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10/01/2023 | FRANCE | N°21PA05428

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 10 janvier 2023, 21PA05428


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 mars 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans et l'a signalé aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour.

Par un jugement n° 2107472/5

-1 du 15 juillet 2021 le magistrat désigné par le tribunal administratif de Paris a r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 mars 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans et l'a signalé aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour.

Par un jugement n° 2107472/5-1 du 15 juillet 2021 le magistrat désigné par le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 octobre 2021, M. B..., représenté par Me Ka, demande à la Cour :

1°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de communiquer son entier dossier ;

2°) d'annuler le jugement du 15 juillet 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête ;

3°) d'annuler l'arrêté du 20 mars 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination, et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable, parce qu'introduite dans le délai de recours ;

- le jugement est irrégulier, le tribunal ayant renvoyé l'affaire à une audience ultérieure, sans respecter le délai de six semaines imposé par l'article L. 512-1 I bis du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et alors que l'affaire était en état ; il est également irrégulier du fait que le tribunal n'a pas fait droit à sa demande de communication de son entier dossier par la préfecture, alors que les pièces manquantes ne permettaient pas au premier juge d'exercer son office ;

- l'obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée et présente un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il n'a pas été mis à même de présenter des observations préalables sur la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire ;

- cette dernière décision méconnait les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il n'a pas été mis à même de présenter des observations préalables sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ;

- cette dernière décision est disproportionnée et il n'est pas démontré par le préfet que son comportement constituerait un trouble à l'ordre public.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 septembre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

M. C... a présenté son rapport au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant bangladais, né en 1988, et entré en France le 4 mai 2013, selon ses déclarations, a été interpellé le 19 mars 2021 par les services de police judiciaire. Par un arrêté du 20 mars 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et prononcé une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans. M. B... a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Paris. Par un jugement du 15 juillet 2021, dont M. B... fait appel, le magistrat désigné par le président de ce tribunal a rejeté sa requête.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur: " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, qu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger (...) à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. (...) ". Aux termes de l'article L. 512-1 du même code alors en vigueur : " (...) I bis. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 1°, 2°, 4° ou 6° du I de l'article L. 511-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II du même article L. 511-1 peut, dans un délai de quinze jours à compter de sa notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. (...) / Le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction (...) statue dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. (...) / II. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. / Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus, selon les cas, aux I ou I bis. ".

3. Il ressort des mentions de la décision contestée que le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur le 1° et le 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prononcer une obligation de quitter le territoire à l'encontre de M. B..., le délai prévu par les dispositions précitées de l'article L. 512-1 I bis du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile étaient donc applicables.

4. Si M. B... fait valoir que le premier juge a statué dans un délai excédant celui qui est prévu par ces dispositions, ce délai de six semaines ne revêt toutefois pas de caractère impératif. Par conséquent, le jugement n'est pas entaché d'irrégularité pour ce motif.

5. En second lieu, si M. B... a fait valoir en première instance, en se référant aux dispositions de l'article L. 614-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'avait pas versé au dossier l'intégralité de la procédure pénale, et a demandé qu'il lui soit enjoint de communiquer celle-ci, il visait précisément " les pièces afférentes à la saisine, l'interpellation, le contrôle, la notification des droits et la notification de la fin de la garde à vue ainsi que la suite pénale donnée par le parquet ", relativement à son placement en garde à vue le 20 mars 2021 dans le cadre de son interpellation en flagrance pour soustraction à une précédente mesure d'éloignement. Or les conditions d'interpellation, de retenue ou de garde à vue, dont il appartient au seul juge judiciaire de connaître, sont sans incidence sur la légalité de la décision du préfet obligeant l'intéressé à quitter le territoire français. Dès lors, en ne faisant pas droit à la demande de communication de l'intégralité de son dossier par le préfet, le premier juge, n'a pas méconnu son office.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 511-1, dont elle fait application. Elle mentionne que l'intéressé, qui ne présente pas de passeport, ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français et qu'il n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, et également que sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 31 janvier 2014, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), du 1er septembre 2014, notifiée le 11 septembre 2014, l'intéressé se maintenant irrégulièrement sur le territoire français depuis le 12 septembre 2014. Elle mentionne également, après avoir exposé les principaux éléments des conditions de son séjour en France, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit à sa vie privée et familiale et que ce dernier ne serait pas exposé à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. La décision contestée comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

7. Si M. B... soutient que le préfet n'a pas fait mention, ni porté une appréciation, sur le fait qu'il avait sollicité en vain la délivrance d'un titre de séjour en juillet 2018 et qu'il avait l'intention de déposer une nouvelle demande, comme il l'a indiqué dans le procès-verbal de son audition par les services de police, ces circonstances ne pouvaient avoir d'influence sur l'obligation de quitter le territoire français contestée, dès lors qu'elle a été prise au motif que l'intéressé, d'une part, n'a pu justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, et d'autre part, que la reconnaissance de la qualité de réfugié lui avait été définitivement refusée, et qu'il entrait ainsi dans le champ des dispositions du 1° et 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La circonstance que M. B... a sollicité un titre de travail en qualité de salarié, ne faisait pas plus obstacle à ce que le préfet retienne qu'il exerçait illégalement une activité non déclarée sans être titulaire d'un titre de séjour l'autorisant à travailler. Au demeurant, et contrairement à ce qu'allègue le requérant, cette appréciation du préfet a été portée au titre de l'établissement de sa vie privée et de son intégration en France, et non au titre d'un trouble à l'ordre public. Le moyen tiré d'un défaut d'examen de sa situation personnelle doit donc être également écarté.

8. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. M. B... établit, par les pièces versées au dossier, qu'il réside en France depuis juillet 2013, date à laquelle il a fait sa demande d'asile. Il ne justifie que d'une activité professionnelle discontinue à partir de la fin de l'année 2015 et dans des emplois sans qualification, de livreur principalement, ou de cuisinier. Il est constant qu'il est célibataire sans charge de famille et il n'apporte aucun élément au dossier démontrant l'intensité de relations personnelles qu'il aurait nouées en France, alors qu'il a vécu jusqu'à l'âge de 25 ans dans son pays d'origine. Dans ces conditions, eu égard au caractère récent de sa présence et des conditions de son séjour en France, et quand bien même M. B... fait valoir qu'il a continué d'assurer son métier pendant la crise sanitaire, le préfet de la Seine-Saint-Denis, n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

En ce qui concerne le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

10. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et plus particulièrement du procès-verbal d'audition du 20 mars 2021 par les services de police, que M. B..., qui se maintenait en toute connaissance de cause irrégulièrement en France et qui n'était pas sans ignorer qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement, a été entendu, préalablement à la mesure d'éloignement, assisté d'un interprète et a été invité à faire valoir toutes les informations utiles concernant sa situation personnelle. Il en ressort notamment qu'il a exprimé le souhait de ne pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement parce qu'il comptait déposer une demande de titre de séjour salarié " le mois prochain " et qu'il risquait de perdre son travail. Il n'est pas allégué ni même établi que M. B... disposait d'autres informations tenant à sa situation personnelle qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne fût prise la mesure d'éloignement sans délai de départ qu'il conteste. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été effectivement privé de faire ses observations préalables avant l'adoption de cette décision et que son droit d'être entendu qu'il tient des principes fondamentaux du droit de l'Union européenne aurait été méconnu.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " II. L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...) / h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français (...) ".

12. Au titre du refus d'accorder un délai de départ volontaire à M. B..., la décision contestée du préfet de la Seine-Saint-Denis se fonde sur les circonstances qu'il existe un risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire compte tenu, qu'il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement prise le 20 février 2016 par ce même préfet, qu'il ne présente pas de garanties de représentation, étant dépourvu de document d'identité ou de voyage et n'apportant pas la preuve d'une résidence stable et effective dans son lieu de résidence déclaré, qu'il a déclaré vouloir se maintenir sur le territoire français et enfin qu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour.

13. Si l'appelant fait valoir que, contrairement à ce qu'a retenu le préfet, il dispose d'une résidence effective et permanente et qu'il travaille, et s'il ressort des pièces du dossier que le préfet s'est également fondé sur le motif erroné tiré de ce qu'il n'avait pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour, il ne remet pas en cause le bien-fondé des autres circonstances retenues par ce dernier selon lesquelles, il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 20 février 2016, il n'a pas présenté des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, et a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire, qui justifient, sur le fondement des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le refus du préfet de lui laisser un délai de retour volontaire.

14. En troisième lieu, eu égard au fait que l'appelant s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement, les circonstances, qu'il a fait des démarches en vue de la délivrance d'un titre de séjour en juillet 2018, alors, au demeurant, qu'il n'a pas persisté dans celles-ci au cours des trois années ayant précédé la décision contestée, qu'il a indiqué être en possession d'un document d'identité à son domicile, alors qu'il a donné deux adresses différentes pour celui-ci, et qu'il est employé en contrat à durée indéterminée, ne suffisent pas à considérer que le préfet a commis une erreur d'appréciation, en estimant que ce dernier n'était pas dans une situation particulière permettant d'écarter le risque de fuite et en lui refusant, par suite, de lui accorder un délai de départ volontaire.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

15. En premier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / La durée de l'interdiction de retour (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

16. Compte tenu de ce qui a été exposé au point 10 et alors que M. B... ne développe au soutien du moyen tiré de la méconnaissance de son droit de présenter des observations préalables à la mesure d'interdiction de retour prise à son encontre, aucun argument de droit ou de fait nouveau, il y a lieu d'écarter ce moyen, par adoption du motif retenu par le premier juge.

17. En second lieu, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu légalement prononcer une interdiction de retour à l'encontre de M. B... dès lors qu'aucun délai de départ ne lui a été accordé pour se conformer à l'obligation de quitter le territoire national prise à son encontre et qu'il n'allègue ni n'établit justifier de circonstances humanitaires qui feraient obstacle à cette mesure. Les circonstances dont M. B... se prévaut, tenant à la durée de son séjour en France et à son insertion professionnelle, ne sont pas de nature à démontrer que la durée de deux ans d'interdiction de retour sur le territoire français serait disproportionnée, eu égard au fait que M. B... a déjà fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement qu'il n'a pas exécutée, se maintient en situation irrégulière depuis l'année 2014, et qu'il n'établit pas avoir tissé en France des liens d'une particulière intensité. Si le préfet de la Seine-Saint-Denis n'était pas fondé à retenir que son comportement constituait une menace à l'ordre public, il aurait pris la même décision en se fondant sur les autres motifs qu'il a énoncés tirés de son maintien en situation irrégulière, de l'absence de justification de liens personnels et familiaux en France, et de sa soustraction à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement.

18. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de communiquer l'entier dossier de M. B..., que ce dernier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Gobeill, premier conseiller,

- Mme Guilloteau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2023.

Le président-rapporteur,

J. C... L'assesseur le plus ancien,

J.F. GOBEILL

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA05428


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05428
Date de la décision : 10/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. LAPOUZADE
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : KA

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-01-10;21pa05428 ?
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