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13/01/2023 | FRANCE | N°21PA04462

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 13 janvier 2023, 21PA04462


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Commerçants Sainte Catherine a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 février 2020 de la maire de Paris complétant le règlement des étalages et terrasses du 6 mai 2011, pour le secteur de la place du Marché Sainte-Catherine à Paris (4ème arrondissement).

Par un jugement n° 2006413 du 3 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 août 2021, l'association

Commerçants Sainte Catherine, représentée par Me Meilhac, demande à la Cour :

1°) d'annuler le j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Commerçants Sainte Catherine a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 février 2020 de la maire de Paris complétant le règlement des étalages et terrasses du 6 mai 2011, pour le secteur de la place du Marché Sainte-Catherine à Paris (4ème arrondissement).

Par un jugement n° 2006413 du 3 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 août 2021, l'association Commerçants Sainte Catherine, représentée par Me Meilhac, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 3 juin 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la maire de Paris du 18 février 2020 complétant le règlement des étalages et terrasses du 6 mai 2011 pour ce qui concerne le secteur de la place du Marché Sainte-Catherine à Paris ;

3°) de mettre à la charge de la Ville de Paris une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé en tant qu'il écarte le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant les dispositions particulières de l'article premier de l'arrêté attaqué ;

- l'arrêté en litige, qui est une mesure de police dépourvue de caractère réglementaire, est insuffisamment motivé, en méconnaissance de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- il est entaché de vice de procédure, à défaut de concertation, en présence de leur conseil, avec les riverains, en méconnaissance de l'article A6 du règlement des étalages et terrasses de Paris du 6 mai 2011 ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dans ses prescriptions portant sur la limitation de la hauteur des écrans parallèles à 1,30 mètre et la forme des stores bannes ;

- il crée une inégalité de traitement avec les autres établissements parisiens ;

- il porte atteinte au principe de liberté du commerce et de l'industrie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2022, la Ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'association Commerçants Sainte Catherine une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté du maire de Paris du 6 mai 2011 portant règlement des étalages et terrasses applicable, à compter du 1er juin 2011, sur l'ensemble du territoire de la Ville de Paris ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- les observations de Me Meilhac, avocat de l'association Commerçants Sainte Catherine, et de Me Falala, avocat de la Ville de Paris.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 18 février 2020, la maire de Paris a complété le règlement des étalages et terrasses installés sur la voie publique, en date du 6 mai 2011, portant sur l'ensemble du territoire de la Ville de Paris, pour ce qui concerne le secteur de la place du Marché Sainte-Catherine dans le 4ème arrondissement, soit la place du Marché Sainte-Catherine dans sa totalité et la rue Caron dans sa portion comprise entre cette place et la rue de Jarente. L'association Commerçants Sainte Catherine a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler cet arrêté, en particulier en ce qu'il limite la hauteur des écrans parallèles à 1,30 mètre, interdit les jouées latérales des stores bannes et impose que ces stores soient à projection droite et aient une couleur harmonisée collectivement. Par un jugement du 3 juin 2021, dont l'association fait appel, ce tribunal a rejeté sa requête.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient l'association Commerçants Sainte Catherine, le jugement attaqué répond suffisamment au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché l'arrêté contesté, dans son point 6, en décrivant précisément les caractéristiques architecturales de la place et l'intérêt qu'elles représentent en termes esthétique et patrimonial, et en considérant que les dispositions de l'arrêté sur la limitation de la hauteur des écrans parallèles des commerces à 1,30 mètre et l'interdiction des jouées latérales et des stores bannes autres qu'à projection droite " ont pour objet de préserver le caractère architectural remarquable de cette place, en application des prescriptions du plan de sauvegarde et de mise en valeur du Marais ". Le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit donc être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté contesté :

3. En premier lieu, si l'arrêté contesté s'applique au seul secteur de la place du Marché Sainte-Catherine, il présente toutefois, de par son caractère impersonnel et général, un caractère réglementaire. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation, invoqué sur le fondement de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, lequel ne concerne que les décisions individuelles, ne peut qu'être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article A6, relatif aux chartes locales, de l'arrêté du maire de Paris du 6 mai 2011 portant règlement des étalages et terrasses, pris aux termes de son article A1 en application des articles L. 2122-1 à L. 2122-3 du code général de la propriété des personnes publiques, L. 2512-13, L. 2512-14 et L. 2213-6 du code général des collectivités territoriales et L. 113-2 du code de la voirie routière : " Des chartes locales fixent pour des voies, places ou secteurs précisément délimités, des règles particulières adaptées à leur spécificité (caractère historique, quartiers commerciaux, secteurs résidentiels, ...). Elles sont élaborées par les mairies d'arrondissement en concertation avec les représentants des associations, des riverains et des commerçants, ... Elles sont arrêtées par le Maire de Paris. Chaque arrêté municipal intégrant ces dispositions particulières locales est annexé au présent règlement ".

5. L'arrêté en litige introduit dans le règlement des étalages et terrasses du 6 mai 2011, à son titre III portant " dispositions localisées particulières ", après l'article DP 4 relatif à la charte locale de la place du Tertre, un article DP 5 " place du Marché Sainte-Catherine " régissant les occupations pouvant être autorisées sur cette place.

6. Il ressort des pièces du dossier que le maire du 4e arrondissement a organisé une réunion au sujet de l'occupation de la place avec les établissements de la place du Marché Sainte-Catherine, le 18 février 2019, à laquelle quatre de ceux-ci ont participé et au cours de laquelle l'objectif de la mairie d'améliorer et harmoniser l'esthétique des établissements, pour préserver le caractère patrimonial de la place, a été rappelé. Il a été proposé, dans ce cadre, des écrans abaissés à 1,30 mètre pour assurer une plus grande visibilité des façades compte tenu de l'application du plan de sauvegarde et de mise en valeur du Marais dans ce secteur, les responsables d'établissements étant invités à transmettre leurs propositions à ce sujet, avant une réunion prévue avec les riverains pour " réinstaurer le dialogue ". Il ressort des pièces du dossier que l'association Commerçants Sainte Catherine a fait part ainsi de ses réflexions sur ce sujet. Une nouvelle réunion a ensuite été organisée le 12 juillet 2019, avec ces mêmes établissements, à laquelle six d'entre eux ont participé, et au cours de laquelle ils ont pu faire valoir leurs positions, le maire d'arrondissement y ayant présenté un projet de charte locale. Dans les suites de cette réunion, par des courriels des 24 juillet et 15 octobre 2019 puis par une correspondance du 10 décembre 2019, ce projet de charte a été soumis par la mairie aux établissements, qui ont pu faire part de leurs réactions, avec l'assistance des professionnels de leur choix, par échanges de courriers. Si la demande de l'association appelante, formée le 31 octobre précédent, d'être reçue assistée de son conseil et de son architecte en conviant les habitants de la place de façon à pouvoir confronter leurs points de vue, a seulement été suivie par le courrier du maire du 4e arrondissement de Paris du 10 décembre 2019, communiquant le nouveau projet de charte, les dispositions de l'article A6 du règlement des étalages et terrasses du 6 mai 2011 relatif aux chartes locales n'imposent pas que la concertation avec les habitants et acteurs locaux prenne la forme d'un débat entre eux et il ne ressort pas des pièces du dossier que la concertation aurait été insuffisante. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté contesté :

7. En vertu des dispositions des articles L. 2122-1, L. 2122-2 et L. 2122-3 du code général de la propriété des personnes publiques et des dispositions prises pour leur application, ainsi que de l'article R. 2241-1 du code général des collectivités territoriales, le maire peut délivrer des autorisations temporaires d'occupation du domaine public communal, présentant un caractère précaire et révocable, permettant le cas échéant à leur titulaire d'occuper le domaine public en vue d'une exploitation économique. Il appartient au maire de fixer, tant dans l'intérêt du domaine public et de son affectation que dans l'intérêt général, les conditions auxquelles il entend subordonner la délivrance de telles autorisations d'occupation. En particulier, les motifs d'ordre esthétique sont au nombre de ceux qui peuvent justifier l'imposition de sujétions aux titulaires d'une autorisation d'occupation du domaine public.

8. L'article DP. 5.2 inséré par l'arrêté contesté du 18 février 2020 dans le règlement des étalages et terrasses du 6 mai 2011, relatif aux dispositions particulières aux installations du secteur de la place du Marché Sainte-Catherine, dispose que : " Les terrasses fermées, les planchers, les platelages au sol et les contre-étalages sont interdits. / La hauteur des écrans parallèles est fixée à 1,30 mètre ; ceux-ci seront transparents. / La hauteur des écrans perpendiculaires est fixée à 2,50 mètres ; ceux-ci seront transparents. / Les stores bannes seront à projection droite. Les jouées latérales sont interdites. Leur couleur devra être harmonisée collectivement, en accord avec l'ABF ".

9. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la place du Marché Sainte-Catherine, située dans le secteur sauvegardé, devenu site patrimonial remarquable, du Marais, a été construite au XVIIIème siècle sur les plans de l'architecte Caron, selon une composition urbaine précisant l'aspect des devantures en rez-de-chaussée, comportant notamment des encadrements de fenêtres en pierre de taille moulurés qui existent toujours, et que les façades des immeubles de la place présentent un alignement de fenêtres hautes, uniformes, du rez-de-chaussée aux étages, qui crée une harmonie les caractérisant. Les prescriptions de l'arrêté contesté, qui limitent la hauteur des écrans de protection et la rupture créée par les stores, visent à éviter que les baies en pierres de taille des rez-de-chaussée ne soient masquées, dans un but de mise en valeur d'immeubles présentant un intérêt patrimonial et architectural remarquable. Contrairement à ce que soutient l'association appelante, il ressort des photographies produites au dossier par la Ville de Paris que les écrans hauts, insérés dans des structures porteuses, bien que transparents, de même que les jouées latérales des stores, cachent, lorsqu'ils sont installés, la perspective sur la ligne d'ensemble des façades de la place. Les prescriptions adoptées s'inscrivent en cohérence avec celles, similaires, du plan de sauvegarde et de mise en valeur du Marais s'agissant des bannes et stores et avec l'objectif de préservation des transparences visuelles poursuivi par les dispositions de ce plan. La circonstance que les façades et corniches des immeubles seraient en mauvais état est à cet égard sans incidence sur l'objectif de préservation et de valorisation de ce patrimoine, la place constituant un ensemble architectural homogène. Enfin, si l'arrêté contesté est motivé " en outre " par la circonstance que l'harmonisation des installations des terrasses " participe de l'amélioration de la qualité paysagère, la préservation de la qualité de vie du voisinage tout en garantissant l'animation commerciale de la place ", la circonstance que des écrans hauts protégeraient mieux le voisinage des bruits, à la supposée avérée, est sans incidence sur la légalité des prescriptions imposées. Par suite, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que la maire de Paris aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en adoptant les prescriptions critiquées.

10. En deuxième lieu, le principe d'égalité de traitement ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme l'autre cas, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier. En l'espèce, l'arrêté contesté adopte des règles adaptées à la spécificité d'un secteur précisément délimité, permettant la prise en compte de sa configuration urbaine et des typologies de l'architecture, dans ses particularités notamment par rapport à d'autres places également situées dans le périmètre du plan de sauvegarde et de mise en valeur du Marais. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les dispositions adoptées, qui s'imposent à des exploitants placés dans une situation différente, opéreraient une différence de traitement manifestement disproportionnée au regard de cette différence de situation. Par suite, contrairement à ce que soutient l'association requérante, elles ne méconnaissent pas le principe d'égalité.

11. En troisième lieu, le respect de la liberté du commerce et de l'industrie implique, en particulier, que les personnes publiques n'apportent pas aux activités de production, de distribution ou de services exercées par des tiers des restrictions qui ne seraient pas justifiées par l'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi. Comme il a déjà été dit, l'arrêté en litige a été pris dans un objectif de préservation de l'esthétisme et du caractère patrimonial de la place du Marché Sainte-Catherine, lequel est d'intérêt général. La protection patrimoniale visée est de nature à justifier les restrictions imposées dans la dimension ou la forme des écrans de protection et stores de la place, quand bien même celles-ci auraient pour conséquence de limiter l'exploitation des terrasses à certaines périodes de l'année. L'association requérante n'est, par suite, pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige porterait à la liberté du commerce et de l'industrie une atteinte injustifiée au regard de l'objectif d'intérêt général poursuivi.

12. Il résulte de tout ce qui précède que l'association Commerçants Sainte Catherine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Ville de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'association Commerçants Sainte Catherine demande au titre des frais qu'elle a exposés. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de l'association Commerçants Sainte Catherine une somme de 1 500 euros à verser à la Ville de Paris.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association Commerçants Sainte Catherine est rejetée.

Article 2 : L'association Commerçants Sainte Catherine versera à la Ville de Paris une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Commerçants Sainte Catherine et à la Ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Fombeur, présidente de la Cour,

- M. A..., premier vice-président,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2023.

Le président rapporteur,

J. A...La présidente,

P. FOMBEUR

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA04462


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04462
Date de la décision : 13/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. FOMBEUR
Rapporteur ?: M. LAPOUZADE
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : FALALA

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-01-13;21pa04462 ?
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