'une admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

3. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français (...) ". Aux termes de l'article L. 614-5 du code : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 1°, 2° ou 4° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quinze jours suivant la notification de la décision. (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le pli recommandé contenant l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 18 octobre 2021 a été retiré par Mme C... au bureau de poste le 27 octobre suivant, ce qui n'est au demeurant pas contesté par le préfet qui n'a pas produit devant la Cour. Or, la requête de première instance de Mme C... a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Melun le 10 novembre 2021, soit dans le délai de quinze jours prescrit par les dispositions précitées de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, l'intéressée est fondée à soutenir que le magistrat désigné ne pouvait rejeter sa requête pour tardiveté, au motif que l'arrêté lui avait été notifié le 20 octobre 2021, cette date correspondant à la seule présentation du pli, contenant l'arrêté, à son domicile.

5. Il y a lieu en conséquence d'annuler cette ordonnance et de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Melun.

Sur la légalité de l'arrêté du 18 octobre 2021 :

6. En premier lieu, l'arrêté litigieux vise les textes dont il est fait application et expose les circonstances de fait propres à la situation personnelle de Mme C..., en particulier les éléments sur lesquels le préfet s'est fondé pour l'obliger à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et pour fixer le pays de renvoi. Dès lors, cet arrêté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de chacune des décisions attaquées et permet ainsi à la requérante d'en contester utilement le bien-fondé. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation et du défaut d'examen de la situation de Mme C..., ne peuvent qu'être écartés.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : a) le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) " Si les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne sont pas en elles-mêmes invocables par un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement telle qu'une obligation de quitter le territoire français, celui-ci peut néanmoins utilement faire valoir que le principe général du droit de l'Union européenne, relatif au respect des droits de la défense, imposait qu'il soit préalablement entendu et mis à même de présenter toute observation utile sur la mesure d'éloignement envisagée.

8. En l'espèce, Mme C... a pu présenter les observations qu'elle estimait utiles sur sa situation, dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile. Elle n'allègue pas avoir sollicité en vain un entretien auprès des services préfectoraux, ni même avoir été empêchée de présenter des observations ou des documents avant que ne soit prise la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté a été pris en méconnaissance du principe du contradictoire.

9. En troisième lieu, l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable à la date de la décision en litige, dispose : " (...) Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article

L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. "

10. Il ressort du relevé " TelemOfpra " que la décision de la Cour nationale du droit d'asile rejetant la requête de Mme C... a été lue en audience publique le

6 mai 2021. Dès lors, le préfet pouvait légalement prononcer dès cette date une mesure d'éloignement.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... n'est entrée en France que le 4 avril 2018, soit seulement trois ans et six mois avant l'édiction de l'arrêté en litige. Il n'est pas contesté que l'intéressée est célibataire, sans charge de famille et qu'elle a vécu jusqu'à l'âge de trente ans dans son pays d'origine. Dès lors, le préfet de Seine-et-Marne n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale en l'obligeant à quitter le territoire français et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme C....

13. En cinquième lieu, l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. "

14. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un délai de départ supérieur à trente jours serait nécessaire à Mme C... pour quitter le territoire français. Ainsi, et compte tenu de ce qui a été dit au point 12 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.

15. En sixième lieu, il découle de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

16. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

17. Mme C..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, fait état de craintes de mariage forcé en cas de retour dans son pays d'origine. Toutefois, elle n'apporte aucun élément permettant d'établir la réalité et l'actualité des risques allégués. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés.

18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne en date du 18 octobre 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme C... tendant à obtenir le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : L'ordonnance n° 2110317 du 18 novembre 2021 du magistrat désigné du tribunal administratif de Melun est annulée.

Article 3 : La demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Melun et le surplus des conclusions de sa requête d'appel, sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 3 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,

- Mme Gaëlle Dégardin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2023.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

I. LUBEN

Le greffier,

E. MOULINLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA06578 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA06578
Date de la décision : 24/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : GONIDEC

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-01-24;21pa06578 ?
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