Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Bouygues Telecom a demandé au tribunal administratif de Paris, à titre principal, d'annuler la décision du 13 avril 2018 par laquelle le chef du service national des enquêtes de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) lui a infligé une amende administrative d'un montant de 315 000 euros et a ordonné la publication de cette décision sur le site Internet de la DGCCRF ainsi que sur les pages de ses comptes Facebook et Twitter pendant une durée de deux mois, ensemble la décision du 14 août 2018 prise à la suite du recours gracieux du 14 juin 2018 qui fixe l'amende administrative à la somme de 300 000 euros et confirme les mesures de publicité précédemment ordonnées et, à titre subsidiaire, de réformer ces décisions.
Par un jugement n° 1818297 du 9 février 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 9 avril 2021, un mémoire complémentaire enregistré le 20 juin 2021 et un mémoire en réplique enregistré le 12 octobre 2021, la société Bouygues Telecom, représentée par Me Lapp, demande à la Cour :
1°) à titre principal :
- d'annuler le jugement du 9 février 2021 du tribunal administratif de Paris ;
- d'annuler les décisions du 13 avril 2018 et du 14 août 2018 ;
2°) à titre subsidiaire :
- de réformer ce jugement ;
- de réformer les décisions du 13 avril 2018 et du 14 août 2018 en réduisant le montant des sanctions qui lui ont été infligées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la minute du jugement n'étant pas signée, ce dernier est irrégulier ;
- la procédure suivie à son encontre est entachée d'illégalité en l'absence de séparation des fonctions d'instruction et de jugement entre le service national d'enquête et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), en méconnaissance des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la DGCCRF doit être regardée comme étant un tribunal et les sanctions qu'elle prononce sont de natures pénales, au sens de la jurisprudence de la cour européenne des droits de l'homme ; si le ministre de l'économie invoque la décision 2014-690 du Conseil constitutionnel rendue a priori sur la loi ayant accordé à la DGCCRF un pouvoir de sanction, elle ne tranche pas la question du droit pour une autorité administrative d'exercer un pouvoir, d'enquête, de sanction, d'ordonner des mesures de publicité de cette sanction, voire d'édicter une nouvelle norme ; l'avis du
21 décembre 2018 du Conseil d'Etat, ANAH, n'est pas transposable aux sanctions prononcées par la DGCCRF ; l'arrêt de la Cour administrative d'appel du 7 juillet 2020 ne tranche pas davantage cette question ;
- en considérant que l'article 3 de l'arrêté du 3 décembre 1987 et les avis du conseil national de la consommation (CNC), dont il n'est pourtant pas contesté qu'ils sont applicables, étaient inopérants, le tribunal a commis une erreur de droit ;
- l'arrêté du 3 décembre 1987 ne peut servir de fondement aux sanctions litigieuses dès lors qu'il est insuffisamment précis ;
- quand bien même elle serait applicable, la circulaire d'interprétation du 19 juillet 1988 est illégale en ce qu'elle va plus loin que l'arrêté du 3 décembre 1987 en introduisant l'idée que le prix total doit apparaître " d'emblée ", notion qui n'est pas visée par la DGCCRF dans son courrier du 11 août 2017 ; cette circulaire est le fondement des sanctions litigieuses ;
- l'article L 112-1 du code de la consommation est illégal dès lors qu'il ne pouvait renvoyer à un arrêté le soin de définir le délit ; la loi est entachée d'une incompétence négative dès lors que la définition d'un prix qui affecte la liberté de commerce et d'industrie, relève exclusivement du domaine de la loi ; les règles en cause sont également relatives aux obligations civiles et commerciales et affectent la liberté du commerce, domaine de la loi ;
- si le ministre se réfère dans son mémoire en défense à l'article 5 de la directive européenne 2011/83/UE ainsi qu'à l'article L. 111-1 du code de la consommation, ces textes ne constituent pas la base légale des sanctions prises par la DGCCRF ; en tout état de cause, la jurisprudence de la CJUE citée par le ministre n'interdit pas le fractionnement du prix d'un produit ;
- les décisions litigieuses contreviennent au principe de légalité des délits et des peines ; la DGCCRF a, sous couvert d'interprétation de la norme, créé un nouveau délit qui n'était ni intelligible ni prévisible, en violation de l'article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la DGCCRF a créé par son courrier du 11 août 2017 une nouvelle norme alors qu'elle n'en avait pas le pouvoir ;
- la pratique de Bouygues Telecom et sa communication sont conformes aux textes applicables ; les décisions sont entachées d'une erreur de fait ; le tribunal a inexactement décrit la pratique de Bouygues Telecom ; contrairement à ce qu'il a estimé, l'affichage du prix de la box n'était pas en petits caractères quand bien même il l'était dans une police inférieure au prix de l'abonnement ;
- les sanctions prononcées ne respectent pas les principes d'individualisation et de proportionnalité des peines ; le choix de retenir la peine maximum pour chaque manquement n'est pas justifié alors que la pratique litigieuse a été considérée comme légale pendant dix ans et que la société a modifié sa pratique dans le délai de six mois prescrit par le courrier de la DGCCRF du 11 août 2017 ; la sanction prononcée à l'encontre d'Orange est d'un montant identique alors que ses parts de marché sont quatre fois supérieures à celles de Bouygues Telecom et que ses pratiques ont duré treize années ;
- la DGCCRF ne pouvait procéder à un cumul des sanctions en multipliant une amende par un nombre de manquements constatés lors d'une même procédure de contrôle et correspondant à une pratique unique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 août 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de la consommation ;
- l'arrêté du 3 décembre 1987 relatif à l'information du consommateur sur les prix ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,
- et les observations de Me Frison-Roche et de Me Lapp, représentant la société Bouygues Télécom.
La société Bouygues Télécom a produit une note en délibéré enregistrée le 12 janvier 2023.
Considérant ce qui suit :
1. Par un courrier en date du 11 août 2017, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a rappelé aux fournisseurs d'accès internet leur obligation d'indiquer, dans le cadre de leurs offres d'abonnement internet ligne fixe, la somme totale que devra payer le consommateur et leur précisait qu'ils devaient mettre leur pratique en conformité avec cette obligation au plus tard au 1er février 2018. Le contrôle de la société Bouygues Télécom, mené par les agents de la DGCCRF le 2 février et le 9 février 2018 dans plusieurs boutiques et sur le site internet de la société ayant révélé que plusieurs supports présents en boutiques et sur les pages internet ne permettaient pas au consommateur de prendre connaissance d'emblée du prix total dont il devra s'acquitter pour un abonnement internet ligne fixe, un procès-verbal a été dressé le 22 février 2018 communiqué à la société Bouygues Télécom par un courrier en date du 26 février 2018 l'informant des sanctions envisagées. Par une décision du 13 avril 2018, le chef du service national des enquêtes de la DGCCRF a infligé à la société Bouygues Télécom une amende d'un montant total de 315 000 euros en raison de 21 manquements retenus et a ordonné la publication de cette décision sur le seul site Internet de la DGCCRF ainsi que sur les pages de ses comptes Facebook et Twitter pendant une durée de deux mois. A la suite du recours gracieux du 14 juin 2018 formé par la société, la sanction a été ramenée, par une décision du 14 août 2018, à la somme de 300 000 euros pour 20 manquements finalement retenus et les mesures de publicité précédemment ordonnées par la décision du 13 avril 2018 ont été confirmées. La société Bouygues Télécom relève appel du jugement du 9 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à demande l'annulation de ces décisions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué comporte la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative manque ainsi en fait.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
Sur la régularité de la procédure :
3. Aux termes de l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...)".
4. D'une part, si les poursuites engagées par la DGCCRF en vue d'infliger des sanctions à la société sur le fondement de l'article L. 131-5 du code de la consommation, sont des accusations en matière pénale, au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'en résulte pas que la procédure de sanction doive respecter les stipulations de cet article, dès lors, d'une part, que le directeur, compétent pour prendre les mesures de sanction, ne peut être regardé comme un tribunal au sens des stipulations de cet article, et, d'autre part, que la décision de sanction peut faire l'objet d'un recours de plein contentieux devant la juridiction administrative, devant laquelle la procédure est en tous points conforme aux exigences de l'article 6.
5. D'autre part, le principe d'impartialité, qui est un principe général du droit s'imposant à tous les organismes administratifs, n'impose pas qu'il soit procédé au sein de la DGCCRF, qui n'est pas une autorité administrative ou publique indépendante mais un service de l'Etat, et qui ne rend pas de décision suivant une procédure de type juridictionnel, à une séparation des fonctions de poursuite et de sanction.
6. Il en résulte que les moyens tirés de l'incompatibilité de la procédure de sanction suivie à l'encontre de la société appelante avec l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'atteinte portée par cette procédure au principe d'impartialité, ne peuvent qu'être écartés.
Sur la légalité des sanctions :
7. D'une part, aux termes de l'article L. 112-1 du code de la consommation : " Tout vendeur de produit ou tout prestataire de services informe le consommateur, par voie de marquage, d'étiquetage, d'affichage ou par tout autre procédé approprié, sur les prix et les conditions particulières de la vente et de l'exécution des services, selon des modalités fixées par arrêtés du ministre chargé de l'économie, après consultation du Conseil national de la consommation ". Aux termes de l'article L. 131-5 du même code : " Tout manquement aux dispositions de l'article L. 112-1 définissant les modalités d'information sur le prix et les conditions de vente ainsi qu'aux dispositions des arrêtés pris pour son application est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale.". D'autre part, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 3 décembre 1987 relatif à l'information du consommateur sur les prix : " Toute information sur les prix de produits ou de services doit faire apparaître, quel que soit le support utilisé, la somme totale toutes taxes comprises qui devra être effectivement payée par le consommateur, exprimée en euros. Toutefois, peuvent être ajoutés à la somme annoncée les frais ou rémunérations correspondant à des prestations supplémentaires exceptionnelles expressément réclamées par le consommateur et dont le coût a fait l'objet d'un accord préalable ". Enfin, l'article 3 de cet arrêté dispose que : " Lorsque le prix annoncé ne comprend pas un élément ou une prestation de services indispensables à l'emploi ou à la finalité du produit ou du service proposés, cette particularité doit être indiquée explicitement. ".
8. Il ressort des courriers du 11 août 2017 et du 26 février 2018 adressés à la société Bouygues Télécom et cités au point 1, que les sanctions litigieuses se fondent sur des manquements de cette société à l'article L. 112-1 du code de la consommation pour non-respect des modalités prescrites par l'article 1er de l'arrêté du 3 décembre 1997 relatif à l'information du consommateur sur les prix.
9. La société Bouygues Télécom soutient, en premier lieu, que l'article L. 112-1 précité du code de la consommation est entaché d'une incompétence négative dès lors qu'il ne pouvait renvoyer à un arrêté la définition d'un prix, qui affecte la liberté du commerce et de l'industrie et met en jeu des règles relatives aux obligations civiles et commerciales relevant exclusivement du domaine de la loi. Toutefois, il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la conformité de la loi à la Constitution et la société appelante n'assortit pas ce moyen d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution. En tout état de cause, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a jugé, dans sa décision n° 398822 du 3 mars 2017, que dès lors que le législateur a prévu une obligation d'information des consommateurs à la charge des vendeurs de produit ou des prestataires de services sur les prix et les conditions particulières de la vente et de l'exécution des services, il pouvait, sans méconnaître l'étendue de sa compétence, renvoyer au ministre chargé de l'économie le soin de fixer les modalités particulières de cette information et il a rejeté la demande de renvoi au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions précitées de l'article L. 112-1 du code de la consommation. Ce moyen doit être écarté.
10. La société Bouygues Télécom soutient, en deuxième lieu, que l'arrêté du
3 décembre 1987 relatif à l'information du consommateur sur les prix ne peut servir de fondement aux sanctions litigieuses dès lors qu'il est insuffisamment précis. Toutefois, ce moyen n'est pas assorti des précisions permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé. En tout état de cause, il résulte des dispositions précitées qu'elles sont parfaitement intelligibles. Ce moyen ne peut qu'être écarté.
11. La société Bouygues Télécom soutient, en troisième lieu, qu'en introduisant l'idée que le prix total du service doit apparaître " d'emblée ", notion qui n'est pas visée dans son courrier du 11 août 2017, la DGCCRF a fait application de la circulaire du 19 juillet 1988 portant application des dispositions de l'arrêté du 3 décembre 1987 relatif à l'information du consommateur sur les prix, qui est illégale en ce qu'elle excède les obligations découlant de l'arrêté du 3 décembre 1987 et qu'elle a en conséquence créé une nouvelle norme alors qu'elle n'en avait pas le pouvoir. Toutefois, il ne résulte ni du courrier du 11 août 2017 ni de la lettre du 26 février 2018 adressés à la société Bouygues Télécom que la DGCCRF aurait fondé les sanctions envisagées sur ladite circulaire. En outre, en indiquant dans la lettre du
26 février 2018 que 23 supports commerciaux de la société Bouygues Télécom ne permettaient pas au consommateur de prendre connaissance " d'emblée " du prix dont il devrait réellement s'acquitter pour un abonnement Internet ligne fixe, l'administration n'a nullement créé une nouvelle norme mais s'est bornée à expliciter la notion de transparence et d'intelligibilité des prix posées par les articles 1er et 3 précités de l'arrêté du 3 décembre 1987. Le moyen ne peut qu'être écarté.
12. La société Bouygues Télécom soutient, en quatrième lieu, que les décisions litigieuses contreviennent au principe de légalité des délits et des peines, la DGCCRF ayant, sous couvert d'interprétation de la norme, créé un nouveau délit qui n'était ni intelligible ni prévisible, en violation de l'article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes duquel : " Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. De même il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. ".
13. Toutefois, par courrier du 11 août 2017, la DGCCRF a adressé à la société Bouygues Télécom une lettre lui rappelant les dispositions en matière d'information du consommateur sur les prix, et plus particulièrement l'article 1er de l'arrêté du 3 décembre 1987, et l'invitant à mettre ses informations tarifaires en conformité avec ces dispositions au plus tard le 1er février 2018, date à partir de laquelle des contrôles pourraient être réalisés et des sanctions pourraient être appliquées. Dans ces conditions, la société Bouygues Télécom n'est pas fondée à soutenir qu'en la sanctionnant pour non-respect de l'article 1er de l'arrêté du 3 décembre 1987, la DGCCRF aurait appliqué une règle qui n'était ni prévisible ni intelligible en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du principe de légalité des délits et des peines prévu par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et des citoyens. Ce moyen doit être écarté.
Sur le bien-fondé des sanctions :
14. La société Bouygues Télécom soutient, en premier lieu, que sa pratique et sa communication sont conformes aux textes applicables, soit à l'article 3 de l'arrêté du
3 décembre 1987 et aux avis du conseil national de la consommation (CNC), et que les décisions litigieuses sont en conséquence entachées d'une erreur de fait. Toutefois, il résulte de l'instruction, en particulier des photographies des bannières internet et des affiches de la société Bouygues Télécom reproduites dans ses écritures, que le prix de l'abonnement internet ligne fixe hors location de la box y était présenté dans une pastille colorée et dans un grand corps de caractère, et que l'information relative à la nécessité de la location de la box ainsi que le prix total du service incluant cette dernière, figuraient en bas de page en très petits caractères. Contrairement à ce que soutient la société appelante, cette pratique qui met en avant, en gros caractères, le prix de l'abonnement hors location de la box ne fait pas apparaître d'emblée la somme totale toutes taxes comprises devant être effectivement payée par le consommateur et méconnaît ainsi l'article 1er de l'arrêté du 3 décembre 1987. Si la société Bouygues Télécom invoque les dispositions de l'article 3 de cet arrêté, celles-ci ne contiennent aucune prescription contraire à l'indication d'un prix global mais instaurent une garantie supplémentaire au profit des consommateurs en précisant les particularités qui doivent faire l'objet d'une mention explicite. Si la société Bouygues Télécom soutient également que sa pratique était conforme aux avis du CNC qui recommandent une distinction entre forfait et prix du modem, cette circonstance, à la supposer établie, ne saurait faire obstacle à l'application des dispositions impératives de l'article 1er de l'arrêté du 3 décembre 1987 pris en application de l'article L. 112-1 du code de la consommation. Le moyen ne peut qu'être écarté.
15. La société Bouygues Télécom soutient, en second lieu, que la DGCCRF ne pouvait procéder à un cumul des sanctions en multipliant une amende par un nombre de manquements constatés lors d'une même procédure de contrôle et correspondant à une pratique unique. Il résulte toutefois des dispositions précitées au point 7 de l'article L. 131-5 du code de la consommation, que la DGCCRF pouvait légalement prononcer une sanction d'un montant maximum de 15 000 euros pour chacun des 20 manquements relevés à l'encontre de la société appelante et qui concernaient des supports distincts les uns des autres. Par ailleurs, elle ne saurait utilement invoquer un cumul irrégulier des sanctions, dès lors que l'article L. 522-7 du même code dispose que : " Lorsque, à l'occasion d'une même procédure ou de procédures séparées, plusieurs sanctions administratives ont été prononcées à l'encontre du même auteur pour des manquements en concours, ces sanctions s'exécutent cumulativement.". Ce moyen ne peut qu'être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la société Bouygues Télécom n'est pas fondée à demander l'annulation des sanctions prononcées à son encontre.
Sur les conclusions subsidiaires tendant à la réduction du montant des
sanctions :
17. La société Bouygues Télécom soutient que les sanctions prononcées à son encontre ne respectent pas les principes d'individualisation et de proportionnalité des peines dès lors que le choix de retenir la peine maximum pour chaque manquement n'est pas justifié, que la pratique sanctionnée avait été considérée comme légale pendant dix ans, qu'elle a modifié sa pratique dans le délai de six mois prescrit par le courrier de la DGCCRF du
11 août 2017 et que la sanction prononcée à l'encontre de la société Orange est d'un montant identique au sien alors que ses parts de marché sont quatre fois supérieures à celles de Bouygues Telecom et que ses pratiques ont duré treize années. Il résulte toutefois de l'instruction que la société appelante n'a pas modifié sa pratique dans le délai laissé par la DGCCRF pour 20 supports distincts. Par suite, compte tenu de l'importance du volume des ventes de contrats d'accès internet en ligne fixe réalisés durant la période de contrôle, soit
28 270 contrats vendus entre le 2 et le 11 février 2018, et de la nature des manquements relevés, la société Bouygues Télécom n'est pas fondée à soutenir que l'amende de
300 000 euros faisant application du montant maximum de 15 000 euros pour chacun des manquements relevés qui lui a été finalement infligée, présenterait un caractère disproportionné, et ne peut utilement se prévaloir de la sanction infligée à une société concurrente. Il en résulte que les conclusions de la requête tendant à la réduction du montant des sanctions doivent être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, verse à la société Bouygues Télécom la somme qu'elle demande au titre des frais de l'instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Bouygues Télécom est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bouygues Télécom et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 3 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,
- Mme Gaëlle Dégardin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2023.
La rapporteure,
M. JULLIARD
Le président,
I. LUBEN
La greffière,
A. DUCHERLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA01835 2