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10/01/2023 | FRANCE | N°21PA04622

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 10 janvier 2023, 21PA04622


Vu la procédure suivante :

La Cour, avant dire droit sur la requête de la province des îles Loyauté tendant à l'annulation du jugement n° 2000440 du 17 mai 2021 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et au rejet du déféré du haut-commissaire de la République dirigé contre sa délibération n° 2020-45/API du 30 juin 2020 relative au code de l'environnement de la province des îles Loyauté, a par un arrêt du 17 mars 2022 et après avoir annulé le jugement attaqué, saisi le Conseil d'État, en application de l'article 205 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars

1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, d'une demande d'avis portant sur les...

Vu la procédure suivante :

La Cour, avant dire droit sur la requête de la province des îles Loyauté tendant à l'annulation du jugement n° 2000440 du 17 mai 2021 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie et au rejet du déféré du haut-commissaire de la République dirigé contre sa délibération n° 2020-45/API du 30 juin 2020 relative au code de l'environnement de la province des îles Loyauté, a par un arrêt du 17 mars 2022 et après avoir annulé le jugement attaqué, saisi le Conseil d'État, en application de l'article 205 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, d'une demande d'avis portant sur les questions de droit suivantes :

1° La délibération n° 2020-45/API du 30 juin 2020 relative au code de l'environnement de la province des îles Loyauté, en tant qu'elle crée dans le code de l'environnement de la province des îles Loyauté les articles 232-2 (premier alinéa), 232-3, 232-5, 232-7 et 233-3, (alinéa 2), qui soumettent à déclaration ou autorisation la plupart des activités susceptibles d'être exercées sur le domaine public maritime de la province, méconnait-elle la répartition des compétences entre l'État et les provinces résultant du I (1°) de l'article 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, en vertu duquel, l'État étant compétent en matière de " garantie des libertés publiques ", les règles édictées par les provinces ne peuvent remettre en cause, notamment, les principes généraux du droit, parmi lesquels figure celui de la liberté d'aller et de venir sur le domaine public et celui de la liberté du commerce et de l'industrie '

2° La même délibération, tant en ce qu'elle crée dans le code de l'environnement de la province des îles Loyauté les articles 235-1, 235-2 et 235-5 qu'en tant que son article 2 fixe sans autre précision l'entrée en vigueur des dispositions y annexées au 1er juillet 2021, méconnait-elle la répartition des compétences entre l'État et les provinces qui résulte des articles 21 (I-2° et II-5°), 87 et 157 de la loi organique du 19 mars 1999 susmentionnée, d'une part, en édictant des règles relevant de la procédure pénale, telle que les modalités de constatation des infractions, et du droit pénal, telle que l'édiction d'une obligation de signalement, la création d'une incrimination pour rébellion et d'une peine complémentaire de confiscation, et, d'autre part, en omettant de reporter l'entrée en vigueur des dispositions prévoyant une peine d'emprisonnement à l'intervention, s'il échet, d'une loi d'homologation comme il est prévu à l'article 87 de la loi organique statutaire '

3° Cette délibération, en tant qu'elle crée dans le code de l'environnement de la province des îles Loyauté les articles 232-2 (premier alinéa), 232-3, 232-5, 232-7 et 233-3, (alinéa 2), qui soumettent à déclaration ou autorisation l'accès des navires au domaine public maritime de la province, méconnait-elle la répartition des compétences en matière de domanialité entre la Nouvelle-Calédonie et les provinces telle que déterminée par les articles 22 (31°), 45, 46 et 99 (7° et 10°) de la loi organique du 19 mars 1999 susmentionnée et par l'article 3 de la loi du pays n° 2001-017 du 11 janvier 2002 sur le domaine public maritime de la Nouvelle-Calédonie et des provinces '

4° La même délibération, en tant qu'elle crée, dans le code de l'environnement de la province des îles Loyauté les dispositions des articles 232-7 (alinéa 2), 233-1 (alinéas 2 et 5 : " sur terres coutumières " ; alinéa 6) et 233-3, méconnait-elle la répartition des compétences en matière de statut coutumier entre la Nouvelle-Calédonie et les provinces telle que déterminée par les articles 22 (5°) et 99 (5°) de la loi organique du 19 mars 1999 susmentionnée '

Le Conseil d'État a répondu à cette demande par son avis n° 462438 du 18 juillet 2022.

Les parties n'ont, depuis lors, présenté de nouvelles conclusions non plus que produit de nouvelles observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, ensemble la loi n° 95-1311 du 21 décembre 1995 qui a autorisé sa ratification et le décret n° 96-774 du 30 août 1996 qui a décidé sa publication ;

- la loi n° 88-1028 du 9 novembre du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998 ;

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- le code des transports ;

- l'ordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française ;

- la loi du pays n° 2001-017 du 11 janvier 2001 sur le domaine public maritime de la Nouvelle-Calédonie et des provinces ;

- la loi du pays n° 2009-10 du 28 décembre 2009 relative au transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences de l'État en matière de police et sécurité de la circulation maritime s'effectuant entre tous points de la Nouvelle-Calédonie, et de sauvegarde de la vie humaine en mer dans les eaux territoriales ;

- le code de l'environnement de la province des îles Loyauté ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Doré, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie a déféré au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie la délibération n° 2020-45/API du 30 juin 2020 relative au code de l'environnement de la province des îles Loyauté, ainsi que la décision du 16 octobre 2020 rejetant le recours gracieux qu'il avait formé le 19 août 2020 à l'encontre de cette délibération. Par un jugement du 17 mai 2021, le tribunal administratif a fait droit à sa demande d'annulation pour excès de pouvoir de cette délibération et de cette décision. Par un arrêt du 17 mars 2022, la Cour a, sur appel de la province des îles Loyauté, annulé ce jugement et transmis au Conseil d'État, sur le fondement de l'article 205 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, le dossier du déféré du haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie pour examen des questions de répartition des compétences entre les provinces, la Nouvelle-Calédonie et l'État en matière de garantie des libertés publiques, de droit pénal et de procédure pénale, de desserte maritime, de domanialité et de statut civil coutumier et de terres coutumières.

2. Le point 1.1. du document d'orientation de l'accord de Nouméa stipule que : " (...) le statut coutumier distinguera les biens situés dans les " terres coutumières " (nouveau nom de la réserve), qui seront appropriés et dévolus en cas de succession selon les règles de la coutume et ceux situés en dehors des terres coutumières qui obéiront à des règles de droit commun ". Le point 1.4. du même document prévoit : " L'identité de chaque Kanak se définit d'abord par rapport à une terre./ (...) Les domaines de l'État et du territoire doivent faire l'objet d'un examen dans la perspective d'attribuer ces espaces à d'autres collectivités ou à des propriétaires coutumiers ou privés, en vue de rétablir des droits ou de réaliser des aménagements d'intérêt général. La question de la zone maritime sera également examinée dans le même esprit ".

3. Aux termes du premier alinéa de l'article 18 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie : " Sont régis par la coutume les terres coutumières et les biens qui y sont situés appartenant aux personnes ayant le statut civil coutumier. Les terres coutumières sont constituées des réserves, des terres attribuées aux groupements de droit particulier local et des terres qui ont été ou sont attribuées par les collectivités territoriales ou les établissements publics fonciers, pour répondre aux demandes exprimées au titre du lien à la terre. Elles incluent les immeubles domaniaux cédés aux propriétaires coutumiers ". L'article 20 de la même loi organique dispose que : " Chaque province est compétente dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'État ou à la Nouvelle-Calédonie par la présente loi, ou aux communes par la législation applicable en Nouvelle-Calédonie (...) ". L'article 21 de la même loi organique dispose : " I. - L'État est compétent dans les matières suivantes : / 1° (...) garanties des libertés publiques ; / 2° Justice ; (...) procédure pénale (...) / 6° La desserte maritime (...) entre la Nouvelle-Calédonie et les autres points du territoire de la République ; (...) statut des navires (...) / 12° Exercice, hors des eaux territoriales, des compétences résultant des conventions internationales, sous réserve des dispositions du 10° de l'article 22 relatives aux ressources de la zone économique exclusive (...) / (...) 14° Police et sécurité (...) de la circulation maritime sous réserve du III du présent article (...) / II. - L'État est également compétent dans les matières suivantes (...) : / 5° Droit pénal, sous réserve des dispositions prévues aux articles 86, 87, 88 et au deuxième alinéa de l'article 157 (...) / III. - L'État exerce également jusqu'à leur transfert à la Nouvelle-Calédonie, dans les conditions prévues à l'article 26, les compétences suivantes : / (...) 1° bis Police et sécurité de la circulation maritime s'effectuant entre tous les points de la Nouvelle-Calédonie ; sauvegarde de la vie en mer dans les eaux territoriales (...) ". Selon l'article 22 : " La Nouvelle-Calédonie est compétente dans les matières suivantes : / (...) 5° Statut civil coutumier ; terres coutumières et palabres coutumiers ; limites des aires coutumières ; / (...) 8° Desserte maritime d'intérêt territorial ; / (...) 10° Réglementation et exercice des droits d'exploration, d'exploitation, de gestion et de conservation des ressources naturelles, biologiques et non biologiques de la zone économique exclusive ; (...) / 31° Droit domanial de la Nouvelle-Calédonie et des provinces (...) ". L'article 45 de la même loi organique dispose que : " Le domaine public maritime des provinces comprend, à l'exception des emprises affectées à la date de la publication de la présente loi à l'exercice des compétences de l'État et sous réserve des droits des tiers, la zone dite des cinquante pas géométriques, les rivages de la mer, les terrains gagnés sur la mer, le sol et le sous-sol des eaux intérieures, dont ceux des rades et lagons, telles que définies par les conventions internationales, ainsi que le sol et le sous-sol des eaux territoriales. Les îles qui ne sont pas comprises dans le territoire d'une province ainsi que le sol et sous-sol du plan d'eau du port autonome de la Nouvelle-Calédonie font partie du domaine public de la Nouvelle-Calédonie ". Aux termes de l'article 46 de cette loi organique : " Sous réserve des compétences de l'État mentionnées au 3° du I de l'article 21, les provinces réglementent et exercent les droits d'exploration, d'exploitation, de gestion et de conservation des ressources naturelles biologiques et non biologiques des eaux intérieures, dont celles des rades et lagons, de leur sol et de leur sous-sol, et du sol, du sous-sol et des eaux surjacentes de la mer territoriale. / Les provinces prennent, après avis du conseil coutumier concerné, les dispositions particulières nécessaires pour tenir compte des usages coutumiers ". L'article 86 dispose que : " En matière pénale, le congrès peut assortir les infractions aux lois du pays et à ses règlements de peines d'amendes qui respectent la classification des contraventions et délits et n'excèdent pas le maximum prévu pour les infractions de même nature par les lois et règlements de la République. Il peut assortir ces infractions de peines complémentaires prévues pour les infractions de même nature par les lois et règlements de la République. / Le congrès peut également prévoir des sanctions administratives en toutes matières (...) / Les agents assermentés de la Nouvelle-Calédonie, des provinces et des communes peuvent constater les infractions aux réglementations de la Nouvelle-Calédonie, des provinces et des communes dans les conditions fixées par la loi ". L'article 87 dispose que : " Sous réserve d'une homologation de sa délibération par la loi, le congrès peut assortir les infractions aux lois du pays et aux règlements qu'il édicte de peines d'emprisonnement qui respectent la classification des délits et n'excèdent pas le maximum prévu pour les infractions de même nature par les lois et règlements de la République. / Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi d'homologation, seules les peines d'amende et les peines complémentaires éventuellement prévues par la délibération sont applicables ". L'article 99 dispose : " Les délibérations par lesquelles le congrès adopte des dispositions portant sur les matières définies à l'alinéa suivant sont dénommées : " lois du pays " (...) ". Enfin, selon l'article 157 : " (...) Dans les matières de sa compétence, l'assemblée de province peut prendre les mesures prévues par les articles 86 à 88 ".

4. Dans l'exercice des compétences qui leur sont ainsi dévolues par les dispositions précitées, les provinces sont tenues de respecter, d'une part, la Constitution, et notamment son préambule et son titre XIII, les engagements internationaux de la France et les principes généraux du droit et, d'autre part, les règles édictées par l'État dans l'exercice de ses compétences propres. Les provinces sont également tenues de respecter les règles édictées par la Nouvelle-Calédonie dans l'exercice des compétences qui lui sont limitativement dévolues par la loi organique statutaire et, à ce titre, celles édictées par les lois du pays. Dans l'exercice des compétences qu'elles tiennent des dispositions de la même loi, les provinces peuvent librement instituer des régimes juridiques nouveaux et mettre en œuvre des politiques qui leur sont propres, alors même qu'ils diffèrent de ceux décidés par l'État ou par la Nouvelle-Calédonie, pourvu que, ce faisant, elles respectent les règles et principes rappelés ci-dessus.

5. La préservation de l'environnement n'est pas au nombre des compétences attribuées respectivement à l'État ou à la Nouvelle-Calédonie par les articles 21 et 22 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et aucune disposition de la législation applicable en Nouvelle-Calédonie ne confie cette compétence aux communes. Il s'ensuit que les provinces de Nouvelle-Calédonie sont compétentes pour édicter une réglementation qui tend à la préservation de l'environnement, sous réserve de ne pas porter atteinte à d'autres compétences attribuées à l'État, à la Nouvelle-Calédonie ou aux communes.

6. Saisi par la Cour, dans son arrêt avant dire-droit du 17 mars 2022, de diverses questions afférentes, eu égard au contenu de la délibération litigieuse de l'assemblée de la province des îles Loyauté n° 2020-45/API du 30 juin 2020 relative au code de l'environnement de la province des îles Loyauté, à la délimitation des compétences respectives de l'État, de la Nouvelle-Calédonie et des provinces en matière de garantie des libertés publiques, de droit pénal et de procédure pénale, de domanialité, de circulation maritime et de statut coutumier, le Conseil d'État a dit pour droit ce qui suit :

7. En premier lieu, alors même que l'État est seul compétent en matière de garanties des libertés publiques, en vertu du 1° du I. de l'article 21 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, les provinces de Nouvelle-Calédonie sont compétentes, en vue de la préservation de l'environnement, pour, le cas échéant, adopter une réglementation qui soumette certaines activités susceptibles d'être exercées sur le domaine public maritime, notamment à caractère économique, à un régime de déclaration ou d'autorisation.

8. En deuxième lieu, si l'État est compétent en matière de procédure pénale et en matière pénale, respectivement en vertu du 2° du I. et du 5° du II. de l'article 21 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, il résulte des dispositions des articles 86, 87 et 157 de la même loi organique qu'en matière de protection de l'environnement, les assemblées des provinces peuvent assortir les infractions à leur réglementation, d'une part, de peines d'amendes dès lors qu'elles respectent la classification des contraventions et délits et, d'autre part, sous réserve d'une homologation de leurs délibérations par la loi, de peines d'emprisonnement qui respectent la classification des délits. De surcroît, ces peines ne doivent pas excéder le maximum prévu pour les infractions de même nature par les lois et règlements de la République et s'agissant des peines d'emprisonnement, jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi d'homologation, seules les peines d'amende et les peines complémentaires éventuellement prévues par la délibération sont applicables. Par ailleurs, il est loisible aux provinces de rappeler que, conformément à l'article 86 de la loi organique, les fonctionnaires et agents assermentés des provinces peuvent constater les infractions à cette réglementation dans les conditions fixées par la loi sans préjudice du pouvoir général de constatation des infractions des officiers de police judiciaire et des agents de police judiciaire ou du pouvoir spécial de constatation des infractions douanières par les agents des douanes. Aucune disposition de la loi organique ne fait obstacle à la compétence des provinces pour instituer une obligation de signalement. Enfin, elles sont compétentes pour fixer la date d'entrée en vigueur de dispositions à caractère pénal, la circonstance qu'à la date prévue celles d'entre elles qui prévoient des peines d'emprisonnement n'aient pas été homologuées faisant simplement obstacle à ce qu'elles puissent être appliquées.

9. En troisième lieu, les règles du droit domanial des provinces, sous réserve de la compétence attribuée à l'État en matière de défense nationale, relèvent de la compétence de la Nouvelle-Calédonie et ressortissent des lois du pays délibérées par le congrès, en application du 31° de l'article 22 et du 7° de l'article 99 de la loi organique. Sur ce fondement a été adoptée la loi du pays n° 2001-017 du 11 janvier 2002 sur le domaine public maritime de la Nouvelle-Calédonie et des provinces. Par ailleurs, en application du 1er bis du III. de l'article 21 et des articles 26 et 99 de la loi organique, la police et la sécurité de la circulation maritime s'effectuant entre tous points de la Nouvelle-Calédonie ainsi que la sauvegarde de la vie humaine en mer dans les eaux territoriales ont été transférées à la Nouvelle-Calédonie par la loi du pays n° 2009-10 du 28 décembre 2009. Son article 2 prévoit que, dans le respect de la répartition des compétences entre l'État, la Nouvelle-Calédonie et les provinces, la Nouvelle-Calédonie est notamment compétente pour réglementer la circulation maritime, entendue comme la navigation maritime, et assurer la police administrative spéciale destinée à assurer le respect de cette réglementation, définir les droits et les obligations des navires pilotés et fixer les règles relatives aux manifestations nautiques. Toutefois, dès lors que la détermination de l'autorité compétente pour édicter une réglementation dans un domaine dépend de la nature de la finalité qui lui est assignée, ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une province édicte, à des fins de préservation de l'environnement, ou sur le fondement des compétences qu'elle tire des articles 45 et 46 de la loi organique en matière de conservation des ressources naturelles des eaux intérieures et des eaux surjacentes de la mer territoriale, une réglementation complémentaire soumettant à un régime de déclaration ou d'autorisation, selon qu'ils sont affectés à une activité de plaisance, de pêche ou de commerce, assorti de sanctions, l'accès des navires à son domaine public maritime, sous réserve que cette réglementation soit compatible avec les dispositions de la loi du pays n° 2001-017 du 11 janvier 2002 et de la loi du pays n° 2009-10 du 28 décembre 2009. N'y font pas davantage obstacle les dispositions du 10° de l'article 99 de la loi organique, qui fixent le principe selon lequel une loi du pays doit fixer les principes fondamentaux concernant le régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales.

10. En quatrième et dernier lieu, si la Nouvelle-Calédonie est compétente en matière de statut civil coutumier, de terres coutumières et palabres coutumiers ainsi que de limites des aires coutumières, en vertu du 5° de l'article 22 de la loi organique, en matière de détermination des principes directeurs du droit de l'urbanisme, sur le fondement du 21° de l'article 22 de la loi organique, ainsi qu'en matière de droit civil, compétence transférée par l'Etat à la Nouvelle-Calédonie, en application des articles 26 et 99 de la loi organique, par la loi du pays n° 2012-2 du 20 janvier 2012, ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une province, en vue de préserver l'environnement dans le respect des usages coutumiers de jouissance, institue des servitudes écologiques et coutumières ayant pour objet de réglementer l'accès à la nature dans des zones situées sur le domaine public maritime ou sur des terres coutumières mises à la disposition de la province.

Sur la compétence en matière de garantie des libertés publiques :

11. Dès lors que, comme il a été dit au point 5, les provinces de Nouvelle-Calédonie sont compétentes, en vue de la préservation de l'environnement, pour, le cas échéant, adopter une réglementation qui soumette certaines activités susceptibles d'être exercées sur le domaine public maritime, notamment à caractère économique, à un régime de déclaration ou d'autorisation, le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie n'est pas fondé à soutenir que la délibération litigieuse, dont les articles 232-2, 232-3, 232-5, 232-7 et 233-4 du code de l'environnement de la province des îles Loyauté issu de la délibération litigieuse instaurent un régime de déclaration ou d'autorisation pour l'exercice, sur le domaine public maritime de la province, à l'exception des zones de servitude écologique ou coutumière, des activités touristiques ou récréatives ou l'accès des navires à son domaine public maritime, aurait été incompétemment prise.

Sur la compétence en matière de droit pénal et de procédure pénale :

12. En premier lieu, les deux premiers alinéas de l'article 235-1 du code de l'environnement de la province des îles Loyauté, issu de la délibération litigieuse, se bornent à rappeler, ainsi qu'il a été dit au point 6, que, conformément à l'article 86 de la loi organique, les fonctionnaires et agents assermentés des provinces peuvent constater les infractions à cette réglementation dans les conditions fixées par la loi sans préjudice du pouvoir général de constatation des infractions des officiers de police judiciaire et des agents de police judiciaire ou du pouvoir spécial de constatation des infractions douanières par les agents des douanes. Dès lors qu'elles n'emportent pas nouvelle habilitation à cette fin pour des fonctionnaires et agents assermentés des provinces, ce que seule la loi peut décider, ces dispositions du code de l'environnement de la province des îles Loyauté sont en tout état de cause dépourvues de toute portée normative et n'ont pas été incompétemment prises.

13. En deuxième lieu, le dernier alinéa de l'article 235-1 du code de l'environnement de la province des îles Loyauté, issu de la délibération litigieuse, prévoit l'infliction d'une peine de six mois d'emprisonnement pour le fait de mettre les agents susmentionnés dans l'impossibilité d'accomplir leurs fonctions, sans préjudice des peines prévues par les articles 433-6 et suivants du code pénal relatifs à la rébellion. Conformément aux articles 87 et 157 de la loi organique statutaire, ces dispositions ne pourront entrer en vigueur qu'après leur homologation par la loi. Dès lors, et comme il a été dit au point 8, elles ne sont pas prises en méconnaissance des dispositions de la loi organique statutaire relatives à la compétence de l'État en matière de droit pénal.

14. En troisième lieu, aucune disposition de la loi organique ne fait obstacle à la compétence des provinces pour instituer une obligation de signalement auprès des autorités compétentes du non-respect des dispositions de la délibération, l'article 235-2 du code de l'environnement de la province des îles Loyauté, issu de la délibération litigieuse, ne prévoyant d'ailleurs aucune sanction en cas de non-respect de cette obligation.

15. En quatrième et dernier lieu, l'article 235-5 du code de l'environnement de la province des îles Loyauté, issu de la délibération litigieuse institue, à l'encontre des personnes physiques ou morales reconnues coupables de certaines infractions qu'il prévoit, une peine complémentaire de confiscation de la chose qui a servi ou qui était destinée à commettre l'infraction de la chose qui en est le produit.

16. D'une part, eu égard aux termes mêmes de la délibération litigieuse, les dispositions critiquées doivent être regardées comme instituant, non pas une sanction administrative comme le soutient à tort la province des îles Loyauté, mais comme relevant des " peines complémentaires prévues pour les infractions de même nature par les lois et règlements de la République " prévues à l'article 86 de la loi organique du 19 mars 1999.

17. D'autre part, dans le cadre du contrôle de la légalité des actes pris sur le fondement de l'article 86 de la loi organique statutaire, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de rechercher, le cas échéant d'office lorsque la collectivité défenderesse échoue à l'établir à l'instance, qu'existent effectivement dans les textes législatifs et réglementaires en vigueur relevant de la compétence des autorités de l'État, des sanctions punissant des infractions de même nature. En l'espèce, la sanction prévue par les dispositions critiquées ne saurait, contrairement à ce qu'il est soutenu dans le rapport de présentation de la délibération litigieuse, trouver son fondement dans les dispositions relatives aux contraventions de grande voirie prévues par la loi du pays n° 2001-017 du 11 janvier 2001 sur le domaine public maritime de la Nouvelle-Calédonie et des provinces, laquelle, adoptée par le congrès de la Nouvelle-Calédonie, ne peut être rangée parmi les " lois et règlements de la République " au sens des dispositions de l'article 86 de la loi organique statutaire. En revanche, aux termes de l'article L. 173-7 du code de l'environnement : " Les personnes physiques coupables des infractions prévues par le présent code encourent également, à titre de peine complémentaire : / (...) / 2° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction, ou de la chose qui en est le produit direct ou indirect, dans les conditions prévues à l'article 131-21 du code pénal ; /(...). ". Ces dernières dispositions doivent être regardées comme répondant, en l'espèce, aux conditions posées par l'article 86 de la loi organique statutaire et comme fondant ainsi légalement la peine complémentaire de confiscation instituée par les dispositions critiquées.

18. Enfin, doit être écarté le moyen du haut-commissaire de la République selon lequel l'absence de possibilité de revendiquer les objets saisis sur le fondement des dispositions critiquées porte une atteinte disproportionnée au droit de propriété, dès lors que, s'agissant d'une sanction pénale complémentaire, sont pleinement applicables en l'occurrence les garanties prévues par le droit pénal général et la procédure pénale.

Sur la compétence en matière de circulation maritime :

19. Dès lors que, comme il a été dit au point 7, une province peut édicter, à des fins de préservation de l'environnement, ou sur le fondement des compétences qu'elle tire des articles 45 et 46 de la loi organique en matière de conservation des ressources naturelles des eaux intérieures et des eaux surjacentes de la mer territoriale, une réglementation complémentaire soumettant à un régime de déclaration ou d'autorisation, selon qu'ils sont affectés à une activité de plaisance, de pêche ou de commerce, assorti de sanctions, l'accès des navires à son domaine public maritime, sous réserve que cette réglementation soit compatible avec les dispositions afférentes des lois du pays, les dispositions des articles L. 232-3 à L. 232-5 et 232-7 du code de l'environnement de la province des îles Loyauté issus de la délibération litigieuse, en tant qu'ils prévoient un régime de déclaration ou d'autorisation de la circulation des navires sur le domaine public maritime provincial, n'ont pas été incompétemment prises.

Sur la compétence en matière de domanialité :

20. Dès lors que, comme il a été dit aux points 5 et 7, les provinces de Nouvelle-Calédonie sont compétentes, en vue de la préservation de l'environnement, pour, le cas échéant, adopter une réglementation qui soumette certaines activités susceptibles d'être exercées sur le domaine public maritime, notamment à caractère économique, à un régime de déclaration ou d'autorisation, les dispositions des articles L. 232-2 à L. 232-5 et 232-7 du code de l'environnement de la province des îles Loyauté, issues de la délibération litigieuses, n'ont pas été incompétemment prises.

Sur la compétence en matière de statut civil coutumier et de terres coutumières :

21. Dès lors que, comme il a été dit au point 10, les provinces de Nouvelle-Calédonie peuvent, en vue de préserver l'environnement dans le respect des usages coutumiers de jouissance, instituer des servitudes écologiques et coutumières ayant pour objet de réglementer l'accès à la nature dans des zones situées sur le domaine public maritime ou sur des terres coutumières mises à la disposition de la province, les dispositions des articles 232-7 (alinéa 2), 233-1 (deuxième et cinquième alinéas : " sur terres coutumières " ; sixième alinéa) et 233-3 du code de l'environnement de la province des îles Loyauté, issues de la délibération litigieuses, n'ont pas été incompétemment prises.

Sur le respect de la liberté d'aller et de venir, de la liberté d'entreprendre et de la liberté du commerce et de l'industrie :

22. En premier lieu, les atteintes à la liberté d'aller et de venir, notamment sur le domaine public, à la liberté d'entreprendre et à la liberté du commerce et de l'industrie, constitutionnellement garanties, doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi, en tenant compte de l'orientation à valeur constitutionnelle fixée par les points 1.1. et 1.4. du document d'orientation de l'accord de Nouméa, cités ci-dessus au point 2 du présent arrêt.

23. En l'espèce, le régime d'autorisation ou de déclaration préalable applicable aux activités sur le domaine public maritime de la province des îles Loyauté institué par la délibération litigieuse en dehors des servitudes écologiques et coutumières vise à assurer la préservation de l'environnement et le respect des usages coutumiers, en tenant compte de la situation particulière et des caractéristiques géographiques, démographiques et culturelles propres des îles qui la composent. Eu égard à l'instauration d'un système de servitudes écologiques et coutumières destiné à concilier tant, selon les termes de l'article 232-7 du code de l'environnement de la province des îles Loyauté, " l'accès de tous à la nature " que les pratiques culturelles qui lui sont associées, le régime ainsi créé opère une conciliation qui n'est pas manifestement disproportionnée entre ces différents objectifs et ne méconnait ainsi pas les dispositions constitutionnelles garantissant les libertés susmentionnées. Le moyen doit donc être écarté.

24. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la loi du pays n° 2001-017 du 11 janvier 2001 sur le domaine public maritime de la Nouvelle-Calédonie et des provinces : " L'accès des piétons aux rivages et aux plages est libre sauf si des motifs justifiés par des raisons de sécurité, de défense nationale, de protection de l'environnement ou de respect des usages coutumiers de jouissance reconnus nécessitent des dispositions particulières. / L'usage libre et gratuit par le public constitue la destination fondamentale des rivages et plages au même titre que leur affectation aux activités de pêche et de cultures marines. ". Aux termes de l'article 27 de la même loi du pays : " Nul ne peut, sans autorisation, occuper une dépendance du domaine public maritime ou l'utiliser dans les limites excédant le droit d'usage qui appartient à tous. ". Les dispositions de la délibération litigieuse présentent un caractère seulement complémentaire des dispositions législatives précitées, qu'elles ne méconnaissent pas. Le moyen tiré de leur violation doit donc être écarté.

Sur la méconnaissance des articles 173 et 174 de loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie :

25. Aux termes du premier alinéa de l'article 173 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie : " Le président de l'assemblée de province est l'exécutif de la province et, à ce titre, représente celle-ci. Il prépare et exécute les délibérations de l'assemblée. Il est l'ordonnateur des dépenses et prescrit l'exécution des recettes. Il gère le domaine de la province et exerce les pouvoirs de police sur ce domaine, sans préjudice des compétences détenues par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et sous réserve des pouvoirs de police du maire à l'intérieur des agglomérations. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 173 de la même loi organique : " Le président de l'assemblée de province est le chef de l'administration provinciale. Il nomme aux emplois créés par l'assemblée de province. ".

26. En premier lieu, si l'article 232-6 du code de l'environnement de la province des îles Loyauté, tel qu'issu de la délibération litigieuse, prévoit que les lieux de mouillage et d'amarrage mis à disposition des plaisanciers, qui sont déterminées par le président de l'assemblée de province, " sont validés par la commission nautique de la direction des affaires maritimes ", ces dispositions doivent s'entendre, non pas comme accordant à une commission placée au sein des services de l'administration le pouvoir de " valider " une décision du président de l'assemblée de province, mais seulement comme accordant à ladite commission un simple pouvoir de proposition dans la détermination des lieux en cause, qui est arrêtée par le président de l'assemblée de province. Dès lors, l'article 232-6 du code de l'environnement de la province des îles Loyauté ne porte pas une atteinte illégale aux prérogatives du président de l'assemblée de province telles qu'elles sont fixées par les dispositions de la loi organique statutaire rappelées au point 25.

27. En second lieu, l'article 235-4 du code de l'environnement de la province des îles Loyauté, tel qu'issu de la délibération litigieuse, prévoit que " la décision de suspension d'une autorisation d'accès et/ou de l'activité mentionne les conditions de levée de la décision de suspension. Elle est levée par décision du président de l'assemblée de province, après avis conforme des autorités coutumières concernés (...) ". Si aucune disposition de la loi organique statutaire n'interdit qu'une délibération d'une assemblée de province impose la consultation des autorités coutumières concernées avant la prise d'une décision individuelle par son président, les dispositions de ladite loi organique citées au point 25 ne l'autorisent cependant pas à subordonner à l'avis conforme de ces mêmes autorités l'exercice, par le président de l'assemblée de province, de son pouvoir d'exécution des délibérations de l'assemblée et de gestionnaire du domaine public provincial. Par suite, doit être annulé, dans l'article 235-4 du code de l'environnement de la province des îles Loyauté, le mot " conforme ".

Sur la méconnaissance de la convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 :

28. Le haut-commissaire de la République soutient que la délibération litigieuse, en instituant un régime d'autorisation préalable de la circulation des navires dans le domaine public maritime de la province des îles Loyauté, méconnait les stipulations de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer relatives au droit de passage inoffensif des navires étrangers.

29. L'article 232-3 du code de l'environnement de la province des îles Loyauté, tel qu'il résulte de la délibération litigieuse, prévoit que : " tout accès de navires au domaine public maritime provincial est soumis à déclaration ou à autorisation " et que les navires doivent communiquer à chaque mouvement leur itinéraire et leur manifeste aux autorités portuaires. L'article 232-5 du même code prévoit que tous les navires autres que les navires de transport régulier de personnes et de marchandises entre la grande terre et les îles et entre les îles et les bateaux de croisières sont soumis à autorisation, la demande d'autorisation devant être déposée par voie électronique, accompagnée de la production " de la carte de la navigation, de la déclaration de l'état du navire, des marchandises transportées " et de la précision " du nombre de personnes à bord ", et l'autorisation étant délivrée dans le délai d'un mois.

30. Aux termes des stipulations de l'article 17, lesquelles sont d'effet direct, de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, qui a été ratifiée en vertu de la loi n° 95-1311 du 21 décembre 1995 et publiée au Journal officiel de la République française par le décret n° 96-774 du 30 août 1996 et qui ne comporte aucune restriction quant à son application en Nouvelle-Calédonie : " Droit de passage inoffensif. Sous réserve de la Convention, les navires de tous les États, côtiers ou sans littoral, jouissent du droit de passage inoffensif dans la mer territoriale. ". Aux termes de l'article 24 de ladite convention : " Obligations de l'État côtier. / - 1. L'État côtier ne doit pas entraver le passage inoffensif des navires étrangers dans la mer territoriale, en dehors des cas prévus par la Convention. En particulier, lorsqu'il applique la Convention ou toute loi ou tout règlement adopté conformément à la Convention, l'État côtier ne doit pas : / a) imposer aux navires étrangers des obligations ayant pour effet d'empêcher ou de restreindre l'exercice du droit de passage inoffensif de ces navires ; [...] ". Ces stipulations garantissent ainsi un droit de passage inoffensif aux navires étrangers, et non pas seulement une tolérance, sans préjudice des mesures, prévues par le 1 l'article 21 de la convention, susceptibles d'être mise en œuvre par l'État côtier dans les domaines suivants : " a) sécurité de la navigation et régulation du trafic maritime ; / (...) / d) conservation des ressources biologiques de la mer ; / e) prévention des infractions aux lois et règlements de l'État côtier relatifs à la pêche ; / f) préservation de l'environnement de l'État côtier et prévention, réduction et maîtrise de sa pollution. ". L'article 8 de l'ordonnance n° 2016-1687 du 8 décembre 2016 relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française, applicable en Nouvelle-Calédonie en vertu du I de l'article 55 de la même loi, dispose en outre que : " Le droit de passage inoffensif dans la mer territoriale est régi par les articles L. 5211-1 à L. 5211-5 du code des transports. ".

31. Le régime d'autorisation préalable de la circulation des navires dans le domaine public maritime de la province des îles Loyauté institué par la délibération litigieuse doit, eu égard aux contraintes administratives qu'il fait peser sur les navires étrangers, être regardé comme ayant pour conséquence d'entraver le passage inoffensif des navires étrangers dans la mer territoriale et de leur imposer des obligations ayant pour effet d'empêcher ou de restreindre l'exercice de ce droit de passage inoffensif au sens et pour l'application des stipulations, citées au point 30, de l'article 24 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.

32. Le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie est donc fondé à soutenir que les dispositions des articles 232-3 et 232-5 du code de l'environnement de la province des îles Loyauté, résultant de l'annexe à la délibération n° 2020-45/API du 30 juin 2020 de l'assemblée de la province des îles Loyauté auquel renvoie l'article 1er de cette dernière, sont illégales en tant qu'elles s'appliquent aux navires étrangers et doivent, dans cette limite, être annulées.

33. Il résulte de tout ce qui précède que le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie est seulement fondé à soutenir que doivent être annulés, dans le code de l'environnement de la province des îles Loyauté, résultant de l'annexe à la délibération n° 2020-45/API du 30 juin 2020 de l'assemblée de la province des îles Loyauté auquel renvoie l'article 1er de cette dernière, les articles 232-3 et 232-5 en tant qu'il s'appliquent aux navires étrangers et, dans l'article 235-4, le mot : " conforme ".

Sur les frais du litige :

34. Dès lors que la Cour, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie qui prononçait l'annulation de l'entièreté de la délibération litigieuse, n'annule elle-même, par le présent arrêt, que deux dispositions de cette dernière, la province des îles Loyauté ne peut être regardée, pour l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, comme la partie qui succombe au principal. Dans les circonstances de l'espèce, il y a donc lieu de mettre à la charge de l'Etat (ministre de l'intérieur et des Outre-mer), le versement d'une somme de 1 200 euros à la province des îles Loyauté.

DÉCIDE :

Article 1er : Dans le code de l'environnement de la province des îles Loyauté, résultant de l'annexe à la délibération n° 2020-45/API du 30 juin 2020 de l'assemblée de la province des îles Loyauté auquel renvoie l'article 1er de cette dernière :

1° les articles 232-3 et 232-5 sont annulés en tant qu'ils s'appliquent aux navires étrangers ;

2° dans l'article 235-4, le mot : " conforme " est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions du déféré du haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie est rejeté.

Article 3 : L'Etat (ministre de l'intérieur et des Outre-mer) versera à la province des îles Loyauté une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la province des îles Loyauté et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur et des Outre-mer, chargé des Outre-mer et au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie qui en assurera la publication au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie dans les conditions prévues à l'article R. 751-13 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 janvier 2023.

Le rapporteur,

S. A...Le président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA04622


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA04622
Date de la décision : 10/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'ACTES - ACCORDS INTERNATIONAUX - APPLICATION PAR LE JUGE FRANÇAIS - ARTICLES 17 ET 24 DE LA CONVENTION DES NATIONS-UNIES SUR LE DROIT DE LA MER SIGNÉE LE 10 DÉCEMBRE 1982 À MONTEGO BAY - 1) EFFET DIRECT - EXISTENCE - 2) VIOLATION PAR LES DISPOSITIONS DU CODE DE L'ENVIRONNEMENT DE LA PROVINCE DES ÎLES LOYAUTÉ INSTAURANT UN RÉGIME D'AUTORISATION PRÉALABLE DE LA CIRCULATION DES NAVIRES DANS LE DOMAINE PUBLIC MARITIME DE LA PROVINCE - EXISTENCE.

01-01-02-02 1) Sont d'effet direct les stipulations de l'article 17 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, ratifiée en vertu de la loi n° 95-1311 du 21 décembre 1995 et publiée au Journal officiel de la République française par le décret n° 96-774 du 30 août 1996 : « Droit de passage inoffensif. Sous réserve de la Convention, les navires de tous les États, côtiers ou sans littoral, jouissent du droit de passage inoffensif dans la mer territoriale. » et de son article 24 : « Obligations de l'État côtier. / - 1. L'État côtier ne doit pas entraver le passage inoffensif des navires étrangers dans la mer territoriale, en dehors des cas prévus par la Convention. En particulier, lorsqu'il applique la Convention ou toute loi ou tout règlement adopté conformément à la Convention, l'État côtier ne doit pas : / a) imposer aux navires étrangers des obligations ayant pour effet d'empêcher ou de restreindre l'exercice du droit de passage inoffensif de ces navires ; […] »....2) Le régime d'autorisation préalable de la circulation des navires dans le domaine public maritime de la province des îles Loyauté de Nouvelle-Calédonie institué par la délibération du 30 juin 2020 relative au code de l'environnement des îles Loyauté a, eu égard aux contraintes administratives qu'il fait peser sur les navires étrangers (dépôt d'une demande d'autorisation accompagnée de la production de la carte de navigation, de la déclaration de l'état du navire, des marchandises transportées et de la précision du nombre de personnes à bord, communication à chaque mouvement de l'itinéraire et du manifeste aux autorités portuaires), pour effet d'entraver le passage inoffensif de ces navires dans la mer territoriale en leur imposant des obligations qui empêchent ou restreignent l'exercice de ce droit. Il méconnaît ainsi les stipulations de l'article 24 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer.

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - VIOLATION DIRECTE DE LA RÈGLE DE DROIT - TRAITÉS ET DROIT DÉRIVÉ - ARTICLES 17 ET 24 DE LA CONVENTION DES NATIONS-UNIES SUR LE DROIT DE LA MER SIGNÉE LE 10 DÉCEMBRE 1982 À MONTEGO BAY - 1) EFFET DIRECT - EXISTENCE - 2) VIOLATION PAR LES DISPOSITIONS DU CODE DE L'ENVIRONNEMENT DE LA PROVINCE DES ÎLES LOYAUTÉ INSTAURANT UN RÉGIME D'AUTORISATION PRÉALABLE DE LA CIRCULATION DES NAVIRES DANS LE DOMAINE PUBLIC MARITIME DE LA PROVINCE - EXISTENCE.

01-04-01 1) Sont d'effet direct les stipulations de l'article 17 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, ratifiée en vertu de la loi n° 95-1311 du 21 décembre 1995 et publiée au Journal officiel de la République française par le décret n° 96-774 du 30 août 1996 : « Droit de passage inoffensif. Sous réserve de la Convention, les navires de tous les États, côtiers ou sans littoral, jouissent du droit de passage inoffensif dans la mer territoriale. » et de son article 24 : « Obligations de l'État côtier. / - 1. L'État côtier ne doit pas entraver le passage inoffensif des navires étrangers dans la mer territoriale, en dehors des cas prévus par la Convention. En particulier, lorsqu'il applique la Convention ou toute loi ou tout règlement adopté conformément à la Convention, l'État côtier ne doit pas : / a) imposer aux navires étrangers des obligations ayant pour effet d'empêcher ou de restreindre l'exercice du droit de passage inoffensif de ces navires ; […] »....2) Le régime d'autorisation préalable de la circulation des navires dans le domaine public maritime de la province des îles Loyauté de Nouvelle-Calédonie institué par la délibération du 30 juin 2020 relative au code de l'environnement des îles Loyauté a, eu égard aux contraintes administratives qu'il fait peser sur les navires étrangers (dépôt d'une demande d'autorisation accompagnée de la production de la carte de navigation, de la déclaration de l'état du navire, des marchandises transportées et de la précision du nombre de personnes à bord, communication à chaque mouvement de l'itinéraire et du manifeste aux autorités portuaires), pour effet d'entraver le passage inoffensif de ces navires dans la mer territoriale en leur imposant des obligations qui empêchent ou restreignent l'exercice de ce droit. Il méconnaît ainsi les stipulations de l'article 24 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer.

- ARTICLES 17 ET 24 DE LA CONVENTION DES NATIONS-UNIES SUR LE DROIT DE LA MER SIGNÉE LE 10 DÉCEMBRE 1982 À MONTEGO BAY - 1) EFFET DIRECT - EXISTENCE - 2) VIOLATION PAR LES DISPOSITIONS DU CODE DE L'ENVIRONNEMENT DE LA PROVINCE DES ÎLES LOYAUTÉ INSTAURANT UN RÉGIME D'AUTORISATION PRÉALABLE DE LA CIRCULATION DES NAVIRES DANS LE DOMAINE PUBLIC MARITIME DE LA PROVINCE - EXISTENCE.

395-02-01 1) Sont d'effet direct les stipulations de l'article 17 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, ratifiée en vertu de la loi n° 95-1311 du 21 décembre 1995 et publiée au Journal officiel de la République française par le décret n° 96-774 du 30 août 1996 : « Droit de passage inoffensif. Sous réserve de la Convention, les navires de tous les États, côtiers ou sans littoral, jouissent du droit de passage inoffensif dans la mer territoriale. » et de son article 24 : « Obligations de l'État côtier. / - 1. L'État côtier ne doit pas entraver le passage inoffensif des navires étrangers dans la mer territoriale, en dehors des cas prévus par la Convention. En particulier, lorsqu'il applique la Convention ou toute loi ou tout règlement adopté conformément à la Convention, l'État côtier ne doit pas : / a) imposer aux navires étrangers des obligations ayant pour effet d'empêcher ou de restreindre l'exercice du droit de passage inoffensif de ces navires ; […] ». ...2) Le régime d'autorisation préalable de la circulation des navires dans le domaine public maritime de la province des îles Loyauté de Nouvelle-Calédonie institué par la délibération du 30 juin 2020 relative au code de l'environnement des îles Loyauté a, eu égard aux contraintes administratives qu'il fait peser sur les navires étrangers (dépôt d'une demande d'autorisation accompagnée de la production de la carte de navigation, de la déclaration de l'état du navire, des marchandises transportées et de la précision du nombre de personnes à bord, communication à chaque mouvement de l'itinéraire et du manifeste aux autorités portuaires), pour effet d'entraver le passage inoffensif de ces navires dans la mer territoriale en leur imposant des obligations qui empêchent ou restreignent l'exercice de ce droit. Il méconnaît ainsi les stipulations de l'article 24 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : SELARL JEAN-JACQUES DESWARTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-01-10;21pa04622 ?
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